Ce rapport 2004 est la huitième édition depuis la première
demande du Ministre, en 1997 nous chargeant
Il apparaît aujourd'hui clairement qu'Internet ce n'est ni du contenu,
ni du contenant (ce n'est ni un "média" ni des
télécom et encore moins une synergie entre ces deux
métiers profondément différents), ni pour l'essentiel de
la Technologie, ni de la Communication, ni de l'Information (dans NTIC, seul N
devrait être conservé!), que les sites web et le commerce
électronique ne sont qu'une infime partie des potentialités qu'il
offre, qu'Internet, outil extrêmement puissant et qui fera la
différence dans la compétition n'est pas pour autant un "gri-gri"
qui dispenserait d'avoir un vrai métier avec des vrais produits ou
services, avec des vrais clients et un vrai compte d'exploitation
Internet est un outil de réseau, l'outil des transactions qui
transmet des instructions opérationnelles autant que des informations.
Il change en profondeur l'organisation des entreprises et permet des gains
considérables de compétitivité en écrasant les
coûts: coûts administratifs permettant un redéploiement
du personnel vers les clients, coûts d'achat, coûts de formation,
coût du SAV et augmentation de son efficacité, en
limitant les stocks et en-cours et donc les besoins de capitaux
pour opérer une entreprise, en réduisant temps et coût
de conception d'un nouveau produit, en donnant les moyens d'un suivi
logistique performant et en assurant aux "nomades" une connexion
à ce réseau aussi efficace qu'aux sédentaires
C'est un outil de compétitivité de flexibilité et
de réactivité: c'est en fait le nouveau système
nerveux de nos entreprises: son appropriation n'est ni un
problème technique, ni financier, mais culturel (organisation
autour de la satisfaction du client) et organisationnel (accent sur un
fonctionnement en réseau autour de projets avec un déplacement
fort des mécanismes de pouvoir)
C'est aussi un outil de modernisation des administrations, leur
permettant d'être plus efficaces, d'avoir des guichets
électroniques disponibles en permanence (le 24/7),
générant moins de frais pour les administrés grâce
à des procédures en ligne et à visage plus humain, les
tâches "de bureau" étant automatisées les fonctionnaires
devraient pouvoir être davantage disponibles pour leurs concitoyens
Internet, loin de "déshumaniser" réduit toutes les
tâches automatisables dans le cadre de process (comptabilité,
approvisionnement, organisation de la production, suivi client, archivage,
suivi qualité,...) et permet à l'inverse de redéployer les
personnes vers des fonctions d'écoute client, de développement de
partenariats, d'innovation, de conduite de projet
Internet entraîne également une mutation profonde de
l'organisation du tissu industriel: réduisant les coûts et les
délais des transactions interentreprises (production ou conception d'un
produit nouveau) permettant l'indispensable traçabilité
exigée des processus qualité, il conduit les entreprises
à se spécialiser sur leur coeur de métier et à se
configurer en réseaux, "entreprise virtuelle" autour de projets
(conception et construction d'un avion, chantier petit ou grand de BTP,
tourisme,..), en accroissant sa capacité à s'adapter aux
fluctuations chaque jour plus brutales du marché (jusqu'au cas
extrême de la Fabless Company): à tel point, comme nous l'avons
observé aux US, que symboliquement le "firewall", protection des
informations sensibles contre les intrusions, n'est plus autour de l'entreprise
à travers les entreprises mais autour du projet
Bien entendu, cela implique qu'une entreprise ne peut véritablement
tirer bénéfice d'Internet que si cette évolution concerne
simultanément ses fournisseurs, clients et partenaires : c'est une des
grandes difficultés qui confère aux pouvoirs publics et aux
grands donneurs d'ordre une responsabilité particulère à
travers le lancement d'action collective comme ce fut le cas, avec
succès, dans le domaine de la qualité il y a quelques
années
2003 a été marqué par le lancement du programme
Boost-Aéro (et sa composante e-pme) déployant
à l'échelle nationale et développant l'initiative prise en
Midi-Pyrénées dans le domaine aéronautique spatial et
Défense...
Ce programme a mis en évidence une nouvelle fois le cruel retard de
nos infrastructures (disponibilité, capacité, qualité
et prix) et la difficile montée en puissance d'une véritable
concurrence. La mise en oeuvre progressive des directives
européennes et la capacité d'initiative conférée
aux collectivités locales devrait, espérons le, permettre de
remédier à ce très préjudiciable état de
fait dans les prochaines années. Par ailleurs l'arrêt des
investissements provoqué par la situation financière
dégradée des opérateurs (qui ont consacré leurs
moyens financiers à des acquisitions déraisonnables à
l'étranger) ont conduit les producteurs d'équipement,
détenteurs de la technologie, au bord de la faillite handicapant leurs
efforts de R&D, ce que nous risquons de payer très cher à
l'avenir avec l'émergence de la Chine dans ce secteur
Internet introduisant de nouveaux modèles d'organisation, de nouveaux
produits ou services, continue à offrir des opportunités
nombreuses de création d'entreprises et la folie des start-up de
la "bulle" ne doit pas occulter l'importance toujours actuelle de cet enjeu.
Mais créer une entreprise redevient ce qu'elle a toujours
été, une aventure passionnante difficile et risquée,
indispensable à la vitalité et au renouvellement de notre tissu
économique et qui en tant que tel, mérite une attention d'autant
plus soutenue des pouvoirs publics que les financements se font rares.
Les entreprises leaders créées autour de vraies innovations ont
pour beaucoup survécu et retrouvent en 2003 des valorisations de
plusieurs dizaines de milliards de $
Parmi les innombrables start-up qui ont disparu, certaines avaient
développé des concepts qui ne nous paraissent pas pour autant
condamnés: sans doute en avance sur leur temps elles avaient
anticipé une adoption plus rapide de leurs produits ou technologies en
sous-estimant la lenteur des évolutions des esprits, ou dans d'autres
cas elles ont été poussées à un
développement trop rapide, notamment à l'international par des
investisseurs impatients et elles n'ont pas tenu le choc. Nous n'avons pas
voulu gommer ces aventures qui seront sans doute reprises plus tard par
d'autres, ni nous gausser de ces échecs, car même si le
succès n'est pas au bout du chemin, le fait d'avoir oser créer
mérite notre respect
Malheureusement nos nombreux déplacements à l'étranger,
tant dans les pays du Nord qu'aux Etats Unis ou en Asie nous ont montré
le creusement de l'écart entre nos entreprises et leurs
compétiteurs: notre modèle sociologique d'entreprise, issu, comme
dans les autres pays latins, de l'agriculture est basé sur "la
défense de territoires", et donc sur le modèle
hiérarchique, ou la fidélité est plus reconnue que la
compétence, et qui se révèle peu adaptée à
une organisation en projets partenariaux en réseau. Nos entreprises ont
vu arriver Internet non comme une opportunité mais comme une menace et
n'ont pas caché leur satisfaction devant ce qu'ils ont cru être
l'effondrement de la "nouvelle économie" qui ne concernait en fait que
les aspects superficiels et excessif, et ont totalement détourné
leur attention de ce qu'elles considèrent aujourd'hui comme un mirage
dissipé
Le rapport du World Economic Forum 2003 portant sur 82 pays situe la France au
4ème rang mondial pour la qualité de ses
ingénieurs et scientifiques mais seulement en 19ème
position en terme de capacité à utiliser les réseaux de
technologie de l'information (critère ou la Finlande occupe la
1ère place et les Etats Unis la seconde). Cette analyse confirmerait
l'hypothèse que notre retard est structurel et correspondrait à
une question culturelle et non à un retard technologique
Sur le plan géopolitique, à côté de la
domination des Etats Unis et du niveau d'excellence de l'Europe du Nord on note
que le Japon (en dehors des technologies nomades) souffre des mêmes
difficultés culturelles que nous pour pouvoir pleinement exploiter les
potentialités de l'Internet, mais qu'à l'inverse émergent
de nouveaux foyers de développement de très haut niveau
technologique en Inde et dans le "monde Chinois"
(périphérie du pacifique et Asie du Sud-Est) : ce serait une
très grave erreur d'analyse que de considérer ces pays comme
simplement des "pays à bas couts"
Le classement du World Economic 2002 basé sur le jugement des
businessmen de la planète, est certes très contestable, mais,
avec une recul de notre pays de 10 places (a la 30ème place,
l'Italie étant à la 39ème place) alors que les
pays ayant misé sur internet caracolent en tête (Amérique
du Nord mais aussi, Pays du nord et Dragons asiatique) doit néanmoins
nous inciter à la reflexion. 2003 nous a certes permis de regagner
quelques places mais nous sommes toujours loin des leaders
Certains philosophes ont même idéalisé cet état de
fait dans une apothéose de "french arrogance" en déclarant "la
France ne prend pas du retard, elle prend du recul": espérons que le
précipice n'est pas juste dans notre dos
Sur le plan de la technologie nous noterons cette année la
percée spectaculaire au niveau mondial de la technologie WiFi qui
permet un accès sans fil beaucoup plus rapide que l'UMTS et infiniment
moins cher arriveront-elle à se compléter? certains en doutent et
craignent de nouvelles difficultés pour la "3G"
Par ailleurs les problèmes de sécurité ont
été au coeur des préoccupation tant des Etats que des
entreprises étant donné le rôle clé que jouent
maintenant ces technologies dans le fonctionnement de notre
société et de notre économie : la plus grande
efficacité apportée par celles-ci se traduit aussi par une plus
grande vulnérabilité, et de difficiles arbitrages doivent
être faits entre sécurité et respect de la vie
privée (débats sur le programme "National Strategy To Secure
Cyberspace" et le projet "Carnivore" par exemple). Notons aussi depuis
l'été 2003 une véritable explosion du SPAM
(courriers non sollicité ou "pourriels") qui ont littéralement
envahi les messageries
Confucius disait "l'ennemi de la connaissance n'est pas l'ignorance mais
le fait que l'on croit savoir": ce rapport se donne comme objectif
d'essayer d'aller au delà des apparence et de mettre le projecteur sur
les éléments clé de cette mutation et les actions à
entreprendre par les acteurs concernés
Un grand nombre de personnes (entreprises, sociétés de conseil,
organismes de formation,...) nous ont suggéré d'assurer la mise
à jour d'un rapport qu'ils utilisent comme document de
référence (support de cours, source d'exemples d'application pour
la sensibilisation et le conseil, guide méthodologique, ...).
La présente version essaye de répondre à cette demande:
Comme la précédente, celle-ci est consultable à l'adresse
www.ensmp.fr/industrie/jmycs (depuis sa première publication
ce rapport a reçu plus d'un million de requêtes provenant de 103
pays), où il est possible de la télécharger ou de
l'utiliser en format html comme plate-forme de navigation pour accéder
à toutes les sources citées (le sommaire très
détaillé essaie de faciliter un accès direct et rapide
à la préoccupation du lecteur).
En outre une page de News -
www.yolin.net - permettra de
continuer à l'enrichir progressivement par des développements
spécifiques (formation, intelligence économique,
développement économique local, création d'entreprises
dans les NTIC, infrastructures et aménagement du territoire, Internet et
collectivités locales, sécurité, les nouveaux
métiers, la e-santé, la "soft-war", les clubs d'entreprise, les
actions collectives comme Boost-Aéro, les rapports de mission,...) et de
rester à votre écoute pour continuer à capitaliser notre
expérience collective
Merci à tous
Après un développement rapide durant la dernière
décennie du siècle passé, les 3 dernières
années amplifiant le mouvement amorcé mi-2000, ont
été des années paradoxales avec une divergence
totale entre le "monde réel" et le "monde financier" :
2003 a montré une nette reprise pour les "champions" rescapés de
la tempête et la nouvelle économie poursuit son
développement mais loin des feux de la rampe : c'est au coeur des
entreprises qu'elle apporte ses profondes mutations.