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Législation communautaire en vigueur

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Document 394D0019

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[ 08.30 - Positions dominantes ]


394D0019
94/19/CE: Décision de la Commission, du 21 décembre 1993, relative à une procédure d'application de l'article 86 du traité CE (IV/34.689 - Sea Containers contre Stena Sealink - Mesures provisoires) (IV/34.689 - Sea Containers contre Stena Sealink - Mesures provisoires) (Le texte en langue anglaise est le seul faisant foi)
Journal officiel n° L 015 du 18/01/1994 p. 0008 - 0019



Texte:

DÉCISION DE LA COMMISSION du 21 décembre 1993 relative à une procédure d'application de l'article 86 du traité CE (IV/34.689 - Sea Containers contre Stena Sealink - Mesures provisoires) (Le texte en langue anglaise est le seul faisant foi.) (94/19/CE)
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
vu le traité instituant la Communauté européenne,
vu le règlement no 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de l'Espagne et du Portugal, et notamment ses articles 3 et 16,
vu la plainte de Sea Containers Ltd, du 15 avril 1993, faisant état d'une infraction à l'article 86 du traité commise par Stena Sealink Ports et Stena Sealink Line et demandant à la Commission d'adopter des mesures provisoires,
vu la décision de la Commission, du 16 juillet 1993, d'engager une procédure dans cette affaire,
après avoir donné à Stena Sealink Ports et à Stena Sealink Line la possibilité de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission, conformément à l'article 19 paragraphe 1 du règlement no 17 ainsi qu'au règlement no 99/63/CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19 paragraphes 1 et 2 du règlement no 17 du Conseil (2),
après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes,
considérant ce qui suit:
I. LES FAITS A. La nature de la présente décision (1) La présente décision a pour objet le rejet d'une demande d'adoption de mesures provisoires en attendant une décision finale au sujet de la plainte déposée en vertu de l'article 3 du règlement no 17 par Sea Containers Ltd contre Stena Sealink Ports et Stena Sealink Line, dans laquelle il est fait état d'une infraction à l'article 86 du traité.
B. Les entreprises (2) Sea Containers Ltd (« SC ») est une entreprise constituée en société avec siège social aux Bermudes. Le siège principal de son activité au Royaume-Uni est établi à Sea Containers House, 20, Upper Ground, Londres SE1 9PF. SC a pour principales activités commerciales la vente et la location avec option d'achat de conteneurs maritimes spécialisés ainsi que la propriété et l'exploitation de ports. Par le biais de sa filiale, Sea Containers Ferries Limited, SC exploite des services de transport de passagers, de voitures et de fret.
(3) Stena Sealink Line (« SSL ») est constituée en société au Royaume-Uni. Son siège social est situé à Charter House, Park Street, Ashford, Kent TN24 8EX. SSL a pour principale activité l'exploitation de services de transbordeurs entre la Grande-Bretagne, l'Irlande et la France.
(4) Stena Sealink Ports (« SSP ») est constituée en société au Royaume-Uni. Son siège social est situé à Charter House, Park Street, Ashford, Kent TN24 8EX, bien que sa principale adresse d'exploitation soit la suivante: Sealink House, Holyhead, Gwynedd, LL85 1DQ. SSP est propriétaire et exploitant du port de Holyhead à Anglesey, au pays de Galles. Avant le 16 novembre 1992, SSP était connue sous le nom de Sealink Harbours Limited.
(5) SSL détient une participation de 55 % dans SSP, les 45 % restants du capital de cette dernière étant aux mains de Stena Sealink (Holdings) Limited (« SSLH »).
(6) SSL et SSP sont membres du groupe de sociétés Stena Line AB (« Stena Group ») depuis 1990.
(7) SSL et SSP constituent en fait une même entité économique, car elles ont le même secrétaire et les mêmes administrateurs et SSL contrôle dans une large mesure les activités commerciales de SSP. Leurs employés ne font pas toujours la distinction entre ces deux sociétés et les confondent souvent.
(8) Elles seront donc désignées ci-après sous le nom de « Sealink », sauf lorsqu'il sera nécessaire de les distinguer l'une de l'autre.
C. La plainte (9) Le 15 avril 1993, la Commission a été saisie d'une plainte déposée par SC contre SSL et SSP, en application de l'article 3 du règlement no 17. La plainte a été déposée au motif que, en violation des dispositions de l'article 86 du traité, SSP a abusé de sa position dominante en tant que propriétaire et exploitant du port de Holyhead en ne permettant pas à SC d'avoir accès, à des conditions raisonnables, à des installations et des infrastructures essentielles, et s'est servi de ses droits exclusifs pour protéger ses intérêts commerciaux en tant qu'exploitant d'un service de transbordeurs, sans justification objective. Il était également reproché à SSL, qui est membre de Sealink (voir considérant 8), d'occuper une position dominante sur le marché des services de transport de passagers et de voitures par transbordeur sur la route du « Central Corridor » (couloir central) entre la Grande-Bretagne et l'Irlande (voir considérants 11 à 14) et de bénéficier de toute protection pouvant lui être conférée à l'égard des nouveaux opérateurs qui cherchent à pénétrer le marché. SC fait valoir que Sealink n'a pas fait de distinction correcte entre son rôle d'exploitant du port et celui d'exploitant d'un service de transbordeurs.
(10) Dans sa plainte, SC demandait à la Commission de prendre d'urgence des mesures provisoires visant notamment:
a) à empêcher Sealink d'aménager le port de Holyhead d'une manière qui aurait pour effet d'en réduire la capacité;
b) à obliger Sealink à conclure avec SC un accord qui permettrait à celle-ci d'exploiter un service de transbordeurs rapides empruntant le couloir central, entre Holyhead et Dun Laoghaire, à partir de mai 1994.
D. Le marché (11) Les routes maritimes utilisées actuellement entre la Grande-Bretagne et l'Irlande pour le transport de passagers et de voitures par transbordeur sont les suivantes:
a) le « Northern Corridor » (couloir nord), entre le port de Stranraer, en Écosse, et Belfast et Larne, en Irlande du Nord;
b) le « Central Corridor » (couloir central) entre le port de Holyhead, au pays de Galles, et Dublin et Dun Laoghaire, en Irlande;
c) le « Southern Corridor » (couloir sud) entre les ports de Swansea, Pembroke et Fishguard, au pays de Galles, et Cork et Rosslare, en Irlande.
(12) Le marché de référence est, en l'espèce, le marché de la fourniture de services portuaires pour transbordeurs de passagers et de véhicules, sur la route du couloir central.
(13) Pour le voyageur, la substituabilité des trois couloirs traversant la mer d'Irlande dépend de son point de départ et de la destination du voyage qu'il effectue. Les couloirs nord et sud, qui desservent respectivement les routes entre l'Écosse et l'Irlande du Nord et entre le sud du pays de Galles et l'Irlande, ne peuvent être considérés comme des substituts valables du couloir central pour la majorité des usagers en voyage d'agrément, qu'ils se déplacent avec ou sans voiture. Près d'un tiers de la population irlandaise réside dans l'agglomération de Dublin et Holyhead est d'un accès facile pour les habitants de Birmingham, Manchester et Liverpool. Les ports irlandais situés sur les couloirs nord et sud sont loin de Dublin, qui est la principale destination du côté irlandais. Les routes de Dublin vers le reste de l'Irlande sont plus rapides et les transports publics plus satisfaisants que les routes ou les transports publics au départ de Larne, Belfast ou Rosslare.
(14) Le couloir central, qui représente entre 50 et 60 % du trafic entre le Royaume-Uni et l'Irlande, constitue à l'évidence une route importante.
E. Le port de Holyhead (15) Holyhead est le seul port du Royaume-Uni qui desserve actuellement l'Irlande sur le marché des services de transport de passagers et de voitures empruntant le couloir central. Les services offerts actuellement sont exploités par B& I (vers Dublin) et Sealink (vers Dun Laoghaire). B& I Line PLC est une compagnie de navigation constituée en société en Irlande, qui exploite un service de transbordeurs entre Holyhead et Dublin. Holyhead enregistre un trafic de l'ordre de deux millions de passagers et de 330 000 voitures par an.
(16) Le port est caractérisé par un accès étroit et un chenal peu profond. Tous les terrains du port, à l'exception de certaines voies désaffectées de British Rail, appartiennent à Sealink. Le port comporte cinq postes d'accostage. Sealink exploite des transbordeurs traditionnels à partir du Station Berth et B& I à partir du Outer Harbour Berth. Un troisième poste d'accostage, l'Admiralty Pier Berth, est utilisé par Sealink pour son propre service de transbordeurs rapides depuis le 16 juillet 1993 et il était utilisé par B& I au moment où SC a introduit sa demande initiale d'accès au port. Les autres postes sont le East Quay (un poste à conteneurs désaffecté) et le Repair ou Lay-By Berth.
F. Le contexte du litige (17) Sealink et SC s'accordent à considérer que les installations actuelles de Holyhead ne sont pas satisfaisantes. Par exemple, du côté ouest du port, le réseau routier est insuffisant et facilement congestionné, et Station Berth et Admiralty Pier ne disposent que de rampes uniques.
(18) En collaboration avec la Welsh Development Agency, divers conseils régionaux et British Rail, Sealink prépare un projet de réaménagement des deux côtés du port. Pour l'essentiel, le projet inclurait le transfert des services de transbordeurs vers le côté est et l'utilisation du côté ouest comme un espace purement commercial, au bénéfice de la ville de Holyhead. Le côté ouest devrait être affecté à des commerces de détail, à des hôtels et à des logements. Côté est, les travaux comprendraient notamment l'enlèvement des anciennes voies de British Rail et la construction d'une nouvelle gare ferroviaire, la construction d'un nouveau terminal pour passagers et d'installations de manutention et l'approfondissement du port.
(19) Sealink prévoit la construction, du côté est du Inner Harbour, de deux nouveaux postes polyvalents qui pourront être utilisés par les transbordeurs rouliers et par les transbordeurs rapides du type de ceux utilisés à d'autres endroits par SC (le SeaCat). Dans sa réponse à la plainte, Sealink indique qu'elle a l'intention de procéder à la réalisation du projet de réaménagement, mais elle déclare que le niveau de l'aide financière qu'elle recevra influera sur le calendrier des travaux. Selon la dernière proposition de Sealink, le réaménagement commencera en 1994. Sealink déclare que le réaménagement du port permettra à un plus grand nombre d'opérateurs d'offrir un service à partir du port de Holyhead en réduisant les temps d'immobilisation grâce à l'efficacité accrue des opérations portuaires. SC fait valoir que le réaménagement réduira la capacité du port.
G. Le litige (20) En 1992, SC a envisagé d'instaurer, à partir de mai 1993, un service de transbordeurs rapides utilisant le SeaCat sur le couloir central. Le SeaCat est un catamaran léger rapide, capable de transporter des voitures et des passagers. Holyhead était et est toujours considéré par SC comme le seul port convenant à l'exploitation de ce service sur le couloir central.
(21) SC et Sealink ont engagé des discussions préliminaires sur le service proposé en juin 1992. Après un retard initial, une réunion a eu lieu le 17 août 1992.
Les principaux points qui se sont dégagés de la réunion étaient les suivants:
a) SC a déclaré qu'elle disposerait d'un catamaran SeaCat pour ouvrir un service de Holyhead vers Dublin ou vers Dun Laoghaire le 1er mai 1993, et elle a indiqué à Sealink l'horaire qu'elle se proposait d'appliquer;
b) SC a exposé ses besoins techniques et indiqué qu'elle était disposée à faire preuve de souplesse en ce qui concerne l'emplacement de ses installations dans le port. Elle était prête à supporter le coût des installations provisoires qui pourraient être nécessaires. SC a décrit comme suit les installations dont elle avait besoin: une rampe d'accès de type linkspan, une passerelle de débarquement, une aire de stationnement pour au moins 150 voitures, un terminal voyageurs, des aires d'accès et de sortie adéquates pour les passagers et un espace administratif limité;
c) Sealink a déclaré avoir eu dans le passé des difficultés à cause des manoeuvres effectuées par les navires dans le port et elle pensait que B & I risquait de se plaindre des effets du passage du SeaCat à la hauteur de son navire, lorsque celui-ci se trouve à son poste d'accostage. (Le 11 juin 1992, à la suite d'une plainte pour infraction à l'article 86 du traité, la Commission a pris à l'encontre de Sealink des mesures provisoires l'obligeant à modifier ses horaires de manière à ne pas passer plus d'une fois à la hauteur d'un navire de B & I se trouvant à son poste d'accostage);
d) les travaux de réaménagement du port projetés par Sealink devaient commencer à la fin 1992 et s'achever au début 1994. De ce fait, la zone entourant l'ancien poste à conteneurs serait effectivement un chantier de construction et rien ne devait entraver la progression des travaux jusqu'à la date d'achèvement prévue. Sealink soumettrait néanmoins toute proposition venant de SC à ses ingénieurs-conseils.
(22) SC et Sealink se sont de nouveau rencontrées le 1er septembre 1992 et elles ont examiné les options présentées par SC pour le lancement de son service. Pour l'essentiel, ces options concernaient l'utilisation possible par SC de l'un des quatre emplacements envisagés dans le port. L'une des options concernait l'utilisation du poste Refit du côté ouest du port et les autres étaient des variantes pour l'utilisation du poste à conteneurs du côté est.
Sealink a indiqué que, du point de vue de l'exploitation portuaire, le choix du poste de Refit serait préférable, mais qu'il convenait de se montrer prudent en raison des conséquences techniques, des effets sur les autres utilisateurs et du calendrier des travaux de réaménagement du côté ouest. Les mêmes contraintes valaient pour le côté est. La demande de SC venait à un moment où Holyhead connaissait une évolution sans précédent et plusieurs autres parties étaient concernées par les nombreux changements proposés. C'est la raison pour laquelle Sealink ne contrôlait pas complètement l'avancement et le calendrier des travaux de réaménagement prévus.
(23) Le 29 septembre 1992, Sealink a écrit à SC en énumérant les conséquences techniques de l'exploitation d'un SeaCat à partir du port de Holyhead qu'il convenait, selon elle, d'examiner. Il s'agissait:
- des effets du passage du SeaCat à la hauteur d'un navire amarré à l'Admiralty Pier,
- des effets du passage des navires traditionnels à la hauteur d'un SeaCat se trouvant à son poste d'accostage,
- des effets des manoeuvres effectuées par un SeaCat à proximité immédiate de navires amarrés le long de l'East Dock,
- de la nécessité d'un poste d'attente dans le port,
- de la réduction de l'espace disponible pour les navires utilisant le Station Berth,
- du temps nécessaire au SeaCat pour manoeuvrer par mauvais temps.
Sealink indiquait que ces aspects devaient être examinés soigneusement et qu'il convenait de prendre l'avis d'experts. Sealink demandait à SC si celle-ci souhaitait que Sealink fasse faire, à la charge du SC, une étude mathématique de l'effet des mouvements du SeaCat. Sealink n'était pas encore en mesure de préciser quand les terrains situés du côté ouest devraient être évacués pour le réaménagement.
(24) SC a répondu le 5 octobre 1992 en indiquant que Sealink se contentait de dresser une liste d'incertitudes sans suggérer de solutions concrètes. SC ne voyait aucune difficulté technique insurmontable en ce qui concerne les mouvements du SeaCat. SC a également écrit à Sealink le 13 octobre en soulignant qu'il ne fallait pas oublier les options qu'elle proposait concernant le côté est.
(25) Sealink a répondu le 15 octobre 1992 en demandant à SC de confirmer l'horaire que celle-ci projetait d'appliquer et elle a émis les doutes quant à la fiabilité du SeaCat, en particulier par mauvais temps. Sealink a de nouveau suggéré l'utilisation d'un modèle mathématique comme moyen d'examiner les conséquences de l'horaire proposé par SC.
(26) SC a de nouveau écrit à Sealink le 28 octobre 1992 en s'inquiétant du fait que les choses n'avançaient guère et en accusant Sealink de recourir à des moyens dilatoires pour protéger son propre service de transbordeurs. SC indiquait qu'elle avait l'intention d'annoncer publiquement au World Travel Market le 17 novembre 1992 qu'elle ouvrirait un service à partir de Holyhead en 1993.
(27) Le 3 novembre 1992, Sealink a répondu qu'un certain nombre de problèmes devaient être résolus à Holyhead, notamment les problèmes de navigation, les conséquences pour les autres clients, la compatibilité avec les projets de réaménagement, les négociations concernant les investissements et les coûts et l'obtention de l'accord des banques et des tierces parties. Sealink confirmait, néanmoins, qu'elle était disposée, en principe, à permettre à SC d'exploiter le SeaCat à partir des installations portuaires existantes aux créneaux horaires disponibles (le créneau étant l'heure régulière de départ ou d'arrivée disponible ou attribuée à un mouvement de navire) en 1993. Sealink indiquait également qu'elle était, en principe, disposée à mettre un emplacement à la disposition de SC du côté est, une fois les travaux de réaménagement terminés, mais que ce que SC cherchait à obtenir, c'était la création d'installations provisoires pour 1993. Selon Sealink, cela soulevait les différents problèmes mentionnés, plus haut, dont elle-même s'occupait mais dont SC ne tenait aucun compte.
(28) Lors d'une réunion, qui a eu lieu entre les parties le 11 novembre 1992, l'utilisation des installations existantes a été examinée. Le lendemain, SC a fourni à Sealink une liste des équipements de base dont elle aurait besoin pour opérer à partir des installations existantes. Il s'agissait d'une rampe d'accès de type linkspan adaptée, d'une aire de stationnement pour au moins 90 voitures, d'un terminal voyageurs avec des aires d'accès et de sortie adéquates et d'une passerelle de débarquement. SC a également présenté à Sealink une proposition concernant les conditions auxquelles elle souhaitait avoir accès au côté est du port. Elle proposait, entre autres, de construire des installations provisoires (démontables en quatorze jours), à condition que Sealink lui garantisse un autre emplacement dans le port lorsque le moment serait venu d'entamer les travaux de réaménagement du côté est. SC bénéficierait d'un accès au port garanti pour une période de dix ans, avec possibilité de mettre fin à l'arrangement moyennant un préavis d'un mois, et jouirait d'une priorité pour l'utilisation des installations qui devaient être construites ou des installations de remplacement pendant les travaux du réaménagement.
(29) Le 13 novembre 1992, Sealink a fourni un relevé des créneaux disponibles pour les installations existantes de Holyhead pour 1993. Les créneaux proposés étaient les suivants:
- Station Berth:
04.30 à 12.00
17.30 à 24.00,
- Admiralty Pier Berth:
03.30 à 09.30
17.00 à 21.30,
- Outer Harbour Berth:
04.30 à 13.00
16.00 à 00.30.
Le même jour, par télécopie, SC a demandé des créneaux au Station Berth. Les créneaux demandés étaient les suivants:
- 06.35 à 07.15,
- 11.35 à 12.15,
- 16.35 à 17.15,
- 21.35 à 22.15.
SC subordonnait sa demande à la condition que l'intervalle de temps entre le départ d'un navire et l'arrivée d'un autre soit de quinze minutes et non de trente. SC soulignait également que la demande de créneaux au Station Berth ne changeait rien au fait qu'elle considérait que Sealink n'avait aucun motif raisonnable de refuser l'implantation au East Quay des installations provisoires proposées par SC.
(30) Le 16 novembre 1992, SC a écrit à Sealink en indiquant que les créneaux demandés n'étaient pas considérés comme optimaux et qu'elle s'attendrait à en obtenir de meilleurs en 1994, après le réaménagement du port.
(31) Le 17 novembre 1992, SC a annoncé publiquement qu'elle ouvrirait un service à partir de Holyhead au printemps de 1993, avec des départs de Holyhead à 9 heures, 14 heures, 19 heures et 24 heures. SC en a informé Sealink le lendemain, en l'acusant de ne pas avoir répondu à sa demande de créneaux au Station Berth.
(32) Sealink a répondu le 20 novembre en indiquant qu'elle devait examiner les besoins spécifiés par SC en ce qui concerne le Station Berth (voir considérant 29).
(33) SC a écrit à Sealink le 26 novembre en indiquant que les créneaux qui lui avaient été offerts au Station Berth étaient commercialement inacceptables pour elle, car:
a) ils ne permettaient pas d'assurer des correspondances ferroviaires adéquates;
b) le départ aurait lieu trop tôt du côté irlandais;
c) l'heure du départ de Holyhead ne permettait pas d'attirer le trafic provenant des grandes villes britanniques;
d) les dispositions en matière d'accostage ne laissaient aucune marge en cas de conditions météorologiques difficiles;
e) l'utilisation du Station Berth permettrait à Sealink de contrôler de trop près les activités de SC.
SC indiquait également que son ingénieur-conseil avait exclu l'utilisation de l'Admiralty Pier Berth par le Seacat pour des raisons techniques et que l'Outer Harbour Berth ne convenait pas en raison de son exposition aux vents du nord-nord-est. SC a indiqué qu'elle n'avait d'autre possibilité que d'insister pour obtenir l'accès à l'East Quay.
(34) SC a écrit à Sealink le 3 décembre 1992 en indiquant qu'il était clair depuis un certain temps que l'East Quay était le seul emplacement qui pouvait raisonnablement accueillir en 1993 un service utilisant le SeaCat. Sealink a répondu le 4 décembre que, dans ces conditions, elle considérait la demande de créneaux au Station Berth introduite par SC comme ayant été retirée. Sealink a rejeté les propositions de SC du 11 novembre concernant les installations provisoires à l'East Quay en indiquant qu'elles étaient « abusives, inéquitables et lourdes de problèmes potentiels qui compromettraient le programme de réaménagement ».
(35) Le 4 janvier 1993, SC a écrit à Sealink en indiquant que, faute d'accord entre elles, il était désormais trop tard pour ouvrir en 1993 un service utilisant le SeaCat, mais qu'elle souhaitait conclure un accord qui lui permettrait d'ouvrir un service en 1994.
(36) Une réunion a eu lieu entre les parties le 20 janvier 1993, au cours de laquelle Sealink a exposé dans les grandes lignes ses projets d'aménagement du côté est du port. Le lendemain, SC a fourni à Sealink une description écrite détaillée de ses besoins techniques et autres pour l'exploitation en 1994 d'un service utilisant le SeaCat.
(37) Le 22 février 1993, Sealink a informé SC que certaines de ses exigences techniques pouvaient être satisfaites, mais qu'il n'était pas possible de conclure un accord concernant l'accès au port avant Pâques 1993 comme l'avait demandé SC et qu'elle ne commencerait pas avant septembre 1993 à organiser sa planification pour 1994.
(38) Après de nouveaux échanges de correspondance infructueux, SC a déposé plainte auprès de la Commission le 15 avril 1993.
H. Faits nouveaux survenus depuis le dépôt de la plainte (39) Le 24 mai 1993, SSL a soumis à SSP ce qu'elle a décrit comme une demande de créneaux en vue de commencer à exploiter un service de transbordeurs rapides au départ de l'Admiralty Pier Berth à Holyhead à partir du 1er juillet 1993. Cette demande a été acceptée le 28 mai, de même que les horaires prévus pour 1993 et 1994. Un communiqué de presse annonçant l'ouverture en juillet d'un nouveau service à partir de Holyhead vers une destination non précisée dans la baie de Dublin a été diffusé par Sealink le 27 mai 1993. Des annonces sont parues dans la presse britannique le 5 juin 1993, concernant l'ouverture du service de Holyhead à Dun Laoghaire le 16 juillet 1993.
(40) Le 21 juin 1993, Sealink a écrit à la Commission pour lui faire part de conditions qu'elle était disposée à offrir à SC pour l'utilisation en 1994 des installations existant à Holyhead. Un relevé des créneaux disponibles au Station Berth, à l'Admiralty Pier Berth et à l'Outer Harbour Berth était joint. Sealink indiquait qu'elle pensait pouvoir répondre à toutes les exigences « raisonnables » formulées par SC dans ses demandes de créneaux antérieures, mais que le créneau 13.20-14.00 aggraverait les problèmes d'encombrement du port. Sealink ne pouvait garantir que les mesures qu'elle proposait résoudraient tous les problèmes d'encombrement. Elle indiquait les redevances portuaires applicables à son propre service de transbordeurs rapides en 1993 et déclarait que les redevances applicables en 1994 seraient fixées définitivement à l'automne 1993 mais qu'elles ne devraient pas subir d'augmentation importante.
En ce qui concerne la proposition de SC d'opérer à partir de nouvelles installations ou d'installations supplémentaires, Sealink indiquait que, étant donné la capacité substantielle disponible dans les installations portuaires existantes, qui devait permettre à SC d'exploiter la plupart, sinon l'ensemble, des créneaux qu'elle avait souhaité obtenir, il n'était pas nécessaire de créer de nouvelles installations. En tout état de cause, selon Sealink, des travaux de réaménagement à grande échelle doivent commencer du côté est en 1994 si l'on veut que les nouvelles installations soient disponibles pour 1995. En ce qui concerne le côté ouest, de nouvelles installations n'empêcheraient pas le problème de l'encombrement autour du créneau de la mi-journée.
(41) SC a écrit à la Commission le 25 juin 1993 en réaction à la lettre de Sealink. SC déclarait que Sealink n'avait offert aucune condition que l'on puisse qualifier de précise et qu'il n'avait pas été démontré qu'une capacité importante était disponible dans les installations existantes (du côté ouest du port). SC n'avait aucune possibilité de modifier son horaire et Sealink reconnaissait que l'encombrement, des conditions météorologiques difficiles, etc. étaient susceptibles d'entraîner des perturbations. Les redevances portuaires étaient très élevées par rapport à Dun Laoghaire, par exemple, ce qui était à l'avantage de Sealink puisque les redevances qu'elle paie en tant qu'exploitant d'un service de transbordeurs sont perçues par elle-même en tant qu'exploitant portuaire.
SC précisait qu'il existait une capacité plus que suffisante du côté est du port, et qu'il n'était donc pas nécessaire de concentrer tous les exploitants de services de transbordeurs aux postes d'accostage existant du côté ouest, avec les problèmes d'attribution des créneaux et d'encombrement que cela implique. Sealink a indiqué que la réalisation des travaux de réaménagement, dont l'achèvement était prévu à l'origine pour le printemps 1994 et a, semble-t-il, été reporté maintenant à 1995, est loin d'être certaine, car elle est tributaire de l'octroi d'aides. SC a indiqué qu'elle était disposée à supporter le coût des installations provisoires nécessaires et à déménager dans un délai de quatorze jours lorsque Sealink le souhaitera. SC soutient que l'attitude de Sealink n'est pas celle que l'on aurait attendue d'un exploitant portuaire indépendant et qu'elle tient à sa volonté de protéger ses services de transbordeurs de la concurrence. Un exploitant portuaire indépendant se serait attaché à développer l'activité du port et il aurait cherché de manière constructive à résoudre tous les problèmes techniques qui pouvaient se poser.
(42) Dans sa réponse à la communication des griefs de la Commission, Sealink a indiqué que SC pouvait disposer d'un créneau entre 12 h 30 et 13 h 15 dans la partie ouest du port. Elle a également précisé qu'elle était prête à autoriser SC à construire des installations provisoires et à utiliser, dès qu'elle le voudrait, la partie est pour un service de transbordeurs rapides, à condition de déplacer ces installations moyennant un préavis de quatorze jours, lorsque commencerait le réaménagement de cette partie du port. (Il s'est avéré ultérieurement que Sealink voulait voir ces travaux commencer avant mai 1994, c'est-à-dire au moment où SC souhaitait commencer ses opérations.) SC assumerait le coût de ces installations provisoires et acquitterait des redevances portuaires normales. Sealink ne pouvait garantir à SC des créneaux identiques du côté ouest du port lorsqu'elle s'y transférerait au moment où les travaux de réaménagement commenceraient du côté est.
(43) Lors de l'audition, SC a indiqué que le créneau 12 h 30-13 h 15 du côté ouest porterait un préjudice inacceptable à ses horaires de traversées puisque le premier départ de Dun Laoghaire devrait avoir lieu à 5 h 45, c'est-à-dire à une heure trop matinale pour être commercialement viable, ce qui aurait pour résultat que l'ensemble du service ne pourrait être commercialement viable.
(44) La Commission a invité B& I Line PLC à participer à l'audition en qualité de partie tierce susceptible d'être affectée par une décision tendant à imposer des mesures provisoires dans la présente affaire. B& I a soutenu l'affirmation de Sealink selon laquelle l'octroi à SC d'un créneau 13 h 20-14 h 00 du côté ouest entraînerait des niveaux inacceptables d'encombrement du port et a indiqué qu'elle ne pourrait prendre position au sujet du créneau de rechange proposé qu'à la lumière de l'expérience pratique acquise en 1994. En ce qui concerne le réaménagement du port, B& I a déclaré qu'elle n'avait pas été consultée par Sealink au sujet de ses plans et que, en l'absence de plus amples informations, elle ne pouvait se prononcer sur la question de savoir si elle serait ou non affectée par la construction d'installations provisoires pour SC. B& I a estimé qu'elle devait être dûment consultée au sujet de toute mesure provisoire éventuellement adoptée par la Commission qui pourrait avoir des effets négatifs sur son activité.
(45) Le 1er octobre 1993, Sealink a offert à SC un créneau entre 13 h 20 et 14 h du côté ouest du port, en indiquant que cette solution était réalisable moyennant plusieurs améliorations aux installations portuaires. Ces améliorations étaient devenues possibles grâce à l'acquisition, le 18 juin 1993, de maisons inoccupées du côté ouest, dont la démolition avait libéré l'espace nécessaire pour réaliser une série d'aménagements propres à atténuer les problèmes d'encombrement. Le créneau ainsi mis à la disposition de SC permettrait à celle-ci de disposer de tous les créneaux qu'elle avait considérés comme essentiels pour exploiter un service commercialement viable, c'est-à-dire comprenant des départs de Holyhead à 9 heures, 14 heures, 19 heures et 24 heures.
(46) SC a répondu à cette offre le 13 octobre 1993, en émettant des doutes sérieux quant à la possibilité de résoudre le problème d'encombrement au moyen des améliorations suggérées par Sealink et en indiquant qu'il était extrêmement improbable que le trafic de SC puisse être assuré de manière satisfaisante aux heures proposées. Toutefois, le 8 novembre 1993, SC a écrit à Sealink en indiquant que, après avoir reconsidéré l'offre, elle avait décidé de l'accepter en dépit des réserves qu'elle avait émises. SC propose maintenant d'ouvrir un service de Holyhead à Dun Laoghaire en mai 1994.
(47) Comme SC a maintenant accepté les créneaux qui lui ont été offerts par Sealink, la question se pose de savoir s'il convient d'adopter une décision concernant sa demande de mesures provisoires. SC a maintenu sa demande, et les autorités nationales ont également demandé à la Commission de prendre une décision. La Commission doit, par conséquent, examiner la question de savoir si une décision se justifie encore du point de vue de l'intérêt général. Bien que les parties soient parvenues à un accord concernant l'accès de SC au port de Holyhead pour la saison 1994, leurs points de vue restent opposés en ce qui concerne leurs droits respectifs. Sealink, en particulier, continue de soutenir que sa qualité de propriétaire du port ne lui impose pas d'obligations particulières. Si une décision est arrêtée au stade actuel au sujet de la demande de mesures provisoires, elle clarifiera la position juridique des parties à l'heure actuelle et pour leurs relations futures. Elle peut éviter que la Commission soit de nouveau appelée à intervenir, à un stade ultérieur, notamment en ce qui concerne l'accès aux nouvelles installations qui doivent être construites du côté est du port. Une telle décision fournira également des orientations sur la manière de traiter la présente affaire et des cas similaires à l'avenir. Dans ces conditions, la Commission est amenée à considérer qu'il y a lieu de prendre une décision en l'espèce.
(48) La Commission a reçu des autorités britanniques des informations selon lesquelles il est probable que Sealink obtiendra le financement dont elle a besoin et que les travaux de réaménagement du côté est du port de Holyhead commenceront, comme prévu, en 1994.
I. Les arguments essentiels des parties (49) SC fait valoir que, au moins jusqu'au 1er octobre 1993, Sealink a abusé, en violation de l'article 86, de la position dominante qu'elle occupe en tant qu'autorité portuaire de Holyhead pour protéger sa position sur le marché de la fourniture de services de transbordeurs empruntant le Central Corridor.
(50) SC soupçonne Sealink de l'avoir intentionnellement empêchée d'ouvrir un service de transbordeurs rapides pour tenter de protéger sa propre part du marché constitué par le trafic empruntant le Central Corridor.
(51) Sealink pense que SC aurait dû être à même d'utiliser les installations portuaires existantes pour lancer son service en attendant le réaménagement. Sealink soutient que SC cherchait à s'assurer l'usage exclusif de son propre poste d'accostage et de son propre terminal et estime qu'elle n'y avait pas droit. En tout état de cause, Sealink fait valoir que SC s'est vu offrir des créneaux pour ouvrir son service et que l'accès aux infrastructures essentielles ne lui a par conséquent jamais été refusé. SC aurait pu ouvrir un service à partir de Holyhead en 1993 si elle l'avait voulu et il lui est maintenant loisible d'ouvrir un service en 1994. Sealink considère la demande de mesures provisoires comme non fondée.
(52) Les sociétés sont donc en désaccord sur le point de savoir:
- s'il existait, dans les installations existantes (West Dock), une capacité disponible suffisante et exempte d'encombrement pour permettre à SC d'exploiter un service commercialement viable en 1994,
- si Sealink avait des raisons légitimes de refuser les propositions de SC visant à opérer provisoirement à partir de l'East Quay en 1993,
- si la construction par SC d'installations provisoires du côté est du port en vue de leur utilisation en 1994 était réalisable dans le contexte du projet de réaménagement.
(53) SC soutient que, jusqu'au 1er octobre 1993, les créneaux qui lui ont été offerts pour opérer à partir des installations existantes ne lui permettaient pas d'exploiter un service commercialement viable. SC fait également valoir que l'accès à l'East Quay devait lui être accordé, car il existait une capacité de réserve à cet endroit et que les raisons avancées par Sealink pour refuser l'accès tenaient à la protection de ses propres services de transbordeurs vis-à-vis de la concurrence.
(54) Sealink soutient que, en refusant à SC l'autorisation d'utiliser l'East Quay, elle visait à éviter toute incompatibilité avec le projet de réaménagement du port, dont la réalisation doit maintenant commencer en 1994. Sealink fait aussi valoir que SC ne cherchait qu'à obtenir l'usage exclusif de ses propres installations à Holyhead et qu'elle ne souhaitait pas vraiment opérer à partir des installations existantes.
II. APPRÉCIATION JURIDIQUE A. Conditions nécessaires à l'adoption de mesures provisoires (55) Le pouvoir d'exiger qu'il soit mis fin à une infraction aux règles de concurrence, que confère à la Commission l'article 3 du règlement no 17, comprend celui « de prendre . . . des dispositions conservatoires, dans la mesure où celles-ci pourraient paraître indispensables en vue d'éviter que l'exercice du droit de décision prévu par l'article 3 ne finisse par devenir inefficace, ou même illusoire, en raison de l'action de certaines entreprises » [affaire 792/79 R, Camera Care contre Commission (3)].
(56) Les conditions nécessaires à l'adoption de mesures provisoires sont les suivantes:
- présomption d'infraction,
- urgence, motivée par la nécessité d'éviter une situation de nature à causer un préjudice grave et irréparable à la partie qui demande lesdites mesures ou qui est intolérable pour l'intérêt général.
Les mesures prises par la Commission doivent être de caractère provisoire et conservatoire et rester limitées à ce qui est nécessaire dans la situation donnée. La Commission doit également prendre en considération les intérêts légitimes de l'entreprise qui fait l'objet des mesures provisoires. Celles-ci ne doivent pas aller au-delà du pouvoir qu'a la Commission d'ordonner, dans la décision finale, qu'il soit mis fin à une infraction.
(57) Même si l'exploitant d'une installation essentielle est tenu d'offrir un accès à des conditions non discriminatoires, la justification de mesures provisoires destinées à permettre à un nouveau concurrent d'accéder à un marché doit être beaucoup plus forte que dans le cas de mesures destinées à préserver la position d'un concurrent déjà établi.
(58) Lorsqu'une entreprise se voit refuser la possibilité de fournir un nouveau produit ou un nouveau service sur un marché et que cette possibilité se trouvera probablement considérablement dévalorisée en l'absence de mesures provisoires, l'urgence est suffisante pour justifier de telles mesures si les conditions de leur octroi sont par ailleurs remplies.
(59) S'il en était autrement, une décision finale de la Commission interdisant un abus de position dominante faisant obstacle au « développement de la concurrence » (4) serait rendue « inefficace ou même illusoire » (5).
B. Application de ces principes au cas d'espèce 1. Présomption d'infraction
a) Article 86
(60) En l'espèce, les deux premières questions qui se posent consistent à savoir i) si Sealink occupe une position dominante et ii) si le comportement de Sealink constitue un abus. Dans le cas d'une demande de mesures provisoires, la Commission ne doit pas se prononcer de manière définitive sur ces deux points, mais elle doit décider s'il existe, en l'espèce, une présomption raisonnablement forte.
b) Position dominante
(61) Pour répondre à la question de savoir si une entreprise est dominante, il est nécessaire, en premier lieu, de définir le « marché de référence », c'est-à-dire les marchés géographique et de services sur lesquels le pouvoir de marché de l'entreprise présumée dominante doit être apprécié.
(62) La plainte porte en substance sur le fait que refuser l'accès au port de Holyhead à des conditions raisonnables et non discriminatoires aura pour effet de protéger et de renforcer la position de Sealink sur le marché de la fourniture des services de transport maritime de voitures et de passagers sur la route du Central Corridor entre le Royaume-Uni et l'Irlande (voir considérant 11).
(63) Le port de Holyhead est le seul port britannique desservant actuellement ce marché. Le port de remplacement le plus proche de Holyhead est Liverpool, or la traversée de Dublin à Liverpool est à peu près deux fois plus longue que celle de Dublin à Holyhead. La différence est donc telle que le port de Liverpool n'est pas substituable à Holyhead pour les services de transport de passagers et de voitures par transbordeur.
(64) Dans les circonstances actuelles, si SC voulait instaurer un service de transbordeurs sur la route du Central Corridor, elle ne pourrait le faire sans allonger considérablement la durée de la traversée ou sans construire elle-même un nouveau port. La seconde option ne serait ni économiquement ni matériellement réaliste.
(65) C'est pourquoi Sealink, en sa capacité d'autorité portuaire, détient une position dominante sur le marché de la fourniture d'installations portuaires pour les services de transport de voitures et de passagers par transbordeur sur la route du Central Corridor entre le Royaume-Uni et l'Irlande.
c) Abus de position dominante
(66) Une entreprise en situation de position dominante pour la mise à disposition d'une installation essentielle, qui utilise elle-même cette installation (c'est-à-dire des installations ou des équipements sans l'utilisation desquels les concurrents ne peuvent servir leur clientèle), et qui refuse à d'autres entreprises l'accès à ces installations sans raison objective ou ne le leur accorde qu'à des conditions moins favorables que celles qu'elle réserve à ses propres services, commet une infraction à l'article 86 si les autres conditions prévues audit article sont réunies (6). Une entreprise occupant une position dominante ne peut exercer de discrimination en faveur de ses propres activités sur un marché apparenté. Le propriétaire d'installations essentielles qui utilise son pouvoir sur un marché pour protéger ou renforcer sa position sur un autre marché apparenté, en particulier en refusant d'accorder l'accès à ces installations à un concurrent ou en lui accordant l'accès à des conditions moins favorables que celles dont bénéficient ses propres services, et donc impose un désavantage concurrentiel au concurrent, commet une infraction à l'article 86.
(67) Ce principe est applicable lorsque le concurrent cherchant à obtenir l'accès aux installations essentielles est un nouveau venu sur le marché de référence. Dans l'affaire Hoffmann-La Roche (7), la Cour déclare: « . . . la notion d'exploitation abusive est une notion objective qui vise les comportements d'une entreprise en position dominante qui sont de nature à influencer la structure d'un marché où, à la suite précisément de la présence de l'entreprise en question, le degré de concurrence est déjà affaibli et qui ont pour effet de faire obstacle, par le recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent une compétition normale des produits ou services sur la base des prestations des opérateurs économiques, au maintien du degré de concurrence existant encore sur le marché ou au développement de cette concurrence ».
L'adoption des mesures provisoires peut être tout aussi nécessaire pour garantir l'efficacité de toute décision finale de la Commission lorsque le plaignant est un nouveau venu que lorsqu'il s'agit d'un concurrent établi.
(68) SC souhaite instaurer un nouveau service de transbordeurs rapides entre Holyhead et Dun Laoghaire en utilisant un catamaran perceur de vagues. Avant que Sealink ne mette en place son propre service de transbordeurs rapides au printemps de 1993, il n'existait sur cette ligne aucun service de ce genre.
(69) Sealink offre maintenant sa propre version du service que SC cherchait à fournir. Elle s'est ainsi appropriée la clientèle et la notoriété commerciale que SC souhaitait se constituer en offrant le premier service de transbordeurs rapides sur la route en question.
(70) Sealink a systématiquement usé de tactiques dilatoires et soulevé des difficultés lorsque SC a envisagé d'utiliser les installations situées du côté ouest du port. Ce n'est qu'au 21 juin 1993 que Sealink a indiqué qu'elle était disposée à autoriser SC à opérer à partir d'installations provisoires, construites aux frais de SC, du côté est du port, jusqu'à ce que les travaux de réaménagement obligent la compagnie à déménager. Lors de l'audition, il est apparu que les travaux de réaménagement étaient censés commencer avant l'ouverture du service de transbordeurs rapides de SC, ce qui enlevait toute signification à cette offre. La Commission considère que, dans ses négociations avec SC, Sealink n'a pas proposé ou tenté d'apporter de solutions aux problèmes qu'elle soulevait et que, en rejetant toutes les propositions de SC sans faire aucune contre-proposition ou sans essayer de négocier avec celle-ci, elle s'est comportée d'une manière incompatible avec les obligations qui incombent à une entreprise qui jouit d'une position dominante en ce qui concerne une installation essentielle. Ce n'est pas non plus le comportement que l'on aurait attendu d'une majorité portuaire indépendante. Ces constatations sont confirmées par le fait que Sealink s'est rapidement donné l'autorisation nécessaire à l'ouverture de son propre service de transbordeurs rapides. Pour résumer, SSP a traité la demande de SC d'une façon discriminatoire par rapport à celle de SSL.
(71) À aucun moment pendant les négociations qui ont eu lieu entre juin 1992 et mars 1993, Sealink n'a fait elle-même la moindre proposition concernant l'offre faite par SC de résoudre les problèmes soulevés par Sealink en construisant, à ses propres frais, des installations provisoires dans le port. Elle a adopté, à cet égard, un comportement entièrement négatif, qui a consisté à soulever des difficultés à propos de chacune des quatre options présentées par SC.
(72) Jusqu'au 1er octobre 1993, Sealink s'est refusée à fournir à SC les créneaux qu'elle avait demandés pour ouvrir un service à partir des installations existantes.
(73) Sealink n'a pas consulté les deux exploitants de transbordeurs présents dans le port de Holyhead au sujet de ses plans de réaménagement.
(74) Sealink n'a jamais institué de procédures lui permettant d'assumer ses responsabilités d'exploitant portuaire en garantissant le respect de ses obligations envers les autres exploitants de transbordeurs. Sealink n'a jamais consulté SC au sujet de la manière de surmonter les difficultés qu'elle envisageait. Sealink a approuvé sans tarder ses propres horaires de traversées en 1993 et en 1994 mais a refusé d'examiner, jusqu'à l'automne de 1993, les horaires de SC pour 1994. En 1993, Sealink a modifié à plusieurs reprises son plan d'aménagement du côté est du port, souvent pour répondre à ses propres besoins, et cela sans consulter SC en dépit du fait que les dernières versions de ce plan rendaient plus difficile l'installation provisoire de SC du côté est du port en 1994. Sealink elle-même a admis que ses autres propositions à SC pour 1994 étaient susceptibles d'entraîner des encombrements, mais elle a refusé d'autoriser SC à disposer d'installations qui lui soient propres. Bien que SC ait fait savoir à Sealink que les horaires qu'elle lui proposait pour 1994 n'étaient pas satisfaisants, jusqu'au mois d'octobre 1993 Sealink n'a jamais déclaré avoir envisagé une quelconque modification de ses propres horaires pour 1994. Au cours de l'audition, Sealink a fait valoir qu'elle n'était nullement dans l'obligation d'accepter un nouveau venu si cela devait entraîner une dégradation du service général dans le port, mais elle n'a jamais eu de consultation avec SC pour savoir si cet effet présumé était inévitable. Il s'avère également que Sealink n'a pas consulté non plus B & I sur ces plans de réaménagement du port de Holyhead.
(75) La Commission estime que dans les circonstances qui sont celles de la présente affaire, une autorité portuaire indépendante, qui aurait bien entendu intérêt à accroître les recettes du port, aurait au moins envisagé une solution permettant de concilier au mieux les intérêts des utilisateurs existants et potentiels du port en apportant de légères modifications aux créneaux attribués ou aux plans de réaménagement du port. Dans des situations telles que celle-ci, à moins qu'une solution soit examinée sérieusement et discutée avec toutes les parties intéressées, il est probable qu'une autorité portuaire qui n'est pas indépendante préférera un arrangement présentant le moins d'inconvénients pour elle (en particulier en ce qui concerne ses propres activités en tant qu'utilisateur), mais qui ne procure pas nécessairement un accès non discriminatoire au nouveau venu. Si, lorsqu'elle a établi les différentes versions de son plan de réaménagement du côté est, Sealink avait, comme elle aurait dû le faire, toujours consulté SC (et B & I) sérieusement et en toute bonne foi, il aurait peut-être été possible de contourner la difficulté de concilier le plan avec le souhait de SC de disposer d'installations provisoires à cet endroit.
(76) Bien que SC ne soit pas en droit d'insister pour obtenir, à quelque égard que ce soit, une position préférentielle, la Commission conclut que, jusqu'au 1er octobre 1993, Sealink n'a pas offert à SC l'accès à Holyhead dans des conditions non discriminatoires. Dans le cadre de cette procédure, il ne paraît pas nécessaire d'examiner en détail la pertinence des considérations avancées par SSP et décrites aux considérants 23, 27 et 40. En revanche, cette question devrait être approfondie dans le cadre d'une éventuelle décision finale.
d) Effets sur le commerce entre États membres
(77) La plainte concerne l'accès à un port dont le marché géographique représente une partie substantielle du marché commun étant donné que ce port constitue l'un des principaux points de passage entre deux États membres, le Royaume-Uni et l'Irlande, et que c'est le seul port assurant une liaison directe entre la Grande-Bretagne et la capitale de l'Irlande. Le refus d'accorder à SC l'accès à des conditions raisonnables et non discriminatoires aux installations portuaires de Holyhead pour lui permettre de commencer à exploiter un service de transbordeurs, ainsi que toute conséquence d'un tel comportement sur la situation de la concurrence sur le marché des transports maritimes dans la mer d'Irlande, auraient donc un effect direct sur les échanges entre États membres.
e) Conclusion
(78) D'après les éléments disponibles actuellement, la présomption d'un comportement constituant une infraction à l'article 86 est suffisante pour ordonner des mesures provisoires si les autres conditions auxquelles l'adoption de telles mesures est subordonnée sont remplies.
2. Risque d'un préjudice grave et irréparable; urgence
(79) Nonobstant ce qui précède, Sealink a maintenant (le 1er octobre 1993) fait à SC une offre qui permettrait à celle-ci d'ouvrir un service en 1994, aux heures dont SC avait indiqué qu'elle les considérait comme essentielles pour exploiter un service commercialement viable. SC a maintenant accepté cette offre et la Commission considère que l'offre faite par Sealink est raisonnable, compte tenu de la capacité limitée du port. SC s'est, en particulier, vu offrir exactement les créneaux qu'elle avait elle-même considérés comme essentiels pour son service et elle utilisera les mêmes installations à terre que les autres opérateurs présents dans le port. Tout retard ou perturbation qui pourrait survenir en raison de l'encombrement ou de mauvaises conditions météorologiques devrait également affecter les autres opérateurs.
Pour que soit remplie la condition de l'urgence due au risque que SC subisse un dommage grave et irréparable, la Commission estime qu'il aurait dû être prouvé que SC ne pouvait exploiter un service commercialement viable à partir du port en 1994 à cause du comportement de Sealink, et qu'elle n'aurait de ce fait pas pu pénétrer le marché. Comme SC s'est maintenant vu offrir, et qu'elle a accepté, la possibilité d'ouvrir un service, la question de savoir si SC subirait un dommage grave et irréparable propre à justifier l'adoption de mesures provisoires ne se pose plus,
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier
La demande de mesures provisoires à l'encontre de Stena Sealink Line et Stena Sealink Ports adressée à la Commission par Sea Containers Ltd est rejetée.

Article 2
Sea Containers Limited
Sea Containers House
20 Upper Ground
Londres SE1 9PF
Royaume-Uni
est destinataire de la présente décision.
Fait à Bruxelles, le 21 décembre 1993.
Par la Commission
Karel VAN MIERT
Membre de la Commission

(1) JO no 13 du 21. 2. 1962, p. 204/62.
(2) JO no 127 du 20. 8. 1963, p. 2268/63.
(3) Recueil 1980, p. 119, plus spécifiquement p. 131 (point 18 des motifs).
(4) Affaire 85/76, Hoffmann-La Roche contre Commission, Recueil 1979, p. 461, plus spécifiquement p. 541 (point 91 des motifs). Voir également les ordonnances du président du Tribunal de première instance dans les affaires T-24/92 R et T-28/92 R, Langnese-Iglo et Schoeller contre Commission, Recueil 1992, p. II-1839 et T-7/93 R et T-9/93 R (mêmes parties), Recueil 1993, p. II-131.
(5) Voir considérant 55.
(6) Voir notamment: affaires 6 et 7/73, Commercial Solvents contre Commission, Recueil 1974, p. 223; affaire 311/84, Télémarketing, Recueil 1985, p. 3261; affaire C-18/88 RTT contre GB-Inno, Recueil 1991, p. I-5941; affaire C-260/89, Elliniki Radiophonia Teleorassi, Recueil 1991, p. 2925; affaires T-69, T-70 et T-76/89, RTE, BBC et ITP contre Commission, Recueil 1991, p. II-485, II-535, II-575, et décisions de la Commission: 76/185/CEE, National Carbonizing Company Limited, JO no L 35 du 10. 2. 1976, p. 6; 88/589/CEE, London European-SABENA, JO no L 317 du 24. 11. 1988, p. 47; 92/213/CEE, British contre Midland Aer Lingus, JO no L 96 du 10. 4. 1992, p. 34; B& I contre Sealink du 11 juin 1992, Bull. CE no 6-1992, point 1.3.30.
(7) Voir note 1, à la page 16. Le soulignement est ajouté.

Fin du document


Structure analytique Document livré le: 11/03/1999


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