GÉRER & COMPRENDRE N 40
SEPTEMBRE 1995
EDITORIAL
Il leur en a fallu de la persévérance aux dirigeants d'Otis pour gérer le changement ! Et sans qu'aucune crise ne les y oblige ! Simplement parce que les hauts et les bas du marché du bâtiment et les humeurs des clients ne pouvaient plus s'accomoder de la gestion routinière du premier fabricant mondial d'ascenseurs. Alors c'est le dépanneur, sauveteur providentiel du malheureux usager prisonnier de cabines récalcitrantes, qui a fait les frais du changement. Obligé de se changer en technicien d'une prévention prévue par contrat, plus personne désormais ne le voit et il regrette le temps béni d'avant le changement, quand il y avait encore des pannes.
Les consultants, eux, s'y entendent pour être visibles : dépanneurs d'entreprises coincées dans leur ascension vers la qualité, le profit ou l'excellence, c'est grâce à eux, prétendent-ils, qu'elles repartiront dans leur quête de ces zénith. Alors les consultants adorent les pannes. Au besoin, même, certains sauraient les susciter, nous explique Bertrand Venard !
Et quand tel courant d'idée dont parle Hervé Joly, tel homme politique, ou tel organe de presse, au mépris de toute rationnalité scientifique, brandissent le spectre d'un pays asphyxié par ses propres déchets, ils jouent, à leur plus grand profit croient-ils, sur les fantasmes archaïques d'une société repue, craignant plus que tout la panne, le noir, l'enfermement.
Il y a décidément du pompier pyromane chez tous ces hommes providentiels !
Ce numéro serait alors bien pessimiste, n'étaient deux articles plus roboratifs. Pour Bernard Girard, le chômage a amené les entreprises à trouver des solutions nouvelles en matière salariale. Une poignée de main invisible semble desormais régir les politiques sociales de ces entreprises : le contrat comme base de la relation sociale, voilà qui nous éloigne des peurs irraisonnées.
Et dans cette Allemagne qui se rêve à l'abri des pannes, Michèle Dupré nous montre que le changement n'a pas tout changé, que l'ancien contrat social de est encore bien vivant sous la prétendue modernité qui déferle sur l'ex-RDA.
Pour conclure cet éditorial, rien ne me paraît alors mieux convenir que l'ironie de l'austère Pascal, grinçant : "J'ai connu que notre nature n'était qu'un continuel changement et je n'ai plus changé depuis ; et si je changeais, je confirmerais mon opinion." (Pensées, VI, 375).
Pascal LEFEBVRE
Secrétaire général du Comité de rédaction
SOMMAIRE