[ Internet et PMI - JM Yolin ] |
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Deux catégories de freins peuvent être distinguées :
V - A - 1 ) les obstacles mentionnés par les entreprises : listons en quelques-uns uns parmi ceux entendus lors de cette mission
"C'est un gadget, ce n'est pas professionnel, nos salariés vont "faire joujou" et perdre leur temps" (Syndrome du Minitel rose). Notons à cet égard l'existence de renifleurs (Sniffer) puissants (trop même peut-être) qui permettent d'analyser et enregistrer tous les flux d'échanges internes et externes, et en procédant à une scrutation (destinataire, termes contenus dans les messages [36], dans les moteurs de recherche,...) permettent de bloquer les transmissions, de les enregistrer et de prendre toute mesure adaptée (exemple Sessionwall-3 http://www.artexa.tm.fr)
«Ce n'est qu'une mode, comme les cercles de qualité» sans commentaire
«C'est bon pour les entreprises high-tech, mais on ne voit pas bien à quoi ça peut servir à notre entreprise qui travaille dans un secteur traditionnel» la meilleure réponse est généralement apportée par une simple visite du web en recherchant ceux qui offrent les mêmes produits
«Nous manquons d'information utile sur internet : nous sommes submergés d'informations générales mais rien de clair et concret sur les utilisations possibles par une PME. Il n'y a aucun livre de référence qui permette à un chef d'entreprise de voir pratiquement, en fonction de sa stratégie ce qu'Internet pourrait lui apporter comme avantage concurrentiel. Alors on se réfère au Minitel ce qui est à l'évidence inapproprié»
C'est pour répondre à cette remarque que nous avons fréquemment entendue que notre mission s'est attachée à apporter des éléments de réponse concrets à cette légitime demande
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«Dans le domaine du luxe nous optimisons nos prix en fonction du marché local, et ils sont très différents en France aux États-Unis et au Japon. Un catalogue sur Internet serait mortel tant pour nos marges que pour nos distributeurs» l'affichage du prix est-il un élément indispensable d'une présence efficace sur le Web? Plusieurs stratégies semblent possibles :
«Nous n'avons pas les compétences informatiques voulues» (c'est une technologie maîtrisée sans difficulté par un adolescent mais qui conserve néanmoins, au niveau des PME, une image de forte technicité(il faut remarquer qu'il en est parfois de même pour un patron de grand groupe)
«Internet, c'est fait pour communiquer. Actuellement ni nos fournisseurs ni nos clients n'y sont : à quoi cela nous servirait-il d'y aller seul. Un bon chef d'entreprise c'est celui qui sait être à l'heure sur ses produits, ses méthodes et ses marchés. Être en avance est, comme être en retard, une grave faute de gestion» cette remarque nous parait tout à fait pertinente et il convient d'en tirer les conséquences dans la conception du plan d'action
«Nous n'avons pas le temps» il est vrai que Internet demande un minimum de temps pour la formation et pour la réflexion stratégique, et il s'agit du temps le plus précieux pour la petite entreprise : celui de son patron
«Le passage à l'an 2 000 sature nos capacités, nous verrons ensuite» à vrai dire, nous avons davantage entendu cette remarque dans les grands groupes que dans les PME, mais convenons que faire des anticipations sur Internet exige une perspicacité encore plus grande que pour prévoir l'arrivée de l'an 2 000
«Les technologies évoluent trop vite. Attendons qu'elles soient stabilisées» à nos yeux l'essentiel nous paraît aujourd'hui stabilisé : les protocoles Internet. Bien entendu les matériels et les logiciels connaissent des mutations extrêmement rapides mais tout donne à penser que, tant qu'il subsistera une concurrence, ce phénomène aura plutôt tendance à s'accélérer qu'à s'arrêter : la politique d'extrême prudence paraît dans ce domaine, de toutes les stratégies possibles, clairement la plus risquée
Enfin «l'apprentissage» d'internet, qui oblige à repenser progressivement mais en profondeur tout le fonctionnement de l'entreprise, est une démarche forcément longue : il nous parait extrêmement dangereux d'attendre la consolidation de tous ces progrès techniques pour se jeter à l'eau et commencer à apprendre à naviguer
«C'est une technologie trop onéreuse pour ma PME» (mais l'entreprise n'a en général aucune idée sur les coûts d'Internet, qui sont, nous l'avons vu à la portée même de très petites entreprises)et, alors même qu'il est susceptible de générer immédiatement des économies considérables
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À l'inverse la «gratuité» nous a plusieurs fois été présentée comme un facteur de blocage : «les entreprises qui croient encore au Père Noël ne survivent généralement pas longtemps» «aujourd'hui c'est gratuit probablement parce qu'il s'agit de flux marginaux qui utilisent les infrastructures existantes, mais si l'Internet se développe ces réseaux seront atteints d'apoplexie et ceux qui auront fait le pari Internet auront le choix entre la paralysie et le prix fort. Il serait beaucoup plus rassurant pour nous de payer un service à son juste prix : c'est à dire dont nous saurions qu'il permet à l'opérateur de financer normalement son exploitation et son développement» «Nous avons la crainte que ce soit comme les «joints» dans les cités : au début on vous les offre mais quand vous vous êtes mis en situation de dépendance...»
Un point mérite d'être approfondi : quel est l'équilibre économique permettant de financer le fonctionnement et le développement d'Internet notamment au niveau des opérateurs de télécommunication ?. Remarquons d'entrée de jeu que la «gratuité» d'Internet est toute relative : les coûts sont certes de plusieurs ordres de grandeur inférieurs à ce que permettaient les structures tarifaires précédentes (notamment dans les réseaux à valeur ajoutée) mais ils sont néanmoins loin d'être nuls. | |
Ce que payent aujourd'hui les utilisateurs assure-t-il globalement aux opérateurs une rémunération convenable [38] ? De sources crédibles certaines informations sur le prix de revient des communications transatlantiques (10 à 20 F/heure [39]) et des raccordements à Internet par liaison permanentes (200 à 400 F/mois, aujourd'hui facturé 10 000 F/mois), ainsi que les écarts entre la tarification de services dans différents pays (France / USA [40] L'entreprise Finkl à Chicago nous a indiqué payer pour une T1 (1,5 Mégabit/s) 1500$/mois) dont rien ne permet de croire que le prix de revient diffère sensiblement, conduit à penser que, comme dans le système bancaire, la surtarification de certains services compense la gratuité des autres (ce qui peut permettre un équilibre économique global mais ne conduit pas forcément les acteurs concernés à un comportement optimal notamment en terme d'investissement) «On ne pourra pas indéfiniment payer 5 à 10 fois plus cher qu'aux Etats Unis, nous réfléchissons sérieusement à l'opportunité d'un hébergement outre atlantique» déclare Frédéric Filloux [41] directeur des éditions électroniques de libération | |
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il est regrettable qu'il existe actuellement en Europe aussi peu de centres de recherche capables d'analyser de façon indépendante les modèles économiques dans ces domaines
«Internet est désespérément lent» «avec la croissance exponentielle du trafic le réseau va finir par s'effondrer [42] certes aujourd'hui, notamment à certaines heures, les temps nécessaires pour établir une connexion ou le téléchargement d'un document demandent parfois une certaine dose de patience. Deux phénomènes, chacun très rapide, jouent en sens contraire : l'augmentation fulgurante du nombre d'internautes et le développement non moins spectaculaire de capacités nouvelles de transmission La simple évolution technologique a permis sur 15 ans d'augmenter en moyenne la capacité des circuits de 60% par an [43] Pour la traditionnelle paire de cuivre, qui dessert le particulier, la technologie ADSL doit permettre de passer des 64 Kb/s à 6 Mb/s avant de laisser place à la fibre optique dont le prix devrait dans les 10 ans être inférieure au cuivre Le CNET estime possible de raccorder 40 à 50 % de la population à un débit de 8 Mégabit/s. Pour sa part, l'opérateur suédois Telia a retenu Alcatel (qui a déjà équipé Singapour) pour installer l'ADSL dans 98 % des foyers d'ici 2004. ! respectant ainsi remarquablement la loi de Moore du doublement tous les 18 mois, |
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Ce à quoi il faut rajouter
Notons également les investissements considérables réalisés par tous les opérateurs (entre autre exemples, nouveau câble Londres-Hong-Kong de 10 Gigabit/s lancé fin 97 par Bell Atlantic qui sera suivi en 99 par une nouvelle liaison Europe Asie en fibre optique sous l'égide de France Télécom)
Tous concourent à augmenter les capacités de transport ou à limiter les besoins de communications à longue distance [48]. N'oublions pas non plus qu'il existe un réseau extrêmement développé jusque chez l'habitant et qui n'a, paradoxalement, jusqu'ici pas été exploité : le réseau électrique. Depuis longtemps pourtant la domotique l'a utilisé pour véhiculer le son et les télécommandes et EDF pour ses changements tarifaires. | |
Il semble enfin aujourd'hui que cet «oubli» soit en train d'être réparé, avec une bande passante qui paraît remarquable (Northern Telecom annonce sur les réseaux électriques un service à 1 Megabit, soit 10 fois plus que le RNIS, à des prix bien entendu beaucoup plus compétitifs. Cette technologie doit bien entendu encore être testée en vraie grandeur pour juger de sa fiabilité)
« Internet est un système peu sûr : risques de piratage, d'intrusion dans notre système informatique, peut-on garantir la confidentialité des échanges ? , quelle est la fiabilité des transactions ? Quel serait l'impact d'une panne du réseau ?»ce sont là de vrais problèmes qui n'ont pas de réponses simples : en tout état de cause, in fine, un choix est à faire entre la dimension offensive qui nécessite vitesse et légèreté d'une part, et celle d'une plus grande sécurité qui n'incite pas à aller de l'avant, un arbitrage doit être opéré entre ligne Maginot et panzer divisions : privilégier la confidentialité ou la vitesse ?
Par ailleurs n'oublions pas qu'obtenir de l'information implique d'accepter d'en donner, et c'est là un des principes de base de l'économie du Web.
Cela étant, dans ce domaine, les entreprises françaises sont pénalisées par rapport aux entreprises allemandes, américaines ou des autres pays de l'OCDE qui peuvent se protéger en cryptant leurs échanges. En France la loi restreint fortement cette possibilité : les clés de 40 bit aujourd'hui autorisées peuvent être cassées en une journée...par un économiseur d'écran fonctionnant pendant les temps morts d'un réseau de quelques dizaines de micro-ordinateurs (Cf chapitre II - A - 2 ) V - A - 2 ) les obstacles non mentionnés, mais qui transparaissent dans les réactions
"Où sera le terminal ? Qui y aura accès ?" "Nous avons déjà une page sur le Web dans une société de service mais il est finalement plus commode de travailler avec eux par fax" "Sur le plan commercial, un e-mail engage mon entreprise de façon non contrôlable. Dans le flou actuel du droit sur le Web il y a là un risque qu'aujourd'hui je ne veux pas prendre"(les Sniffers évoqués ci-dessus semblent permettre de détecter et de bloquer ce type de mail non autorisé dans la plupart des cas) | |
L'information c'est le pouvoir, rien n'est donc plus sensible que d'en modifier les règles d'accès et de circulation. La réticence, quasi culturelle, vis-à-vis de l'informatique, qui ne s'est levée que très progressivement a sans doute la même origine.
Le risque de déstabilisation sociale est tout à fait réel pour certaines structures fortement hiérarchisées : on a bien vu par exemple que, dans le domaine de la qualité, l'assurance qualité, politique de contrôle qui, in fine, renforçait la structure hiérarchique a été assez bien assimilée, alors que les cercles de qualité qui cherchaient à mobiliser les compétences et l'imagination de chacun pour faire progresser l'entreprise, a déstabilisé bien des hiérarchies par la mise au jour des capacités réelles de chacun, et n'a pu être admise et prospérer que dans un nombre très restreint d'entreprises françaises.
Certes, la discipline ne devrait plus être considérée comme la force principale des organisations, mais dans ce domaine ou beaucoup ont bâti leur pouvoir sur la rétention d'information il convient de prendre en compte les réalités.
Notons que le blocage ne vient en général pas du patron, dont le pouvoir ne peut être menacé puisqu'il provient de la détention du capital, mais des hiérarchies intermédiaires qui peuvent craindre que l'on s'interroge sur leur véritable valeur ajoutée dans une organisation où le contrôle de l'information serait sensiblement différent.
Nous avons pu constater aussi bien en France qu'aux Etats-Unis qu'Internet se développait d'abord chez les jeunes mais ensuite chez les retraités (d'après une enquête de l'opérateur américain MCI (650 000 réponses) les femmes âgées de 60 ans obtiennent un meilleur score que les hommes âgés de moins de 17 ans......(http://www.mci.com)
Les tranches d'âge 40-55 ans des cadres en situation de pouvoir semble être la plus réticente, sans doute pour les raisons évoquées ci-dessus.
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