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RESPONSABILITÉ
&
ENVIRONNEMENT

N° 6

EDITORIAL

Les savants décidément sont gens mal élevés. Ils ne savent pas réfréner leur poursuite de la connaissance et ce faisant laisser quelque temps les politiques au repos. Car leur quête d'une meilleure maîtrise du vivant les a d'ores et déjà conduits au coeur des interrogations métaphysiques qui étaient jusqu'à présent le privilège des religions. Et celles-ci, débordées, ont beaucoup de mal à réagir autrement que par des interdits ou le retour pur et dur à des conceptions d'un autre âge. Le clonage réussi de mammifères supérieurs, mouton et singe, est un énorme pavé dans la mare d'autant que le savant qui a créé Dolly, sympathique brebis écossaise, avoue que "ce qui l'a le plus surpris c'est la facilité de la manipulation, à la portée de n'importe quel laboratoire de biologie normalement équipé".

Dès lors, il ne faut pas faire preuve de beaucoup d'audace pour penser que le clonage des êtres humains est possible. Or, la confiance en la science et ses bienfaits a été détruite par des affaires comme le sang contaminé et la vache folle, mais aussi par son impuissance devant le SIDA comme devant d'autres maladies virales. On ne voit plus dans ses succès que les risques qu'ils font naître. Comme le montre le dossier que nous ouvrons aujourd'hui, les biotechnologies présentent d'extraordinaires possibilités. Mais elles sont suspectes et leurs produits sont mis à l'index, comme récemment en France le maïs transgénique.

Avec le clonage d'êtres humains, la science fiction devient possible réalité où pourront être fabriqués en série des êtres sélectionnés. Les chefs de gouvernement se retournent vers les savants, les juristes et les philosophes pour chercher des bases à un contrôle qui paraît plus que jamais indispensable. Avec les lois de bioéthique de 1994, notre pays fait figure de pionnier.

Nous ne pouvons échapper au progrès des connaissances sans renier notre nature même. Nous ne pouvons pas davantage, principe de précaution ou non, échapper aux risques qu'il entraîne. Essayons de le maîtriser le mieux possible, essayons aussi d'en tirer profit pour faire progresser l'humanité.

"Voici la difficulté", comme soupire Hamlet, car il nous faut définir ce qu'est le progrès. L'éthique et le droit s'efforcent d'y apporter des réponses universelles, de définir ce qu'est la notion d'humanité et la dignité de l'homme. Mais peut-on échapper à la question des fins dernières de l'humanité, domaine où les religions sont, qu'on le veuille ou non, incontournables ?

Michel TURPIN
Président du Comité d'Orientation

SOMMAIRE DU NUMÉRO 6

Opinion

Stratégie nationale du développement durable
par Yves Martin
Biotechnologies, de quoi s'agit-il?
par François Moutou et Pascal Boireau
Pendant des millénaires, les hommes (agronomes et biologistes avant la lettre) ont agit sur les espèces qui leur semblait utiles. La domestication des animaux d'élevage et des plantes cultivées comme l'élimination des espèces jugées dangereuses ou simplement surexploitées sont de l'histoire ancienne. Les conséquences en sont déjà très importantes. La sélection des variétée et des races reposait alors sur des croisements orientés vers certains carractères. Aujourd'hui, le développement des nouveaux outils des biotechnologies permet d'agir directement sur les gènes responsables de ces carractères. Ce nouveau pouvoir pose de nouvelles questions, mais il convient de ne pas tout confondre. Malheureusement, l'action de l'homme, depuis le néolithique, provoque la diminution de la biodiversité.

INFORMATIONS-ACTUALITÉS

L'incendie du tunnel sous la Manche
par Jean-Claude Deranlot
Rapport d'enquête du Comité de sécurité sur l'accident du 18 novembre 1996 dans le tunnel sous la Manche
par François Barthélémy

RÉACTIONS

Gestion de l'eau : L'incohérence des actions à l'échelle du bassin versant
par Bernard Rousseau
L'expertise scientifique en épidémiologie des risques d'origine professionnelle et environnementale
par Marcel Goldberg et Denis Hémon

DOSSIER : LES OUTILS DE MANAGEMENT DE l'ENVIRONNEMENT

Avant-propos
par René-François Bizec
Une affaire d'opinion publique
par Jacques Antoine
La conscience des risques environnementaux monte dans l'opinion publique. Quelles en sont les causes? S'agit-il d'une tendance lourde ou d'un phénomène plus ou moins artificiel et gonflé par les médias? Les Français ont peur, donc besoin de valeurs fortes et de sécurité. Avec la protection de la santé, la sauvegarde d'un patrimoine naturel à transmettre à leurs enfants, la conscience d'une solidarité planétaire ou le respect de la vie, l'environnement leur propose une réponse. Et une réponse durable car ces valeurs, études prospectives à l'appui, seront celles de la société à venir. Reste que cette société n'éliminera pas plus les risques et partant l'insécurité. Nous allons bien au contraire vers une nouvelle société du risque que nous n'avons pas encore appris à gérer. Le développement durable pourra nous y aider mais, en attendant, une veille permanente s'impose.
Un exemple de management environnemental, le changement de climat
par Patrick Nodé-Langlois
Le changement climatique est un risque environnemental difficile à évaluer mais que les entreprises se doivent de gérer en appliquant le principe de précaution. C'est la voie dans laquelle l'industrie cimentière, et avec elle le groupe Lafarge, s'est résolument engagée en réduisant, de façon volontaire, ses émissions de CO2. Dans les pays développés mais aussi, puisque l'effort pour réduire l'effet de serre doit être global, dans les PECO et les PVD où le gisement en terme de réduction des émissions de CO2 est considérable et la rentabilité financière de l'entreprise élevée. Ce faisant le groupe conjugue protection de l'environnement planétaire et intérêts économiques et stratégiques de l'entreprise.
L'appréciation du risque et les outils de management de l'environnement
par Philippe Caruette
Comment l'entreprise peut-elle prévenir les accidents environnementaux? Comment peut-elle les éviter dans le présent et l'avenir? Tout d'abord en tirant profit du passé via le retour d'expérience et l'exploitation du "presqu'accident", puis en définissant, grâce à ses leçons, des indicateurs pour mesurer les risques -sans oublier d' y intégrer une nouvelle dimension, celle de la perception du public. Pour compléter la boîte à outils de management d'évaluation et donc de maîtrise des risques, il convient de citer les analyses qualitatives ou quantitatives, toutes les méthodes d'inspection ou de contrôle et bien sûr l'audit. Mais si tous ces outils sont nécessaires, ils ne sont pas suffisants : il faut aussi du bon sens et des dirigeants convaincus.

EVÉNEMENTS

Publications

La République pénalisée,
Antoine Garapon et Denis Salas
résumé par Paul-Henri Bourrelier
Entre savoir et décision, l'expertise scientifique,
par Philippe Roqueplo
résumé par Paul-Henri Bourrelier
La gestion des déchets,
Philippe Pichat
résumé par Jean-François Saglio

Rapports

Déchets ménagers : pour un retour à la raison. Un rapport d'Ambroise Guellec
résumé par Michel Turpin
Les Rencontres AMRAE 1997 : exposé d'ouverture de Thierry Van Santen
La gestion des déchets,
Philippe Pichat
résumé par Jean-François Saglio