"Le travail humain ! c'est l'explosion qui éclaire mon abîme de temps en temps. "Rien n'est vanité ; à la Science et en avant !" crie l'Ecclésiaste moderne, c'est-à-dire Tout le monde". Du fond de sa dépression, Rimbaud clamait ainsi son espoir, aussitôt nié et perdu, de revenir au sein de son époque.

Leur saison en enfer, les blessés de la sale guerre économique la vivent aujourd'hui sous nos yeux. L'espoir de s'en sortir, perdu aussitôt qu'affronté aux décrets de la Science de l'économie, moderne Ecclésiaste à l'usage de notre temps, ne leur est plus permis. Cantonnés aux lisières de la Cité, autorisés à n'y paraître que dûment contrôlés par l'Assedic et l'ANPE, leur violence - ne fût-elle que verbale - scelle leur destin d'exclus, sans même leur laisser le rêve de cet Orient mythique qui sauva le poète. Alors, désorientées, nos sociétés le sont, dont l'unique boussole fut longtemps l'aiguille de l'horloge pointeuse aux portes des ateliers. Déprimées aussi, Keynes le prédisait, vidées de leur sens comme les usines l'ont été des hommes.

Mais qu'est-ce donc que ce travail humain pour que son absence nous fasse perdre jusqu'à notre identité ? Une valeur en voie de disparition ? Sans aucun doute, mais n'avons-nous donc rien d'autre pour donner sens, collectivement, à nos vies ? Certains s'y efforcent, pourtant ; Michel Berry les accueille dans son article et porte leur parole. La question est désormais trop importante pour persister à ne pas entendre ce qu'ils disent.

Si ce débat clôt le numéro, les prémisses en sont posées dès le début : les options scientifiques, les choix réglementaires, les décisions de gestion échappent à la prétention de rigueur de l'économisme, l'analyse fine de la rentabilité de l'informatique l'illustre à l'évidence. Les jeux d'acteurs, dictés par la recherche du sens qu'ils entendent donner à leur action, ne relèvent pas exclusivement, tant s'en faut, des orientations du marché. On le sait. On commence à le dire. Va-t-on s'en contenter ?

Et ce n'est pas parce que le marché suit des tendances que celles-ci suffiront à lui donner un sens.

Pascal LEFEBVRE

Secrétaire général du Comité de rédaction

PAR JEAN-PHILIPPE BONARDI ET MAGALI DELMAS

Groupe HEC

Les réglementations sur les déchets dangereux visent à limiter les risques de pollution en augmentant les capacités de traitement et en réduisant leur production. Mais alors que dans les années 1985 on prévoyait un déficit des moyens de traitement, on constate aujourd'hui leur surcapacité. Quel est donc l'impact réel de la réglementation sur la transaction entre le chimiste et l'opérateur de traitement de déchets ?

PAR XAVIER BERBAIN.

Groupe Image Antenne E.N.S.P.

Un sevice dont le responsable rêve d'améliorer l'organisation ; un outil informatique ad hoc, conçu dans un souci de qualité du service au patient ; des acteurs multiples, dont dépend le succès ou le rejet de la greffe : le cocktail est connu. Mais quelle interaction se noue entre l'outil informatique et l'organisation du service ? Comment les acteurs passent-ils de l'apprentissage à l'innovation ? Pour y voir plus clair, retour sur le terrain.

PAR JEAN LOUIS PEAUCELLE

Professeur - École Normale Supérieure de Cachan

Francis Pavé, dans nos pages, soulignait le décalage sensible entre la conviction des industriels de l'informatique de l'apport très positif de leurs technologies et la perception qu'en ont les économistes et les sociologues lorsqu'ils s'attachent à en mesurer les effets. Le débat se poursuit, les outils d'analyse s'affinent et la question reste posée : l'informatique est-elle rentable ?

PAR VINCENT MANGEMATIN ET MARIE SYLVIE POLI

INRA/SERD - Université Pierre Mendès France Grenoble

Le savoir s'accroît quand on le partage, dit un aphorisme à la mode. Alors, comment les scientifiques partagent-t-ils leur savoir ? Et comment ce partage fait-il progresser leur connaissance des techniques qu'ils espèrent parvenir à maîtriser ? Un détour original par la linguistique révèle les stratégies et tactiques d'acteurs soucieux de ne dire ni trop, ni trop peu.

PAR LAURENT MERMET

Professeur - ENGREF

Entre sauvegarde d'un patrimoine environnemental exceptionnel et projets d'aménagement du territoire, la préservation des zones humides constitue l'un des objectifs prioritaires des politiques de protection de la nature. Mais celles-ci sont-elles efficaces ? Se poser la question, c'est entrer dans le domaine de l'évaluation, terrain mouvant où s'affrontent experts d'une science en devenir et praticiens de la vie publique.

A propos du livre d'Omar Aktouf : "Traditional Management and Beyond. A Matter of Renewal"

PAR SYLVIE CHEVRIER

A propos du livre de Bernard Billaudot : "L'ordre économique de la société moderne : un réexamen de la théorie de la régulation",

PAR VINCENT MANGEMATIN

A propos du livre de Dominique Méda : "Le travail, une valeur en voie de disparition"

PAR FRÉDÉRIQUE PALLEZ

A propos du livre de Philippe Lorino : "Comptes et récits de la performance - Essai sur le pilotage de l'entreprise"

PAR GUY ERARD

A propos du livre de Jean-Pierre Le Goff : "Les illusions du management"

PAR XXXX METZGER

PAR LAURENT BATSCH

CEREG Université de Paris IX Dauphine

ET BERTRAND COLLOMB

Président Directeur Général de Lafarge

Dans le numéro de Juin de Gérer et Comprendre, Bertrand Collomb, Président Directeur Général de Lafarge, évoquait l'évolution de la politique de son groupe en matière de relations avec ses actionnaires et les spécificités françaises face aux pratiques anglo-saxonnes. Ouvrant le débat, un chercheur fait retour sur le droit des sociétés , s'interroge et suscite quelques précisions de la part de Bertrand Collomb.

PAR ISABELLE KNOCK

ENA Promotion H.F. d'Aguesseau

PAR ANNE PEZET

CREFIGE - PARIS - DAUPHINE

Jusqu'ici presque exclusivement anglo-saxonne, l'histoire de la lente adoption par les entreprises d'une très ancienne technique, l'actualisation, trouve sa place dans les problématiques et les concepts de l'histoire des technologies. Le cas français se révèle riche par la précocité de l'innovation, fruit d'une longue tradition de calcul économique. Il met en valeur le lien entre innovation de gestion et contexte socio-économique, lien qui s'apparente plus à un déterminisme lâche qu'à une relation de causalité rigide.

PAR MICHEL BERRY

Centre de recherche en Gestion de l'École polytechnique

La société attend de l'entreprise qu'elle résolve la crise actuelle et demande aux économistes les remèdes pour y arriver. Mais ces attentes sont déraisonnables compte tenu de la pression que fait peser la concurrence sur l'entreprise. Elles relèvent même d'une erreur de diagnostic : la société ne souffre pas seulement d'une crise de l'emploi mais d'une crise du sens. C'est en repérant les modalités de production du sens dans et hors de l'entreprise et en les renforçant qu'on peut aborder la crise du sens et créer par surcroît de l'emploi. Une mesure susceptible d'initier un tel mouvement serait de mettre des personnes aux ASSEDIC à la disposition d'associations dûment agréées.

Regulations for dangerous wastes are intended to limit the risks of pollution by reducing the production of such wastes and increasing the capacity for treating them. In the 1980s, there were predictions that the means for treating wastes would be insufficient; but nowadays, there is an overcapacity. What impact do regulations really have on transactions between chemists and waste disposal operators?

A service headed by someone who dreams of improving the organization An ad hoc collection of soft- and hardware designed out a concern for the quality of patient service A multitude of actors on whom the success or failure of the transplant depends All this is a familiar mixture. How do computer technology and the service's organization come into interaction? How do actors switch from learning to innovating? To see into all this more clearly, let's go back to the field

In issue n˚ 41, F. Pavé highlighted the significant lag between the conviction of computer industrialists about the quite positive gains stemming from their technology and the perception of economists and sociologists when they try to measure the actual effects. The debate goes on Despite the improved means of analysis, the question still remains: does computer technology do more than cover its costs?

According to a current saying, knowledge increases when it is shared. How do scientists share know-how? And how does this sharing enhance their knowledge of the techniques they hope to manage? An ingenious detour via linguistics sheds light on social actors' strategies and tactics for saying neither too much nor too little.

Between saving an exceptional environmental heritage and promoting development projects, the conservation of wetlands is one priority of policies for protecting nature. But do such policies work? This question implies making assessments, a shifting field where the experts of an emerging science face off the practitioners of public affairs.

Sylvie Chevrier: All of management! On: Traditional management and beyond: A matter of renewal by Omar Aktouf

Vincent Mangematin: For a global view of the society where we live: On L'ordre économique de la société moderne. Un réexamen de la théorie de la régulation by Bernard Billaudot

Frédérique Pallez: Societies sick of work? On: Le travail, une valeur en voie de disparition by Dominique Méda

Guy Érard: The firm's horizons: On Comptes et récits de la performance. Essai sur le pilotage de l'entreprise by Philippe Lorino

Jean-Luc Metzger: It's not easy being a manager! On Les illusions du management by Jean-Pierre Le Goff

In Gérer et comprendre's June issue, Bertrand Collomb, the Lafarge Group's president of the board and CEO, mentioned the changes in this group's policy with regard to its shareholders, and discussed differences between French and Anglo-American practices. A researcher has opened the debate. By reviewing corporate law, he raises questions and asks Bertrand Collomb for specifics.

Till now discounted cash flow has remained a nearly exclusively Anglo- American practice. The history of how firms have slowly adopted this quite old technique fits into the history of technology and its concepts. The French case turns out to be instructive given how early this innovation - which came out of a long tradition of economic calculations -arose. This case sheds light on the relation between innovation in management and the socio-economic context. This relation is more a sort of loose determinism than a rigid causality.

Society expects firms to pull it out of the current recession; and economists, to provide the appropriate remedies. But these expectations are unreasonable given the competitive pressures bearing down on companies. In fact, they even stem from a diagnostic error: society does not suffer just from a job crisis but from a crisis of meaning. By seeing the ways meaning is produced in- and outside firms and by reinforcing them, we can examine the crisis of meaning and, in addition, create jobs. To help set off such a trend, persons enrolled on unemployment could be placed in the service of certified associations.

Jean-Philippe Bonardi y Magali Delmas

Grupo HEC

Las reglamentaciones sobre desechos peligrosos aspiran a limitar los riesgos de contaminación aumentando las capacidades de tratamiento y reduciendo su producción. Pero mientras que hacia 1985 se preveía un déficit de los medios de tratamiento, hoy se observa una capacidad excedentaria de los mismos. ¿Cuál es, pues, el impacto real de la reglamentación en la transacción entre el químico y el operador de tratamiento de residuos?

Xavier Berbain

Grupo Image antenne E.N.S.P.

Un servicio cuyo responsable sueña con mejorar la organización ; un instrumento informático ad hoc, concebido con una preocupación por el servicio brindado al paciente ; múltiples actores, de quienes depende el éxito o el rechazo del injerto : ya conocemos la receta de este cóctel. Pero ¿qué interacción se crea entre el instrumento informático y la organización del servicio? ¿Cómo pasan los actores del aprendizaje a la innovación? Para ver más claro, un regreso al terreno.

Jean-Luis Peaucelle

Profesor - Escuela Normal Superior de Cachan

En estas mismas páginas, Francis Pavé hacía hincapié en la sensible discrepancia entre la convicción que tienen los industriales de la informática de un aporte muy positivo de sus tecnologías y la percepción de economistas y sociólogos cuando tratan de medir los efectos de éstas. El debate continúa, se afinan los instrumentos de análisis, y queda planteada la pregunta : ¿es rentable la informática?

Vincent Mangematin y Marie-Sylvie Poli

INRA/SERD - Universidad Pierre Mendès-France (Grenoble)

Según un aforismo de moda, el saber se acrecienta cuando se comparte. ¿Cómo comparten su saber los científicos? ¿Y cómo este compartir hacer progresar su conocimiento de las técnicas que esperan llegar a dominar? Un original rodeo por la lingüística revela las estrategias y las tácticas de actores preocupados por no decir ni demasiado ni demasiado poco.

Laurent Mermet

Profesor - ENGREF

Entre la salvaguardia de un patrimonio ecológico excepcional y los proyectos de ordenamiento territorial, la preservación de las zonas húmedas constituye uno de los objetivos prioritarios de las políticas de protección de la naturaleza. Pero ¿son eficaces éstas? Plantearse la pregunta significa entrar en el ámbito de la evaluación, terreno movedizo en el que se enfrentan los expertos de una ciencia en devenir y los técnicos de la vida pública.

Acerca del libro de Omar Aktouf "Tradicional Management and Beyond. A matter of Renewal"

Sylvie Chevrier

Acerca del libro de Bernard Billaudot "L'ordre économique de la société moderne : un réexamen de la théorie de la régulation"

Vincent Mangematin

Acerca del libro de Dominique Méda "Le travail, une valeur en voie de disparition"

Frédérique Pallez

Acerca del libro de Philippe Lorino "Comptes et récits de la performance - Essai sur le pilotage de l'entreprise"

Guy Erard

Acerca del libro de Jean-Pierre Le Goff : "Les illusiones du management"

Jean-Luc Metzger

Laurent Batsch (CEREG - Universidad de Paris IX Dauphine) y Bertrand Collomb (Director-gerente de Lafarge)

En el número de junio de Gérer et Comprendre, Bertrand Collomb, director-gerente de Lafarge, aludía a la evolución de la política de su grupo en materia de relaciones con sus accionistas y a las especificidades francesas frente a las prácticas anglosajonas. Durante el debate, un investigador se remonta vuelve a considerar el derecho de las sociedades, se interroga y suscita algunas precisiones por parte de Bertrand Collomb.

Isabelle Knock

ENA, Promoción H.F. d'Aguesseau

Anne Pezet

CREFIGE, Paris-Dauphine

La historia de la lenta adopción por las empresas de una técnica muy antigua, la actualización, exclusivamente anglosajona hasta entonces, encuentra su sitio en las problemáticas y los conceptos de la historia de las tecnologías. El caso francés resulta rico por la precocidad de la innovación, fruto de una larga tradición de cálculo económico : pone de relieve el vínculo entre la innovación de la gestión y el contexto socioeconómico, vínculo que se acerca más a un determinismo atenuado que a una causalidad rígida.

Michel Berry

Centro de investigaciones en gestión de la Escuela Politécnica

La sociedad espera de la empresa que ésta resuelva la crisis actual y pida a los economistas los remedios para lograrlo. Pero tales expectativas son poco razonables, habida cuenta de la presión a que está sometida la empresa por la competencia. Estas proceden incluso de un error de diagnóstico : la sociedad no sólo padece una crisis del empleo, sino también una crisis del sentido. Es identificando las modalidades de producción del sentido dentro y fuera de la empresa y reforzándolas como se puede abordar la crisis del sentido y, por añadidura, crear empleo. Una medida capaz de iniciar semejante movimiento sería poner a personas inscritas en las ASSEDIC (agencias a cargo del seguro de desempleo) a disposición de asociaciones debidamente autorizadas.