Les technologies clés |
Inertage et stockage des déchets ultimes |
Fiche Technologie-clé n : 26
VERSION 3
Définition
Le législateur, par arrêté du 18 décembre 1992, définit les déchets ultimes comme :
« des déchets résultant ou non du traitement des déchets, qui ne sont plus susceptibles d'être traités dans les conditions techniques et économiques du moment, notamment par extraction de la part valorisable ou par réduction de leur caractère polluant ou dangereux. De tels déchets sont essentiellement solides, minéraux, avec un potentiel polluant constitué de métaux lourds mobilisables. Ils sont peu réactifs, peu évolutifs, peu solubles ».Le terme de stabilisation est d'autre part un terme générique qui regroupe différentes techniques pouvant, pour certaines, être associées : solidification, fixation chimique, fixation physique ou enrobage ou encapsulation, vitrification.
Selon la définition réglementaire, « un déchet est considéré comme stabilisé quand sa perméabilité à l'eau et sa fraction lixiviable ont été réduites et quand sa tenue mécanique a été améliorée ». Aujourd'hui, on vérifie le caractère stabilisé du déchet par application de protocoles de lixiviation, normalisés selon les normes X31-210, X31-211 et X31-212.
REFIOM : résidus d'épuration des fumées d'incinération des ordures ménagères.
REFIDI : résidus d'épuration des fumées d'incinération des déchets industriels.
- Traitement avec des liants minéraux (ou
hydrauliques)
Ces procédés sont les plus étudiés et, technologiquement, les plus avancés (certains ont déjà atteint un stade "industriel"). Ils peuvent faire appel à différents réactifs : liants hydrauliques (chaux, ciments), réactifs à caractère pouzzolanique (cendres volantes, scories et déchets sidérurgiques, ciment au laitier, chaux hydraulique), silicates, argile, zéolithe, ou charbon actif. Des adjuvants (ou additifs) sont utilisés pour compléter l'action de ces liants. Les réactifs utilisés varient selon les polluants contenus dans les résidus.
Quel que soit le réactif utilisé, le principe de traitement et les mécanismes mis en jeu sont semblables. La technologie mise en oeuvre consiste à appliquer une formulation spécifique à chaque déchet : le déchet est incorporé avec le liant, les adjuvants éventuels et l'eau dans un malaxeur où il reste un certain temps, puis est ressorti et mis immédiatement sous la forme de blocs, en vrac ou déposé en couches. On obtient une matrice solide peu perméable (solidification). La stabilisation transforme les polluants initialement contenus dans le résidu en composés minéraux stables, qui sont immobilisés dans la matrice.
Les principales réactions mises en jeu sont la transformation de l'eau libre en eau liée, la formation de composés très peu solubles par réduction, oxydation, précipitation selon des phénomènes physico-chimiques et par des réactions d'adsorption.
D'une manière générale, les liants minéraux apportent des solutions intéressantes par rapport au respect des objectifs fixés par le législateur, même s'ils présentent également quelques inconvénients. La nature du déchet est de première importance pour le choix de la solution à privilégier.
- Traitement avec des liants organiques
Ces procédés ont surtout été étudiés pour l'industrie nucléaire, pour des déchets peu ou moyennement radioactifs. Aujourd'hui reprises pour le traitement des déchets industriels spéciaux (DIS), ces techniques utilisent le plus souvent comme matrice le bitume et certains thermoplastiques (notamment des thermoplastiques de récupération : PE, PP, PVC) . Le traitement ne consiste ici qu'en une fixation physique des polluants, aucune réaction chimique n'étant engagée avec le liant. On parle donc solidification, voire d'enrobage ou d'encapsulation. Le déchet composé de particules de faible dimension est généralement séché puis dispersé dans la matrice préalablement chauffée à une certaine température. Le mélange est assuré pendant un certain temps jusqu'à homogénéité. Les déchets sont ensuite conditionnés avant d'être refroidis.
Encore peu utilisés par les industriels de la stabilisation, les liants organiques présentent une souplesse d'exploitation séduisante (formulations légères, encombrement minimum de l'installation). Toutefois, et notamment pour les thermoplastiques, les interactions matrice-déchets sont importantes, et il est à l'heure actuelle difficile de prédire à long terme le comporte
ment de ces matrices.
Dans le cas de l'utilisation de thermoplastiques de récupération, la viabilité économique du procédé dépend de la subvention escomptée d'Eco-Emballages.
- Traitement par vitrification
D'une manière générale, la vitrification consiste en une rétention physico-chimique des polluants d'un déchet dans une matrice vitreuse obtenue par la fusion à haute température des composants propres du déchet et d'éventuels ajouts complémentaires. Les métaux décomposés puis oxydés sont pour une part piégés dans la matrice avec les matières minérales présentes. Ils sont d'autre part partiellement volatilisés. La masse vitreuse en fusion est alors soit coulée dans des lingotières, soit refroidie à l'eau et conditionnée sous forme de granulats.
Très largement étudiés dans l'industrie nucléaire, ces procédés font aujourd'hui l'objet de recherches actives pour la stabilisation des déchets industriels spéciaux, et notamment les REFIOM. Ces déchets sont en effet très riches en certains produits entrant dans la composition du verre (silice, alumine...), ce qui les rend a priori aptes à être traités de cette manière.
Différentes technologies sont aujourd'hui mises en oeuvre :
--Electrobrûleur : il s'agit d'un brûleur à gaz traditionnel dans lequel un arc électrique permet d'augmenter la température (2700 au lieu de 1450 C). Ce procédé peut être utilisé pour les déchets hospitaliers et industriels.
- D'une manière générale, les
traitements avec des liants sont les moins coûteux, mais provoquent une
augmentation du tonnage (quoique pratiquement pas du volume) à mettre en
stockage. Les procédés de vitrification permettent quant
à eux une diminution de volume importante, mais sont plus
délicats à mettre en oeuvre. Ils nécessitent des
investissements et une consommation d'énergie non négligeables,
et peuvent générer d'importants transferts de pollution (volume
important de cendres secondaires très chargées en polluants et
donc très difficiles à traiter). Ils peuvent en outre
nécessiter un prétraitement, notamment par lavage des
résidus pour en extraire la part saline.
Objectif de la technologie
D'ici 2002, la loi cadre de 1992 prévoit que seuls les déchets dits ultimes, c'est-à-dire n'étant plus susceptibles d'être valorisés par recyclage matière ou énergétique (incinération avec récupération d'énergie), pourront être déposés en centres de stockage en France. Cette loi concerne tant les déchets ménagers que les déchets industriels.
Depuis le 31 mars 1995 certaines catégories de déchets industriels, comme par exemple des résidus de traitement des fumées des usines d'incinération, doivent en outre être stabilisés pour pouvoir être acceptés dans ces centres de stockage de classe I. D'autres catégories de déchets industriels ultimes seront soumises à ces mêmes obligations dès 1998 (voir plus loin). Cette contrainte provoque un surcoût de traitement et donc de financement, en particulier pour les communes. A ce jour, la loi ne prévoit par contre pas d'obligation de stabilisation pour les déchets ménagers ultimes.
La stabilisation vise à réduire le potentiel polluant des déchets ultimes et à améliorer leurs qualités physiques et chimiques en vue de faciliter leur stockage, et plus particulièrement à :
Dans les traitements avec des liants thermoplastiques, les interactions matrice-déchets sont importantes et nécessitent des analyses très fines. En outre, les difficultés à prédire le comportement à long terme de ces matrices posent un problème qu'il faudra rapidement résoudre. En France, les technologies de vitrification des déchets industriels spéciaux sont encore relativement jeunes (il n'existait en 1995 aucune unité industrielle opérationnelle) ; tous les procédés présentés ci-dessus dans le domaine de la vitrification font donc encore l'objet de recherches poussées.
Les objectifs des travaux de recherche engagés aujourd'hui sont de deux ordres : la connaissance des déchets stabilisés et des procédés de stabilisation, et l'acquisition de données de référence dans le domaine des impacts.
- Connaissance des déchets
stabilisés et des procédés de stabilisation
La plupart deserche publique dans ce domaine visent notamment une approche fine du comportement à long terme des déchets, avec un objectif de modélisation.
Largement initiée aux Pays-Bas, cette voie de recherche est de plus en plus développée en France, où elle est largement soutenue par l'ADEME et l'association RECORD. Cette évaluation du comportement à long terme des déchets se fait sur la base des PEA (Procédures d'Evaluation Approfondie des procédés de stabilisation-solidification des déchets) développés à l'initiative de l'ADEME et proposés par des groupes de travail sous l'égide des organismes de recherche français (POLDEN pour les liants hydrauliques, CEA pour la vitrification, LNE pour les liants thermoplastiques...), et dans le cadre de l'X30-407, norme française du comportement à long terme des déchets, en cours de normalisation européenne (Comité Européen de Normalisation - Technical Committee 292).
- Acquisition de données de
référence dans le domaine des impacts
La France fait figure de précurseur dans ce domaine. Les recherches qui y sont consacrées sont de plus en plus nombreuses. Elles ont pour objectifs l'identification des caractéristiques du déchet écocompatible, la définition des performances à atteindre pour les procédés de stabilisation et la détermination des seuils réglementaires dans la perspective d'évolution fondée sur une logique d'impact. Sont notamment étudiés le comportement à la lixiviation de matériaux généralement exposés à l'eau et/ou considérés comme inertes et l'écocompatibilité avec les milieux récepteurs.
Il existe en outre sur ces thèmes (ou intégrant ces thèmes) de nombreux programmes EUREKA :
ainsi que de nombreux programmes de recherche universitaires initiés ou secondés par des industriels (association RECORD).