(Last update : Wed, 16 Jul 1997)
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RAPPORT SUR L'ACTIVITÉ
DU CONSEIL GÉNÉRAL DES MINES
EN 1995

27/10/1995

PROJET "CONSEIL GÉNÉRAL DES MINES"

AVANT-PROPOS

Le Conseil Général des Mines a ressenti le besoin de débattre formellement de son rôle futur dans le fonctionnement de l'Etat, de l'orientation souhaitable de son activité et de sa méthode de travail.

Ce document est le fruit de ce travail au sortir d'une discussion finale en séance plénière du 9 octobre 1995.

1) PERSPECTIVE

Le Projet "CGM" doit s'inscrire dans une perspective à plusieurs facettes :

a) Le nécessaire développement au sein du pays, et dans l'union européenne, d'activités industrielles et de services s'y rattachant, innovantes et compétitives au plan mondial mais aussi harmonieuses au plan social et durables au plan de l'environnement.

Cette nécessité est fondée sur la conviction que ces activités sont le principal fondement de la richesse du pays et du maintien de son rang dans l'économie mondiale.

b) Le nécessaire déplacement de la production industrielle nationale vers des productions à haute valeur ajoutée technologique ou intellectuelle qui constituent désormais, face à la pression concurrentielle des nouveaux pays industrialisés (NPI), un enjeu stratégique plus important dans la compétition entre grands pays industrialisés que la production de matières premières minérales, énergétiques ou non. Le développement de l'innovation devient ainsi un enjeu fondamental.

c) Une évolution profonde du rôle de l'Etat, liée d'une part à un contexte plus libéral tant au plan national qu'international et aux nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) qui obligent les entreprises à se mouvoir dans un espace sans frontières, d'autre part à la régionalisation et à la construction européenne.

Ce contexte rend l'Etat et l'Administration de moins en moins aptes et légitimes à définir et a fortiori à imposer des stratégies pertinentes pour les entreprises. De même rendra-t-il plus difficile pour eux d'influer, que ce soit ou non par la voie régalienne, sur le cadre de fonctionnement des entreprises, en cohérence avec le caractère multinational de leur développement.

d) L'affirmation forte dans la Société au plan mondial, national, régional ou local d'une logique de protection de l'environnement.

Cette logique se développe à trois niveaux :

- au niveau ponctuel des unités de production ;

- au niveau plus global de l'impact de l'innovation technologique sur la vie collective et l'environnement, au travers notamment de l'usage des produits ;

- au niveau planétaire (effet de serre, couche d'ozone, etc.).

e) La sensibilité, amplifiée par les médias, des opinions publiques aux problèmes affectant leur sécurité dans tous les domaines face à un mode de vie ressenti comme complexe et donc inquiétant, mais également techniquement maîtrisable.

2) LE PROJET "CGM"

a) SITUATION DE DÉPART

L'activité traditionnelle du CGM, liée à l'activité minière sur le territoire national, doit être maintenue mais elle diminue avec le déclin de celle-ci.

La disponibilité laissée par cette diminution est comblée d'une part par des missions ponctuelles très diverses liées aux compétences personnelles des ingénieurs généraux et faites au bénéfice de nombreux Ministères (Industrie, Environnement, Recherche, Economie, Santé...), d'autre part par des mises à disposition à temps partiel au profit des services administratifs ou d'instances publiques diverses.

Cette disponibilité a fourni l'occasion au cours de l'année écoulée de souligner auprès des Ministres les plus concernés la volonté de développer une activité de conseil, d'évaluation et de prospective plus conséquente, plus structurée (travail collectif autant qu'individuel), plus branchée sur les problèmes déterminants que rencontrent le développement industriel ainsi que la mutation économico-sociale qu'engendrent les nouvelles technologies.

L'engagement, à la demande du Ministre de l'Environnement, d'une mission lourde pour revoir la pertinence et la cohérence du dispositif de gestion des eaux souterraines est un exemple de cette nouvelle approche qui mobilise de très nombreux intervenants autour des ingénieurs généraux.

Cette activité de conseil, de prospective et d'évaluation s'appuie également sur l'action d'inspection des DRIRE qui échoit au Conseil Général, lui permet de rester proche du terrain, d'obtenir de l'information et de valider ses réflexions prospectives.

L'activité des DRIRE intéresse plusieurs Ministères (Environnement, Industrie, PME, Recherche, Transports, Travail, Emploi, Santé). Comme le Conseil, les DRIRE sont formellement à la disposition du Ministre de l'Environnement.

Enfin le Conseil assure la tutelle de six Ecoles des Mines et la gestion des Ingénieurs des Mines (via le SCGM). Il abrite et supervise la rédaction des Annales des Mines.

b) LE PROJET

b1) Une contribution à un projet plus vaste

L'action future du CGM doit s'inscrire dans un projet plus vaste où les ingénieurs des mines peuvent jouer un rôle de premier plan. Ce projet résulte de la perspective décrite au début de cette note ; il peut être résumé par la phrase suivante : favoriser dans le cadre de la construction européenne qu'il faut promouvoir, un développement de l'industrie et des services qui l'accompagnent qui soit à haute valeur ajoutée technologique et intellectuelle, soucieux de l'emploi et respectueux de l'environnement.

Ce projet se développera dans deux directions :

- en direction des entreprises en mettant fortement l'accent sur :

. les conditions du développement et particulièrement le soutien et la promotion de l'innovation,

. la gestion des problèmes posés à l'interface des technologies des usines et des produits d'une part, de l'environnement et de la société d'autre part ;

en sus de la préoccupation traditionnelle que constitue l'approvisionnement en matières premières minérales et en énergie,

- en direction du public en prenant en compte son souci croissant au regard de la protection de l'environnement et de sa sécurité face au développement technologique. Sur ce plan le projet mettra l'accent sur une déontologie technique à associer à une évolution harmonieuse de la société. Il sera d'appuyer cette action sur une infrastructure appropriée (laboratoires, essais, mesures, formation, musées...) tant pour favoriser la transparence et la compréhension du public que l'adaptation des activités économiques aux nouvelles technologies. La qualité des informations fournies jouera un rôle essentiel et cette infrastructure procèdera en conséquence tout particulièrement d'une vision renouvelée de la métrologie. Une réflexion sera engagée pour préciser l'intérêt d'introduire la qualification des produits au coeur du fonctionnement de l'économie, ainsi que les questions posées par cette introduction.

Le Conseil peut occuper une position stratégique dans un tel projet.

En effet, le contexte décisionnel devenu complexe par la régionalisation, la construction européenne, les contraintes du développement multinational des entreprises, mais aussi le souci de déontologie technique face à une évolution rapide des technologies, rendent nécessaire le recours à une instance expérimentée, largement ouverte sur les Ministères concernés, bien branchée sur la réalité et capable avec du recul et une objectivité reconnue d'un effort de prospective, d'évaluation, de synthèse et finalement de conseil de haut niveau.

Le Conseil, s'appuyant sur l'inspection des DRIRE, peut répondre à ce besoin, sans, bien sûr, se substituer aux responsabilités des administrations de gestion et aux moyens dont elles doivent légitimement disposer pour bien faire leur travail. Son rôle serait clairement de pouvoir accentuer ici où là, à un niveau et selon une approche différents, l'effort nécessaire en s'obligeant à une cohérence d'ensemble liée à l'objectif poursuivi. Il pourrait être de valider telle ou telle orientation.

S'agissant de la contribution du Conseil à l'introduction d'une déontologie technique dont la Société a besoin pour trouver des repères, son action se joindra à celle d'instances politiques, comme l'Office parlementaire des choix technologiques, qui devrait occuper à cet égard une place éminente, ou d'instances scientifiques comme l'Académie des sciences (CADAS). La place du Conseil dans cette démarche doit être essentielle en tant que relais entre les possibilités de la science d'une part, le public, l'administration, les entreprises de l'autre. Il devra l'afficher.

Cette place implique que le Conseil sache développer des relations étroites avec ces instances ainsi qu'avec les milieux scientifiques, notamment grâce aux ingénieurs des mines qui auront opté pour la recherche.

b2) Les domaines privilégiés de l'action du Conseil

Ces domaines peuvent être regroupés sous trois chapitres :

1/ Technologie et innovation :

- grands programmes technologiques,

- mais surtout promotion et soutien de l'innovation dans tout le tissu industriel :

. accès des PMI à l'innovation,

. organisation, régulation des marchés pour y favoriser l'innovation,

. qualification des produits,

. infrastructures technologiques de l'industrie (veille technologique, métrologie, essais, normalisation, qualité, propriété industrielle, transfert de technologie...) ;

- technologie et emploi.

2/ L'interface entre les unités de production et la collectivité (installations classées, sûreté nucléaire...) ;

3/ Développement durable :

. qualification des produits,

. gestion des risques collectifs liés à l'innovation technologique,

. énergie, matières premières,

. eaux souterraines, sous-sol, atmosphère globale.

. santé au travail, thème qui renvoie aux responsabilités "historiques" des ingénieurs des mines en matière d'inspection du travail dans l'industrie minière.

L'accent mis sur les domaines mentionnés ci-dessus, ne doit pas faire oublier l'attention à porter aux nombreuses autres composantes d'un développement solide des entreprises (sociale, commerciale, organisationnelle, financière, internationale...), en particulier aux conséquences de la construction européenne et à son évolution souhaitable.

Cette attention pourra être valorisée en fonction des compétences plus spécifiques que le Conseil pourra trouver en son sein ou réunir autour de lui sur ces sujets.

b3) Les modalités de l'action

L'action des DRIRE rencontre, on l'a déjà noté, les préoccupations de nombreux Ministères (Environnement, Industrie, PME, Recherche, Transports, Travail, Santé, Emploi...) et les éclaire sur les données du "terrain". L'inspection des DRIRE, qui fait du Conseil le "tuteur" des DRIRE, lui permet de participer à cette action et à ce contact avec le "terrain".

Par ailleurs, les besoins de la prospective et de l'évaluation dans le domaine visé, amènent également à prendre en compte les préoccupations de ces ministères et nécessitent des relations confiantes avec eux. Elles peuvent, comme aujourd'hui, se traduire par des missions ponctuelles diligentées par le Conseil à leur demande.

Cependant, ces considérations rendraient utile, dès lors que l'intérêt d'une relation plus permanente avec tel ou tel Ministère se précise, d'affirmer formellement que le Conseil est à la disposition des Ministres concernés, comme cela est déjà le cas avec le Ministre chargé de l'environnement. L'affichage de cette disponibilité faciliterait la découverte d'opportunités pour d'autres collaborations.

Cela devrait viser particulièrement, outre naturellement le Ministre chargé des entreprises, celui chargé de la recherche en raison de l'importance de la recherche orientée, de l'innovation et du transfert de technologie dans le projet, ainsi que celui chargé du commerce extérieur. Cela pourrait viser aussi les Ministres "sociaux" : Emploi, Travail, Santé. A tittre d'illustration, le Ministère de la Santé a manifesté récemment son intérêt pour disposer grâce au Conseil d'une expertise industrielle sur certaines questions.

Une telle affirmation ne serait pas contradictoire avec le fait que le Conseil est clairement d'abord le Conseil du Ministre chargé de l'industrie. Elle renforcerait même l'intérêt qu'il représenterait pour lui et aussi pour les Ministres qui pourraient ainsi plus volontiers faire appel à lui.

L'évolution des modalités de l'action du Conseil serait par ailleurs caractérisée par :

b3.1- Une contribution active et formelle à l'inspection des DRRT, de l'ANVAR, de l'ADEME voire des DRCE en plus de celle des DRIRE. Cette contribution serait utile pour dégager une vision plus synthétique et cohérente de l'appui de l'Etat aux entreprises dans les Régions.

b3.2- Une remontée et une exploitation/validation plus systématique des idées des services et organismes au contact avec les industriels, au premier rang desquels les DRIRE. Cette remontée s'intègrerait à priori dans une vision rajeunie de l'inspection. De ce point de vue, les ingénieurs généraux pourraient participer plus étroitement aux journées thématiques organisées par les directions centrales avec les DRIRE, voire les DRRT et les DRCE.

b3.3- La proposition d'évaluations et de synthèses, notamment sur les conséquences pour l'industrie des règlementations européennes et sur l'évolution souhaitable des structures administratives et parapubliques (simplification, évolutions nécessaires des services de contrôle) concernées par le développement industriel.

b3.4- Une contribution à l'orientation des études de prospective et d'évaluation des administrations centrales (avis sur les programmes, participation à ou présidence des comités de pilotage), à défaut de la disponibilité d'un budget d'études qui serait nécessaire.

b3.5- Un travail organisé autour de trois sections :

- une section économique, sociale et juridique, ouverte aux aspects internationaux, noyau d'un Conseil de l'Entreprise (extension du rôle de l'actuelle section juridique),

- une section technique au domaine d'investigation étendu par rapport à ce qu'il est aujourd'hui,

- une section formation/recherche (à créer),

arrêtant chacune un programme de travail annuel collectif (limitant en conséquence le volume de missions individuelles admissible) sur quelques sujets de fond.

Ce programme établi dans une perspective dessinée sur deux ou trois ans, serait approuvé par les Ministres concernés et intégrerait de façon temporaire des personnalités extérieures qualifiées, venant pour partie d'autres instances de contrôle ou d'évaluation.

Cette approche assurerait une meilleure valorisation des compétences réunies dans le conseil qu'une totale dispersion des ingénieurs sur des missions individuelles et ponctuelles de relativement faible ampleur.

La mission de la troisième section serait d'éclairer la stratégie des écoles des mines et de l'ensemble qu'elles forment, dont le Conseil assure la tutelle.

Fort de l'expérience acquise avec les Ecoles des Mines et grâce à une composition très ouverte, elle pourrait aussi éclairer par ses avis les besoins en formation, tant initiale que continue, des entreprises et la façon d'y satisfaire.

Elle serait également de promouvoir et de superviser les nécessaires relations de haut niveau avec la recherche scientifique en appui de l'activité du Conseil.

Elle serait enfin de sensibiliser les autorités concernées sur la nécessité de faire une meilleure place aux sciences de l'ingénieur dans l'ensemble du dispositif scientifique national (académie des sciences, CNRS, universités...).

b3.6- L'intégration plus permanente dans les sections du Conseil d'un certain nombre de membres associés et de chargés de mission n'appartenant nécessairement pas au Corps des Mines mais susceptibles de renforcer son action dans ses domaines de légitimité reconnue.

b3.7- S'agissant de la contribution à la déontologie technique, un certain dialogue avec le public et l'expression d'avis du Conseil lui sont nécessaires. Cette expression, dont la crédibilité sera naturellement liée à l'impartialité du Conseil, ne devrait pas interférer avec les décisions des Ministres ou des administrations de gestion. Elle interviendrait en fait plus en amont, pour favoriser le positionnement correct et la bonne compréhension des problèmes techniques qui sous-tendent l'action des administrations.

Divers moyens sont envisageables qui devront être mis en oeuvre de façon plus systématique. Ce peut être notamment :

- des auditions diversifiées par les sections du Conseil ;

- l'organisation sous label "CGM" de débats plus larges avec des interlocuteurs extérieurs à l'Administration. Certains "rendez-vous" des Annales des Mines pourraient y contribuer ;

- les Annales des mines elles-mêmes, à travers notamment le lancement prochain de la série "Environnement et responsabilité". Déjà un vecteur pour la réflexion sur la gestion des entreprises et le développement industriel, elles pourraient ainsi aborder plus systématiquement, avec une place pour le dialogue, la problématique du risque et de la protection de l'environnement en dégageant les dimensions, notamment économiques, des choix à réaliser et le pourquoi des choix qui seront faits.

Tout ceci implique d'obtenir les moyens nécessaires en bureaux, personnel d'appui (secrétariat, documentation...) et mobilisation de personnalités qualifiées, pour remplir efficacement les fonctions décrites. L'objectif affiché par le gouvernement de réduire fortement les dépenses de l'Etat n'a guère de chances d'être atteint de façon pertinente sans accroître les moyens consacrés à la prospective et l'évaluation dans le cadre d'un redéploiement. Cette priorité est effectivement reprise dans la circulaire du premier Ministre du 26/7/1995.

Il n'en sera pas moins nécessaire de rendre sensible une forte adhésion au projet dans le cadre d'un programme arrêté par les sections. Cette adhésion concernera bien sûr les ingénieurs généraux affectés au Conseil et les ingénieurs en transit au Service du Conseil Général des Mines qui seront mis à la disposition du Conseil. Mais pourquoi ne pas demander aussi à tout ingénieur promu ingénieur général, en service détaché ou non, de consacrer, sauf exception rare, une partie de son temps aux activités du Conseil même s'il n'est pas affecté au Conseil. Ceci pourrait se faire dans le cadre d'un statut d'associé à préciser.

Au-delà, en sachant mobiliser auprès de lui et en fonction des besoins, les talents expérimentés divers qui, partant du Corps des Mines, auront essaimé vers l'industrie et l'innovation, le Conseil ajoutera aussi à l'efficacité de son action grâce à l'expérience industrielle et scientifique ainsi rassemblée.