Le
coût d'un logiciel est quasiment un coût fixe et ne dépend
pratiquement pas du nombre de clients: si vous multipliez par 1000 le nombre
de vos clients vous divisez pratiquement par ce même chiffre votre prix
de revient unitaire...
Aussi le marché est-il au départ d'un nouveau produit
extrêmement instable quand plusieurs compétiteurs s'affrontent:
celui qui arrive à distancer ses concurrents se retrouve très
rapidement en position dominante, inexpugnable, en devenant la
référence dans son secteur tandis que le marché se
concentre sur lui
Les autres sont condamnés à disparaître (où à
se faire absorber) ce que les américains résument par
l'expression "the bigger, the Biggest"
"il faut créer tout de suite un leader mondial. Car quelqu'un qui a une
avance dispose d'une fenêtre de 6 ou 9 mois seulement pour en profiter"
Maurice Tchénio patron d'Apax Partner
Yahoo!, AOL et Amazon.com ont par exemple atteint un taux de notoriété spontané supérieur à 50% ce qui donne à ces entreprises une valeur boursière sans commune mesure avec leur chiffre d'affaire et leurs résultats financiers: AOL "a valu" 100 milliards de dollars et Yahoo! a dépassé 100 Milliards de $ début 2000 avant de retomber à 10 à l'été 2001 (c'est quand même encore 2 fois la capitalisation de Thalès...), et Amazon 17 milliards de dollars (aujourd'hui 4) bien qu'elle soit aujourd'hui à peine à l'équilibre. Cisco a déboursé 6,9 Milliards de dollars pour une petite société californienne Cerent (créée en 1997, 10M$ de chiffre d'affaire, 30M$ de perte, un seul produit...mais qui en donnant accès à la technologie DWDM (multiplexage sur les fibres optiques permettant d'en décupler le débit) apporte à Cisco la dernière brique pour lui permettre une attaque frontale contre les fournisseurs des opérateurs historiques (Lucent, Alcatel,...) Dans l'économie de l'Internet, tout va tellement vite que rater une marche ne pardonne pas, soulignait John Chambers, patron de Cisco, lors d'un passage à Paris et aucun leadership n'est donc jamais acquis |
Un argument que l'on entend souvent en effet dans notre pays paraît extrêmement pernicieux :
"toutes ces entreprises ne reposent en fait que sur une bonne idée en matière de marketing, elles ne bénéficient d'aucune protection technologique, laissons-les donc essuyer les plâtres, créer le marché et les nouveaux entrants bénéficieront de l'expérience et pourront "ramasser la mise""
Mais ne peut-on pas tenir le même raisonnement sur Coca-Cola ? Des dizaines d'entreprises se sont mises depuis une dizaine d'années à fabriquer et vendre des colas en profitant d'une "éducation du goût" déjà faite. Elles ont réussi à mettre sur le marché des produits dont on ne peut pas dire qu'ils soient notablement plus mauvais que l'original. Et pourtant peu d'entre elles approchent la capitalisation boursière du leader historique (la marque Coca-cola, malgré les déconvenues de 1999 est estimée par Interbrand, à 72,5 Milliards de $)
Les pionniers bénéficient en effet, grâce à leur situation de "référence", et au caractère innovateur des services qu'ils offrent d'une énorme publicité gratuite: il y a peu de journaux qui ne parlent régulièrement d'Amazon.com et de Yahoo! avec des connotations "jeune", "dynamique", "conquérant" et "sympathique", alors qu'en contrepoint se dessine l'image de "lourdeur", de "vieux", de "manque d'imagination" des "Empereurs", l'image de Goliath contre David
Amazone et Yahoo! Ont atteint en trois ans un taux de notoriété spontanée de 50 % que les très grandes marques ont mis souvent des décennies à obtenir
Ceci est un premier atout d'une valeur considérable que notre culture a tendance à sous-estimer
Deuxième atout : avec la mondialisation tout internaute, à titre personnel comme professionnel, se trouve placé en position de choisir entre des centaines sinon des milliers de références. Dans ce contexte deux éléments sont déterminants
- le prix car c'est un élément qui se prête à des comparaisons faciles notamment grâce aux agents intelligents
- la notoriété de la marque, facteur de confiance qui offre un repère essentiel milieu de cette jungle
en termes de rentabilité pour le marchand le second est généralement considéré comme le plus important
Troisième atout: de plus en plus les sites marchands véritablement performants pratiquent le "softselling", c'est-à-dire qu'ils offrent aux visiteurs de très nombreux services gratuits afin de les fidéliser et de faire de leur site la référence de la profession :Analyse financière pour E-trade, critique littéraire, club de lecteurs, moteur de recherche pour Amazone.com, banque de données géographiques pour Springstreet.com, tout ce que vous devez savoir sur la voiture pour autobytel, sourcing des fournisseurs pour Freemarket,...
Cela représente de très lourds investissements, facilement amortis quand les clients se comptent par millions et, à l'inverse, extrêmement difficiles à financer pour le nouveau venu : la notoriété favorise le "bouche à oreille" limitant le besoin de publicité payante et rappelons que les logiciels ou les sites sont quasiment des coûts fixes et que, de ce fait, leur prix de revient unitaire est inversement proportionnel au nombre de clients.
Dans la net-économie il y a une prime considérable pour le leader car il peut vendre moins cher, voir même fournir ses services gratuitement, tirer des revenus substantiels de la publicité, et accumuler les moyens financiers pour creuser la différence en termes de qualité et pour racheter ses concurrents malheureux
C'est ce
qu'on appelle la
loi de Davidow
:
"le premier qui part à la conquête d'un nouveau marché en conquiert 60%" Ou plus radicalement "first mover takes all" |
Ceci est
une des explications des cours de bourse au plus fort de la période de
spéculation, totalement déconnectés des chiffres
d'affaires et des bénéfices de l'époque mais capitalisant
les bénéfices escomptés quand l'entreprise deviendra le
"Coca Cola" ou le "Microsoft" de son secteur (même si dans l'euphorie de
début 2000 certains ont quelque peu perdu le sens de la mesure...)
Bluemountain.com, leader des cartes de voeux gratuites en ligne, 65% du marché, a été rachetée en novembre 1999 par Excite@Home pour 780 M$ ! |
Attention : cela ne signifie pas qu'un leader est inexpugnable : il a peu à craindre d'un imitateur mais il a tout à redouter d'une idée neuve et les chutes sont en général plus rapides encore que la montée.
L'économie start-up c'est un sprint en forme de Marathon! |
La
bataille de l'Internet gratuit en 1999, qui a permis à Dixons
d'obtenir en quelques mois trois fois plus de clients que des leaders comme
Wanadoo illustre bien ce point. Tiscali opérateur Sarde, start-up
créée en 1997, qui a été le premier à
exploiter cette idée est aujourd'hui le numéro 2
européén derrière T-online et au coude à coude avec
Terra Lycos
Mais cela a nécessité une idée marketing neuve :
couplage du portail de commerce électronique et de la fourniture
d'accès gratuit, et en se rémunérant pour partie par un
reversement de la marge réalisée par l'opérateur de la
boucle locale. La contreattaque n'a pas tardé avec un nouveau business
model: la vente groupée de la communication et de la connexion...
à un prix inférieur à la communication seule qui a permis
aux opérateurs de reprendre la main
...et la création de nouvelles start-up comme Internet
Télécom qui se propose de vendre des plates-formes
d'internet gratuit personnalisé, clé en main (portail,
plate-forme technique, centre d'appel, ...) aux grands distributeurs (ou aux
Banques!) qui choisiraient comme Darty ou la Fnac cette voie pour
développer leur commerce
"le succès et l'arrogance qu'il apporte empêche de voir arriver la révolution suivante et ses futurs concurrents. La route 128 qui entoure Boston où se trouve notre siège social est le premier cimetière d'entreprises High Tech des Etats Unis" Michael Ruettgers Pdg d'EMC http://www.emc.com entreprise qui s'est créée pour répondre au besoin nouveau de stockage de données, métier qui se développe avec l'Internet commercial qui nécessite de stocker de gigantesques quantités d'information atteignait encore 140 milliards de dollars de capitalisation début 2001, soit plus que Boeing ou Motorola |
Il est donc extrêmement important pour notre pays de faciliter l'émergence de telles start-up, et de créer un environnement qui ne les oblige pas à se vendre très vite à des entreprises étrangères. Le seul domaine aujourd'hui où ce sont des start-up françaises qui dominent le marché mondial était celui des cartes à puces, avec Gemplus dont le contrôle a été pris par des fonds américains qui l'ont entrainé dans une grave crise dont, fin 2002 il n'était pas encore sorti
Dans les jeux [23] (Infogrames, Ubisoft, Vivendi, In Fusio, Titus Interactive ...) dans les industries de la Langue (Systran, Elan informatique), dans le multimédia grand public (Havas Interactive), dans les logiciels d'intelligence économique (Arisem, trivium, Qwam,..)... et plus anecdotiquement dans les fleurs (Aquarelle.com, Jenny Fleurs, Interflora voir page 155) nous avons cependant des entreprises figurant parmi les leaders mondiaux même si l'avenir de certaines d'entre elles paraît aujourd'hui bien compromis. |
Bien des entreprises Françaises véritablement innovante se sont installées au moins pour partie aux US pour bénéficier d'un marché plus important, de clients et de partenaires plus avancés, d'infrastructures plus performantes et moins onéreuses et de ressources financières plus significatives
Evariste
©1996-2007
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(Last update : Fri, 9 Feb 2007) |