[ evariste®
| sommaire
| chercher
]
Relance de la croissance par l'innovation |
Vis-à-vis de l'innovation technologique et industrielle, la France se trouve dans une situation paradoxale. Nous avons les idées, les projets, les compétences nécessaires à la création d'emplois nouveaux. Notre potentiel de recherche, notre capacité à maîtriser les technologies les plus pointues placent la France parmi les meilleurs pays du monde. Et pourtant nous réussissons moins bien que d'autres pays à transformer ces atouts considérables en emplois.
Le "plan PME pour la France", présenté par le Premier Ministre, le 27 Novembre dernier, a réaffirmé l'importance de l'innovation comme facteur de développement des entreprises.
Le socle industriel de notre pays, constitué notamment des 23.000 entreprises industrielles de 20 à 500 salariés est aujourd'hui trop étroit, en raison de la taille insuffisante de ces entreprises. Si elles avaient une structure équivalente à celle des PMI allemandes, elles compteraient 400.000 emplois supplémentaires.
Trois facteurs sont, pour l'essentiel, responsables de nos faiblesses : un environnement de l'entreprise innovante trop complexe et cloisonné; l'inadaptation du système financier aux besoins spécifiques de l'innovation; enfin le manque de mobilisation des énergies sur les technologies les plus porteuses d'avenir et de croissance.
Rapprocher les acteurs de l'innovation et favoriser la prise d'initiative |
Le fait de favoriser le jeu collectif des différents acteurs et d'encourager la prise d'initiative apparaît comme une priorité. C'est l'un des objectifs du volet "innovation" du plan PME. Une circulaire sera adressée aux Préfets pour la mise en place des mesures inscrites dans le plan. Il convient aujourd'hui d'aller plus loin.
La cible prioritaire de la politique d'innovation est celle des PMI, dont les deux tiers ne sont pas familiarisés avec cet univers, parce qu'elles ne disposent pas de ressources internes suffisantes ou parce qu'elles n'arrivent pas à trouver des partenaires dans un environnement complexe et cloisonné. La démarche innovante rencontre de nombreux obstacles, internes ou externes, dus à l'insuffisante d'apports extérieurs et au manque de coordination entre les partenaires de l'entreprise innovante.
La création du serveur Innovation Plus a été annoncée par le Premier Ministre à Poitiers, le 13 octobre dernier, sur la proposition d'Yves GALLAND, à l'époque Ministre de l'Industrie. Son ouverture progressive se fera à compter du 10 Avril 1996. Il comprend des informations sur les compétences technologiques et sur les procédures d'aides, ainsi qu'une bourse d'offres et de demandes de technologies. C'est un serveur national, accessible sur Internet et par Minitel, destiné à permettre aux PMI de rompre leur isolement en accédant à l'information sur les technologies nouvelles, et de pouvoir engager un dialogue avec leurs partenaires.
L'ANVAR assurera son hébergement et sa gestion. Son animation sera assurée par les associations-support des réseaux de conseillers en développement technologique (RDT), qui engageront une prospection régionale des PMI concernées.
Afin de stimuler la diffusion directe de technologies entre grands groupes et PMI, la priorité sera accordée aux grandes entreprises qui s'engageront dans des programmes en partenariat avec des PMI.
Un bonus de 5 à 10% sur le montant d'aide sera ainsi accordé, dans le cadre des procédures du ministère de l'industrie, aux projets répondant à ce critère.
Un volet de diffusion vers les PMI sera introduit au sein du programme européen "MEDEA" de recherche dans le domaine des composants électroniques.
L'objectif est de permettre à plus de 1000 PMI françaises d'accéder à l'utilisation des technologies développées dans MEDEA. Un montant de l'ordre de 200 MF sera consacré à cet objectif, sur la période 1997-2000, soit 10% des aides publiques à MEDEA.
Par ailleurs, le ministère de la recherche augmentera substantiellement la participation des PMI dans les grands programmes fédératifs de recherche, financés sur le fonds de la recherche et de la technologie, dans la continuité du second programme PREDIT.
La réforme de l'aide publique à l'innovation |
Les différents partenaires publics de l'entreprise innovante, que sont l'ANVAR, les DRIRE, les DRRT et l'INPI doivent évoluer, pour devenir des éléments moteurs de cette nouvelle politique. Ils doivent se mobiliser pour rendre l' environnement de l'entreprise innovante moins complexe et moins cloisonné, pour lui faciliter l'accès au financement, et lui permettre d'investir dans les technologies les plus porteuses d'avenir et de croissance. Au-delà du travail en cours dans le cadre de la réforme de l'Etat, il est nécessaire de faire évoluer le positionnement spécifique des établissements publics, que sont l'ANVAR et l'INPI.
Sur la base des conclusions du rapport demandé par le gouvernement à MM GREIF et CHABBAL sur l'évolution des missions de l'ANVAR, une réforme de l'Agence va être engagée par les ministres chargés de l'industrie, de la recherche et des PME.
L' Agence accompagnera prioritairement les entreprises à potentiel de croissance. L'objectif est que l'ANVAR intègre, dans ses critères d'attribution des aides, une appréciation de l'impact économique attendu sur la croissance et sur l'emploi de l'entreprise aidée. Elle privilégiera les projets liés à la maîtrise des technologies clés. Elle se rapprochera des laboratoires publics, afin de mieux mettre en valeur les recherches qui y sont menées.
Afin d'améliorer la viabilité et le potentiel de croissance des projets innovants, l'ANVAR financera en amont de sa procédure d'aide au développement des études de faisabilité détaillées.
Une évolution des outils financiers de l'agence est prévue pour offrir des possibilités de financement plus adaptées aux besoins des entreprises de croissance. Des synergies seront recherchées avec le CEPME, la SOFARIS et les sociétés de capital-risque, pour améliorer l'offre de financement.
De plus, afin de mieux répondre aux attentes des PMI, elle améliorera sa couverture territoriale en renforçant ses délégations. Elle accroîtra les responsabilités et la capacité d'intervention de ses délégués et veillera à coordonner toujours plus étroitement son action avec celle des autres partenaires privés et publics locaux. Les délégations chercheront à accroître leurs engagements contractualisés avec les acteurs locaux. En particulier, les implantations physiques des différents partenaires (DRIRE, DRRT, ANVAR) seront systématiquement rapprochées d'ici 1999.
Enfin, les ministres de tutelle ont donné à l'ANVAR la mission d'apporter son expertise technologique aux sociétés de capital-risque et aux banques , avec comme objectif de participer à la mobilisation des financements nécessaires à la croissance des entreprises. Dans ce nouveau contexte, les organismes financiers pourront examiner la possibilité d'un accroissement de leur effort dans le financement en fonds propres des entreprises innovantes.
La propriété industrielle permet de valoriser et de défendre l'innovation : elle est devenue un élément essentiel de la stratégie des entreprises. Les évolutions du système international de propriété industrielle intervenues au cours des 15 dernières années, avec notamment la création de l'Office Européen des Brevets et le développement de l'espace économique européen sont des facteurs de changement majeur. Le rôle et les missions des offices nationaux doivent donc être rééxaminés en conséquence..
En outre, le brevet européen se trouve dans une situation compétitive défavorable, par rapport à ses principaux concurrents. Le dépôt d'un brevet est quatre fois plus cher qu'un dépôt équivalent aux Etat-Unis et sept fois plus cher qu'au Japon.
La conjonction de ces éléments me conduisent à confier à une haute personnalité le soin d'entreprendre une réflexion stratégique sur l'adaptation du dispositif national (et européen) de propriété industrielle aux besoins des entreprises. Cette mission poursuivra quatre objectifs:
Une enquête récente confirme une forte demande des entreprises pour un interlocuteur unique, lorsqu'elles recherchent le financement public de leurs projets.
Aussi, il est décidé d'expérimenter dès 1996 dans quatre régions (Ile de France, Auvergne, Midi-Pyrénées, Provence-Alpes-Côte d'Azur) un rapprochement technique des interventions des DRIRE, des DRAF, des DRRT et des délégations régionales de l'ANVAR, en matière de soutien à des projets technologiques : le premier interlocuteur de l'entreprise instruira et traitera entièrement son projet comme représentant des différentes entités, en mobilisant toutes les procédures d'aides.
Maîtriser les technologies clés |
La définition claire des priorités technologiques par les pouvoirs publics est d'autant plus nécessaire qu'il n'est plus possible à aucun pays d'être présent sur la totalité du front technologique, mais elle est d'autant plus difficile que l'interconnexion croissante des technologies tend à estomper ou même à bouleverser les frontières traditionnelles entre les secteurs industriels.
En particulier, les technologies de l'information doivent être considérées comme le système nerveux de l'économie. Leur développement apparaît comme central dans la diffusion des autres technologies.
Il faut rappeler que le caractère clé d'une technologie s'analyse au travers plusieurs critères : l'impact direct sur les marchés et le commerce extérieur, la vulnérabilité et le risque de dépendance industrielle, la contribution aux besoins nationaux, la capacité à être diffusée dans l'industrie nationale.
Les substituts du sang, les écrans plats et les batteries pour équipements électroniques portables constituent trois illustrations de technologies clés.
L'objectif est d'améliorer sensiblement, à horizon de cinq à dix ans, la position française sur un nombre significatif de ces technologies.
L'appel à propositions permettra de faire émerger des projets visant à une réflexion stratégique et une meilleure coordination entre les milieux scientifiques et industriels, entre grands groupes et P.M.I., au niveau français et européen.
L'appel à propositions "Technologies clés", doté d'un budget d'un milliard de francs sur deux ans, sera lancé au mois d'avril. Les premiers projets présentés par les industriels seront sélectionnés au mois de juin, et seront labellisés avant la fin de l'année.
Il est essentiel que les technologies-clés diffusent rapidement dans tout le tissu industriel, et notamment en direction des P.M.I.. L'outil prévu pour parvenir à ce résultat est la procédure Atout. Celle-ci est actuellement limitée à trois grands domaines technologiques. Il convient de l'étendre à toutes les technologies clés au fur et à mesure que celles-ci atteignent le stade où elles sont prêtes pour une large diffusion.
A partir de cette année, Atout sera progressivement étendue, par la création d'un 4ème volet, à toutes les technologies clés. Cela se fera à titre expérimental en 1996 et sera généralisé en 1997.
Alors qu'on assiste à un décloisonnement des secteurs industriels et de leurs technologies, il devient indispensable que les entreprises, et tout spécialement les PMI, puissent bénéficier de recherches réalisées dans d'autres secteurs. Le développement des travaux entre les CTI s'est légèrement accru, amplifié par un début d' organisation en réseau. Il est néanmoins toujours indispensable de développer et de promouvoir une offre de recherche et le transfert de technologies adaptée aux besoins des entreprises. En particulier, une meilleure articulation avec les organismes de recherche doit être obtenue, dans le but de renforcer la base scientifique et technologique des CTI.
Le Ministère de l'Agriculture, de la Pêche et de l'Alimentation a confié en 1994 une mission à M. CAUGANT, qui a conduit en 1995 à une mise en réseau des 50 centres techniques agro-alimentaires et à améliorer leur organisation pour facilité l'accès des entreprises à leurs services.
Aussi, les Centres Techniques Industriels engageront, avec l'appui des ministères de l'industrie et de la recherche, une démarche de réflexion stratégique visant à détecter et à mieux organiser leur offre globale de technologies clés pour les PMI, en s'attachant toujours davantage à une approche marketing permanente et individualisée. Les conclusions de cette réflexion sont attendues pour la fin de l'année.
Trois initiatives récentes mobilisant plus de 500 MF pour investir en fonds propres dans les PMI innovantes sont aujourd'hui opérationnelles.
La Caisse des Dépôts et Consignations a annoncé fin 1995 la création d'un fonds d'investissement intitulé CDC Innovation axé sur les PMI innovantes. Le montant du fonds initial s'élève à 400 MF, pour une période d'engagement de 3 à 5 ans. Ce fonds est ouvert à d'autres partenaires financiers.
Dans le secteur parapétrolier, une nouvelle société de capital-développement, appelé ISIS Développement vient d'être créée. Elle dispose d'un capital de 30 MF, susceptible d'être investi dans les PMI des secteurs diversifiés, débouchés des recherches de l'IFP. Enfin, le fonds ELECTROPAR doté de 160 MF, créé à l'initiative d'EDF et de la caisse des Dépôts et Consignations, permettra d'investir dans la croissance des entreprises du secteur des industries électriques .
Au sein du Budget Civil de la Recherche et du Développement, la part des crédits destinés à l'innovation et à la recherche industrielle (hors nucléaire, aéronautique et espace) représente en 1996, 6,6 % du total de 53 milliards, soit un montant de 4,5 milliards de francs.
Aussi, il importe de donner une meilleure lisibilité du budget consacré à l'innovation et à la recherche industrielle et de permettre une utilisation optimale de ces crédits, au profit des entreprises.
L'étude du ministère de l'industrie sur les technologies clés, apporte un éclairage nouveau, à travers sa grille d'analyse, sur la possibilité d'identifier des priorités technologiques et de soutenir préférentiellement les projets technologiques les plus importants pour la compétitivité de notre industrie. Ceci sera progressivement appliqué, qu'il s'agisse des crédits du ministère de l'industrie ou de ceux affectés à l'ANVAR,
Le ministère de l'industrie présentera son budget 1997 consacré à la recherche industrielle et à l'innovation en identifiant les actions de soutien à la maîtrise des technologies clés. De plus, chaque projet d'entreprise sera instruit , en introduisant systématiquement, dans les critères d'appréciation, le critère de technologie clé des technologies développées. Enfin, un bilan annuel sera effectué, en termes qualitatif et quantitatif, permettant de mesurer l'effort public en fonction des différentes technologies clés.
Conclusion: l'Etat-stratège |
Cette classification, fruit d'une analyse très fine, témoigne de toutes les diverses nuances que doit prendre la politique d'innovation technologique et industrielle publique. L'Etat ne doit pas se substituer aux initiatives privées, il doit encourager, de manière sélective, certains maillons du développement technologique. Ni producteur, ni comptable, l'Etat doit opérer une véritable révolution culturelle pour devenir le stratège de la croissance et de la création d'emploi.