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Législation communautaire en vigueur

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Document 397D0624

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[ 08.30 - Positions dominantes ]


397D0624
97/624/CE: Décision de la Commission du 14 mai 1997 relative à une procédure d'application de l'article 86 du traité CE (IV/34.621, 35.059/F-3 - Irish Sugar plc) (Le texte en langue anglaise est le seul faisant foi.)
Journal officiel n° L 258 du 22/09/1997 p. 0001 - 0034



Texte:

DÉCISION DE LA COMMISSION du 14 mai 1997 relative à une procédure d'application de l'article 86 du traité CE (IV/34.621, 35.059/F-3 - Irish Sugar plc) (Le texte en langue anglaise est le seul faisant foi.) (97/624/CE)

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
vu le traité instituant la Communauté européenne,
vu le règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède, et notamment son article 3, son article 15 paragraphe 2 et son article 16 paragraphe 1,
vu la décision prise par la Commission le 22 avril 1993 d'ouvrir la procédure en l'espèce,
après avoir donné à l'entreprise concernée l'occasion de faire connaître son point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission conformément à l'article 19 paragraphe 1 du règlement n° 17 et au règlement n° 99/63/CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19 paragraphes 1 et 2 du règlement n° 17 du Conseil (2),
après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes,
considérant ce qui suit:

LES FAITS

A. L'objet de la procédure
(1) La présente procédure porte sur certaines pratiques d'Irish Sugar plc (ci-après, «Irish Sugar») touchant à la commercialisation du sucre en Irlande depuis 1985.
(2) La Commission a ouvert la procédure en adressant une communication des griefs à Irish Sugar et à certaines autres parties en avril 1993. À la lumière des arguments avancés par les parties et de nouvelles plaintes déposées par des concurrents d'Irish Sugar en Irlande, la Commission a poursuivi son enquête et adressé une communication des griefs révisée à Irish Sugar en mars 1996.

B. Le produit en cause
(3) Le produit en cause en l'espèce est le sucre. Le sucre est extrait de la betterave sucrière ou de la canne à sucre. À l'exception d'une partie de l'Espagne méridionale et des départements français d'outre-mer, la canne à sucre est principalement cultivée dans des régions tropicales et subtropicales situées à l'extérieur de la Communauté européenne. Les pays ACP ont le droit d'exporter dans la CE un quota déterminé de sucre de canne sans acquitter de prélèvement à l'importation.
(4) Aux fins de la présente décision, on distingue trois types de sucre: le sucre blanc cristallisé, les sucres liquides et les sucres spéciaux.
(5) Le sucre blanc cristallisé est le produit final obtenu par la transformation de la betterave et le raffinage de la canne à sucre. Les règlements communautaires concernés distinguent plusieurs qualités de sucre (3). La qualité type est le sucre de la catégorie II. Le sucre blanc cristallisé représente la plus grande partie de la production et de la consommation dans la Communauté. Il est vendu à l'industrie et au commerce de détail. L'industrie l'utilise comme un ingrédient. Les utilisateurs industriels sont principalement approvisionnés en sucre en vrac ou en sacs. Le commerce de détail revend le sucre blanc cristallisé au consommateur final, généralement en paquets d'un kilogramme.
(6) Les sucres liquides sont principalement utilisés dans l'industrie alimentaire. La meilleure qualité est obtenue par la distillation du sucre blanc cristallisé. Les qualités inférieures ne sont produites qu'à partir de la canne à sucre par le mélange des liqueurs produites aux différents stades du processus de raffinage.
(7) Les sucres spéciaux regroupent tous les sucres secs autres que le sucre blanc cristallisé. Cette catégorie comprend les sucres bruts de consommation directe originaires des pays ACP, les sucres roux, les sucres en poudre, le sucre glace et autres sucres broyés, ainsi que les sirops et les mélasses (4).
(8) Le sucre est un édulcorant. Il existe d'autres groupes d'édulcorants: les dérivés de l'amidon et les édulcorants artificiels. Ceux-ci contiennent une grande variété de produits allant de l'isoglucose au sorbitol en passant par la saccharine, les cyclamates ou l'aspartame. Chacun de ces produits présente des propriétés spécifiques et peut remplacer le sucre dans différents procédés industriels. Toutefois, pour un certain nombre de raisons qui varient d'un produit à l'autre - quotas communautaires, inaptitude à faire fonction d'agent de masse ou prix plus élevés -, ils n'ont qu'une incidence limitée sur le volume total des ventes de sucre naturel extrait de la canne à sucre et de la betterave sucrière.

C. Le régime applicable au sucre dans la politique agricole commune
(9) L'organisation commune des marchés dans le secteur du sucre (ci-après le régime du sucre) (5) vise à soutenir la production de sucre dans la Communauté. Ce régime a été révisé pour la dernière fois en mai 1995, lorsque le Conseil (6) a décidé de le proroger pour une nouvelle période de six ans (soit jusqu'à la campagne 2000/2001 incluse). Chaque État membre se voit attribuer deux quotas: un quota «A» et un quota «B». Le montant total du quota A est en principe égal à la consommation annuelle de la Communauté. Le quota B doit permettre de constituer des réserves, de sorte que la demande puisse être satisfaite même en cas de mauvaise récolte dans certaines zones géographiques.
(10) Il existe un mécanisme de soutien des prix, mais il s'applique uniquement au sucre A et B. Le sucre que produit une entreprise communautaire en excédent des quotas A et B qui lui sont affectés est appelé sucre «C». Ce sucre doit être vendu sur le marché mondial sans soutien, ou être stocké puis écoulé comme sucre A ou B l'année suivante.
(11) La part du montant total des quotas A et B allouée à chaque État membre est décidée par le Conseil. Le quota attribué à chaque État membre est ensuite réparti entre les producteurs de sucre nationaux par le gouvernement en question.
(12) Chaque année, le Conseil fixe plusieurs prix institutionnels concernant l'achat et la transformation de la betterave sucrière et la vente du sucre transformé. Le plus important de ces prix est le prix d'intervention, c'est-à-dire le prix auquel tout producteur peut vendre son sucre A et B aux organismes nationaux d'intervention. Les entreprises qui vendent leur sucre transformé dans le cadre du système d'intervention bénéficient du prix d'intervention. Afin d'assurer l'autofinancement du régime du sucre, une redevance (cotisation à la production) est appliquée à tout le sucre A et B. Le prix d'intervention, majoré de la redevance de stockage, constitue le prix minimal garanti pour le sucre A et B, connu sous le nom de prix de soutien effectif. Le régime de stockage s'autofinance lui aussi.
(13) Dans le cadre du cycle de l'Uruguay, l'ancien régime relatif aux importations, qui prévoyait un prix de seuil et des redevances variables, a été remplacé par des tarifs fixes, qui seront réduits de 20 % en six ans.
(14) Le Conseil établit également des prix minimaux, que les transformateurs sont tenus de payer aux producteurs de betteraves pour la betterave sucrière.
(15) Les transformateurs peuvent vendre leur sucre de betterave A et B librement dans toute la Communauté. S'ils ne parviennent pas à écouler ainsi toute leur production, ils peuvent vendre le sucre qui leur reste dans le cadre du système d'intervention ou l'exporter sur les marchés mondiaux. S'ils optent pour la seconde solution, ils bénéficient d'une restitution à l'exportation, qui est calculée sur la base d'un appel d'offres.
(16) Outre le sucre A et B, la Communauté prévoit un mécanisme de soutien des prix pour une quantité limitée de sucre importé conformément à la convention de Lomé (7).

D. Le marché du sucre en Irlande
(17) Irish Sugar est l'unique transformateur de betteraves sucrières en Irlande et en Irlande du Nord.
(18) Irish Sugar a été fondée en 1933 par le gouvernement irlandais sous le nom de Comhlucht Siuicre Eireann, Teo. Au cours de la première moitié des années 1980, la société a subi de lourdes pertes et a eu besoin d'importantes subventions publiques. Au cours de la seconde moitié de cette même décennie, un programme de rationalisation a été mis en oeuvre, qui a permis à la société de devenir progressivement rentable. En avril 1991, Irish Sugar a été privatisée. Pour réduire la participation de l'État dans Irish Sugar, il a fallu créer une nouvelle société holding, Greencore Plc (ci-après, «Greencore»), qui a acquis Irish Sugar. Lors de l'année comptable clôturée le 27 septembre 1996, Irish Sugar a réalisé un chiffre d'affaires de 134,7 millions de livres irlandaises (IEP) et un bénéfice d'exploitation de 27,2 millions de IEP, tandis que le chiffre d'affaires total de Greencore s'est élevé à 459 millions de IEP et son bénéfice d'exploitation à 49,1 millions de IEP.
(19) Depuis que l'Irlande a adhéré à la Communauté, le quota de sucre A/B qui lui est attribué (soit actuellement 200 200 tonnes par an) est entièrement alloué à Irish Sugar. Ce quota est supérieur à la consommation nationale.
>EMPLACEMENT TABLE>
(20) La consommation de sucre par habitant en Irlande est supérieure à la moyenne communautaire (8), du fait du rôle qu'il joue comme ingrédient dans le secteur des produits alimentaires et des boissons, lequel est relativement important en Irlande [avec les autres secteurs liés à l'agriculture, il représentait 16 % de l'emploi total en 1995 (9)] et sur le marché des ventes au détail.
(21) Irish Sugar est le principal fournisseur de sucre en Irlande, avec une part du marché total située à plus de 90 % sur la période 1985-1995. Les importations de sucre en Irlande proviennent de France, du Royaume-Uni (principalement d'Irlande du Nord) et, dans une mesure limitée, d'Allemagne et de Belgique. Les importations en provenance du Royaume-Uni sont surtout des importations de sucre Irish Sugar. En 1993/1994, les importations de sucre non produit par Irish Sugar ont représenté environ [. . .] (10) du marché.
(22) Sur le marché du sucre industriel, la plupart des importations viennent, depuis 1985, de France, via ASI International Trading Ltd et l'entreprise qui lui a succédé, ASI International Foods (ci-après, «ASI»). Ces ventes industrielles se font en sacs de 50 kilogrammes. Il est plus onéreux d'importer du sucre en vrac de France en Irlande que de transporter du sucre en sacs, surtout si le trajet retour se fait avec un conteneur vide (11). Le plan d'entreprise du groupe Greencore de juin 1994 fait observer que «l'essentiel des importations se fait par sacs de 50 kilogrammes, le transport du sucre en vrac étant relativement onéreux en raison de la nécessité de recourir à des conteneurs spéciaux». Du fait qu'au fil des années, les clients professionnels se sont équipés de silos pour le stockage de leur sucre, la demande de sucre en sacs n'a pas cessé de diminuer (12).
(23) Sur le marché du sucre destiné à la vente au détail, qui représente environ 25 % du marché total du sucre, la part d'Irish Sugar est de plus de 85 % depuis 1985. La principale marque de la société, «Siucra», bénéficie d'une grande notoriété auprès des consommateurs (13). La concurrence est principalement le fait de petites entreprises nationales. En fonction des différences de prix, il peut arriver que du sucre au détail soit importé d'Irlande du Nord, mais une grande partie de ce sucre est produit par Irish Sugar. Selon des documents internes d'Irish Sugar, les clients de la société sur le marché du sucre au détail se composent traditionnellement pour moitié de grossistes et pour moitié de chaînes de supermarchés, cette dernière catégorie gagnant ces derniers temps en importance. Quelques chaînes de supermarchés vendent du sucre au détail sous leur propre marque. Cependant, «jusqu'à présent, l'ensemble du sucre vendu sous marque de distributeur provient d'Irish Sugar, du fait que le consommateur accorde une grande importance à l'origine irlandaise du produit» (14).
(24) Au cours des années 1980, les principaux concurrents nationaux d'Irish Sugar pour le sucre au détail étaient Round Tower Foods Ltd et ASI, importateur de la marque «Eurolux» de la Compagnie française de Sucrerie (ci-après CFS) jusqu'à la fin de 1988. De 1984/1985 à 1986/1987, Round Tower livrait principalement du sucre importé. Au cours de cette période, la société a effectué des importations parallèles de sucre d'Irish Sugar en provenance d'Irlande du Nord. Elle a, en outre, importé du sucre directement de certaines autres sources et a acheté à ASI du sucre importé de France. Depuis 1987/1988, elle se procure l'essentiel de son sucre auprès d'Irish Sugar.
(25) Au début des années 1990, Round Tower était l'unique concurrent national d'Irish Sugar sur le marché du sucre blanc cristallisé au détail, avec une part de [. . .].
(26) En 1993, quatre emballeurs irlandais de produits alimentaires ont lancé des marques de sucre blanc cristallisé en paquets d'un kilogramme, a savoir Gem Pack Ltd (ci-après, «Gem Pack»), Burcom Ltd (ci-après, «Burcom»), Tara Food Ltd et P. J. Lumley Ltd. La part combinée de ces sociétés s'élevait à environ 7,5 % au milieu de 1994, Gem Pack arrivant en tête (avec une part d'environ 5 %). Burcom a cessé ses activités à la mi-décembre 1994. ASI a lancé sa propre marque de vente au détail en 1993, en utilisant du sucre importé de France, mais la société s'est retirée de ce marché une seconde fois au milieu de 1994.
(27) Au départ, Burcom emballait à la fois du sucre d'Irish Sugar et du sucre importé qu'elle achetait à ASI, tandis que les autres emballeurs s'approvisionnaient en sucre industriel auprès d'Irish Sugar. Depuis la disparition de Burcom et le retrait d'ASI du marché, Irish Sugar fournit «quasiment tout» (15) le sucre blanc cristallisé en vrac emballé par ses concurrents nationaux pour le commerce de détail.
(28) En septembre 1994, Irish Sugar a lancé la marque «Castle» (sucre au détail en paquets d'un kilogramme), à un prix de gros inférieur à celui de Siucra.
(29) La distribution du sucre d'Irish Sugar en Irlande est assurée par Sugar Distributors Limited (ci-après, «SDL»). Jusqu'en février 1990, Irish Sugar détenait 51 % du capital (sous la forme d'«actions B») de la société mère de SDL, Sugar Distributors (Holdings) Ltd (ci-après, «SDH»). Les 49 % restants («actions A») ont été détenus jusqu'en 1988 par les sociétés Musgraves et Punch et par MM. Garavan et Keleghan, et sont détenus depuis cette date par quatre administrateurs de SDH, à savoir MM. Lyons, Keleghan, Tully et Garavan. À cette époque, le nombre d'administrateurs était le même pour les actionnaires A et les actionnaires B, et le président était indépendant. Le directeur général et plusieurs autres administrateurs d'Irish Sugar siégeaient aux conseils d'administration de SDH et de SDL. Une autre société, JC Cole Ltd (ci-après, «JCC»), était chargée de la distribution du sucre dans le district occidental de l'Irlande jusqu'en mars 1988, date à laquelle cette société a été liquidée et ses activités ont été intégrées dans SDL.
(30) Irish Sugar a souligné qu'avant février 1990, elle exerçait le contrôle légal de SDH, mais non le contrôle de gestion (16). Depuis juillet 1982 (17), Irish Sugar est responsable des services techniques et du marketing, notamment de la stratégie commerciale, des promotions en faveur des clients et des remises, tandis que SDL s'occupe du financement des ventes, de la promotion commerciale, du marchandisage et de la distribution des produits d'Irish Sugar sur les marchés du sud et du nord. Ces fonctions étaient divisées entre SDL, JCC et William McKinney (1975) Ltd (ci-après, «McKinney») sur une base territoriale, SDL prenant les décisions en matière de vente (notamment en matière de fixation des prix) pour les trois sociétés. Ces décisions devaient cependant être «prises dans le respect de la politique définie par le directeur général de la division sucre» d'Irish Sugar, laquelle, comme nous l'avons précisé, finançait toutes les remises accordées aux clients. SDL s'était engagée, dans la limite des stocks disponibles, à ne s'approvisionner en sucre qu'auprès d'Irish Sugar et ne pouvait pas vendre, revendre ou promouvoir de produits «semblables ou analogues» à ceux d'Irish Sugar. SDL et Irish Sugar étaient conjointement tenues «de faire des recommandations et d'examiner les politiques relatives à la fixation des prix et aux promotions» et «de se communiquer toutes les informations nécessaires portant sur la commercialisation, les ventes, la publicité, les promotions destinées au consommateur et les questions financières». Afin de s'assurer que «toutes les informations relatives au marché du sucre» étaient «effectivement communiquées» entre Irish Sugar et SDL et que tous les domaines relevant de la responsabilité conjointe des deux sociétés étaient correctement couverts, une réunion rassemblait chaque mois les divisions sucre d'Irish Sugar et de SDL. Ces réunions étaient présidées par le directeur général de la division «sucre» d'Irish Sugar.
(31) En février 1990, Irish Sugar a acquis toutes les actions restantes de SDH, et en est ainsi devenue la seule propriétaire.
(32) Outre qu'elle est le principal fournisseur de sucre en Irlande, Irish Sugar reste un important fournisseur de sucre en Irlande du Nord par l'intermédiaire de McKinney. Lorsque McKinney a été créée, en 1976, elle était détenue à 51 % par SDL. En 1980, SDL a porté sa participation à 60 %. SDL et sa société mère, SDH, détenaient une nette majorité au sein du conseil d'administration de McKinney de 1985 à 1989, avec sept administrateurs sur un total de dix (18). Deux des quatre autres actionnaires minoritaires de McKinney disposaient d'un représentant au conseil d'administration. Toutefois, en général, seuls MM. Lyons, Hogan et Keleghan de SDH/SDL et M. Wood de McKinney participaient aux réunions du comité de direction de McKinney, lors desquelles la politique commerciale était définie (19). En 1989, SDL a porté sa participation dans McKinney à 70 %.
(33) La consommation de sucre cristallisé en Irlande du Nord varie entre 35 000 et 39 000 tonnes depuis 1984. Les principaux fournisseurs sont Irish Sugar, British Sugar Plc et Tate & Lyle Plc. De 1984 à 1994, la part détenue par Irish Sugar sur le marché du sucre en Irlande du Nord a oscillé entre [. . .] contre [. . .] pour British Sugar et [. . .] pour Tate & Lyle. En 1994, le plan d'entreprise du groupe Greencore contenait la remarque suivante: «Actuellement, nous détenons environ [. . .] du marché au détail et environ [. . .] du marché industriel en Irlande du Nord.»

Prix du sucre industriel
(34) Selon Irish Sugar, les prix du sucre industriel en Irlande et en Irlande du Nord ont évolué comme suit sur la période 1985-1994.
>EMPLACEMENT TABLE>
(35) Selon Caobisco (Committee of Industrial Sugar Users), les prix de vente moyens indicatifs en IEP du sucre en vrac départ usine en Irlande s'établissaient de 1986 à 1994 comme suit pour les mois indiqués:
>EMPLACEMENT TABLE>
(36) Notons que les chiffres de Caobisco portent sur des mois, alors que ceux d'Irish Sugar sont des moyennes annuelles.
(37) Irish Sugar réalise aussi des ventes régulières de sucre industriel en Grande-Bretagne, qui sont de l'ordre de [. . .] tonnes. Entre 1985 et 1994, les prix du sucre industriel au Royaume-Uni (Irlande du Nord incluse) ont évolué comme suit.
>EMPLACEMENT TABLE>
(38) Bien que cela ne ressorte pas des chiffres du tableau n° 2 qu'elle a elle-même communiqués, Irish Sugar affirme (20) que de 1984 à 1993« les prix en Irlande du Nord et en Grande-Bretagne étaient en général moins élevés qu'en Irlande et que cette différence pouvait parfois atteindre 18 % dans le cas particulier du sucre en Irlande du Nord». Irish Sugar explique l'écart entre ses chiffres et l'évolution des prix constatée dans un rapport confidentiel produit pour le compte de la société par le fait qu'«au cours de la période considérée, [ses] clients industriels (. . .) étaient suffisamment puissants pour renverser la tendance général des prix». Il convient de noter que le prix moyen du sucre industriel en Irlande est dû à la circonstance que les deux principaux clients d'Irish Sugar (21), qui représentent environ [. . .] des ventes industrielles de cette dernière, paient un prix sensiblement inférieur à la moyenne. Comme le montre le tableau n° 6, aucun autre client industriel n'a payé un prix net inférieur à [. . .] IEP au milieu de 1994, soit le prix moyen indiqué par Irish Sugar pour la période 1993-1994. En outre, le système de «remises à l'exportation du sucre» appliqué par Irish Sugar permet à ses clients industriels qui écoulent leur produit final hors d'Irlande de bénéficier de remises comprises entre [. . .] IEP la tonne, ce qui a une incidence sur le prix de vente moyen (22). Ces remises ne sont pas accordées aux clients purement «nationaux».
(39) Le «plan d'entreprise du groupe Greencore relatif à la période 1993/1994-1997/1998» de juin 1994 remarque, sous le titre «Volume/Pricing Implications», que:
«Passer des clients industriels du marché national à ceux d'Irlande du Nord ou du Royaume-Uni se traduirait par les diminutions de marge suivantes:
>EMPLACEMENT TABLE>
»

Prix du sucre destiné à la vente au détail
(40) Selon Irish Sugar, les prix du sucre au détail en Irlande et en Irlande du Nord ont évolué comme suit au cours de la période 1985-1994.
>EMPLACEMENT TABLE>
(41) Une note manuscrite figurant sur un transparent relatif au «Sugar Plan» copiée par la Commission lors d'une visite du groupe Greencore, ainsi que le plan d'entreprise de Greencore de juin 1994, font état d'un «surprix sur le marché national» en ce qui concerne le sucre. Une autre note manuscrite intitulée «Sugar Plan» fait également observer que, pour les différentes hypothèses relatives aux prix de vente, «le surprix sur le marché national est maintenu.» (23)

E. Les faits constitutifs de l'infraction aux règles de la concurrence

I. Les mesures destinées à protéger le marché national de la concurrence des importations en provenance d'autres États membres

i) Les importations en provenance de France
(42) Comme il a été indiqué ci-dessus, depuis 1985, les importations de sucre en Irlande proviennent pour une part importante de France.

Les restrictions en matière de transport
(43) Il ressort des pièces du dossier qu'au milieu des années quatre-vingt, Irish Sugar a pris des mesures destinées à limiter les possibilités de transport de ses concurrents. Dans le compte rendu de la réunion du comité Irish Sugar/SDL/JCC du 28 juin 1985, on peut ainsi lire:
«Situation actuelle sur le marché national de la vente au détail. . . Par rapport au sucre en paquets produit par Round Tower Foods, on constate un écart d'environ [. . .] livres par tonne entre son prix de vente moyen et le prix de «Siucra» [Irish Sugar]. À cet égard, il est convenu que CSET [Irish Sugar] veillera à ce que Round Tower ne bénéficie pas d'accords avantageux avec son fournisseur ou transporteur. . .» (24)
(44) Au milieu de 1985 en particulier, Irish Sugar a tenté d'empêcher ASI de distribuer du sucre de France en menaçant la compagnie maritime publique anglo-irlandaise («B& I») de cesser toute activité avec cette dernière si celle-ci continuait à transporter, pour le compte de ASI, du sucre français fourni par le transformateur français, la CFS. B& I a cédé aux pressions d'Irish Sugar et accepté de ne plus transporter de sucre pour ASI. ASI a pour cette raison intenté une action judiciaire contre B& I et Irish Sugar. Plusieurs notes manuscrites figurant dans l'agenda de M. Keleghan font état de la conduite à adopter sur ce point par Irish Sugar:
«17 juillet 1985 - Chris Comerford (directeur général d'Irish Sugar - Brendan Byrd (représentant B& I) - B& I ne transportera plus de sucre français à compter du lundi 22 juillet. Tonnage de l'an dernier 228 × 20 = 4 560 - Année jusqu'à ce jour 91 × 20 = 1 820 - 1 420 à avril. . . Charles Lyons a promis à Brendan Byrd que Tanktrans (filiale d'Irish Sugar) apporterait des activités supplémentaires à B& I. . .»
«1er août 1985 - B& I a annoncé à P.C. (Peter Cunningham, de ASI) que CSET (Irish Sugar) faisait pression sur elle pour qu'elle ne fournisse pas PC - Tentative grossière et déloyale de soumettre PC à des pressions avant discussion. PC a eu une réunion avec Alex Spain (directeur de B& I).» (25)
La plainte de B& I a été réglée à l'amiable. Il a été convenu que Irish Sugar verserait à CFS une indemnité d'un certain montant. Irish Sugar a reconnu qu'elle avait laissé entendre à B& I qu'elle lui retirerait sa clientèle si B& I continuait à transporteur du sucre CFS de France à destination de l'Irlande.

Les prix sélectifs
(45) Dans une note du 8 mars 1988 adressée aux membres de l'exécutif CSET (Irish Sugar)/SDL/JCC au sujet des importations de sucre français, M. Keleghan (alors directeur commercial de SDL) écrit:
«Nous avons calculé qu'il nous en coûterait environ [. . .] livres de porter tous nos clients à un maximum de [. . .] livres par tonne. (. . .) Je n'envisage pas de diminuer les prix pour tous les clients, ce qui impliquerait les coûts élevés mentionnés plus haut, mais lorsque nous sommes confrontés à de nouveaux prix très bas, nous devons répondre prudemment et veiller à garder les clients à tous les niveaux, même s'ils sont de taille réduite. Je sais qu'il s'agit d'une démarche assez risquée, étant donné que nous pouvons avoir des clients très petits bénéficiant de conditions égales ou supérieures à celles qui sont faites à certains clients plus importants. Je considère toutefois que nous devons courir ce risque. Dans l'intervalle, nous avons commencé à montrer une vigilance accrue au niveau des consommateurs industriels, afin de déterminer la portée de toute augmentation d'activité de la part de ASI.» (26)

L'échange de produits et la remise de fidélité
(46) Il est mentionné ci-dessus que, traditionnellement, ASI vend le sucre blanc au détail par l'intermédiaire de Round Tower (27). Toutefois, à partir de 1987/1988, Round Tower a reçu la quasi-totalité de son sucre de SDL. Étant donné les pressions importantes exercées sur ses activités dans le secteur industriel, ASI a décidé, en 1988, de lancer sur le marché irlandais un paquet de sucre d'un kilo commercialisé sous une marque de CFS, «Eurolux».
(47) Cette question a été discutée lors de la réunion du conseil d'administration de SDH, le 28 juin 1988, et on peut lire ce qui suit dans le procès-verbal de cette réunion:
«En ce qui concerne le marché au détail, M. Keleghan annonce au conseil d'administration que, comme il l'avait prévu lors de la réunion de mars, ASI a effectivement lancé un paquet de sucre au détail sur le marché. Si ce lancement n'a guère réussi jusqu'à présent, M. Keleghan estime que la société en question pourrait placer de petites quantités de sucre chez certains détaillants indépendants . . .
M. Comerford (directeur général d'Irish Sugar) déclare que l'industrie du sucre n'a encore jamais dû faire face un tel défi. Si nous ne parvenons pas à relever ce défi, l'avenir de l'industrie sucrière en Irlande sera très sombre. Il est très satisfait de la réponse qui y a été apportée jusqu'à présent, mais est très préoccupé par le coût qui en résulte pour Irish Sugar et SDL, coût qui serait très élevé . . .» (28)
(48) SDL a réagi à la présentation et à l'introduction sur le marché de «Eurolux» par ASI en prenant certaines mesures qui, à la suite de la plainte déposée par ASI, ont été attaquées, en vertu du droit irlandais, par le directeur de l'administration de la consommation et du commerce (Consumer Affairs and Fair Trade). Ces mesures sont exposées dans la déposition M. Anthony Brennan, fonctionnaire habilité agissant devant la Irish High Court (cour suprême irlandaise) pour le compte du directeur.
(49) ASI a conclu un arrangement avec le groupement de grossistes irlandais Allied Distribution Merchants («ADM») portant sur la fourniture de paquets de sucre cristallisé d'un kilo en février 1988 ou aux alentours de cette date. ADM a accepté d'acheter 1 500 tonnes en paquets d'un kilo de sucre Eurolux et la première livraison de 24 tonnes a eu lieu mi-avril à l'entrepôt d'ADM, en vue de leur distribution aux points de vente de la chaîne de magasins Londis. Le 15 avril 1988, ADM a adressé un avis à tous ses membres, c'est-à-dire aux points de vente de la chaîne Londis, les informant de la disponibilité du sucre. Selon la déposition de M. Brennan, M. Keleghan, de SDL, a rencontré M. Lane (directeur général de ADM). La déposition contient le passage suivant:
«Lors de cette réunion, M. Keleghan a annoncé à M. Lane que si la quantité de sucre achetée à la défenderesse (quelque [. . .] tonnes par an) était réduite, la défenderesse [SDL] supprimerait ses remises préférentielles. En fait, cela signifiait qu'ADM ne pourrait plus vendre ni soutenir la concurrence et qu'elle perdrait la prime accordée par la défenderesse. M. Lane a informé M. Keleghan qu'une quantité importante de la première livraison de sucre cristallisé Eurolux restait invendue dans son entrepôt. M. Keleghan a proposé d'acheter ce sucre et de le vendre à l'industrie manufacturière et accepté que le montant perçu soit inscrit au crédit du compte d'ADM (. . .). La quantité de sucre Eurolux achetée par la défenderesse atteignait 21,01 tonnes métriques.» (29)
M. Brennan note par ailleurs dans sa déposition:
«Je déclare qu'en réponse à ma question sur les raisons de l'absence de commandes supplémentaires, M. Lane m'a répondu qu'à son avis le marché n'était pas prêt, à l'heure actuelle, à accepter le sucre Eurolux. Il a ajouté qu'ADM avait conclu un accord avec SDL, en vertu duquel ADM achèterait normalement [x] tonnes de sucre et l'obtiendrait au tarif de [3x] tonnes, qui est plus avantageux. Si cette société devait réduire le volume de ses achats, cet accord serait caduc et elle ne pourrait plus obtenir le sucre de la défenderesse [SDL] au prix de [3x] tonnes.» (30)
Il ressort des pièces du dossier que les 21 tonnes de sucre Eurolux en question ont été reprises chez ADM le 22 avril 1988.
(50) Des mesures semblables ont été prises à l'égard du détaillant Kelly des supermarchés Spar. D'après la déposition de M. Brennan, Kelly avait acheté une demi-tonne de sucre Eurolux à l'agent de ASI vers la mi-mai 1988. Le sucre Eurolux a été présenté en magasin et, au départ, il s'est bien vendu. M. Brennan signale par ailleurs dans sa déposition que, quatre semaines plus tard environ, SDL a appelé le magasin et a demandé comment se passait la vente. Il précise que M. Kelly a annoncé à SDL que s'il pouvait obtenir un meilleur prix pour le sucre d'Irish Sugar, il renoncerait à vendre du sucre Eurolux. M. Kelly a déclaré que le représentant de la défenderesse l'avait informé que:
«s'il ne pouvait pas l'écouler, ils se chargeraient de l'échanger pour lui.» (31)
Dans la suite de la déposition, il est indiqué que, deux heures plus tard environ, le sucre Eurolux était repris et échangé contre une quantité équivalente de sucre d'Irish Sugar.
(51) En réponse, M. Keleghan (SDL) signale en substance dans sa déposition que ADM comme Kelly se demandaient s'ils allaient pouvoir vendre la totalité du sucre Eurolux dont ils avaient reçu livraison. Or, tant ADM que Kelly devaient savoir que le marché irlandais n'était pas prêt à accepter le sucre Eurolux. Dans le cas de Kelly, SDL observe que M. Kelly a demandé lui-même que le sucre Eurolux soit échangé contre le sucre Siucra.
(52) Il ressort des pièces du dossier que, même si les mesures liées à l'échange de produits était le fait de SDL, Irish Sugar était dûment informée par ASI des difficultés qu'elle rencontrait. Le 18 juillet 1988, M. Loane (ASI) a écrit la lettre suivante à M. Comerford, directeur général d'Irish Sugar, au siège de la société à Dublin.
«Monsieur,
J'attire par la présente votre attention sur les pratiques tarifaires déloyales instaurées soit directement par votre société, soit par Sugar Distributors Limited, que vous contrôlez, en ce qui concerne nos tentatives de commercialiser en Irlande notre paquet de sucre d'un kilo vendu au détail sous la marque Eurolux. Nous avons demandé au directeur de l'administration de la consommation et du commerce (Consumer Affairs and Fair Trading) d'enquêter sur les difficultés que nous rencontrons.
Plus précisément, nous vous informons, par la présente, que nous nous opposons très fermement à la substitution, par vos sociétés, de notre produit chez le détaillant Spar, Kelly's of Boyle. Avec ou sans l'accord de son propriétaire, cette mesure est contraire à la législation en vigueur et nous exigeons que vous restituiez notre produit dans ce magasin et dans les autres points de vente où cette pratique a cours.
Nous sommes opposés en particulier à l'utilisation de moyens de pression autoritaires sur d'autres détaillants qui commercialisent Eurolux et continueraient de le faire s'ils ne faisaient pas l'objet de menaces.
Nous vous demandons l'engagement de mettre fin à ces pratiques restrictives et à ces opérations commerciales déloyales et de nous livrer concurrence sur un pied d'égalité, comme nous sommes en droit de l'attendre en vertu des règles régissant le fonctionnement de la Communauté européenne.» (32)
(53) Le directeur de l'administration de la consommation et du commerce (Consumer Affairs and Fair Trade) a demandé à la High Court d'ordonner à SDL de s'abstenir d'acheter du sucre Eurolux d'un kilo auprès des grossistes ou des détaillants. L'ordonnance de référé n'a cependant pas été prononcée, au motif qu'il n'était pas avéré qu'«il y avait infraction continue à la réglementation en la matière ou que de nouvelles infractions seraient vraisemblablement commises.»

ii) Les importations en provenance d'Irlande du Nord
(54) Entre 1985 et 1990, notamment pendant la guerre des prix entre les producteurs de sucre britanniques British Sugar PLC et Tate & Lyle PLC, Irish Sugar s'est trouvée confrontée au problème des importations transfrontalières d'Irlande du Nord à destination de l'Irlande. En principe, tous les sucres d'Irlande du Nord pouvaient être utilisés pour ces importations, indépendamment de leur origine. Ils comprenaient à la fois des sucres en provenance de producteurs concurrents tels que Silver Spoon, de British Sugar, et du sucre d'Irish Sugar qui était réimporté, soit en vrac, soit en paquets (sous la marque McKinney). Cette question a été évoquée lors de plusieurs réunions et diverses mesures spécifiques destinées à lutter contre ces importations ont été prises par la suite.

La restriction de l'offre
(55) Lors d'une réunion interne entre Irish Sugar et SDL, le 23 janvier 1985, concernant le sucre en paquets, le problème suivant a été évoqué:
«Le volume du sucre importé en provenance de l'autre côté de la frontière en novembre/décembre est estimé à 700 tonnes, avec une accélération en janvier.
Ventes aux grossistes de la région frontalière au cours des deux derniers mois: (. . .)
M. A. J. Hogan (directeur général du marketing d'Irish Sugar) a suggéré que nous supprimions les remises de [. . .] livres par tonne actuellement accordées en Irlande du Nord, ce qui aurait le double avantage de relever les prix de l'Irlande du Nord et de réduire les remises nécessaires dans le sud. Cette mesure pourrait être prise tout en essayant d'obliger B.S.C [British Sugar] et Tate & Lyle à suivre, mais le prix doit en tout état de cause être relevé.
M. Keleghan [directeur commercial de SDL] estime qu'il n'y a que deux solutions:
a) des remises nationales dans le sud. Il suggère [. . .] livres par tonne sur le plan national, et [. . .] livres dans la région frontalière pour février/mars. Coût estimé: [. . .] livres;
b) supprimer la remise frontalière actuelle de [. . .] livres, étant donné qu'il est impossible de la maintenir de manière sélective, et restreindre les fournitures de sucre McKinney aux grossistes d'Irlande du Nord qui approvisionnent actuellement le négociant du sud.
Après discussion, il est décidé d'appliquer la dernière solution. Dans l'intervalle, les efforts doivent être poursuivis pour amener B.S.C et Tate & Lyle à relever les prix.» (33)
(56) Lors d'une réunion du conseil d'administration de McKinney, le 6 février 1985, M. P. Wood (directeur de McKinney), relève que:
«Tate & Lyle obtiennent quelques ventes supplémentaires en raison de la restriction des fournitures de sucre McKinney dans la région frontalière.» (34)

Les remises sélectives (prix discriminatoires), notamment frontalières
(57) La note relative à l'examen par SDL des problèmes de concurrence actuels (avril 1986) pour les sucres nationaux et les recommandations sur la stratégie de prix/de promotion comprend le passage suivant:
«Depuis la dernière augmentation du prix du sucre en paquets en octobre 1984 (. . .), un écart substantiel existe entre les prix sur le marché national et celui du produit importé concurrent, ce dernier comprenant le sucre en paquets et en sacs réimporté de McKinney. (. . .) Les activités de Round Tower Foods Limited, qui conditionne et vend actuellement, selon les estimations, 40 tonnes de sucre en paquets par semaine (. . .) constituent une source de préoccupation constante et ne sont, à ce stade, qu'une illustration de la situation de la concurrence actuelle ou potentielle, qui menace la domination en termes de prix et de part de marché des sucres en paquets «Siucra» sur le marché de la république d'Irlande.» (35)
Plusieurs stratégies possibles sont présentées dans cette même note:
«i) ne rien faire; ii) abaisser les prix de vente sur le marché de [. . .] livres irlandaises, pour tous les clients, ce qui amènerait les prix de vente au même niveau au nord et au sud; cette mesure supprimerait tous les problèmes liés aux importations et à la concurrence, mais serait à la fois inutile et impossible d'un point de vue financier; iii) diminuer de [. . .] livres les prix de vente, ce qui suffirait à limiter les importations transfrontalières aux régions frontalières et à maintenir l'activité de conditionnement de Round Tower Foods Limited à son niveau actuel ou à un niveau inférieur, mais ne règlerait pas la question des demandes des supermarchés, etc., en faveur d'une égalité des prix entre le nord et le sud; iv) mettre en oeuvre un programme coordonné sélectif pour tenir compte des secteurs les plus vulnérables, afin de maintenir les prix affichés au niveau actuel. C'est la stratégie recommandée et SDL estime qu'eu égard aux relations excellentes qui existent sur le marché, associées à l'avantage reconnu de la marque "Siucra", elle doit être adoptée pour le reste de 1985/86 et pour 1986/87. SDL considère que c'est l'option la plus souhaitable à moindre coût, tout en reconnaissant qu'il n'est pas sûr qu'elle résiste aux pressions accrues de Round Tower Foods Limited et des importateurs. Dans ce dernier cas, les options plus chères envisagées seront examinées très sérieusement . . .» (36)
La stratégie recommandée est ensuite précisée:
«i) poursuite de la promotion [. . .] par lot [sacs de 15 × 1 kilo] dans la région du Donegal et extension de la promotion dans la région de Monaghan/Dundalk [région frontalière]; (. . .) iv) Des problèmes particuliers se sont posés dans le cas d'ADM en raison de la nature de ce groupement. Le coût des accords de remises temporaires passés avec ADM est indiqué à l'annexe E.4 et on prévoit des dépenses supplémentaires de [. . .] livres par an pour ce client.» (37)
(58) La société Round Tower Foods, emballeur de sucre concurrent, était présente pendant cette période en tant qu'importateur parallèle de sucre en provenance d'Irlande du Nord, qu'elle commercialisait sous la marque «Gold Seal». Une note manuscrite non datée a été saisie dans le bureau de M. Keleghan; son contenu est le suivant:
«Recommandations et implications concernant les sucres Gold Seal: 1 R (Recommandation) continuer comme nous le faisons, c'est-à-dire remises en cas de nécessité. Remises actuelles à: [. . .]. Par l'intermédiaire de [. . .], nous accordons une remise à un grand nombre de petits magasins indépendants, les principaux étant [. . .] Imp. [implication]. Cette méthode est par trop dangereuse sur le plan légal et commercial. Légalement, à cause des prix sélectifs. Commercialement, pour le même motif, sauf que la sélectivité est favorable à nos clients plus petits, c'est-à-dire [. . .] . . . ancien directeur régional [. . .], qui est un utilisateur de moins de [. . .] t par an et a un prix net de (blanc dans l'original), alors que [. . .] qui achètent de [. . .] t par an ou plus de [. . .] tonnes collectivement . . .» (38)
(59) Le compte rendu d'une réunion commune entre Irish Sugar et SDL, le 5 juin 1986, contient la mention suivante:
«M. C. M. Lyons (directeur commercial de SDL) déclare qu'eu égard aux prix très bas de l'Irlande du Nord, dont il a déjà été question, il est essentiel de maintenir la réduction promotionnelle frontalière de [. . .] livre irlandaise par lot. Il est convenu de poursuivre cette promotion pour la raison indiquée.» (39)
(60) Dans une note adressée le 26 juin 1986 à M. Keleghan, M. Lyons écrit:
«1. [. . .].
J'ai parlé hier à Joe Lane, qui m'a téléphoné au sujet de la remise [. . .] par lot pour juillet (. . .). Je lui ai conseillé de prolonger cette mesure pour juillet. Il a passé en revue les différents clients qu'il avait repris et ceux-ci atteignaient [. . .] clients sur un total de [. . .] auxquels il l'avait accordée. Les [. . .] autres étaient des clients loyaux qui lui avaient toujours été fidèles, mais qui étaient soumis à des pressions dans les secteurs concernés.» (40)
(61) Lors d'une réunion du conseil d'administration de McKinney, le 19 septembre 1986, il est signalé que:
«si la diminution des ventes de sucre en paquets est préoccupante, il faut se rappeler que cette baisse s'explique, à hauteur de [. . .] tonnes environ, par la réduction des ventes transfrontalières de sucres McKinney.» (41)
(62) Dans un document intitulé «Points de discussion» (42), on trouve une description des problèmes liés aux ventes transfrontalières:
«2. BSC et Tate & Lyle réduisent leurs prix (nous n'avons pas suivi) d'un nouveau montant de 12/13 livres dans les petits magasins Cash & Carry transfrontaliers (dont aucun n'atteindrait 300 tonnes de sucre par an), qui n'étaient que trop heureux de stocker leurs produits, celui de McKinney portant la marque du prix et ne pouvant être utilisé pour le trafic transfrontalier.
C'est pourquoi nous sommes confrontés à un problème grave, les prix étant trop faibles dans ces Cash & Carry et les négociants transfrontaliers achetant et faisant du dumping dans le sud, ce qui coûte actuellement à C.S.E.T (Irish Sugar) environ [. . .] livres par an pour les remises accordées dans la région frontalière dans le sud et lui fait perdre une part du marché au détail de [. . .] % en Irlande du Nord. Ce problème risque de se poser de manière encore plus aiguë étant donné que les remises augmentent et pourraient déclencher une remise nationale qui pourrait coûter jusqu'à [. . .] millions de livres . . .» (43)
(63) Le compte rendu d'une réunion du comité de SE(Irish Sugar)/SDL/JCC, tenue le 7 janvier 1987, contient la mention suivante:
«M. Keleghan déclare que la remise de [. . .] par lot a été ramenée à [. . .] par lot dans toutes les régions, à l'exception du Donegal. Il est convenu que la remise du Donegal sera ramenée à [. . .] partir du 1er décembre 1986.» (44)
(64) Le compte rendu d'une réunion commune entre Irish Sugar et SDL, le 12 janvier 1987, mentionne comme suit les ventes transfrontalières:
«M. C. M. Lyons déclare que la réduction de la remise transfrontalière, de [. . .] à [. . .], a bien marché, sans poser de problème majeur, et que cette mesure n'a pas entraîné d'augmentation des importations de sucre en faible quantité de B.S.C et de T& L. M. Leyden confirme que la réaction est la même dans la région ouest.» (45)
(65) Lors d'une réunion du conseil d'administration de McKinney, le 21 janvier 1987, M. Keleghan signale que la chute sensible des ventes à James Finlay Ltd:
«traduit à la fois une baisse des ventes transfrontalières et la perte d'un important contrat britannique par ce client.» (46)
(66) Le compte rendu de la réunion du conseil d'administration de SDH, du 18 novembre 1987, signale que:
«Les remises frontalières ont été supprimées en juillet 1987, mais pourraient devoir être réintroduites au début de 1988. Round Tower semble avoir opté pour une politique plus rationnelle ces derniers temps . . .» (47)
(67) Le compte rendu de la réunion du conseil d'administration de SDH, tenue le 29 mars 1988, relève que:
«La hausse récente de 20,00 livres des prix du sucre en paquets en Irlande du Nord, conjuguée au raffermissement de la livre sterling par rapport à la livre irlandaise, a entraîné une baisse sensible des importations transfrontalières . . .» (48)
(68) Le compte rendu de la réunion du conseil d'administration de SDH, le 28 juin 1988 signale que:
«les augmentations de prix des sucres de BSC et de Tate & Lyle ont contribué à stabiliser ce marché et à réduire les quantités de sucre qui traversent la frontière.» (49)
(69) Le compte rendu d'une réunion de direction d'Irish Sugar/SDL, tenue le 27 juin 1990, mentionne que:
«M. T. G. Keleghan déclare que les importations transfrontalières en provenance d'Irlande du Nord sont une menace potentielle pour notre marché national. Il affirme qui si cette menace se concrétise, il importera de réagir rapidement par des contre-mesures appropriées, notamment le marquage des prix sur le sucre McKinney et les campagnes promotionnelles qui s'imposent sur le marché national . . .» (50)

II. Le comportement en matière de prix ayant un effet discriminatoire à l'égard de certaines catégories de clients

i) Les remises à l'exportation du sucre
(70) Les prix appliqués par Irish Sugar pour le sucre industriel varient à la fois en fonction de critères commerciaux normaux, tels que le volume d'achat et les conditions de crédit, et en fonction d'une série d'autres facteurs. L'élément de loin le plus important et le plus intéressant est une remise à l'exportation du sucre accordée aux clients qui exportent leur produit final, tel que confiserie ou boissons rafraîchissantes sans alcool. Ces remises, qu'Irish Sugar appelle aussi «Peripheral Factor Allowances» ou «PFA», sont versées en fonction du tonnage de sucre finalement exporté et il ressort des documents fournis (51) qu'un certain nombre de clients déclarent leur volume d'exportation rétrospectivement pour demander une ristourne; ainsi, le confiturier Chivers a réclamé [. . .] IEP pour la période de juillet à octobre 1994, dont [. . .] IEP pour des exportations vers «la Grande-Bretagne et l'Europe». Irish Sugar déclare que certains clients, comme les confiseurs [. . .] et [. . .] (les plus gros clients de Irish Sugar) incluent la remise dans leur prix net pour tous leurs achats de sucre, encore que [. . .], filiale de [. . .], soit l'une des sociétés qui remettent à Irish Sugar des rapports périodiques sur le tonnage de «sucre d'exportation» utilisé. Bien que le système de remises à l'exportation soit analogue à celui qui existe dans le régime commun du sucre pour les exportations en dehors de la Communauté, la plupart des exportations qui font l'objet de remises sont destinées à d'autres États membres. Irish Sugar fait valoir que le système de remises trouve son origine dans les mesures prises par le gouvernement pour encourager les exportations au cours des années soixante-dix. Par conséquent, ce système existe depuis très longtemps et les remises à l'exportation du sucre ont été discutées lors de réunions entre délégués d'Irish Sugar et de SDL avant février 1990 (52).
(71) Dans une lettre du 24 février 1994 à l'Office of Consumer Affairs, M. Heaphy, d'Irish Sugar, explique que la remise à l'exportation «s'est élevée autour de [. . .] IEP par tonne de sucre entrant dans la fabrication du produit d'exportation.» (53) Dans une lettre à la Commission, Irish Sugar a déclaré que les remises moyennes à l'exportation ne se trouvaient que dans les livres de l'entreprise de 1987 et produit des calculs de la valeur totale des remises sur le tonnage total qui donnent une remise moyenne d'environ [. . .] IEP par tonne entre 1987 et 1995, bien qu'on ne sache pas exactement comment cette moyenne se rapporte aux différents clients (54). En fait, il ressort des éléments de preuve que les remises à l'exportation peuvent atteindre plus de [. . .] IEP par tonne, que les clients qui exportent un même volume reçoivent des remises différentes à la tonne et que le montant des remises peut varier dans le temps sans variation correspondante du volume acheté ou exporté ou sans aucune corrélation avec l'évolution des taux de change. Irish Sugar a déclaré ce qui suit:
«. . . lorsqu'une des PFA est accordée à une entreprise depuis un certain temps, elle est effectivement incorporée dans le prix d'achat de cette entreprise et, par conséquent, celle-ci exigera le même niveau de remise.» (55)
(72) Les remises peuvent également varier selon l'État membre destinataire des exportations; ainsi, le confiseur McKinney obtient une remise de [. . .] IEP sur le sucre finalement destiné au Royaume-Uni et une remise de [. . .] IEP pour les exportations vers d'autres pays. Une moyenne est alors établie avec les achats destinés au marché «national» pour donner une remise globale de [. . .] IEP par tonne sur tout le sucre acheté par ce client. Clintock producteur de boissons, bénéficie quant à lui d'une remise de [. . .] IEP sur tous ses achats parce qu'«il en exporte un pourcentage très élevé», mais aucune indication précise n'est donnée quant à la proportion et à la destination. Irish Sugar a expliqué lors de réunions avec la Commission que des remises étaient accordées cas par cas aux clients et notifiées à l'entreprise bénéficiaire. Ainsi, dans une lettre du 7 octobre 1993 au groupe BSN, M. Heaphy, de SDL, propose une réduction de [. . .] IEP par tonne du prix des fournitures de sucre à Irish Biscuits, filiale de BSN (dans le cadre des négociations annuelles de prix avec BSN), et ajoute «nous avons un accord de remise à l'exportation avec Irish Biscuits et, sous réserve de nouvelles discussions avec Irish Biscuits, nous proposons une remise de [. . .] IEP par tonne.» (56) Il n'est pas fixé de taux ou de seuil pour les remises à l'exportation et le système ne fait pas l'objet d'une publicité générale.

ii) La discrimination à l'égard des emballeurs de sucre concurrents
(73) Au début des années quatre-vingt-dix, ASI avait cessé d'approvisionner le marché du sucre au détail, et le pourcentage de produits qui n'étaient pas d'Irish Sugar était restreint et quasiment statique (Round Tower détenait une part stable de [. . .] du marché, en utilisant principalement du sucre d'Irish Sugar). Or, au milieu de l'année 1993, quatre emballeurs, dont les plus importants étaient Gem Pack et Burcom, ont lancé des paquets d'un kilo pour la vente au détail, tirant avantage de la nette différence de prix entre le sucre industriel et le sucre au détail. Gem Pack ne s'approvisionnait qu'auprès d'Irish Sugar et Burcom a finalement utilisé à la fois du sucre importé (d'ASI) et du sucre d'Irish Sugar. ASI a également décidé de lancer son propre paquet de vente au détail en 1993 en utilisant du sucre français importé.

Le prix facturé pour le sucre industriel
(74) Outre les remises à l'exportation, Irish Sugar accorde également diverses remises moins intéressantes (entre [. . .] et [. . .] IEP par tonne) non liées au volume. Ces remises sont en général accordées aux clients «nationaux», bien que quatre entreprises les reçoivent en plus des remises à l'exportation. Il y a des remises en faveur des entreprises nouvelles, des entreprises situées loin de leur marché et de celles dont on attend ou attendait une croissance rapide. En fait, comme le révèle le barème de prix du sucre brut industriel d'Irish Sugar au 30 juin 1994, presque tous les clients reçoivent une remise ou l'autre sauf les emballeurs concurrents.
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(75) Les documents d'Irish Sugar prouvent qu'en 1990, Gem Pack a obtenu une PFA ou remise à l'exportation de [. . .] IEP par tonne. Irish Sugar n'a pas fourni d'explications à ce sujet, mais a fait valoir qu'elle accordait à Gem Pack une remise de [. . .] IEP par tonne pour l'aider à soutenir la concurrence des importations de sucre en sachets jusqu'en 1993, lorsque celle-ci ne faisait pas encore concurrence à Irish Sugar dans le secteur du sucre au détail en paquets d'un kilo. Elle ne lui a plus versé cette remise pour le sucre en sachets lorsque Gem Pack a commencé à concurrencer Irish Sugar pour les paquets d'un kilo. Irish Sugar a déclaré (57) qu'elle avait par la suite offert à Gem Pack une remise de [. . .] IEP par tonne en octobre 1995, qui avait été appliquée rétroactivement à 1994. Irish Sugar a également fait valoir (58) que l'emballeur Burcom avait lui aussi reçu une remise sur son prix du sucre en 1994, bien que celle-ci n'apparaisse pas dans la réponse du mois d'août 1994 parce que, au prix de [. . .] IEP, la facture avait été établie «comme s'il avait acheté entre [. . .] et [. . .] tonnes» (59) alors qu'«au cours de sa première année d'activité (mai 1993/1994) Burcom avait acheté [. . .] tonnes» (60). À cet égard, il convient de relever qu'Irish Sugar facturait toujours [. . .] IEP à Burcom le 30 juin 1994, après l'expiration de cette première année d'activité et en dépit de sa croissance rapide. Pour l'année se terminant en décembre 1994, Burcom a acheté près de [. . .] tonnes de sucre. De plus, Topps Ireland Ltd, fabricant de gomme à mâcher, qui n'a acheté que [. . .] tonnes de sucre en 1994, a payé un prix brut qui n'était supérieur que [. . .] à celui de Burcom.
(76) À l'instar des remises à l'exportation, d'autres remises sont convenues cas par cas et notifiées verbalement. Par conséquent, les entreprises qui se trouvent dans des conditions similaires peuvent obtenir des remises tout à fait différentes. Ainsi, Gleeson, un fabricant de boissons rafraîchissantes sans alcool, obtient une remise de [. . .] IEP par tonne en raison de la distance qui le sépare du marché de Dublin, alors qu'il est en fait situé plus près de Dublin que d'autres clients. Batchelor a reçu «une remise promotionnelle» de [. . .] IEP par tonne en 1994, bien que, d'après Irish Sugar, ses volumes d'achat aient «nettement baissé». Même Topps a reçu une remise de [. . .] IEP en plus de son prix brut peu élevé parce que, lors de la création de l'entreprise, il y a quelques années, on «s'attendait à des ventes substantielles». Il semble qu'il y ait un net écart entre les ventes et l'ajustement éventuel des remises, et les remises en faveur des «entreprises nouvelles» et des entreprises à «croissance rapide» semblent se limiter à celles qui n'exercent pas leurs activités dans le secteur du sucre.
(77) Comme pour les remises à l'exportation, non seulement les montants par tonne de ces remises «nationales» varient, mais les modalités de leur octroi, c'est-à-dire sur ou hors facture, appliquées sur tous les achats ou rétrospectivement (sous forme d'une somme forfaitaire) si certains volumes de vente sont réalisés, varient également d'un client à l'autre.

Les ristournes d'objectif et les prix sélectifs
(78) Au printemps 1994 (mars-mai), parallèlement à une promotion à l'occasion de la Coupe de monde qui consistait en remises de quantité, Irish Sugar a également offert aux principaux grossistes du secteur alimentaire en Irlande des ristournes d'objectif sur son paquet Siucra d'un kilo.
(79) Irish Sugar a déclaré qu'elle avait offert aux grossistes une ristourne supplémentaire de [. . .] sur tous leurs achats s'ils réalisaient une augmentation de [. . .] sur leurs achats hebdomadaires moyens précédents. La période de référence utilisée pour calculer l'augmentation était la période de 26 semaines d'avril à septembre 1993. Des documents saisis au siège de l'entreprise révèlent que plusieurs groupements de grossistes ont obtenu une ristourne d'objectif plus élevée, ce que deux clients ont confirmé en réponse à des demandes de renseignements. National Wholesalers Grocers Alliance Ltd («NWGA»), qui représente environ [. . .] du marché de gros, a obtenu une ristourne d'objectif de [. . .] et le groupe Musgraves de [. . .] Irish Sugar a déclaré (61) que ces sociétés avaient fourni à la Commission des informations inexactes quant au taux de la ristourne d'objectif qu'elles avaient obtenu. Cependant, les propres livres d'Irish Sugar (62) montrent clairement pour Musgraves un «objectif [. . .]», ce qui confirme la déclaration de Musgrave elle-même quant à la ristourne d'objectif qu'elle avait obtenue. Irish Sugar ne nie pas avoir offert à tous les grossistes en question l'une ou l'autre ristourne d'objectif.
(80) Une note manuscrite interne «Operations Report», indique en ce qui concerne le sucre au détail que «l'activité promotionnelle d'avril et de mai a contribué au gonflement des stocks et donc à la diminution des ventes en juin et probablement en juillet également.» (63)
(81) Irish Sugar a lancé une nouvelle série de ristournes d'objectif pour Siucra pour quinze jours en octobre, liée cette fois encore à des moyennes hebdomadaires au cours de la période d'avril à septembre 1993. Les groupements de grossistes ont obtenu une ristourne de [. . .] IEP par tonne (environ 3 % du prix de gros moyen) s'ils augmentaient leurs ventes de 8 % sur cette moyenne hebdomadaire. Des factures portant sur les ventes de Siucra d'un kilo au cours de cette période révèlent qu'un grand nombre de clients ont fait des achats nettement supérieurs à l'objectif fixé.
(82) Les ristournes d'objectif ont aussi été offertes de manière sélective. En décembre 1994, Irish Sugar a offert une ristourne d'objectif à la grande chaîne de distribution [. . .] pour 1995. Une note interne du 15 décembre 1994, intitulée « proposition pour les magasins [. . .] 1995» fait état d'«un encouragement à la croissance» sous forme d'une ristourne de [. . .] sur les achats de Siucra en 1995, subordonné à une « hausse de [. . .] tonnes du volume de Siucra». Étant donné que Siucra en paquets d'un kilo représente une très grande partie du total des ventes de Siucra à [. . .] en 1994/1995 (64), une augmentation des achats de Siucra correspondrait pour une large part à des achats de Siucra d'un kilo. À cette époque, Irish Sugar livrait concurrence à Burcom pour la vente de paquets d'un kilo sous la marque de distributeur «[. . .]» à [. . .]. On peut lire dans le plan de l'entreprise Greencore de juin 1994 qu'en avril 1994 [. . .] a relancé [. . .], «fournie à [. . .] par Burcom et à [. . .] par nous-mêmes», et que «[. . .] est déterminée à établir [. . .] . . . [. . .] accorde la même part de linéaire à [. . .] et à Siucra». Toute augmentation du volume de Siucra acheté par [. . .] devait selon toute probabilité entraîner une diminution des achats de [. . .] en paquets d'un kilo, produit pour lequel Burcom se présentait comme un fournisseur concurrent.
(83) Irish Sugar fait valoir que Burcom a cessé ses activités le 14 décembre 1994 et que, par conséquent, la note interne postdate la date de fermeture de Burcom et qu'«à ce moment-là, Burcom ne faisait pas concurrence sur le marché en général ni pour [. . .] en particulier.» (65) Or, la ristourne d'objectif accordée à [. . .] figure également dans l'extrait du registre des conditions supplémentaires d'Irish Sugar, dont celle-ci a souligné qu'il s'agissait d'un inventaire complet de ses conditions conformément à la législation irlandaise relative aux épiceries (66). Il ressort de cet extrait (67) que la remise «Marque Siucra [. . .] Encouragement à la croissance Siucra [. . .]» a été inscrite au registre le 8 décembre 1994 et a donc été fixée à cette date ou à une date antérieure. De plus, les prévisions internes d'Irish Sugar en matière de pertes et profits établies après le lancement de la marque Castle à la fin de l'année 1994 prévoyaient que les achats de sucre en vrac de Burcom doubleraient pour passer de [. . .] tonnes en 1993/1994 à [. . .] tonnes en 1994/1995 (68).
(84) Irish Sugar a déclaré qu'en février 1995, le groupe de gros [. . .] s'était vu offrir à la fois une ristourne d'objectif et une autre remise pour des achats de produits Irish Sugar pour la période allant de mars 1996 à février 1996 [. . .] a acheté des produits Irish Sugar pour une valeur d'environ [. . .] millions d'IEP l'année précédente. Les conditions qui lui étaient faites et qui ont été confirmées par [. . .] elle-même étaient une remise inconditionnelle de [. . .] % sur la valeur des achats et une nouvelle remise de [. . .] sous réserve d'une augmentation de [. . .] des achats au cours de l'année.

APPRÉCIATION JURIDIQUE

ARTICLE 86
(85) L'article 86 du traité CE dispose qu'est incompatible avec le marché commun et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d'en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci.

A. Le marché en cause

Le marché de produit en cause
(86) Comme la Cour de justice des Communautés européennes l'a établi dans son arrêt Hoffmann-La-Roche contre Commission (69): «La notion de marché concerné (relevant market) implique, en effet, qu'une concurrence effective puisse exister entre les produits qui en font partie, ce qui suppose un degré suffisant d'interchangeabilité en vue du même usage entre tous les produits faisant partie d'un même marché.»
(87) Dans sa décision relative à Napier Brown-British Sugar (70), concernant certaines pratiques restrictives portant sur la vente de sucre cristallisé, la Commission a estimé que le marché de produit en cause était celui du sucre blanc cristallisé.
(88) Les sucres spéciaux, les sucres liquides et les sirops, qui sont utilisés à d'autres fins que les sucres cristallisés, ne répondent pas aux mêmes besoins et ne font donc pas partie du marché de produit en cause parce qu'ils ne peuvent pas se substituer à ce dernier pour le consommateur.
(89) Les substituts de sucre produits industriellement tels que l'isoglucose, la saccharine, les cyclamates ou l'aspartame ne font concurrence au sucre naturel que pour des utilisations limitées comme les produits de régime, et ne font donc pas partie du même marché de produit que le sucre cristallisé.
(90) En accord avec Irish Sugar (71), la Commission reconnaît cependant que le marché du sucre blanc cristallisé se compose de deux marchés, celui du sucre industriel et celui du sucre au détail. Ces ceux marchés ont des caractéristiques communes: ils concernent le même produit de base, à savoir le sucre cristallisé, et leur production totale est soumise au régime commun du sucre. Toutefois, s'il existe un degré de substituabilité du côté de l'offre, ces deux marchés se distinguent l'un de l'autre en ce qui concerne les usages auxquels les produits sont destinés, les volumes vendus et les types de clients. Le sucre industriel est vendu en vrac ou en sacs (par exemple de 50 kilos) et il est soit utilisé comme ingrédient dans la fabrication de produits alimentaires ou de boissons, soit emballé pour être vendu au détail. Les acheteurs de sucre industriel sont donc dans une large mesure des fabricants de denrées alimentaires ou de boissons ou encore des emballeurs. Des négociants ou des intermédiaires en sucre sont aussi présents sur le marché des ventes industrielles dans certains États membres. Le sucre au détail se vend en plus petites quantités, par exemple en paquets d'un kilo ou en sachets, et il est principalement utilisé par des particuliers ou dans l'hôtellerie et la restauration. Pour le sucre au détail, le transformateur traite avec des grossistes et des détaillants. Les disparités existant entre le sucre industriel et le sucre au détail pour ce qui est de l'emballage, de la distribution et du profil des clients se traduisent par l'application de structures de prix différentes sur ces deux marchés dans la Communauté.

Le marché géographique en cause
(91) Le marché géographique en cause est défini par la Cour de justice comme (72):
«une zone géographique (. . .) dans laquelle [le produit en cause] est commercialisé et où les conditions de concurrence sont suffisamment homogènes pour pouvoir apprécier le jeu de la puissance économique de l'entreprise intéressée».
(92) Le marché géographique dans lequel la puissance économique d'Irish Sugar doit être appréciée est l'Irlande. Cette conclusion découle des considérations présentées ci-dessous.
(93) Comme nous l'avons précisé plus haut, l'un des principaux éléments de l'organisation commune du marché du sucre est le fait que chaque État membre se voit allouer un quota de sucre de betterave, qu'il répartit ensuite entre les différentes sociétés de transformation de betteraves («sucre A/B»). Comme Irish Sugar est le seul transformateur de betteraves sucrières en Irlande, le quota de sucre A/B attribué à ce pays lui revient en totalité. Ce quota, qui s'élève actuellement à 200 200 tonnes par année, est de beaucoup supérieur à la consommation nationale. La production d'Irish Sugar a jusqu'à présent suffi à couvrir la totalité de la consommation de sucre en Irlande. Dans l'affaire Suiker Unie et autres contre Commission, la Cour de justice a reconnu que l'organisation commune du marché de sucre avait une incidence importante sur la production et la vente de sucre dans la Communauté (73):
«. . . il est constant que le régime de quotas susvisé, ayant empêché le déplacement progressif de la production vers des régions particulièrement indiquées pour la culture des betteraves et, en plus, une augmentation importante de la production, a restreint les quantités que les producteurs sont en mesure d'écouler dans le marché commun;»
«. . . cette restriction, en liaison avec le coût relativement élevé du transport, est de nature à avoir une incidence non négligeable sur un élément essentiel du jeu de la concurrence, à savoir l'offre, et, par là, sur le volume et la structure des échanges entre États membres;»
toutefois,
«. . . quelles que soient les critiques que l'on puisse formuler à l'égard d'un système qui tend à consacrer un cloisonnement des marchés nationaux, notamment par le moyen de quotas nationaux, et dont les conséquences seront examinées ci-après, il n'en demeure pas moins qu'un domaine résiduel mais réel relève des règles de la concurrence».
(94) Irish Sugar est le seul producteur de sucre qui dispose d'un système de distribution bien établi par l'intermédiaire duquel il approvisionne des clients dans tout le pays. L'écrasante majorité des clients nationaux, qu'ils soient des industriels ou des détaillants, s'approvisionnent dans le pays. Ils achètent leur sucre à Irish Sugar ou à des importateurs, mais ne procèdent pas eux-mêmes à des importations directes.
(95) Irish Sugar fait valoir que dans l'affaire Suiker Unie la Cour de justice a souligné que le système communautaire comportait également des éléments, soit jouant en faveur du développement des échanges entre États membres et, par là, d'une concurrence efficace, soit, pour le moins, de nature à tempérer les effets en sens contraire résultant du régime communautaire. En particulier, la Cour rappelle que les échanges intracommunautaires de sucre raffiné sont inhérents au régime, du fait de l'existence de régions excédentaires et de régions déficitaires (74). Bien que le quota de sucre A/B attribué à ce pays dépasse de beaucoup la consommation nationale, l'Irlande est traitée comme une région déficitaire dans le cadre dudit régime. Or, le prix d'intervention du sucre est plus élevé dans les régions déficitaires telles que l'Irlande afin d'encourager les importations, dans ces régions, de sucre en provenance des régions excédentaires. Irish Sugar soutient en outre que les excédents importants qu'enregistrent la France, l'Allemagne, le Danemark, la Belgique et les Pays-Bas pourraient en principe être écoulés sur le marché irlandais. Il convient toutefois de remarquer que les importations de sucre en Irlande ne représentent jusqu'à présent qu'une petite fraction de la consommation totale de sucre cristallisé dans ce pays (75). L'une des principales barrières à l'importation de sucre du continent est le coût élevé du transport, surtout en l'absence d'un chargement pour le trajet retour. Irish Sugar affirme (76) qu'en dépit de la remarque contenue dans le plan d'entreprise de Greencore de juin 1994 concernant l'utilisation de conteneurs spéciaux, précédemment citée, «l'absence de chargement au retour n'est plus un problème», car les conteneurs utilisés pour l'importation du sucre peuvent dorénavant servir à transporter des chargements au retour. Toutefois, quelle que soit la situation actuelle, la remarque d'Irish Sugar montre que le coût du transport a entravé l'importation de sucre brut pendant quasiment toute la période considérée. De surcroît, l'importation de sucre en sacs doit faire face à un handicap structurel; en effet, les clients industriels se sont au fil des ans équipés de silos pour le stockage de leur sucre. En conséquence, le marché du sucre en sacs connaît un déclin continu et représente aujourd'hui moins de 7 000 tonnes.
(96) L'Irlande du Nord ne fait pas partie du même marché géographique que l'Irlande. Même si la part de marché détenue par Irish Sugar dans cette province est très élevée (entre [. . .] et [. . .]), les conditions de concurrence y sont nettement différentes de celles qui prévalent dans le reste de l'île. L'Irlande du Nord ne produit pas de sucre. Les importations d'Irish Sugar se font par l'intermédiaire de sa filiale McKinney, et le sucre au détail est vendu sous la marque McKinney. De plus, les deux producteurs britanniques, British Sugar plc et Tate & Lyle plc, qui ne sont pas présents sur le marché de l'Irlande, font concurrence à Irish Sugar en Irlande du Nord, où ils se partagent les parts de marché restantes (soit de [. . .]). Il y a aussi une différence significative du côté de la demande, en ce sens que de nombreux acheteurs font partie de groupes établis également dans d'autres provinces du Royaume-Uni et sont donc plus susceptibles d'acheter le sucre dont ils ont besoin à des producteurs britanniques. En outre, il existe aussi d'importantes différences de prix entre l'Irlande du Nord et l'Irlande. En particulier, le sucre au détail a toujours été bien meilleur marché en Irlande du Nord qu'en Irlande, et les documents internes de Greencore que la Commission a copiés font état d'un «surprix sur le marché national» pour le sucre. Lorsque l'écart entre les prix du sucre au détail en Irlande du Nord et en Irlande était suffisant pour attirer les importations d'Irlande du Nord, Irish Sugar s'est montrée capable de résister à toutes les attaques contre sa position sur son «marché national». Lors de la guerre des prix au Royaume-Uni, Irish Sugar a pu continuer à maintenir un écart de prix substantiel, notamment pour le sucre au détail en Irlande. En ce qui concerne le sucre industriel, Irish Sugar est aussi parvenue à maintenir des prix nettement plus élevés pour les clients opérant uniquement sur le marché national.
(97) Le marché géographique en cause est donc un État membre tout entier, à savoir l'Irlande. Il s'agit donc d'une partie substantielle du marché commun. La consommation de sucre totale s'est élevée à 173 000 tonnes en Irlande en 1993/1994. Comme nous l'avons indiqué plus haut, la consommation de sucre par habitant en Irlande dépasse la moyenne communautaire, du fait du rôle que joue le sucre dans le secteur national de la fabrication de produits alimentaires ou de boissons, qui est économiquement important, et sur le marché des ventes au détail.
(98) Eu égard aux caractéristiques susmentionnées, la Commission conclut que les marchés en cause sont ceux du sucre cristallisé au détail et du sucre cristallisé industriel en Irlande, et qu'il s'agit d'une partie substantielle du marché commun au sens de l'article 86 du traité en raison du volume de la production et de la consommation de sucre.

B. L'existence d'une position dominante
(99) Irish Sugar détient une position dominante sur les marchés du sucre cristallisé pour les ventes au détail et du sucre cristallisé pour les ventes industrielles en Irlande.
(100) Dans l'affaire Hoffmann-La-Roche contre Commission, la Cour de justice a défini la notion de position dominante comme suit (77):
«La position dominante ainsi visée [à l'article 86] concerne une situation de puissance économique détenue par une entreprise qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d'une concurrence effective sur le marché en cause en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et, finalement, des consommateurs . . .
L'existence d'une position dominante peut résulter de plusieurs facteurs qui, pris isolément, ne seraient pas nécessairement déterminants, mais parmi ces facteurs l'existence de parts de marché d'une grande ampleur est hautement significative.»
(101) Il y a lieu de considérer qu'Irish Sugar détient une position dominante sur le marché du sucre cristallisé pour les ventes au détail et les ventes industrielles en Irlande pour les raisons qui suivent.
(102) Au cours de la période 1985-1995, la part du marché total du sucre cristallisé détenue par Irish Sugar s'est située au-delà de 90 %. Les concurrents d'Irish Sugar n'ont donc qu'une part de marché marginale sur les deux marchés considérés. La part de marché d'ASI, principal importateur en Irlande de sucre industriel et, occasionnellement, de sucre au détail, a été d'environ [. . .] ou moins entre 1985 et 1995. La part de Round Tower sur le marché plus exigu du sucre au détail s'est élevée à [. . .] pendant plusieurs années, mais depuis 1988 cette société achète l'essentiel de son sucre industriel à Irish Sugar. Gem Pack détenait [. . .] du marché du sucre au détail en 1993/1994, mais se procurait également son sucre industriel auprès d'Irish Sugar.
(103) La taille relativement petite d'Irish Sugar en termes de production par rapport aux producteurs de sucre d'autres États membres, dont certains ont d'importants excédents après approvisionnement du marché national, n'entre pas en ligne de compte pour apprécier la position d'Irish Sugar sur le marché irlandais. Le fait qu'Irish Sugar ait subi des pertes au cours de la première moitié des années quatre-vingt n'est pas incompatible avec l'existence d'une position dominante (78).
(104) Le régime communautaire du sucre limite les ventes de sucre produit dans la Communauté au total des quotas de production nationaux dans la Communauté. Irish Sugar est le seul producteur de sucre sur l'île et se voit, chaque année, allouer la totalité du quota attribué à l'Irlande. Ce quota suffit à couvrir l'ensemble de la consommation de sucre cristallisé du pays. La société possède un système de distribution bien établi par l'intermédiaire duquel elle approvisionne des clients industriels, des grossistes ou des détaillants dans tout le pays.
(105) La concurrence exercée par le sucre importé n'a pas empêché, depuis 1985, Irish Sugar de maintenir ses parts de marché à un niveau élevé et, partant, de détenir une position dominante au sens de l'article 86. Les importations de sucre en Irlande n'ont représenté qu'un faible pourcentage de la consommation totale de sucre cristallisé dans ce pays. En particulier, les importations de sucre en provenance d'Irlande du Nord ou de France n'ont eu qu'une incidence marginale sur la position concurrentielle d'Irish Sugar.
(106) Irish Sugar soutient (79) qu'elle ne jouit pas d'une position dominante sur le marché du sucre industriel du fait de la «position de force» dans laquelle se trouvent ses principaux clients à son endroit, en particulier les deux plus gros d'entre eux, [. . .] et [. . .], lesquels représentent ensemble [. . .] de ses ventes industrielles. Selon Irish Sugar, ces clients «pourraient purement et simplement cesser de produire en Irlande si les facteurs de production y devenaient trop onéreux. Dans un tel cas de figure, ces entreprises pourraient déplacer leur production et leur clientèle serait irrémédiablement perdue pour Irish Sugar.»
(107) Toutefois, même si l'on reconnaît que ces clients bénéficient d'une certaine puissance d'achat, ils sont également dépendants d'Irish Sugar pour leur approvisionnement en sucre en vrac. Comme nous l'avons indiqué au considérant 94, le régime commun du sucre a pour effet de réduire le volume que peuvent proposer les autres sources d'approvisionnement. Par ailleurs, le coût de transport du sucre en provenance du continent constitue une barrière importante à son importation en Irlande. Comme nous l'avons signalé plus haut, le sucre industriel importé, en particulier le sucre en sacs, a perdu du terrain ces dernières années du fait que les utilisateurs industriels se sont équipés de silos pour stocker le sucre qui leur est livré. En outre, la petite taille du marché irlandais fait qu'il est plus difficile pour les producteurs de sucre du Benelux, de France, d'Allemagne ou du Danemark d'avoir une rentabilité suffisante sur leurs ventes en Irlande. La circonstance qu'à long terme certaines sociétés puissent décider de se délocaliser ne les empêche pas de dépendre d'un fournisseur pour leurs approvisionnements présents.
(108) Comme la Commission l'a expliqué dans sa décision Nestlé/Perrier (80), la concentration des acheteurs doit être comparée à celle qui existe du côté de l'offre. Dans le cas du marché irlandais du sucre industriel, sur lequel Irish Sugar a assuré plus de 90 % des approvisionnements au cours de la période considérée (et plus [. . .] la plupart du temps), il est évident qu'en dépit de la présence de deux grands clients, la demande se compose d'un certain nombre d'acheteurs qui ne sont pas également forts et qu'on ne saurait agréger de sorte à conclure qu'ils pourraient limiter la puissance commerciale de leur fournisseur, dont la part de marché excède 90 %. Le volume des ventes imputable à ses deux principaux clients ne contrebalance pas la position dominante détenu par Irish Sugar. Par ailleurs, comme elle l'a soutenu dans l'affaire Nestlé/Perrier, la Commission, lorsqu'elle assure le respect des règles de concurrence, doit aussi veiller à protéger les acheteurs plus faibles. Comme nous l'expliquons ci-après, Irish Sugar a défavorisé certaines catégories de clients. Qui plus est, les prix moyens départ usine du sucre cristallisé en vrac en Irlande sont parmi les plus élevés de la Communauté européenne. Ils ont toujours été supérieurs aux prix moyens au Royaume-Uni, l'État membre le plus proche ayant également une production de sucre.
(109) Bien que la part d'Irish Sugar ait été légèrement inférieure sur le marché du sucre au détail au cours de la période considérée (plus de 85 %), la société jouit là aussi d'une position dominante. Le fait que les grandes chaînes de supermarchés, comme [. . .], aient accru leur présence sur ce marché au cours des dernières années au détriment des grossistes n'exclut pas l'existence d'une telle position. Comme la Commission l'a soutenu dans ses décisions Nestlé/Perrier et Procter & Gamble Schickedanz II (81), il convient de tenir compte du poids de la fidélité des consommateurs à une marque afin d'apprécier la puissance de négociation des détaillants vis-à-vis des producteurs. Irish Sugar ne nie pas l'«avantage reconnu de la marque» dont bénéficient ses produits Siucra. Même les rares détaillants qui proposent du sucre sous leur propre marque se procurent ce dernier auprès d'Irish Sugar du fait de l'attachement des consommateurs aux marques d'origine irlandaise. De plus, bien qu'Irish Sugar ait dû affronter des concurrents nationaux sur le marché du sucre au détail au cours des dix dernières années, ces concurrents détenaient de très petites parts de marché et dépendaient d'Irish Sugar pour la quasi-totalité de leurs approvisionnements de sucre industriel.
(110) Il ressort des considérations qui précèdent qu'Irish Sugar a eu, au cours de la période considérée, la possibilité d'adopter des comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents sur les deux marchés en cause, y compris les sociétés irlandaises qui emballent le sucre pour la vente au détail sur le marché irlandais et les producteurs de sucre établis dans d'autres États membres.
(111) Avant 1990, Irish Sugar détenait une participation de 51 % dans SDH (la société mère de SDL) et désignait la moitié des membres de son conseil d'administration. Irish Sugar a, toutefois, souligné qu'elle n'avait pas le contrôle de gestion de SDH à ce moment-là. Le directeur général et d'autres administrateurs d'Irish Sugar siégeaient au conseil d'administration de SDH et de SDL. Les responsabilités et responsabilités conjointes d'Irish Sugar et de SDL ont été définies à compter du milieu de 1982. SDL était responsable des décisions relatives aux ventes et à la fixation des prix. Par ailleurs, comme il ressort de ce qui précède, Irish Sugar discutait ouvertement, lors de réunions mensuelles tenues conjointement avec des représentants de ses filiales de vente, de sa politique commerciale, entre autres des problèmes auxquels elle-même et SDL/SDH étaient confrontées en raison des importations, ainsi que des mesures défensives à prendre. Les prix appliqués aux clients, notamment les remises à l'exportation, étaient autant de thèmes abordés lors des réunions entre les représentants de SDL/SDH et d'Irish Sugar.
(112) Outre la participation détenue par Irish Sugar dans SDH, sa représentation au sein des conseils d'administration de SDH et de SDL, le processus décisionnel de ces sociétés et les procédures de communication visant à le faciliter, des liens économiques directs unissaient ces différentes sociétés. SDL devait s'approvisionner en sucre exclusivement auprès d'Irish Sugar. Irish Sugar finançait toutes les opérations de promotion en faveur des acheteurs et les remises accordées par SDL à ses clients. Ces liens économiques se sont traduits par une nette convergence d'intérêts entre ces deux sociétés par rapport aux tiers. Selon l'arrêt rendu par la Cour dans l'affaire Italian Flat Glass (82), deux entités économiques indépendantes peuvent détenir une position de dominante économique conjointe lorsqu'elles sont, sur un marché spécifique, unies par de tels liens économiques et que, de ce fait, elles détiennent ensemble une position dominante par rapport aux autres opérateurs du marché.
(113) Par conséquent, la Commission conclut qu'au cours de la période considérée Irish Sugar a détenu une position dominante individuelle, ou au moins, avant février 1990, une position dominante commune sur le marché du sucre cristallisé pour la vente au détail et la vente industrielle en Irlande.

C. L'abus de position dominante
(114) Il ressort des faits exposés ci-dessus, basés sur les preuves documentaires, qu'à partir de 1985 Irish Sugar a mené une politique commerciale destinée principalement à protéger son marché national en Irlande, d'une part, des importations en provenance des autres États membres et, de l'autre, des emballeurs de sucre concurrents en Irlande. En outre, depuis au moins ces dix dernières années, la politique commerciale d'Irish Sugar est liée à l'imposition d'une politique de prix discriminatoires sur son marché national. Irish Sugar a eu notamment recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent une compétition normale des produits ou services sur la base des prestations des opérateurs économiques, ce qui a eu pour effet de faire obstacle au maintien du degré de concurrence existant encore sur le marché ou au développement de cette concurrence. La Commission en conclut par conséquent qu'Irish Sugar a exploité de façon abusive sa position dominante sur le marché du sucre en Irlande (83).
(115) La constatation de l'existence d'une position dominante n'implique en soi aucun reproche à l'égard de l'entreprise concernée, mais signifie seulement qu'incombe à celle-ci, indépendamment des causes d'une telle position, une responsabilité particulière de ne pas porter atteinte par son comportement à une concurrence effective et non faussée dans le marché commun (84). Le fait que, par le biais de son quota de production, certaines responsabilités incombent à Irish Sugar dans l'organisation commune des marchés du sucre et que, notamment pour cette raison, Irish Sugar détient une position dominante sur le marché en Irlande, ne dispense pas cette dernière de l'obligation de ne pas en abuser. L'article 1er du règlement n° 26 du Conseil, du 4 avril 1962, portant application de certaines règles de concurrence à la production et au commerce de produits agricoles (85), modifié par le règlement n° 49 (86), dispose que les articles 85 à 90 inclus du traité s'appliquent à tous accords, décisions et pratiques visés à l'article 85 paragraphe 1, et à l'article 86 du traité et relatifs à la production ou au commerce des produits énumérés à l'annexe II du traité. Alors que ce règlement prévoit certaines exceptions en ce qui concerne l'application de l'article 85, l'article 86 est applicable sans exception au secteur de l'agriculture.
(116) Pour défendre son marché, Irish Sugar a eu recours à différentes formes de comportement abusif, qu'elle a utilisées successivement ou simultanément, à partir de 1985, chaque fois qu'elle l'a jugé nécessaire.
(117) Les mesures décidées par Irish Sugar avant 1990 en ce qui concerne les restrictions en matière de transport, par les deux sociétés pour les remises frontalières, les remises à l'exportation et la remise de fidélité, et par SDL à l'égard de l'échange de produits et des prix sélectifs, ont été prises sur la base d'une position dominante conjointe.
(118) La Commission en conclut, à partir des preuves documentaires, qu'Irish Sugar et/ou SDL se sont livrées aux pratiques illégales suivantes, qui, comme cela est mentionné plus haut, s'intégraient dans une politique durable et globale de protection du marché national d'Irish Sugar, tant pour le sucre à usage industriel que pour le sucre au détail.

I. Les mesures destinées à protéger le marché national de la concurrence des importations en provenance d'autres États membres

i) Les importations de France
(119) À partir de 1985, Irish Sugar et SDL ont pris des mesures pour entraver la concurrence du sucre industriel et du sucre au détail importés de France. Celles-ci ont pris la forme de restrictions appliquées au transport de sucre français à destination de l'Irlande, de prix sélectifs, y compris l'octroi d'une remise de fidélité, et d'un échange de produits.

Les restrictions en matière de transport
(120) En 1985, Irish Sugar a pris des dispositions pour empêcher ASI de faire transporter en Irlande son sucre français par la compagnie maritime publique B& I. Irish Sugar a fait pression sur le transporteur de ASI, qui a cédé à cette pression. Certes, B& I n'était pas à ce moment-là la seule compagnie de transport maritime à exploiter les lignes entre la France et l'Irlande, mais ASI considérait que cette compagnie pouvait transporter son sucre dans des conditions rentables. Les mesures décidées par Irish Sugar ont forcément limité l'activité de ASI en ce qui concerne ses importations de sucre français, ce qui a amené cette dernière à engager une action en justice contre B& I et Irish Sugar.
(121) Irish Sugar a reconnu devant la Commission qu'elle avait «laissé entendre» à B& I qu'elle lui retirerait sa clientèle si B& I continuait à transporter du sucre CFS de France à destination de l'Irlande. Or, Irish Sugar fait valoir qu'elle se sentait elle-même menacée par CFS, un producteur de sucre beaucoup plus important. Elle considérait également que les services de transport assurés par B& I pour CFS étaient à ce moment-là incompatibles avec les obligations contractées antérieurement envers leur actionnaire commun, l'État irlandais.
(122) La Commission estime que cet argument n'est pas valable. Faire pression sur un transporteur pour l'empêcher de transporter des marchandises concurrentes ne peut être considéré comme une pratique commerciale normale. L'objet et l'effet de cette action étaient de protéger la position d'Irish Sugar en Irlande et donc de restreindre la concurrence sur le marché au détriment des consommateurs. Dans ces conditions, la Commission conclut qu'en faisant pression sur la société de transport B& I pour qu'elle cesse de transporter du sucre français pour ASI, Irish Sugar a enfreint l'article 86.

Les prix sélectifs
(123) Dans une note du 8 mars 1988 adressée aux membres de l'exécutif Irish Sugar/SDL/JCC en ce qui concerne les importations de sucre français, M. Keleghan (alors directeur commercial de SDL) définit une politique de prix bas à appliquer de manière sélective aux clients potentiels de ASI. Il ne s'agissait pas de généraliser cette pratique, même pour les clients plus importants. Or, une telle politique est contraire au principe défini dans l'affaire Michelin contre Commission (87), selon lequel une entreprise en position dominante a une responsabilité particulière de ne pas diminuer le degré de concurrence existant encore sur le marché.

L'échange de produits
(124) La Commission dispose de preuves attestant qu'en 1988, lorsque ASI a mis sur le marché le paquet de sucre d'un kilo «Eurolux» de CFS, SDL s'est mise d'accord avec un grossiste et un détaillant pour que ceux-ci échangent le sucre Eurolux contre son propre sucre. Irish Sugar l'a reconnu devant la Commission. Toutefois, Irish Sugar affirme, contrairement à ce qui figure dans la déposition de M. Brennan, fonctionnaire habilité agissant au nom du directeur de l'administration de la consommation et du commerce (Consumer Affairs and Fair Trade) devant la Cour suprême irlandaise (Irish High Court), que cette mesure ne s'est pas accompagnée de menace de sanctions financières. Selon Irish Sugar, cet échange était la conséquence d'une demande insuffisante pour le produit français, dont la commercialisation était peu efficace. Cet échange de produits n'a, par conséquent, pas eu pour effet d'empêcher CFS de s'établir sur le marché irlandais.
(125) La version des faits présentée par Irish Sugar sur les circonstances entourant l'échange de produits est difficilement acceptable. Dans le cas d'ADM, l'échange s'est déroulé très peu de temps après qu'ADM eut adressé un avis, le 15 avril 1988, à l'ensemble de ses membres (les points de vente de la chaîne Londis) les informant que le sucre Eurolux était disponible. Les parties n'ont par conséquent pas accordé au nouveau produit le temps nécessaire à son lancement, à son positionnement et à sa commercialisation. En ce qui concerne Kelly, il ressort de la déposition de M. Brennan que le produit s'est au départ bien vendu, Rien n'explique pourquoi Kelly a dû brusquement échanger le sucre Eurolux contre une quantité équivalente du produit correspondant d'Irish Sugar. La Commission en conclut donc qu'en procédant à cet échange de produits, Irish Sugar avait manifestement pour objectif, dans les deux cas, d'empêcher Eurolux de s'implanter sur le marché en Irlande et de se créer ainsi la clientèle commerciale nécessaire. L'échange lui-même a eu pour effet d'empêcher l'entrée sur le marché irlandais d'un nouveau produit, qui aurait concurrencé la marque Siucra d'Irish Sugar. Il convient également de noter que l'intervention de M. Comerford (directeur général d'Irish Sugar) lors de la réunion du conseil d'administration du 28 juin 1988 montre qu'Irish Sugar ne prenait alors pas à la légère la question de la concurrence d'Eurolux. ASI avait informé Irish Sugar de la mesure prise par SDL.
(126) L'échange de produits par une entreprise dominante constitue un abus au sens de l'article 86 chaque fois qu'il est destiné ou de nature à restreindre ou à éliminer la concurrence d'une nouvelle entreprise sur le marché (88), ce qui est en l'occurrence le cas. De fait, l'échange de produits a entraîné un renforcement de la position conjointe d'Irish Sugar et de SDL, qui sont quasiment en situation de monopole sur le marché de la fourniture de sucre.

La remise de fidélité
(127) L'accord conclu entre SDL et ADM, qui garantissait à ADM un prix avantageux si celle-ci atteignait un objectif déterminé en termes d'achat (pour l'achat de [x] tonnes, elle bénéficiait du prix pratiqué pour l'achat de [3x] tonnes), ne constituait pas, de toute évidence, une remise de quantité normale, mais représentait une ristourne d'objectif ou une remise de fidélité ayant pour effet de lier le client au fournisseur en position dominante. Il s'agissait par conséquent d'une infraction à l'article 86 acceptée par SDL et financée par Irish Sugar.

ii) Les importations d'Irlande du Nord

Les remises sélectives (prix discriminatoires), notamment frontalières
(128) Irish Sugar et SDL ont pris des mesures pour limiter les importations en provenance d'Irlande du Nord, en particulier entre 1985 et 1988, en appliquant une politique de prix sélectifs ou discriminatoires sur le marché du sucre en Irlande. Cette politique a consisté notamment à accorder des primes spéciales à certains clients. Une remise a en particulier été octroyée à des clients installés dans la région frontalière avec l'Irlande du Nord («remise frontalière»). Irish Sugar et SDL en ont discuté ouvertement et son financement a été assuré par Irish Sugar. Cette mesure visait à réduire les importations de sucre au détail meilleur marché en provenance d'Irlande du Nord à destination de l'Irlande. La remise frontalière n'était pas liée à des facteurs économiques objectifs, comme le volume de vente des détaillants. Irish Sugar l'a utilisée et adaptée chaque fois qu'elle considérait que la différence de prix entre l'Irlande du Nord et l'Irlande pourrait stimuler les ventes transfrontalières.
(129) Par l'octroi de cette remise frontalière, Irish Sugar et SDL exploitent de façon abusive leur position dominante conjointe et, partant, enfreignent l'article 86. De fait, en appliquant à l'égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, Irish Sugar et SDL ont infligé à ceux qui ne pouvaient bénéficier de cette remise un désavantage dans la concurrence. En outre, cette remise devait, et elle l'a d'ailleurs fait, décourager les importations en provenance d'Irlande du Nord, qu'elles soient effectuées par des concurrents d'Irish Sugar ou qu'il s'agisse d'importations parallèles de son propre sucre, limitant ainsi les marchés au détriment des consommateurs. La remise frontalière s'inscrit donc dans une politique destinée à diviser les marchés et à exclure les concurrents. La remise n'avait pas de justification économique objective, telle que les quantités achetées par le client, les coûts de commercialisation et de transport ou toute fonction éventuellement exercée par le client concerné en matière de promotion, de stockage ou d'entretien, notamment. Elle a été accordée uniquement en fonction de l'emplacement géographique du détaillant, c'est-à-dire en particulier si le client concerné était établi ou non dans la région frontalière avec l'Irlande du Nord. Dans des affaires précédentes, la Commission et la Cour de justice ont condamné ces pratiques de prix sélectifs ou discriminatoires (89).
(130) D'une manière générale, Irish Sugar ne nie pas avoir eu recours, conjointement avec SDL, à certaines pratiques pour concurrencer les importations à bas prix d'Irlande du Nord à destination de l'Irlande. Toutefois, d'après Irish Sugar, la Commission devrait apprécier son comportement en fonction du contexte économique et de la situation de fait. Elle rappelle en particulier que les pratiques concernées ont été principalement utilisées entre 1984 et 1986, au moment de la guerre des prix entre British Sugar et Tate & Lyle, qui se déroulait également en Irlande du Nord. Irish Sugar fait valoir qu'en raison des pertes importantes qu'elle subissait alors, elle n'était pas en mesure de réagir à ces importations à bas prix en abaissant ses propres prix au niveau des importations concurrentes.
(131) En outre, dans sa réponse à la communication des griefs, Irish Sugar soutient que sa politique de prix sélectifs, en ce qui concerne à la fois les importations françaises et celles d'Irlande du Nord, était une mesure de nature défensive. Irish Sugar invoque une disposition figurant dans la décision de la Commission relative à des mesures provisoires prises dans l'affaire ECS/AKZO (90) pour faire valoir que «le fait pour un fournisseur en situation dominante d'aligner ses prix pour compenser les offres concurrentes proposées à ses clients existants ne constitue pas un abus de position dominante.» (91) Irish Sugar affirme en substance que ces pratiques avaient pour but de préserver sa viabilité économique en tant que fournisseur de sucre. Selon elle, ces mesures étaient conçues pour garantir qu'Irish Sugar puisse remplir ses obligations au titre de la PAC, en essayant de diminuer les échanges de ses propres produits, ce qui aggravait ses pertes et menaçait sa viabilité, ces échanges n'étant rendus possibles qu'en raison d'écarts de prix qui n'étaient pas de son fait et que la stratégie expansionniste pratiquée en matière de prix par des transformateurs de sucre plus importants dans d'autres États membres a pour effet d'aggraver.
(132) Irish Sugar renvoie également à la décision de la Commission prise dans l'affaire BPB Industries plc (92), en vertu de laquelle les réductions de prix offertes par BPB Industries à des clients dans une région géographique délimitée où l'entreprise devait soutenir la concurrence de Lafarge UK Ltd n'ont pas été considérées comme un abus de position dominante car «la baisse des prix était en fait réduite» (4 à 5 %) et ces prix n'étaient «pas en eux-mêmes des prix prédateurs ni ne faisaient partie d'un système d'alignement systématique.»
(133) Il convient tout d'abord de noter que les prix sélectifs appliqués par Irish Sugar et SDL allaient bien au-delà des pratiques auxquelles ces sociétés font allusion. Dans le cas des remises frontalières en particulier, il ressort de ce qui précède que celles-ci ont été proposées à un large éventail de clients dans plusieurs comtés frontaliers et à diverses périodes. Elles comprenaient de même des rabais d'au moins [plus de 5,5 %] (93). En outre, dans les deux cas, ces prix sélectifs faisaient partie d'une politique systématique consistant à décourager les importations sur un marché où ces sociétés détenaient conjointement une position dominante et à restreindre par conséquent la concurrence limitée qui existait alors. En ce qui concerne les offres faites à des clients potentiels de ASI, celles-ci visaient à freiner le développement d'une petite société qui importait du sucre industriel et du sucre au détail sur le marché irlandais.
(134) Une entreprise en situation de position dominante a sans nul doute le droit de défendre sa position en concurrençant d'autres entreprises sur son marché. Toutefois, l'entreprise en position dominante ne doit pas délibérément chercher à éliminer ses concurrents ou le faire effectivement. Il lui incombe une responsabilité particulière de ne pas porter atteinte au degré de concurrence encore existant sur le marché (94). Des entreprises qui, sur un marché géographique donné, peuvent détenir une position forte, voire dominante, sont dans une situation différente sur d'autres marchés géographiques où elles sont confrontées à une entreprise locale en position dominante. Le maintien d'un système de concurrence efficace nécessite cependant que la concurrence exercée par des entreprises qui ne sont que de petites concurrents sur le marché géographique où règne la position dominante - indépendamment de leur position sur des marchés géographiques distincts aux fins de l'analyse de la position dominante - soit protégée contre le comportement de l'entreprise en position dominante qui vise à les exclure du marché, non pas grâce à son efficacité plus grande ou à ses meilleurs résultats, mais en abusant de sa puissance de marché. Dans sa décision finale concernant ECS/AKZO (95), la Commission a estimé que le fait pour une société qui détient une part de marché égale ou supérieure à 50 %, d'offrir de manière sélective des prix peu élevés aux clients d'un petit concurrent, tout en maintenant des prix sensiblement plus élevés pour ses clients existants constitue un abus de position dominante. Ce principe a été confirmé par la Cour de justice. Au cours de la période où elle cherchait à limiter les importations, Irish Sugar détenait plus de 90 % du marché irlandais du sucre industriel et du sucre au détail.
(135) La Commission conclut que l'ensemble des pratiques susmentionnées, c'est-à-dire les remises frontalières, les restrictions en matière de transport et l'échange de produits, ainsi que la remise de fidélité, poursuivaient le même objectif, à savoir protéger la position d'Irish Sugar sur le marché du sucre en Irlande. Ces pratiques ont, par leur effet cumulé, contribué à fermer l'accès de ce marché aux concurrents. La Commission considère par conséquent qu'en ayant recours à ces pratiques, Irish Sugar et SDL ont abusé de leur position dominante conjointe.

II. Le comportement en matière de prix ayant un effet discriminatoire à l'égard de certaines catégories de clients

i) Les remises à l'exportation du sucre
(136) Lorsqu'elle accorde des remises à certains clients en fonction de la destination finale du sucre, Irish Sugar abuse de sa position dominante en exerçant une discrimination par les prix, c'est-à-dire en appliquant des conditions inégales à des prestations équivalentes au sens de l'article 86 point c), en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence.
(137) Tout d'abord, il y a une discrimination à l'intérieur du système des remises à l'exportation étant donné qu'il y a des «exportateurs» qui n'en bénéficient pas au même degré que les autres, soit parce qu'ils n'exportent qu'un petit pourcentage de leur production, soit parce qu'Irish Sugar décide de leur accorder une remise à l'exportation relativement faible pour la proportion qu'ils exportent. Certaines entreprises fournissent des chiffres de leurs exportations réelles, alors que d'autres sont simplement censées exporter un pourcentage élevé. Bien qu'Irish Sugar ait fait valoir comme raison première du système des remises à l'exportation les fluctuations monétaires et les changements intervenus dans d'autres facteurs de coûts pour les exportateurs, les faits font apparaître - et Irish Sugar l'admet - qu'une fois qu'un niveau déterminé de remise a été convenu avec une entreprise, il s'est généralement maintenu pendant des années en dépit de variations des taux de change relatifs et d'autres coûts des facteurs de production. Irish Sugar a déclaré dans sa réponse à la communication des griefs qu'elle «réviserait» son système de remise à l'exportation et vérifierait, par exemple, les demandes de remises à l'exportation qui lui seraient faites.
(138) De plus, le système des remises est en lui-même discriminatoire. Le fait que le sucre industriel soit transformé et exporté vers d'autres États membres ne change en rien la nature de l'opération et il n'y a pas de différence dans la nature du produit vendu ou dans les coûts de livraison supportés par Irish Sugar.
(139) Par ailleurs, Irish Sugar a fait valoir qu'au cours de la période en question, il y a eu une augmentation du volume des denrées alimentaires importées en Irlande. Cette société précise que ce phénomène «est dû d'une part au développement de nouvelles alliances commerciales en Irlande . . . entre des groupements d'achat britanniques et des groupements d'achat d'Irlande du Sud, ainsi qu'entre des groupements d'achat de l'Europe continentale et des groupements d'achat irlandais. Ces courants d'échange ont entraîné un net renforcement de la concurrence ainsi qu'un changement des conditions et des prix émanant de gros producteurs de denrées alimentaires, de chaînes de supermarchés et de groupements d'achat britanniques. Dans un premier temps, ce phénomène a touché l'Irlande du Nord . . . mais, plus récemment, directement l'Irlande.» (96)
Les producteurs irlandais de denrées alimentaires qui approvisionnent le marché intérieur comprennent, comme Irish Sugar l'admet d'ailleurs, des emballeurs de sucre et ont donc dû faire face à une concurrence accrue et à un environnement commercial plus difficile. De plus, d'après Irish Sugar, il semble qu'il s'agisse d'une tendance constante, alors que les taux de change fluctuent évidemment dans les deux sens. Or, Irish Sugar a toujours pratiqué une discrimination par les prix à l'égard des producteurs irlandais de denrées alimentaires.
(140) La Commission n'admet pas l'argument d'Irish Sugar selon lequel les remises à l'exportation du sucre ne sont pas discriminatoires parce que les fabricants qui décident de ne vendre que sur le marché national «n'ont pas de désavantage dans la concurrence» (97) par rapport aux exportateurs. Irish Sugar n'a pas tenu compte du fait que, dans une économie avec des exportations vers et des importations d'autres États membres, des facteurs tels que les fluctuations monétaires affectent toutes les entreprises qui produisent des marchandises, qu'elles produisent pour le marché national ou qu'elles soient «exportatrices». Un client «national» d'Irish Sugar qui est en concurrence avec une entreprise d'un autre État membre sur le marché irlandais a manifestement un désavantage dans la concurrence par rapport à un client «exportateur» subventionné en concurrence avec la même société «étrangère» dans l'État membre d'origine de cette dernière. En se fixant sur la relation entre ses clients, Irish Sugar a ignoré le fait qu'ils peuvent se trouver dans une situation désavantageuse sur le plan de la concurrence vis-à-vis de tiers.
(141) En deuxième lieu, Irish Sugar n'a pas tenu compte du fait que les remises à l'exportation ont un effet de subvention croisée en faveur du sucre destiné au marché irlandais. Comme on l'a déjà relevé, le système des remises à l'exportation du sucre est fréquemment appliqué au total des achats de sucre sans vérification du volume des produits exportés une fois transformés. Même si le système faisant l'objet d'une surveillance adéquate, il y aurait des subventions croisées. En effet, du point de vue du client, ses achats - qu'ils soient finalement destinés au marché national ou à l'exportation - sont identiques. Les remises éventuelles sont simplement réparties sur la totalité des achats dans les comptes internes de l'entreprise pour donner le prix de revient moyen du sucre. Ce prix de revient de la matière première brute est utilisé à tous les stades de la transformation.
(142) Dans l'affaire United Brands c/Commission (98), la Cour a appliqué une définition plus extensive encore à la notion de désavantage dans la concurrence en constatant que United Brands avait appliqué des prix «discriminatoires selon les États membres» pour les bananes à l'état vert entre distributeurs/mûrisseurs exerçant leurs activités dans des États membres différents, «entraînant pour certains distributeurs/mûrisseurs un désavantage dans la concurrence ainsi faussée par rapport à ce qu'elle aurait dû être». Par conséquent, la Cour a condamné la discrimination géographique par les prix pratiquée par United Brands en dépit de l'existence de situations de marché différentes selon les États membres où les acheteurs exerçaient leurs activités.
(143) Le système des remises à l'exportation a l'effet supplémentaire de placer les emballeurs sur un pied d'inégalité sous l'angle de la concurrence par rapport à Irish Sugar au niveau de la distribution et présente donc des éléments des disparités verticales constatées entre distributeurs/mûrisseurs et UBC dans la décision Chiquita (99) de la Commission. Là encore, en ne comparant les clients qu'entre eux, Irish Sugar a fait abstraction de leurs relations de concurrence avec des tiers, y compris avec elle-même.
(144) Le caractère discriminatoire du système des remises à l'exportation est d'autant plus marqué qu'il n'est pas conforme aux objectifs du régime commun du sucre. Comme Irish Sugar l'a fait observer, l'Irlande est considérée comme une région déficitaire par ce régime, et le prix d'intervention pour le sucre est plus élevé afin d'encourager les importations. Or, les remises à l'exportation de l'entreprise risquent de fausser ce régime en subventionnant les exportations de sucre de l'Irlande vers d'autres États membres, constituant ainsi des entraves aux importations et accentuant l'isolement du marché national.

iii) La discrimination active à l'égard d'emballeurs concurrents

Les prix facturés pour le sucre industriel
(145) S'il est possible que le système des remises à l'exportation pratiqué par Irish Sugar n'ait pas eu pour objet premier d'exercer une discrimination à l'égard des emballeurs de sucre concurrents, le système des remises supplémentaires marque une discrimination plus active à leur détriment. Irish Sugar non seulement applique des conditions inégales à des opérations équivalentes, mais est en outre incapable d'en donner une raison qui ne semble pas une tentative a posteriori de justifier son action discriminatoire envers les emballeurs de sucre. Les explications fournies par Irish Sugar au sujet des remises «en faveur des entreprises nouvelles» et «à croissance rapide» seraient également applicables à au moins deux des emballeurs de sucre.
(146) Irish Sugar a allégué que la pratique consistant à ne pas offrir de remise aux emballeurs de sucre concurrents ne constituait pas un abus parce que ces derniers «ne peuvent être mis dans une situation de désavantage dans la concurrence par rapport à d'autres clients industriels parce que les emballeurs ne leur font pas concurrence.» (100) Cet argument ignore la position prise par la Cour dans l'affaire United Brands contre Commission (101) selon laquelle c'est le jeu de l'offre et de la demande entre le fournisseur et le client initial et non sur le marché sur lequel l'acheteur opère qui doit être pris en considération pour examiner s'il y a eu discrimination. Les emballeurs de sucre ont acheté à Irish Sugar exactement le même produit, du sucre industriel en vrac, que ses autres clients, aux mêmes conditions standards de vente et de livraison.
(147) En outre, dans sa décision Napier Brown/British Sugar (102), la Commission a établi qu'en refusant du sucre d'origine exclusivement betteravière à Napier Brown pour lequel cette dernière pouvait obtenir une prime de stockage communautaire et donc une réduction effective du prix de revient, British Sugar avait exercé une discrimination envers celle-ci par rapport à d'autres clients (non-emballeurs de sucre) qui étaient assurés d'un approvisionnement en sucre d'origine betteravière. La Commission a considéré qu'en refusant du sucre d'origine exclusivement betteravière (et donc en augmentant effectivement le prix relatif du sucre) à Napier Brown tout en en fournissant à d'autres qui n'étaient pas emballeurs de sucre, British Sugar a appliqué «à l'égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence.»
(148) Par contraste, l'argument selon lequel les emballeurs de sucre concurrents n'ont pas un désavantage dans la concurrence impliquerait, s'il était poussé jusqu'à sa conclusion logique, que les fournisseurs en position dominante auraient le droit de prendre des décisions unilatérales sur les conditions de concurrence et les marchés de produits en cause sur lesquels leurs clients exercent leurs activités, et notamment de déterminer la substituabilité des différents produits que leurs clients produisent et de répartir ces derniers en différentes catégories de prix sur cette base. Les prix fixés dans une catégorie déterminée de façon arbitraire ne devraient sans doute pas être liés, sur le plan des volumes vendus ou d'autres coûts de livraison, aux prix des autres catégories.
(149) Occupant une position dominante, quelles que soient les raisons de celle-ci, Irish Sugar ne doit pas «faire obstacle au développement du degré de concurrence existant encore sur un marché où, à la suite précisément de la présence de cette entreprise, la concurrence est déjà affaiblie» [Hoffmann La Roche contre Commission, citée dans Tetrapak (103)]. Son système de remises constitue un abus manifeste de sa position dominante.
(150) De surcroît, bien qu'une entreprise qui se trouve dans une position dominante n'ait pas l'obligation légale de facturer des prix identiques ou de publier ses conditions, l'opacité de tout le système de remises pratiqué par Irish Sugar, y compris les remises à l'exportation, dans lequel ni l'importance des remises ni les volumes auxquels elles se rapportent sont uniformes ou communiqués par écrit aux clients, peut être considéré comme un abus de position dominante. Dans l'affaire Michelin, le système des remises individualisées et non objectives (c'est-à-dire non comparables entre clients), ainsi que sa nature verbale, a été attaqué par la Commission, qui l'a considéré comme discriminatoire. En outre, l'avocat général a conclu que les rabais et ristournes qui sont fixés sur une base individuelle et qui, par là même, ne sont pas communiqués à l'avance et d'une façon uniforme à tous les revendeurs contiennent une possibilité de discrimination entre eux et constituent en soi un abus de l'article 86 (104). Le système opaque et variable de remises appliqué par Irish Sugar lui donne l'occasion de restreindre facilement la concurrence déjà limitée sur le marché du sucre industriel en Irlande.

Les ristournes d'objectif et les prix sélectifs
(151) Au printemps 1994, Irish Sugar a offert aux grandes chaînes de supermarchés irlandaises des ristournes fondées sur des augmentations déterminées de leurs achats de sa marque Siucra d'un kilo pendant trois mois. La période de référence utilisée pour calculer l'augmentation était avril-septembre 1993. En octobre 1994, elle a offert une nouvelle remise d'objectif aux grossistes pour Siucra, sur la base de la même période de référence. Début décembre 1994, Irish Sugar a offert à la grande chaîne de supermarchés [. . .] une ristourne d'objectif ou un «encouragement» afin de réaliser une augmentation convenue de ses achats de sucre d'un kilo en 1995, alors qu'Irish Sugar faisait concurrence à Burcom pour fournir du sucre sous sa propre marque en paquet d'un kilo à [. . .]. Le fait que Burcom ait finalement cessé ses activités à la mi-décembre n'enlève rien au fait qu'au moment où la ristourne d'objectif était envisagée et arrangée, Irish Sugar faisait concurrence à Burcom pour [. . .] et que l'effet probable de la ristourne a été de lier [. . .] à Irish Sugar. En 1995, Irish Sugar a offert une ristourne d'objectif au groupe [. . .], un gros client de Gem Pack, là encore pour une période d'un an. Rien ne prouve qu'Irish Sugar ait depuis mis fin à sa politique d'octroi de ristournes d'objectif.
(152) Le versement de remises par une société occupant une position dominante à condition qu'une entreprise atteigne des objectifs déterminés plus élevés que les volumes d'achat précédents constitue une violation de l'article 86 parce que cette pratique vise manifestement à lier étroitement les clients à l'entreprise dominante et entrave les efforts des concurrents pour prendre pied sur le marché. Ainsi qu'elle l'a établi dans l'affaire Michelin contre Commission (105), l'effet d'une telle pratique est encore renforcé par les grands écarts entre la part de marché de l'entreprise dominante et celle de ses concurrents. De plus, étant donné que cinq concurrents irlandais ont lancé de nouvelles marques de vente au détail en été 1993 (c'est-à-dire après le début de la période de référence pour les promotions de 1994 en faveur des grossistes), les remises de quantité accordées par Irish Sugar au printemps 1994 et en octobre 1994 qui se fondaient sur les achats effectués au cours de l'été précédent devaient être étroitement liées aux besoins totaux des clients en sucre au détail. Les seuls autres emballeurs présents sur le marché au détail avant le milieu de 1993 représentaient environ moins de 10 % des ventes. Irish Sugar elle-même a remarqué que les grossistes avaient constitué des stocks de Siucra en paquets d'un kilo au cours de la promotion du printemps 1994 et avaient ensuite réduit leurs achats de sucre en paquets d'un kilo. Cette constitution de stocks a dû avoir un effet préjudiciable sur les achats aux emballeurs concurrents.
(153) Le fait que les ristournes étaient liées à certains objectifs de volume n'en fait pas pour autant des remises de quantité, qui ne soulèvent normalement pas d'objection. Les remises de quantité sont normalement versées pour des commandes bien précises (c'est-à-dire qu'elles ne sont pas liées aux achats d'un client sur une période déterminée) et en contrepartie d'économies de coûts réalisés par le fournisseur. Tel n'est pas le cas des ristournes accordées par Irish Sugar à certains clients sur la base d'objectifs individuels hebdomadaires, mensuels ou annuels. Ces ristournes d'objectifs sont considérées comme un comportement abusif d'entreprises dominantes au sens de l'article 86.
(154) Ces ristournes d'objectif comportaient également une discrimination par les prix entre différents clients, en les subordonnant à des augmentations en pourcentage des achats plutôt qu'en volume d'achat en chiffres absolus. L'importance de la ristourne d'objectif variait en outre d'un client à l'autre. Les offres d'objectif faites à certains clients d'emballeurs concurrents, tels que [. . .] et le groupe [. . .], comportaient également des prix sélectifs et discriminatoires. Ainsi qu'il est dit dans l'arrêt Michelin contre Commission (106), il incombe à une entreprise qui occupe une position dominante de ne pas porter atteinte au degré de concurrence qui subsiste sur le marché. En offrant aux clients de concurrents beaucoup plus petits des prix qui n'étaient pas accessibles à tous, Irish Sugar faisait manifestement fi de cette exigence. Les ristournes d'objectif offertes à tous les grossistes en 1994 et à certains clients d'emballeurs de sucre concurrents en 1994 et 1995 s'intégraient dans une politique visant à restreindre le développement de la concurrence des emballeurs de sucre nationaux.

D. L'effet sur le commerce entre États membres
(155) Dans l'arrêt qu'elle a rendu dans l'affaire Société Technique Minière contre Maschinenbau Ulm, la Cour de justice a établi que le commerce entre États membres est affecté par un comportement anticoncurrentiel chaque fois qu'il est «de nature à fonder une prévision raisonnable permettant de faire craindre qu'il puisse exercer une influence éventuelle directe ou indirecte, actuelle ou potentielle sur les courants d'échange entre États membres, susceptible d'entraver la réalisation d'un marché unique entre lesdits États.» (107)
(156) À cet égard, il y a lieu d'observer que les abus décrits ci-dessus auxquels Irish Sugar et/ou SDL se sont livrés pour protéger leur marché intérieur contre les importations avaient pour objet et pour effet de protéger la position de l'unique producteur de sucre en Irlande contre la concurrence du sucre importé ou réimporté d'Irlande du Nord et de France. En particulier, les pressions exercées sur la société de transport B& I, la remise de fidélité accordée à ADM et l'échange de sucre Eurolux contre le sucre Siucra ont affecté le volume des importations de sucre français et la remise frontalière a affecté l'importation (et la réimportation) de sucre en provenance d'Irlande du Nord. C'est la raison pour laquelle la Commission en conclut que les abus en cause ont affecté le commerce entre États membres au sens de l'article 86.
(157) La pratique d'Irish Sugar consistant à accorder des remises à l'exportation du sucre transformé vers d'autres États membres est de nature à fausser les échanges de sucre industriel et de denrées alimentaires contenant une forte proportion de sucre et donc à affecter le commerce entre États membres.
(158) Les efforts déployés par Irish Sugar pour restreindre la concurrence des emballeurs de sucre ont également eu un effet sur le commerce entre États membres. Sur les emballeurs qui sont entrés en concurrence avec Irish Sugar au milieu de 1993, l'un (ASI) n'utilisait que du sucre importé, un autre (Burcom) utilisait à la fois du sucre importé et du sucre irlandais et les autres n'utilisaient que du sucre irlandais. Les efforts cumulés d'Irish Sugar pour entraver le développement de la concurrence sur le marché du commerce de détail en Irlande, qui avaient pour but (comme dans l'affaire Napier Brown/British Sugar) ou pour résultat prévisible de précipiter l'élimination des concurrents du marché, ont donc eu un effet potentiel sur la structure de la concurrence et du commerce dans le marché commun et donc sur le commerce entre États membres au sens de l'article 86.

E. La restriction sensible
(159) Irish Sugar est la seule entreprise de transformation du sucre de l'île d'Irlande; tout au long de la période en cause, elle a détenu au moins 90 % du marché du sucre industriel et 88 % du marché du sucre au détail en Irlande. Tout au long de cette période, les prix sur ces deux marchés ont été parmi les plus élevés de la Communauté. Les pratiques d'Irish Sugar et de SDL consistant à restreindre la concurrence des importations de sucre industriel et au détail et la politique d'Irish Sugar visant à subventionner les exportations de sucre transformé en provenance d'Irlande et à restreindre la concurrence des emballeurs de sucre irlandais ont donc eu pour effet de restreindre sensiblement la concurrence en affectant par là le commerce entre États membres.

ARTICLE 3 DU RÈGLEMENT N° 17
(160) Aux termes de l'article 3 du règlement n° 17, si la Commission constate, sur demande ou d'office, une infraction aux dispositions de l'article 85 ou de l'article 86 du traité, elle peut obliger par voie de décision les entreprises et associations d'entreprises intéressées à mettre fin à l'infraction constatée.
(161) En ce qui concerne les mesures prises entre 1985 et 1990 pour restreindre les importations de sucre en provenance d'autres États membres, la Commission n'a pas de preuve que ces pratiques se soient poursuivies. En ce qui concerne la pratique des prix discriminatoires du sucre industriel, visant soit à subventionner les exportations de sucre, soit à exercer une discrimination à l'égard des emballeurs de sucre concurrents, et la politique des prix sélectifs, comprenant les ristournes d'objectif, appliqués aux clients des emballeurs concurrents de sucre au détail, la Commission a la preuve que ces pratiques se poursuivent. La Commission doit donc inviter Irish Sugar à faire cesser l'infraction si elle ne l'a pas encore fait et à s'abstenir dorénavant de tout accord ou de tout comportement qui pourrait avoir un objet ou un effet identique ou similaire.
(162) Il est également nécessaire d'inviter Irish Sugar à soumettre à la Commission, à intervalles appropriés, des données précises sur les prix qu'elle a facturés à ses clients pour le sucre industriel et au détail, ainsi que des précisions sur les volumes de vente à ces clients afin de pouvoir vérifier si Irish Sugar se conforme à la décision. L'obligation faite à Irish Sugar de s'abstenir de pratiquer des prix sélectifs ou discriminatoires n'est pas limitée dans le temps, mais la Commission considère qu'il convient de limiter à trois ans la période au cours de laquelle Irish Sugar doit fournir ces précisions.

ARTICLE 15 DU RÈGLEMENT N° 17
(163) L'article 15 du règlement n° 17 prévoit que les infractions à l'article 86 peuvent être sanctionnées par des amendes pouvant atteindre un million d'écus, ce dernier montant pouvant être porté à 10 % du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice précédent par l'entreprise. La Commission doit prendre en considération la gravité et la durée de l'infraction.
(164) Aux termes de l'article 1er paragraphe 1 point b) du règlement (CEE) n° 2988/74 du Conseil (108), relatif à la prescription en matière de poursuites et d'exécution dans les domaines du droit des transports et de la concurrence de la Communauté économique européenne, le pouvoir de la Commission de prononcer des amendes ou sanctions pour infractions à l'article 86 est soumis à un délai de prescription de cinq ans. Aux termes du paragraphe 2 de l'article 1er, la prescription court à compter du jour où l'infraction a été commise. L'article 2 paragraphe 1 du règlement (CEE) n° 2988/74 prévoit que la prescription en matière de poursuites est interrompue par tout acte de la Commission visant à l'instruction et à la poursuite de l'infraction. Constituent notamment des actes interrompant la prescription les vérifications visées à l'article 14 du règlement n° 17. Aux termes de l'article 2 paragraphe 3 du règlement, la prescription court à nouveau à partir de chaque interruption.
(165) Les 25 et 26 septembre 1990, la Commission a inspecté le siège d'Irish Sugar à Dublin. Les 7 et 8 février 1991, des inspections ont eu lieu dans les bureaux de SDL à Dublin et, le 13 février 1991, dans les bureaux de McKinney à Belfast. Le 16 janvier 1995, la Commission a inspecté les bureaux de Greencore à Dublin et d'Irish Sugar à Carlow.
(166) Dans ces conditions, il y a lieu d'établir quels sont les actions précises d'Irish Sugar et de SDL qu'il y a lieu de prendre en considération pour déterminer le montant de l'amende. En particulier, les restrictions en matière de transport ne donnent pas lieu à l'imposition d'amendes. L'action précise doit se situer vers juillet-août 1985.
(167) Les autres comportements abusifs d'Irish Sugar et/ou de SDL, à savoir l'échange de produits et la remise de fidélité, les remises frontalières, les remises à l'exportation du sucre, la discrimination par les prix envers les emballeurs de sucre concurrents, les ristournes d'objectif et les prix sélectifs ne sont pas soumis à prescription en ce qui concerne l'imposition d'amendes. Irish Sugar s'est efforcée, par son comportement, de maintenir ou de renforcer sa position dominante et dans la période précédant février 1990, Irish Sugar et SDL se sont efforcées, par leur comportement, de maintenir une position dominante commune. De plus, les règles de concurrence de la Communauté ont été suffisamment développées par la Commission, dans ses décisions antérieures, et par la Cour de justice et le Tribunal de première instance, dans leur jurisprudence, ou ressortent suffisamment des dispositions du traité dans les domaines où ces abus ont été commis pour qu'Irish Sugar et/ou SDL aient eu conscience de l'illégalité de leurs actes. C'est la raison pour laquelle la Commission considère qu'Irish Sugar a abusé de sa position dominante de propos délibéré ou à tout le moins par négligence et qu'avant février 1990, Irish Sugar et SDL ont abusé de leur position dominante commune de propos délibéré ou à tout le moins par négligence. La Commission a donc l'intention d'infliger une amende à Irish Sugar pour ses propres infractions et, le cas échéant, en tant que successeur de SDL, pour les infractions commises par cette dernière avant février 1990.
Pour déterminer le montant de l'amende, la Commission doit prendre plus particulièrement en considération des facteurs suivants:

Gravité de l'infraction
- Il s'agit dans tous les cas d'abus graves qui devaient avoir les mêmes effets, à savoir compromettre gravement, voire éliminer toute forme de concurrence soit au moyen de sucre importé produit dans d'autres États membres, soit au moyen de réimportation de son propre sucre ou de sucre conditionné par des emballeurs concurrents. La Commission admet cependant, sur la base des éléments de preuve figurant au dossier qu'elle a constitué, que l'échange de produits n'a porté que sur des petites quantités.
- Le sucre constitue un ingrédient important de l'industrie alimentaire et, vendu au détail, il est utilisé fréquemment par la quasi-totalité des ménages, si bien que les conséquences d'un comportement anticoncurrentiel se font très largement ressentir.
- Irish Sugar est le fournisseur dominant de sucre en Irlande et elle a protégé vigoureusement son «marché national» contre toute forme de concurrence des importations. Elle a pratiqué une politique de prix discriminatoires qui a eu pour effet de subventionner les exportations de sucre vers d'autres États membres et de fausser le marché commun. Elle a également tenté de se protéger contre la concurrence des emballeurs, que ceux-ci aient utilisé du sucre importé ou le sucre industriel d'Irish Sugar.
- Par ses infractions, Irish Sugar a pu maintenir ses prix de détail pour le sucre à un niveau nettement plus élevé en Irlande que dans d'autres États membres, et surtout en Irlande du Nord, et a pu maintenir ses prix départ usine, en particulier pour le sucre destiné à la consommation «intérieure», parmi les plus élevés de la Communauté au détriment à la fois des clients industriels et des consommateurs finals en Irlande.

Durée de l'infraction
- L'échange de produits et la remise de fidélité ont été pratiqués en 1988, lorsque Irish Sugar et SDL abusaient de leur position dominante commune en tentant de restreindre les importations de sucre en provenance de France.
- Les remises frontalières ont été appliquées à des moments bien déterminés entre 1986 et 1988, lorsqu'Irish Sugar et SDL abusaient de leur position dominante commune en tentant de restreindre les importations de sucre en provenance d'Irlande du Nord.
- La discrimination par les prix à l'égard des emballeurs de sucre concurrents est pratiquée depuis le milieu de 1993, lorsque plusieurs entreprises se sont lancées dans la concurrence avec Irish Sugar sur le marché de détail. Les ristournes d'objectif et les prix sélectifs s'intègrent également dans une politique consistant à restreindre la concurrence d'autres emballeurs de sucre et ont eu lieu à des moments déterminés depuis 1993.
- Les remises à l'exportation du sucre sont appliquées depuis une date antérieure à 1985 et Irish Sugar a déclaré que le système trouvait son origine dans les années soixante-dix.

Infraction aux règles de concurrence commise de propos délibéré ou par négligence
- Les abus constituent des infractions graves aux règles de concurrence de la Communauté. Plusieurs ont été reconnus comme constituant un abus de position dominante par la Cour de justice. Irish Sugar et/ou SDL auraient dû être conscientes de l'illégalité de leurs actes.
- La société mère d'Irish Sugar, Greencore, a publié en septembre 1992 un manuel relatif au respect du droit de la concurrence pour son personnel, qui souligne l'illégalité potentielle de certaines pratiques, telles que les prix discriminatoires et le versement de remises de fidélité «ou pratiques analogues» par une entreprise occupant une position dominante. Or, en dépit de l'existence de ce manuel, le personnel de Greencore a poursuivi ou appliqué toutes les pratiques de remises à l'exportation du sucre, de prix discriminatoires à l'égard d'emballeurs de sucre concurrents, de prix sélectifs et de ristournes d'objectif après septembre 1992.

Données commerciales utiles
- Au cours de l'exercice expirant au 27 septembre 1996, Irish Sugar a eu un chiffre d'affaires de 134,7 millions d'IEP (29 % du chiffre d'affaires agrégé de Greencore) et un profit d'exploitation de 27,2 millions d'IEP (56 % du profit d'exploitation agrégé de Greencore). À peu près 80 % des ventes d'Irish Sugar se font en Irlande,
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:


Article premier
Irish Sugar plc a enfreint l'article 86 du traité CE en ayant recours - dans le cadre d'une politique constante et globale visant à protéger sa position sur le marché du sucre en Irlande - à des méthodes s'écartant de celles qui conditionnent une concurrence normale des produits ou des services fondée sur les résultats obtenus par les entreprises, dont l'effet a été de compromettre le maintien du degré de concurrence qui existait encore sur le marché ou le développement de cette concurrence. À cet effet, Irish Sugar (et/ou Sugar Distributors Limited pour la période antérieure à février 1990) s'est livrée au comportement abusif suivant sur le marché du sucre cristallisé destiné à la vente au détail et à l'industrie en Irlande.
1) entre 1986 et 1988, elle a accordé une remise spéciale à certains détaillants établis dans la région frontalière avec l'Irlande du Nord («remise frontalière») et accordé des prix sélectivement bas aux clients d'un importeur de sucre français;
2) elle a convenu en 1988 avec un grossiste et un détaillant d'échanger le sucre au détail concurrent, c'est-à-dire le sucre Eurolux en paquets d'un kilo de la Compagnie française de Sucrerie, contre son propre produit;
3) elle a accordé en 1988 au client potentiel d'un concurrent une remise de fidélité, c'est-à-dire une remise subordonnée à l'achat par ce client de sucre au détail à Irish Sugar pour couvrir la totalité ou une large part de ses besoins;
4) depuis (au moins) 1985, elle applique un système de «remises à l'exportation du sucre», c'est-à-dire de remises accordées en faveur du sucre transformé exporté vers d'autres États membres, exerçant ainsi une discrimination envers les clients de sucre industriel qui approvisionnent le marché national irlandais;
5) dans la période débutant en 1993, elle a appliqué des prix discriminatoires envers les emballeurs de sucre concurrents qui achetaient ou achètent leur sucre industriel à Irish Sugar;
6) depuis 1993, elle applique une politique qui porte atteinte à la position concurrentielle d'autres emballeurs de sucre irlandais sur le marché du sucre au détail; en particulier:
i) en accordant, à des moments précis de 1994, des remises à des groupements de grossistes en Irlande subordonnées à une augmentation de leurs achats de sucre au détail à Irish Sugar, ce qui avait pour effet de les lier à Irish Sugar au détriment des emballeurs de sucre concurrents;
ii) en accordant, en décembre 1994 et en février 1995, des remises sélectives à certains clients d'emballeurs de sucre concurrents, subordonnées à l'augmentation par ces clients de leurs achats de sucre au détail à Irish Sugar sur une période de douze mois, et visant donc à restreindre la concurrence des autres emballeurs de sucre.

Article 2
Une amende de 8 800 000 écus est infligée à Irish Sugar plc pour les infractions constatées à l'article 1er.
L'amende est payable en écus, dans un délai de trois mois à compter de la date de notification de la présente décision, au compte bancaire de la Commission des Communautés européennes: n° 310093300043, Banque Bruxelles Lambert, Agence européenne, rond-point Schuman, 5, B-1040 Bruxelles. À l'issue de ce délai, des intérêts sont automatiquement dus au taux pratiqué par l'Institut monétaire européen, sur ces opérations en écus au premier jour ouvrable du mois au cours duquel la présente décision a été arrêtée, majorée de 3,5 points de pourcentage, soit 7,5 %.

Article 3
Irish Sugar met fin immédiatement aux infractions constatées à l'article 1er points 4, 5 et 6 dans la mesure où elle ne l'a pas déjà fait.
Elle s'abstient à l'avenir de tout acte ou comportement décrit à l'article 1er points 4, 5 et 6 et d'adopter toute mesure d'effet équivalent.
En particulier, Irish Sugar s'abstient d'appliquer des conditions inégales à des prestations équivalentes à l'égard de ses acheteurs de sucre industriel, telles que des remises à l'exportation du sucre et autres remises qui, du fait qu'elles ne sont pas liées à la quantité de sucre fournie et aux coûts de la prestation, sont discriminatoires envers les emballeurs de sucre concurrents. Irish Sugar informe ses acheteurs de sucre industriel de cette mesure, par écrit, dans un délai de trois mois à compter de la date de notification de la présente décision.
Irish Sugar s'abstient également de mener une politique de prix du sucre au détail qui porte atteinte à la position concurrentielle d'autres emballeurs de sucre, comprenant l'application de prix sélectifs aux clients des emballeurs concurrents et l'octroi de ristournes d'objectif aux acheteurs de sucre au détail. Irish Sugar informe par écrit ceux de ses clients auxquels elle accorde actuellement des ristournes ou auxquels elle a offert des remises subordonnées à la réalisation de certains volumes ou augmentations du volume d'achat à Irish Sugar que ces remises et ristournes ne sont plus applicables, dans un délai de trois mois à compter de la date de notification de la présente décision.

Article 4
Irish Sugar fournit à la Commission, pendant trois ans à compter de la date de notification de la présente décision, dans les trois mois suivant l'expiration de chaque année civile, une liste des prix offerts l'année précédente, comprenant toutes les remises et rabais à ses acheteurs de sucre industriel et de sucre au détail, ainsi que des précisions sur le volume de sucre acheté par chaque client au cours de l'année en question.

Article 5
Une astreinte de 1 000 écus est infligée à Irish Sugar par jour de retard dans l'accomplissement des obligations énoncées aux articles 3 et 4 à compter de l'expiration du délai de trois mois prévu pour y satisfaire.

Article 6
Irish Sugar plc, Athy Road, Carlow, Irlande, est destinataire de la présente décision.
La présente décision forme titre exécutoire conformément à l'article 192 du traité CE.

Fait à Bruxelles, le 14 mai 1997.
Par la Commission
Karel VAN MIERT
Membre de la Commission


NOTES
(1) JO 13 du 21. 2. 1962, p. 204/62.
(2) JO 127 du 20. 8. 1963, p. 2268/63.
(3) Règlement (CEE) n° 793/72 du Conseil (JO L 94 du 21. 4. 1972, p. 1) et règlement (CEE) n° 2103/77 de la Commission (JO L 246 du 27. 9. 1977, p. 12).
(4) On trouvera de plus amples informations sur les trois catégories de sucre aux points 2.62 à 2.73 du rapport de la UK Monopolies and Mergers Commission (ci-après, «MMC») sur les «fusions et projets de fusion entre Tate & Lyle Plc ou Ferruzzi Finanziaria SpA et S& W Berisford» (HMSO Cmd 89 de février 1987) et aux points 4.30 à 4.32 du rapport MMC «Tate & Lyle Plc and British Sugar Plc» (HMSO Cm 1435 de février 1991).
(5) Règlement (CEE) n° 1785/81 du Conseil (JO L 177 du 1. 7. 1981, p. 4) et actes législatifs ultérieurs qui se fondent sur celui-ci.
(6) Règlement (CE) n° 1101/95 du Conseil (JO L 110 du 17. 5. 1995, p. 1).
(7) Voir note 4 ci-dessus.
(8) Si l'on s'en tient aux achats de sucre naturel (destiné à la consommation directe ou à la transformation industrielle), comme dans le tableau n° 1, la consommation par tête s'est élevée à 0,044 tonne en Irlande en 1994/1995, contre 0,035 tonne en moyenne pour l'Europe des Douze. Si l'on prend en considération les importations et les exportations de sucre transformé, la consommation nationale totale par habitant a été de 0,039 tonne en Irlande en 1994/1995, contre 0,034 tonne en moyenne pour l'Europe des Douze (Source: statistiques provisoires relatives à 1994/1995).
(9) Source: Facts about Ireland, publication du gouvernement irlandais, 1995.
(10) Dans le texte de la présente décision destiné à la publication, certaines informations ont été omises, conformément aux dispositions de l'article 21 du règlement n° 17 concernant la non-divulgation des secrets d'affaires.
(11) Le coût de transport d'une tonne de sucre en sacs à partir de la France est passé de 30 IEP à 45 IEP environ entre 1985 à 1994. Le transport d'une tonne de sucre en vrac importée aurait coûté en moyenne 40 à 50 IEP de plus sur cette même période. Jusqu'en 1990, la différence moyenne entre le prix de soutien effectif en France et le prix du marché en Irlande était d'environ 50 IEP; il était donc commercialement rentable d'importer du sucre en sacs, mais pas du sucre en vrac.
(12) Du fait que les clients industriels utilisent des silos, le marché du sucre en sacs est passé de 30 000 tonnes au début des années 1980 à moins de 7 000 tonnes aujourd'hui.
(13) À titre d'exemple, voir l'allusion à «l'avantage reconnu de la marque Siucra» au considérant 57.
(14) Source: plan d'entreprise du groupe Greencore relatif à la période 1993/1994-1997/1998 de juin 1994. Annexe 4 de la communication des griefs du 25 mars 1996.
(15) Source: plan d'entreprise du groupe Greencore de juin 1994. Annexe 4 de la communication des griefs du 25 mars 1996.
(16) Dans sa réponse du 1er septembre 1993 à la communication des griefs initiale, point 12.
(17) Comme l'indique le compte rendu de la réunion du conseil d'administration de SDL qui s'est tenue le 1er juillet 1982. Annexe 3 de la communication des griefs du 25 mars 1996.
(18) MM. Gray, Comerford, Garavan, Hogan, Keleghan, Lyons et Tully.
(19) Voir, par exemple, les comptes rendus des réunions du comité de direction des 29 avril 1986, 15 janvier 1987, 16 mars 1987 et 14 décembre 1987.
(20) Dans sa réponse à la communication des griefs du 12 juillet 1996, point 3.3.4.
(21) [. . .].
(22) Voir considérant 71.
(23) Annexe 4 de la communication des griefs du 25 mars 1996.
(24) «Present situation in home retail market . . . In relation to packet sugar being produced by Round Tower, it was noted that a gap of approximately [. . .] per tonne existed between their average selling price and the price of «Siucra» (Irish Sugar) product. On this problem it was agreed that CSET (Irish Sugar) should ensure that Round Tower were not enjoying advantageous arrangements with their supplier or shipper . . .»
(25) «17 July 1985 - Chris Comerford (Managing Director of Irish Sugar) - Brendan Byrd (representing B& I) - B& I will not be handling any French sugar from Monday 22 July. Last years tonnage 228 × 20 = 4 560 - Year to date 91 × 20 = 1 820 - 1 420 to April . . . Charles Lyons gave promise to Brendan Byrd that Tanktrans (a subsidiary of Irish Sugar) would put extra business in B& I . . .»
«1 August 1985 - B& I advised P. C. (Peter Cunningham of ASI) that CSET (Irish Sugar) applied pressure to them not to deliver to PC - Crude and Deceitful attempt to put pressure on PC prior to discussions. PC had meeting with Alex Spain (director of B& I).»
(26) ». . . We have established that it would cost approx. [. . .] to bring all customers to maximum of [. . .] per tonne. (. . .) I do not envisage dropping prices to all customers, thereby involving the heavy cost referred to above, however, where we meet up with new low prices we must respond carefully and ensure that we hold customers at all levels no matter how small. This I am aware is a slightly risky step, as we may have some very small users enjoying terms equal to or better than some bigger ones. I feel this is a risk we must take however. In the meantime we have initiated increased vigilance at Industrial Customers level with a view to establishing the extent of any increased activity by ASI.»
(27) ASI approvisionnait également Shamrock Foods Limited en sucre cristallisé doré, une spécialité.
(28) «. . . With regard to the retail market, Mr Keleghan advised the board that as he had forecast at the March meeting, ASI did launch a retail pack on the market. While they had so far been unsuccessful in their launch, it was his belief that they would succeed in getting some small quantities of sugar into some independent retail shops.
. . . Mr Comerford (Managing Director of Irish Sugar) stated that the sugar industry has never before faced a challenge such as we were now facing. If we did not succeed in meeting this challenge, then the future of the sugar industry in Ireland would be very bleak indeed. He was quite pleased with the response so far to the challenge but was concerned about the cost to both (Irish Sugar) and (SDL) which would be very high . . .»
(29) «At the said meeting Mr Keleghan informed Mr Lane that if the quantity of sugar purchased from the defendant (about [. . .] tonnes per annum) was reduced then the defendant (SDL) would «bonus back» their sugar. In effect this meant that ADM could not sell or compete and they lost their bonus from the defendant. Mr Lane informed Mr Keleghan that he had a large quantity of the first delivery of Eurolux Granulated Sugar in his warehouse unsold. Mr Keleghan offered to buy this sugar to sell to manufacturing industry and he agreed to allow the amount he received for it as a credit in ADM's account. (. . .) The amount of Eurolux sugar purchased by the defendant was 21,01 metric tonnes.»
(30) «I say that in reply to my question as to why more sugar was not ordered, Mr Lane replied that he considered the market was not ready for Eurolux sugar at present. He added that ADM had an agreement with SDL whereby ADM normally buy [x] tonnes of sugar and get this at the [3x] tonne rate, which is a more advantageous rate. If they were to reduce the amount of sugar purchased this agreement would no longer be of effect and they would not be able to obtain the sugar from the defendant (SDL) at the [3x] tonne rate.»
(31) «if he wasn't able to shift it they would swop it for him.»
(32) «Dear Mr Comerford
I am writing to bring to your attention unfair trade practices being initiated either directly by your company or by Sugar Distributors Limited which is controlled by you in relation to our efforts to market our Eurolux 1 kg Retail Sugar in Ireland. We have requested the Director or Consumer Affairs and Fair Trading to investigate specific difficulties we are experiencing.
Specifically this letter is to advise you that we object very strongly to your companies substitution of our product in the Spar retailer, Kelly's of Boyle. With or without the agreement of the proprietor this action contravenes existing legislation and we respectfully demand that you restore our product here and in other instances where this practice has occurred.
We specifically object to the use of oppressive tactics on other individual retailers who are enjoying the benefits of Eurolux and would continue to so do if left unthreatened.
We seek your assurance that you will desist from restrictive practices and unfair trading and compete with us on equal terms as we are entitled to expect under the rules of the European Community.»
(33) «Volume of sugar imported across border in November/December estimated at 700 tonnes with an acceleration in January.
Sales to Wholesalers in border area over the last two months as follows: (. . .)
Mr A. J. Hogan (General Manager Marketing of Irish Sugar) suggested we remove [. . .] tonne rebates currently given in Northern Ireland. This would have a double benefit in increased Northern prices plus reducing rebate required in South. This action to be taken while attempting to get B.S.C. (British Sugar) and Tate & Lyle to follow but our price to be increased in any case.
Mr Keleghan's (Sales Director of SDL) view was that there were only two alternatives.
(a) National rebates in the South. He suggested £ [. . .] tonne on a National basis with [. . .] in border a reas for February/March. Estimated cost £ [. . .].
(b) Remove present [. . .] border area rebate as this was impossible to maintain on a selective basis and restrict supplies of McKinney sugar to the Northern Ireland wholesalers who are currently supplying the Southern trader.
After discussion it was decided to implement the latter alternative. In the meantime efforts are to be continued to get B.S.C. and Tate & Lyle to increase prices.»
(34) «Tate & Lyle were gaining some additional sales because of restriction of supplies of McKinney sugar in the border area.»
(35) «Since the last packet sugar price increase in October 1984 (. . .) a substantial differential has existed between home market prices and the price of competitive imported product, the latter including re-imported McKinney packets and bagged sugar. (. . .) The activities of Round Tower Foods Limited which is currently packing and selling an estimated 40 tonnes of packet sugar per week (. . .) are a continuing cause of concern and, at this stage, are but one feature of the actual/potential competition picture which threatens the price and markets share dominance of «Siucra» packet sugars in the Republic of Ireland market.»
(36) «(i) take no action; (ii) reduce market selling prices to all customers by IR [. . .] per tonne, thereby equalizing the selling prices North and South; This action should totally eliminate all import/competitive problems but would be both unnecessary and impossible from a financial point of view; (iii) reduce selling prices by [. . .], which should be sufficient to confine cross-border imports to border areas and keep the level of packing by Round Tower Foods Limited to at or below the current level, but would not deal with the demands of multiples, etc., for equal pricing North and South; (iv) Operate a selective coordinated programme to take account of the most vulnerable areas, with the objective of maintaining shelf prices at the current level. This is the recommended strategy and SDL believe that, given the excellent relationships which exist in the market place coupled with the recognizing that it cannot be guaranteed to withstand increased pressures from Round Tower Foods Limited/importers. If the latter situation occurs serious consideration will have to be given to the more expensive options listed.»
(37) «(i) continue with [. . .] per parcel promotion in Donegal area and extend promotion in Monaghan/Dundalk area (border area); (. . .); (iv) Particular problems have arisen with A.D.M. because of the nature of that grouping. The cost of temporary rebate arrangements entered into with A.D.M. are set out in Appendix E4. and it is expected that additional expenditure of [. . .] p.a. will arise with this customer.»
(38) «Recommendations and implications re Gold Seal Sugars: 1 R continue as we are, i.e. rebating as the necessity arises. Presently we rebate to: [. . .]. Through [. . .] we rebate to many independent outlets the largest being [. . .]. Imp. (implication) This method is exceedingly dangerous both legally and commercially. Legally on the basis of selective pricing. Commercially on the same basis except that the selectivity is in favour of our smaller customers i.e. [. . .] ex area manager [. . .]. is a user of less than [. . .] t p.a. and has a nett price of . . .whilst [. . .] who purchase from [. . .] to [. . .] t.p.a. or more than [. . .] tonnes collectively . . .»
(39) Mr C. M. Lyons (Managing Director of SDL) said that, in the light of the very low Northern Ireland prices already discussed, it was essential to maintain the IR[. . .] per parcel [15 × 1 kg bags] Border promotional allowance. It was agreed to continue this promotion for the reason stated.»
(40) «1. [. . .].
I spoke yesterday with Joe Lane who rang regarding the position on the [. . .] per parcel for July. (. . .) I advised him to extend the same situation for July. He went through the individual customers he had taken back and these amounted to [. . .] customers of a total of [. . .] that he has given it to. The other [. . .] are loyal ones who have always remained with him but who were under pressure in the areas involved.»
(41) «whilst the drop in packet sugar sales was of concern, it had to be born in mind that approximately [. . .] tonnes of the reduction was attributable to reduced cross-border sales of McKinney sugars.»
(42) Ce document n'est pas daté, mais il est vraisemblable qu'il date d'octobre 1986 environ.
(43) «2. BSC and Tate & Lyle cut their prices (we have not followed) by a further £ 12/13 in small Border Cash & Carry's (none of whom would reach 300 tonnes of sugar per year) who were only too pleased to stock their product as McKinneys was price marked and could not be used for Cross Border Traffic.
We have a serious problem therefore with prices too low in these Cash & Carry's and Cross Border Merchants purchasing and dumping in the South which is now costing C.S.E.T. (Irish Sugar) approximately £ [. . .] per annum to discount in the Border area in the South as well as losing [. . .] retail packet market share in Northern Ireland. The problem is potentially far more serious as the amount of discounting is growing and it could trigger a National discount which could cost up to [. . .]. . .»
(44) «Mr Keleghan reported that the [. . .] per parcel rebate had been reduced to [. . .] per parcel in all areas except in Donegal. It was agreed that the Donegal rebate be reduced to [. . .] from 1 December 1986.»
(45) «Mr C. M. Lyons said that the reduction of the cross-Border rebate from [. . .] to [. . .] per parcel had worked out well without any major problems and the reduction had not resulted in any increase in the small amount of B.S.C. and T& L sugar being imported. Mr M. Leyden confirmed a similar reaction in the Western area.»
(46) «reflected both reduced cross-border sales and also the loss of a major UK contract by this customer.»
(47) «Border rebates had been removed in July 1987 but might have to be reintroduced in early 1988. Round Tower appeared to have adopted a more rational policy in recent times . . .»
(48) «the recent £ 20.00 increase in Northern Ireland packet sugar prices, coupled with the strengthening of sterling against the Irish Punt, had reduced cross-border imports significantly . . .»
(49) «increases in the pricing of BSC and Tate & Lyle sugars had helped to stabilise that market and reduce the amounts of sugar coming across Border.»
(50) «Mr T. G. Keleghan said there was a potential threat to the home market from cross-Border imports from the North. He said that if this threat materialised it was important to react speedily with appropriate counter measures. These would include price marking on McKinney sugar and appropriate promotional activity on the home market . . .»
(51) Fournis par Irish Sugar en réponse à des demandes de renseignements et copiés lors d'une inspection dans les locaux de l'entreprise le 16 janvier 1995.
(52) Ainsi qu'il ressort d'extraits de comptes rendus des réunions de direction entre Irish Sugar et des distributeurs de sucre au cours des années quatre-vingt, fournis par Irish Sugar le 18 mai 1995.
(53) «has been of the order of [. . .] to [. . .] for each tonne of sugar utilised in the manufacture of the export product.»
(54) Étant donné que la méthode de paiement varie selon les clients, en ce sens que pour certains, les remises à l'exportation ne sont versées que pour des volumes (attestés) de sucre réellement exporté (appelé «sucre d'exportation» par certains clients, comme [. . .]) et que pour d'autres, la moyenne des remises à l'exportation est établie et versée pour tous les achats de sucre, qu'il soit destiné à la consommation «intérieure» ou à l'exportation. Les remises à l'exportation versées pour les volumes exportés peuvent certainement dépasser nettement [. . .] IEP par tonne.
(55) «. . . where PFAs have been granted to a company over a period of time the PFA becomes effectively built in to the company's purchase price and consequently, the company will demand to receive the same level of rebate.»
(56) «we operate an export rebate arrangement with Irish Biscuits and subject to further discussions with Irish Biscuits we are proposing a rebate of [. . .] a tonne.»
(57) Dans sa réponse à la communication des griefs du 12 juillet 1996 au point 6.2.6.
(58) Dans sa réponse à la communication des griefs du 12 juillet 1996 au point 6.3.1.
(59) «charged as if it had purchased [. . .] tonnes».
(60) «in its first year of trading (may 1993-4) Burcom purchased [. . .] tonnes».
(61) Lors de l'audition du 26 juillet 1996 (M. McCluskey).
(62) À l'annexe 9 de la communication des griefs du 25 mars 1996.
(63) «promotional activity in April and May contributed to stock build ups and, therefore, to lower sales levels in June and probably July as well».
(64) Une note interne copiée lors de l'enquête du 16 janvier 1995 indique pour 1994/1995 des ventes d'Irish Sugar à Dunnes de [. . .] tonnes de Siucra d'un kilo, de [. . .] tonnes de Siucra Specials, de [. . .] tonnes de St Bernard d'un kilo et de [. . .] tonnes de St Bernard Specials.
(65) Réponse de Irish Sugar à la communication des griefs du 12 juillet 1996 au point 7.3.4.
(66) Lors de l'audition du 26 juillet 1996 (MM. Power et McCluskey).
(67) Communiqué par Irish Sugar à la Commission le 18 mai 1995 et à l'annexe 9 de la communication des griefs du 25 mars 1996.
(68) Annexe 9 de la communication des griefs du 25 mars 1996.
(69) Hoffmann-La Roche contre Commission, arrêt du 13 février 1979, affaire 85/76, Recueil 1979, p. 461, point 28 des motifs; voir également L'Oréal contre de Nieuwe AMCK, arrêt du 11 décembre 1980, affaire 31/80, Recueil 1980, p. 3775.
(70) Décision 88/518/CEE de la Commission (JO L 284 du 19. 10. 1988, p. 41).
(71) Dans sa réponse à la communication des griefs du 12 juillet 1996, points 3.2.1 à 3.2.7.
(72) United Brands contre Commission, arrêt du 14 février 1978, affaire 27/76, Recueil 1978, p. 207, point 11 des motifs.
(73) Arrêt du 16 décembre 1975, affaires jointes 40 à 48, 50, 54 à 56, 111, 113 et 114/73, Recueil 1975, p. 1663, points 16, 17 et 24 des motifs.
(74) Voir note 73, points 19 et 20 des motifs.
(75) Il ressort du tableau n° 1 présenté ci-dessus qu'au cours de la période 1986-1994 les importations n'ont jamais atteint le seuil des 10 % de la consommation nationale totale. Entre 1989 et 1994, les importations ont représenté moins de 5 % de la consommation nationale.
(76) Dans sa réponse à la communication des griefs du 12 juillet 1996, point 3.3.6.
(77) Voir note 69, points 38 et 39 des motifs.
(78) Voir Michelin contre Commission, arrêt du 9 novembre 1983, affaire 322/81, Recueil 1983, p. 3461, point 59 des motifs.
(79) Dans sa réponse à la communication des griefs du 12 juillet 1996, point 3.3.2.
(80) Cas IV/M.190 - Nestlé/Perrier. Décision 92/553/CEE de la Commission (JO L 356 du 5. 12. 1992, p. 1).
(81) Cas IV/M.430, Procter & Gamble/VP Schickedanz (II). Décision 94/893/CEE de la Commission (JO L 354 du 31. 12. 1994, p. 32).
(82) Affaires jointes T-68/89, T-77/89 et T-78/89 Società Italiana Vetro SpA contre Commission, Recueil 1992, p. II-1403.
(83) Voir note 69, point 91 des motifs.
(84) Voir note 78, point 57 des motifs.
(85) JO 30 du 20. 4. 1962, p. 993/62.
(86) JO 53 du 1. 7. 1962, p. 1571/62.
(87) Voir note 78, point 82 des motifs.
(88) Tetra Pak II, décision 92/163/CEE de la Commission (JO L 72 du 18. 3. 1992, p. 1, considérant 165).
(89) Voir note 72, plus particulièrement aux pages 298-299; voir note 73, plus particulièrement aux pages 2000-2005; ECS/AKZO, décision 85/609/CEE de la Commission (JO L 374 du 31. 12. 1985, p. 1); Hilti, décision 88/138/CEE de la Commission (JO L 65 du 11. 3. 1988, p. 19), confirmée ultérieurement par le Tribunal de première Instance, par l'arrêt du 12 décembre 1991, affaire T-30/89, Recueil 1991, p. II-1439.
(90) Décision 83/462/CEE de la Commission (JO L 252 du 13. 9. 1983, p. 13).
(91) Réponse d'Irish Sugar à la communication des griefs du 12 juillet 1996, points 9.3.3 et 9.3.4, citant la décision relative à ECS/AKZO.
(92) Décision 89/22/CEE de la Commission (JO L 10 du 13. 1. 1989, p. 50).
(93) Sur la base de rabais [. . .] par lot et de [. . .] par tonne, comme l'indiquent des documents internes d'Irish Sugar et de SDL mentionnés ci-dessus, et des prix 1985/1986 et 1986/1987 du sucre au détail, fournis par Irish Sugar, de [. . .] et [. . .] par tonne respectivement. Il convient de noter que pour un client au moins ([. . .]) «des dépenses supplémentaires . . . étaient prévues» (point 57).
(94) Voir note 78, point 57 des motifs.
(95) Voir note 89, considérant 82 point iii).
(96) Déclaration de M. Noel McCluskey à l'audition du 26 juillet 1996.
(97) Réponse d'Irish Sugar à la communication des griefs du 12 juillet 1996 au point 5.4.1 (ii).
(98) Voir note 72.
(99) Décision 76/353/CEE de la Commission (JO L 95 du 9. 4. 1976, p. 1).
(100) Réponse d'Irish Sugar à la communication des griefs du 12 juillet 1996, au point 6.4.3 (ii).
(101) Voir note 72, points 229 et 230 des motifs.
(102) Voir note 70, p. 41, considérant 73.
(103) Affaire T-83/91, arrêt du Tribunal de première instance du 6 octobre 1994, Recueil 1994, p. II-755, point 114 des motifs.
(104) Voir note 78, conclusions de l'avocat général.
(105) Voir note 78, point 82 des motifs.
(106) Voir note 78, point 57 des motifs.
(107) Société Technique Minière contre Maschinenbau Ulm, affaire 56/65, Recueil 1966, p. 235 et p. 249.
(108) JO L 319 du 29. 11. 1974, p. 1.


Fin du document


Structure analytique Document livré le: 11/03/1999


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