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Les technologies clés
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Procédés de séparation membranaire
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Fiche Technologie-clé n : 133
VERSION 3
Définition
Le choix d'une membrane et d'un module qui lui tient
lieu de support est essentiel pour la mise en oeuvre des procédés
de séparation membranaires.
Une membrane est une barrière de quelques
centaines de nanomètres à quelques millimètres
d'épaisseur, sélective, qui sous l'effet d'une force de
transfert, va permettre ou interdire le passage de certains composants entre
deux milieux qu'elle sépare. La sélectivité ou
permsélectivité correspond à l'ensemble des taux de
perméabilité aux différentes substances contenues dans une
solution, la force de transfert recouvre le gradient de pression, de
concentration, d'activité, de potentiel électrique ou encore de
température. De ce fait les membranes incluent une grande
variété de matériaux et de structure qui forment autant de
possibilités de configuration et de classification.
La structure des matériaux permet de distinguer trois
types de membranes : les membranes isotropes, elles ont des
propriétés structurelles constantes sur toute leur
épaisseur ; les membranes anisotropes, leur structure composite varie de
la surface de la membrane vers l'intérieur ; les membranes liquides.
Selon la nature des matériaux constitutifs des membranes on parle
également de :
- membranes organiques : la plupart d'entre elles sont
actuellement fabriqués à partir de polymères organiques
(acétate de cellulose, polysulfones, polyamides, etc) dont les
qualités leurs confèrent une grande adaptabilité aux
différentes applications. La majeure partie des membranes
d'ultrafiltration et de microfiltration sont constituées de membranes
organiques (90%) ;
- membranes minérales ou inorganiques : de
commercialisation plus tardive que les membranes organiques, ces membranes
sont composés de corps entièrement minéraux,
principalement les matières céramiques, le métal
fritté et le verre. Leur arrivée a permis de travailler dans des
conditions extrêmes de température et d'agression chimique, ce qui
a ouvert de nouvelles voies dans la séparation par membrane ;
- membranes composites : apparues de cela il y a une
dizaine d'années, elles sont caractérisées par une
structure asymétrique dont la peau est beaucoup plus fine que celle des
membranes classiques non composites et par une superposition de plusieurs
couches différenciées soit par leur nature chimique, soit par
leur état physique. Elles peuvent être organiques (superposition
de polymères organiques différents), organo-minérales ou
minérales (association de carbone ou d'alumine comme support et de
métaux tels le zircone, l'alumine et le titane) ;
- membranes échangeuses d'ions : introduites en
1950, elles fonctionnent sur le principe du rejet d'ions grâce à
leur charge. Les techniques d'électrodialyse, la dialyse et
l'électro-désionisation font appel à cette technologie.
Leur principal domaine d'application actuel est le dessalement de l'eau et le
traitement des effluents des installation de protection et de décoration
des métaux.
Les modules supportent les membranes, 4 grands types de
modules sont commercialisés :
- Les modules tubulaires sont basés sur une
technologie simple, facile d'utilisation et de nettoyage, mais ils sont grands
consommateurs d'énergie pour une très faible surface
d'échange par unité de volume (compacité réduite).
- Les modules fibres creuses rassemblent un ensemble de
fibres creuses de diamètre inférieur au micromètre, en un
faisceau. Cette configuration leur procure la plus forte densité
d'écoulement par module.
- Les modules plans sont les plus anciens et les plus
simples : les membranes sont empilées en mille-feuilles
séparés par des cadres intermédiaires qui assurent la
circulation des fluides.
- Les modules spirales : une membrane plane est
enroulée sur elle-même autour d'un tube poreux qui recueille le
filtrat. On obtient ainsi un cylindre multi-couches où le perméat
s'écoule selon un chemin spiralé vers le tube poreux tandis que
l'alimentation circule axialement dans les canaux.
La mise en oeuvre des procédés de
séparation membranaires met en jeu des phénomènes dont la
maîtrise influe sur la qualité du système. Rappel de
quelques définitions :
- la pression osmotique est la différence de pression
qui existe de part et d'autre d'une membrane permsélective
séparant un liquide pur d'un autre contenant un corps dissous. Cette
différence de concentration entraîne un phénomène
d'osmose qui se traduit par un flux d'eau de la solution pure (ou la plus
diluée) vers la solution la plus concentrée. Ce transfert
à pour but de rétablir une pression d'équilibre dans les
deux milieux. Si l'on applique par contre une pression supérieure
à cette pression d'équilibre sur la solution la plus
concentrée, le transfert d'eau va s'opérer en sens inverse du
flux osmotique : c'est le phénomène d'osmose inverse.
- les mécanismes de transfert de matière
à travers des membranes semi-perméables. Trois grands
modèles en expliquent les principes : le modèle de
solubilisation-diffusion, le modèle basé sur la notion de
capillaire et celui de type phénoménologique de Kadem et
Katchalsky.
- le phénomène de polarisation se traduit par
une accumulation progressive des espèces (particules,
molécules,...) arrêtées à la surface de la membrane.
Les conséquences, réversibles, sont une diminution du flux de
perméat et une variation de la sélectivité qui
altèrent le rendement du système.
- le colmatage modifie les propriétés filtrante
d'une membrane excepté la compaction et la modification chimique. Le
stade ultime est une obstruction des pores entraînant à la fois
des variations de perméabilité et de sélectivité.
Techniques mises en oeuvre
Les procédés de séparation sur
membranes se rangent en plusieurs classes. La microfiltration,
l'ultrafiltration, la nanofiltration et l'osmose inverse peuvent être
définies comme des techniques de séparation de deux liquides par
perméation à travers des membranes permsélectives. La
pervaporation et la perméation en phase gazeuse utilisent des membranes
denses non poreuses, elles se distinguent des précédentes par
l'emploi de gaz et non de liquides lors du processus de séparation. Ce
sont des solutions de rechange à la distillation et à la
déshydratation de mélanges azéotropiques. En dernier lieu,
les techniques électromembranaires reposent toutes sur le principe
d'échange d'ions et elles utilisent le courant électrique comme
force motrice de séparation.
- La microfiltration : elle consiste à
éliminer les particules ayant une dimension comprise entre 0,2 et 10
micromètres lors du passage tangentiel (et non perpendiculaire) du
fluide à traiter à travers la membrane, et ce, grâce
à une différence de pression de part et d'autre de la membrane.
Eléments retenus : les bactéries, les fragments
de cellules biologiques, les matières colloïdales.
Domaines d'application : la purification de l'eau et le
traitement des effluents.
- L'ultrafiltration ou la filtration moléculaire
utilise des membranes microporeuses dont le diamètre des pores est
compris entre 1 et nanomètre (nm). Seules les petites molécules
transitent par la membrane tandis que celles de poids moléculaire plus
élevé en sont empêchés (pour une échelle de
poids moléculaires allant de 5 000 à 500 000 daltons).
Eléments retenus : les polymères, les
protéines, les colloïdes.
Domaines d'application : industrie agro-alimentaire,
bio-industries, mécanique (automobile, traitement de surface...),
pétrochimie...
- La nanofiltration offre la capacité,
très intéressante de séparer des composés de faible
poids moléculaire à des pressions qui sont faibles, voire
moyennes. Elle arrête les sels ionisés multivalents (calcium,
magnésium, ...) et les composés organiques de masse molaire
inférieurs à 300 daltons et produit ainsi une eau qui n'est pas
totalement déminéralisée contrairement à l'osmose
inverse.
Domaines d'application : nombreux, même si les
premières application industrielles sont récentes
déminéralisation sélective avec élimination d'ions
multivalents, régénération de bains usés de
dépôts de cuivres,...
- L'osmose inverse : son principe est explicité
dans la "mise en oeuvre des procédés de séparation
membranaires - pression osmotique". Le transfert ne s'effectue plus au travers
de pores (certains chercheurs pensent néanmoins qu'il existerait des
nanopores) mais par dissolution des composants de la solution dans la membrane
puis diffusion au travers de celle-ci. Cette méthodes est la moins
onéreuse pour éliminer de 90 à 99% des contaminents d'un
fluide.
Domaines d'application : le dessalement de l'eau de mer, la
récupération de matières précieuses, la diminution
de la pollution environnementale, ....
- La pervaporation est une alternative à la
distillation pour la séparation de solvants organiques. Un
composé liquide déterminé d'un mélange passe,
sublimé, à travers la membrane dense par un processus de
sorption-diffusion. Il est récupéré de l'autre
côté à basse pression et condensé.
Domaines d'application : encore relativement faibles ils
concernent le traitement des effluents, la déshydratation de solvants et
de mélanges organiques, les extraction de composés organiques, ...
- La perméation gazeuse : contrairement à
la pervaporation qui travaille à pression atmosphérique, le flux
d'alimentation gazeux (et non liquide) est injecté à haute
pression, il se divise au niveau de la membrane en deux flux gazeux
séparés de basse et moyenne pression.
Domaines d'application : la séparation de solvants
organiques dans l'air, l'enrichissement d'un solvant, le traitement des gaz de
purge, ...
- Les techniques électromembranaires
(électrodialyse simple, électrodialyse à membranes
bipolaires, électrolyse, électrodésionisation)
transfèrent de manière sélective des ions à travers
une membrane échangeuse d'ions
Domaines d'application : la production d'eau douce, d'eau
potable ou d'eau ultrapure, la déminéralisation du
lactosérum (petit lait), la régénération de bains
usés de décapage, la production de chlore et de soude
Contexte concurrentiel et économique
Les techniques de séparation sur membrane
bénéficient de domaines d'application potentiels dans toutes les
branches de l'industrie tant pour le traitement de milieux liquides et gazeux
que pour la variétés de produits (à faible ou forte valeur
ajouté : traitement de l'eau, récupération de
métaux précieux,...).
Les avantages de cette technologie par rapport à
d'autres procédés physico-chimiques portent principalement sur la
facilité de contrôle du système et le respect de
l'environnement (la séparation membranaire ne nécessite pas
l'ajout des produits chimiques).
Fonctions remplies :
Les procédés de séparation
membranaires reposent sur les propriétés de rétention
sélectives des membranes vis à vis des molécules d'un
fluide liquide ou d'un gaz. On peut considérer ces
procédés comme des procédés de filtration en milieu
liquide. Diverses techniques permettent de couvrir une large gamme de
particules, les valeurs de coupures entre les différents
procédés de séparation membranaire sont les suivantes :
- filtration conventionnelle : > à 2 pm (2.10-6m),
- micro filtration tangentielle pour les plus petits
diamètres ou frontale (cross-flow) pour les plus grands : entre 2 pm et
0,05 pm (5.10-8 m),
- ultrafiltration : entre 50 nm et 1 nm (10-9m),
- nanofiltration : entre 1 nm et 0.4 nm,
- osmose inverse : < 0,4 nm.
A chaque technique correspondent divers types de membranes
dont les pores vont se rétrécissant jusqu'à devenir des
membranes sans porosités apparentes comme dans le cas de l'osmose
inverse. Les caractéristiques des membranes influent sur le choix des
éléments que l'on désire retenir ou que l'on voudrait au
contraire empêcher de passer.
Technologies concurrentes :
Comparaison des différentes techniques séparatives à
membrane :
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Osmose inverse
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Nanofiltration
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Ultrafiltration
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Microfiltration
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Diamètre
des pores
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< 0,5 nm
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env. 1 nm
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1 à 100 nm
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0,1 - 10 um
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Rôle
de la pression osmotique
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Importante
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Moyenne à faible
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Très faible
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Négligeable
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Débits
spécifiques
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10 à 60 l/h/m2
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50 à 100 l/h/m2
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40 à 200 l/h/m2
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100 à1500 l/h/m2
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Procédés concurrents
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Evaporation Electrodialyse Echange d'ions
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Echanges d'ions Chromatographie
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Précipitation chimique Chromato sur gel Dialyse
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Centrifugation Filtration sur diatomées Décantation
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Source
: CEA
Evolutions technologiques :
Elles concernent surtout
l'électrodésionisation, la perméation et la nanofiltration
qui sont des procédés nouveaux parmi les techniques de
séparation membranaire et dont les évolutions sont prometteuses.
La pervaporation, l'électrodialyse, l'électrolyse se positionnent
en pleine phase de développement. L'ultrafiltration et la
microfiltration ont atteint un stade de maturité technologique.
L'osmose inverse est en phase de déclin relatif.
Programmes de recherche :
Dans le domaine du traitement de l'eau : l'Europe et la
France en particulier, les Etats-Unis et le Japon consacrent depuis quelques
années plusieurs centaines de millions de dollars dans les programmes de
R&D.
L'Union Européenne finance des activités de
recherche sur ce sujet :
- Programme AIR (Industrie agro-alimentaire): Fractionnement
des produits du lait,
- Programmes CHM (Capital Humain et Mobilité) : Aspects
physico-chimique du transfert de matière dans les procédés
à membranes ; Membranes fonctionnalisées.
- Certains programmes Brite Euram et Eurêka.
Au niveau français, le CNRS et l'INRA soutiennent le
programme PROSETIA : procédés de séparation et de
transformation en industries alimentaires, l'axe 1 intitulé
"procédés de séparation par membranes" regroupe 11
laboratoires du CNRS et de l'INRA. Dans ce domaine les relations de l'industrie
avec la recherche publique sont foisonnantes.