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Document 388D0501

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[ 08.30 - Positions dominantes ]


388D0501
88/501/CEE: Décision de la Commission du 26 juillet 1988 relative à une procédure d'application des articles 85 et 86 du traité CEE [IV/31.043 - Tetra Pak I (licence BTG)] (Les textes en langues anglaise et française sont les seuls faisant foi)
Journal officiel n° L 272 du 04/10/1988 p. 0027 - 0046



Texte:


DÉCISION DE LA COMMISSION
du 26 juillet 1988
relative à une procédure d'application des articles 85 et 86 du traité CEE
[IV/31.043 - Tetra Pak I (licence BTG)]
(Les textes en langues anglaise et française sont les seuls faisant foi.)
(88/501/CEE)
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES, vu le traité instituant la Communauté économique européenne,
vu le règlement no 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de l'Espagne et du Portugal, et notamment son article 3 paragraphe 1,
vu le règlement (CEE) no 2349/84 de la Commission, du 23 juillet 1984, concernant l'application de l'article 85 paragraphe 3 du traité CEE à des catégories d'accords de licence de brevets (2), modifié par l'acte d'adhésion de l'Espagne et du Portugal, et notamment son article 9,
vu les demandes du 27 septembre 1983 et des 23 et 26 juin 1986 présentées à la Commission conformément à l'article 3 du règlement no 17 par le groupe Elopak et tendant à faire constater que le groupe Tetra Pak a enfreint les articles 85 et 86,
vu la décision de la Commission, du 24 février 1987, d'ouvrir une procédure dans cette affaire,
après avoir donné aux entreprises intéressées l'occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission, conformément aux dispositions de l'article 19 paragraphe 1 du règlement no 17 et à celles du règlement no 99/63/CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatives aux auditions prévues à l'article 19 paragraphes 1 et 2 du règlement no 17 du Conseil (3),
après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes,
considérant ce qui suit:
A. LES FAITS
a) Les parties
Le groupe Tetra Pak
(1) Le groupe Tetra Pak (Tetra) est un des leaders mondiaux dans le secteur des emballages en carton destinés à être utilisés pour le conditionnement des produits alimentaires liquides (essentiellement du lait) ainsi que des équipements et de la technologie de remplissage de ces emballages en carton. En 1985, le chiffre d'affaires mondial de Tetra Pak s'élevait à environ 2 milliards d'Écus; presque la moitié de ce chiffre d'affaires a été réalisé dans la Communauté économique européenne (CEE). Tetra fabrique des emballages en carton tant pour le conditionnement de liquides frais que de liquides aseptisés. Il possède également sa propre technologie pour fabriquer lui-même des machines de remplissage, et ce, à nouveau, tant pour le conditionnement des liquides frais que pour le conditionnement aseptique. En outre, il distribue les machines de certains fabricants du secteur du conditionnement du frais. Sa position est particulièrement forte en ce qui concerne les machines UHT (ultrahaute température) du faite qu'il fut un des premiers à avoir mis au point la technologie du conditionnement des liquides à l'aide d'un procédé aseptique et à fabriquer et vendre de tels produits. Tetra fournit, en fait, des équipements de conditionnement aseptique depuis 1961 et son système « brique » aseptique date de 1969.
(2) Tetra, d'origine suédoise, possède à présent des intérêts dans le monde entier. La politique du groupe est coordonnée par Tetra Pak Rausing SA (Pully) en Suisse. Dans la CEE, Tetra possède d'importantes filiales de fabrication ou de distributrion dans tous les États membres à l'exception de la Grèce et du Luxembourg. Tetra a acquis le groupe Liquipak, et a obtenu, avec l'accord du British Technology Group, la licence concédée par le National Research and Development Council à Liquipak International BV (voir ci-après).
Le groupe Elopak
(3) Le groupe Elopak (Elopak), d'origine norvégienne, exerce principalement ses activités en Europe, mais aussi en Afrique et au Proche-Orient, où il fabrique et vend des emballages en carton destinés à être utilisés pour le conditionnement et la distribution de produits laitiers et alimentaires. En outre, il fournit et installe des équipements intégrés destinés au remplissage, à l'emballage et à la manutention de ces cartons. En 1987, Elopak a réalisé un chiffre d'affaires d'environ 300 millions d'Écus. Jusque tout récemment, Elopak ne fabriquait pas les machines de remplissage mêmes, mais distribuait les machines de certains fabricants (y compris notamment Liquipak). Il a récemment acquis Purepak, la division de fabrication de machines de remplissage de Ex-cello (États-Unis d'Amérique), dont il distribuait auparavant les machines de remplissage utilisées pour le conditionnement des produits frais. Purepak s'était également efforcé de mettre au point des machines de remplissage aseptique. Bien qu'Elopak fournisse essentiellement des emballages destinés au conditionnement de lait frais, il avait conclu avec Liquipak un accord portant sur la distribution de machines pour le conditionnement, sous conditions aseptiques, de lait traité par UHT.
Le British Technology Group (BTG)
(4) BTG est une entreprise publique jouissant de l'autonomie financière, dont le principal intérêt dans la présente affaire est lié au fait qu'il octroie à des entreprises, au Royaume-Uni ou ailleurs, des licences pour l'exploitation commerciale des résultats des travaux de recherche du secteur public. Dans le cadre de sa mission, il a repris les activités du National Research and Development Council (NRDC), qui avait octroyé la licence qui fait l'objet de la présente affaire. BTG opère sur une base commerciale.
Le groupe Liquipak
(5) Le groupe Liquipak est spécialisé dans la mise au point et la fabrication d'équipements pour le conditionnement de produits alimentaires liquides, et était détenu ou contrôlé directement ou indirectement par le groupe Allpak (Canada) et un particulier qui exercent tous deux des activités dans le domaine de l'emballage en général. En 1986, Tetra a acquis Liquipak International Inc (Saint-Paul, Minnesota, États-Unis d'Amérique), qui fabriquait et commercialisait des machines de remplissage de cartons. Dans le cadre de cette transaction, Tetra a également acquis: a) Liquipak International BV (Pays-Bas) (avec des succursales en Suisse et au Royaume-Uni), qui s'occupe de travaux de recherche et de développement associés aux équipements de remplissage pour produits alimentaires liquides et à laquelle la licence en question avait été cédée en 1983, et b) Pak Center Limited (Royaume-Uni), qui a pour principale activité de fournir des services techniques au groupe Liquipak. Tetra n'a pas acquis Novus Corp NV (Antilles néerlandaises), qui faisait partie du groupe Liquipak et qui était le titulaire original de la licence octroyée par le NRDC, licence qui fait l'objet de la présente procédure. Novus Corp avait toutefois cédé en 1983 sa licence aux sociétés que Tetra a acquises par la suite.
b) La licence, la reprise et le transfert
(6) Avec effet à partir du 27 août 1981, NRDC a octroyé à Novus Corp (une société membre du groupe Liquipak) une licence pour les brevets et le savoir-faire afférents au procédé de remplissage décrit ci-après. La licence est valable dans les pays où les brevets avaient été obtenus pour la durée des brevets sur lesquels elle est basée. À l'heure actuelle, des brevets (arrivant à expiration en 2 000) ont été octroyés, à l'intérieur de la CEE en Irlande, en Espagne et en Belgique, et en dehors de la CEE en Australie, au Canada, en Inde, au Japon et aux États-Unis d'Amérique. Une demande de brevet est à l'examen en Italie. Aucune demande de brevet n'a été introduite au Danemark, au Luxembourg, au Portugal et en Grèce. Une demande de brevet a également été présentée au titre de la convention sur le brevet européen pour le Royaume-Uni, l'Autriche, la France, la république fédérale d'Allemagne, les Pays-Bas, la Suisse et la Suède. Bien que le brevet soit sous opposition, l'Office des brevets n'a pas encore tranché le litige. Les demandes américaines et japonaises ont toutefois déjà été examinées et acceptées. En conséquence, BTG considère que les perspectives d'une issue favorable à la demande de brevet européen sont bonnes. La licence octroyée par NRDC est exclusive jusqu'au 27 août 1988. Toutefois, il a été convenu que le donneur de licence considérerait favorablement une demande de prorogation de la période d'exclusivité à condition que le licencié ait fait son possible pour accéder à la demande et qu'une telle prorogation n'enfreigne pas l'article 85. NRDC s'est réservé le droit de revoir les conditions de la licence dans le cas d'une reprise du licencié qui serait susceptible d'aller à l'encontre de l'intérêt public. La licence concédait le droit d'octroyer des sous-licences. Une redevance de 1,05 % doit être payée pour tout produit licencié vendu, avec un montant minimum fixe payable chaque année. Un montant minimum fixé moins élevé est payable durant toute période de non-exclusivité. Si ce montant minimum n'est pas payé, le donneur de licence peut mettre fin à la licence.
(7) Par lettre du 3 octobre 1986, BTG, en tant que successeur de NRDC, n'a pas soulevé d'objections au transfert de la licence à Tetra à la suite de son acquisition de Liquipak International. Par cette lettre, Tetra a été en mesure de finaliser la reprise décrite ci-dessus. Cette même lettre annonçait également que des négociations auraient lieu notamment sur la question de la prorogation de l'exclusivité de la licence après son expiration en 1988. (1)
(8) Par lettre du 26 novembre 1987, c'est-à-dire après la communication des griefs par la Commission (le 3 mars 1987) et après l'audition (le 25 juillet 1987) Tetra annonça à la Commission qu'il avait décidé d'abandonner tout droit à l'exclusivité sur la licence de BTG et qu'aucune extension de cette exclusivité pour la période postérieure au 27 août 1988 ne serait négociée. Par lettre du 22 avril 1988, BTG informait la Commission de ce qu'il avait commencé à négocier avec Elopak et Tetra la conclusion d'un accord de licence non exclusive. Cependant, Tetra et BTG ont déclaré qu'ils auraient préféré la continuation d'une licence exclusive. Les deux parties ont précisé que l'abandon de l'exclusivité était seulement dû à la position adoptée par la Commission dans la communication des griefs. Tetra considère toujours qu'il ne détenait pas de position dominante, qu'il n'avait pas commis d'abus au sens de l'article 86, qu'il n'avait pas enfreint l'article 85 paragraphe 1 et qu'il bénéficiait de l'exemption prévue à l'article 85 paragraphe 3 en vertu du règlement (CEE) no 2349/87 (voir infra, appréciation juridique).
c) Le contexte technologique
(9) La technologie faisant l'objet du brevet NRDC concerne un procédé de stérilisation qui est décrit ci-après (point 13). En vertu des clauses de la licence, Tetra détenait une licence exclusive pour exploiter et développer la technologie aux fins de fabriquer, de remplir, de sceller, d'utiliser, de vendre ou de commercialiser autrement des emballages aseptiques laminés en papier et/ou en carton (dénommés ci-après « cartons ») destinés à contenir du lait ou des jus de fruits ou tous autres produit alimentaire ou boisson (2).
(10) Étant donné que le lait représente la plus grande partie des liquides ou produits alimentaires conditionnés en cartons (environ 90 % des emballages en carton sont destinés à être utilisés pour le conditionnement de produits laitiers), la description du marché du produit considéré et de la technologie y afférente sera concentrée sur la situation relative au lait. Dans les cas où le produit ou la technologie concernant d'autres liquides, particulièrement les jus de fruits, ou d'autres produits alimentaires sont fondamentalement différents, il en sera fait mention. Le lait (en cartons) est normalement vendu sous une des deux formes suivantes: il est soit pasteurisé (frais), soit traité par UHT (ultra-haute température), c'est-à-dire aseptisé. Une description de ces deux procédés est donnée ci-après car elle est nécessaire pour comprendre la technologie en question et pour définir le marché concerné. Dans les deux cas, les cartons d'emballage sont fabriqués à partir d'un carton de base dont le poids et l'épaisseur diffèrent en fonction de la spécification requise. Il convient de noter que l'emballage en carton représente généralement moins de 10 % du prix de vente au détail du lait conditionné en cartons, et même moins pour la plupart des autres liquides qui sont conditionnés en cartons et qui ont généralement une valeur plus élevée que celle du lait.
(11) Lait pasteurisé ou frais
Dans ce cas, les emballages en carton sont revêtus de polyéthylène. Le lait pasteurisé est généralement vendu en cartons en forme de pignon (« gable-top ») qui peuvent être aisément ouverts, l'ouverture ainsi pratiquée faisant office de bec verseur. Toutefois, il arrive également que le lait pasteurisé soit vendu en cartons en forme de brique (voir description ci-après). La machine de remplissage forme les emballages individuels à partir de cartons aplatis, les remplit de lait pasteurisé (3) et en assure le scellement. Les cartons en forme de brique de Tetra sont fournis en rouleaux continus plutôt que sous forme de cartons individuels. Tetra est également en train de développer un procédé permettant de fournir sa gamme « Rex » de cartons en forme de pignon en rouleaux continus comme des cartons « Tetrabrik » (voir ci-après). Bien que la propreté soit évidemment importante, le degré requis pour les conditions aseptiques et la préstérilité des cartons n'est cependant pas aussi élevé que pour les cartons destinés à contenir du lait UHT. Le lait pasteurisé conditionné de cette façon a une durée de conservation de plusieurs jours.
(1) JO no 13 du 21. 2. 1962, p. 204/62.
(2) JO no L 219 du 16. 8. 1984, p. 15.
(3) JO no 127 du 20. 8. 1963, p. 2268/63.
(1) En 1982, Novus a accordé deux sous-licences à Elopak autorisant ce dernier à utiliser le procédé breveté avec les machines de Liquipak que Elopak distribuait. Il existe un désaccord entre Tetra et Elopak au sujet de la terminaison de ces deux sous-licences à la suite de la terminaison des accords de distribution entre Liquipak et Elopak. Cependant, cette question n'a pas d'importance par rapport au cas présent et n'affecte nullement l'exclusivité dont bénéficie Tetra, car ces souslicences portaient seulement sur l'utilisation de la technologie de BTG et non sur la fabrication de machines au moyen de cette technologie.
(2) NRDC n'a pas octroyé de licence pour sa technologie pour la stérilisation d'autres matériaux ou pour d'autres utilisations qui pourraient être développées. À l'heure actuelle, toutefois, la technologie a été principalement utilisée pour stériliser les emballages en carton destinés au conditionnement de produits alimentaires liquides.
(3) Le lait pasteurisé est chauffé à 70 °C (pendant 15 secondes) et ensuite refroidi. Ce procédé détruit bon nombre de bactéries nocives, tout en n'altérant pas son goût ni son onctuosité.
(12) Lait traité par UHT et emballé dans des conditions aseptiques
Dans ce cas, le carton est revêtu en outre d'une feuille d'aluminium. Le lait est traité par UHT, ce qui implique qu'il soit porté rapidement à haute température (environ 140 °C) et ensuite refroidi rapidement. Ce procédé tue toutes les bactéries nocives. Le lait est immédiatement conditionné par des machines spéciales, dans des conditions aseptiques strictes, en cartons qui doivent être stérilisés par ces machines immédiatement avant le remplissage et qui sont ensuite scellés. Le lait UHT conditionné dans de tels emballages a une durée de conservation de plusieurs mois. Le non-respect de conditions aseptiques strictes ou tout défaut dans le processus de stérilisation des cartons avant leur remplissage donnerait, en raison du développement rapide des bactéries, un produit avarié, voire dangereux.
(13) En dehors de la technologie en cours de développement concédée sous licence par BTG, il existe des machines disponibles dans le commerce qui réalisent la stérilisation des cartons de conditionnement du lait à l'aide d'une combinaison de peroxyde d'hydrogène concentré (H2O2) et de chaleur, le peroxyde d'hydrogène concentré stérilisant les cartons et la chaleur servant tout à la fois à sécher les cartons de tout résidu de peroxyde et à maintenir les conditions aseptiques. Seules Tetra et PKL (une filiale du groupe allemand Rheinmetall AG) ont mis au point des machines techniquement acceptables qui sont commercialisées à grande échelle dans la CEE pour le conditionnement en cartons du lait, des liquides ou des produits alimentaires sous procédé aseptique. Certaines autres entreprises sont toutefois en train de développer des machines pour le conditionnement aseptique du lait en cartons, lesquelles sont toutes basées sur une technique de stérilisation similaire. Ces machines sont soit des prototypes nécessitant encore une mise au point technique, soit des machines ne convenant pas pour le lait, soit encore des machines non commercialisées dans la CEE pour diverses autres raisons.
(14) Le lait UHT est généralement distribué en cartons en forme de brique, qui doivent généralement être ouverts à l'aide d'un ustensile coupant et qui ne sont pas d'un maniement aussi aisé que les cartons en forme de pignon (1). Les cartons en forme de brique de Tetra Pak (« Tetrabrik ») sont fournis en rouleaux continus. Le carton n'est mis en forme et scellé qu'au moment de son remplissage (un procédé breveté). Ceci signifie que la stérilisation du carton a lieu lorsque celui-ci est seulement composé d'une surface plate, ce qui rend le séchage du peroxyde d'hydrogène résiduel aisé. Le carton en forme de brique de PKL (« Combibloc ») est, à l'instar des cartons en forme de pignon pour lait pasteurisé, fourni sous forme de cartons préformés aplatis individuels ne nécessitant que le scellement après remplissage. La stérilisation doit se faire une fois que le carton a reçu sa forme de base et que seule la partie supérieure est ouverte.
Ces cartons fermés présentent l'inconvénient de rendre le séchage du peroxyde d'hydrogène plus difficile que pour les rouleaux ouverts et aplatis « Tetrabrik ». Dans la CEE, les jus de fruits de longue conservation sont pour la plupart également traités par UHT et conditionnés sous procédé aseptique. En raison de leur acidité naturelle plus élevée et du fait que les jus de fruits contiennent moins de bactéries en leur état naturel que le lait, il est plus aisé d'atteindre le degré de stérilité requis pour le conditionnement aseptique dans les cartons destinés aux jus de fruits traités par UHT que dans ceux destinés au lait, tout en assurant néanmoins une durée de conservation de plusieurs mois. Il s'ensuit donc qu'une technologie de stérilisation et une machine de conditionnement peuvent convenir à la conservation de longue durée des jus de fruits mais non à celle du lait. Tant les techniques et machines de stérilisation de Tetra que celles de PKL conviennent pour le conditionnement du lait et pour celui des jus de fruits. En revanche, certaines machines de conditionnement pour liquides UHT en cours de développement ou actuellement disponibles sur le marché ne conviennent pas pour le lait, tout en étant parfaitement bien adaptés aux jus de fruits (2).
(15) Technologie BTG
La technologie qui faisait l'objet de la licence octroyée par BTG à Novus (et qui fut après transférée à Tetra lorsqu'il a acquis le groupe Liquipak) est basée sur la synergie de la lumière ultraviolette (UV) et du peroxyde d'hydrogène. Le procédé est breveté (jusqu'à l'an 2000). Du fait que la lumière UV renforce puissamment les propriétés stérilisantes du peroxyde d'hydrogène, le brevet revendique qu'il faut beaucoup moins de peroxyde pour réaliser les mêmes effets de stérilisation qu'en cas d'utilisation du seul peroxyde d'hydrogène concentré. Le fait que seulement une faible solution de peroxyde d'hydrogène est utilisée rend cette nouvelle technologie BTG idéalement adaptée à la stérilisation de cartons préformés tels que les cartons en forme de pignon d'Elopak ou les cartons « Combiblock » de PKL, étant donné que le processus de séchage n'est pas aussi délicat qu'en cas d'utilisation de peroxyde d'hydrogène concentré.
(16) Une fois acquise la technologie pour le procédé de stérilisation de base des cartons, qu'il s'agisse de peroxyde d'hydrogène concentré ou d'une faible solution de peroxyde d'hydrogène combinée à de la lumière UV, des travaux de développement considérables tant au niveau de la machine de remplissage qu'en ce qui concerne l'emballage en carton seront encore nécessaires afin d'être en mesure de produire des machines fiables qui puissent exploiter la technologie et remplir et sceller des cartons spécifiques avec des résultats satisfaisants dans les conditions rencontrées dans les laiteries. Le développement de tels machines et cartons nécessite non seulement un savoir-faire considérable, mais peut donner lieu à de nouveaux droits de propriété intellectuelle tant pour les machines que pour les cartons qui peuvent être remplis à l'aide de celles-ci. Dans le cas de la machine de remplissage aseptique Liquipak, qui est conçue pour des cartons en forme de pignon (1), non seulement des brevets existent pour le procédé de stérilisation de base qui fait l'objet de la licence octroyée par BTG, mais Liquipak a également obtenu des brevets tant pour les machines que pour les cartons. Tetra est à présent le propriétaire de ces brevets pour machines et cartons.
(17) Bien que, au moment de l'obtention de sa licence de NRDC, Liquipak ait été un fabricant expérimenté de machines pour le conditionnement de lait pasteurisé en cartons, il n'était pas capable de reproduire immédiatement une machine de conditionnement aseptique incorporant cette nouvelle technologie. Liquipak a en fait dépensé des sommes considérables et consacré plusieurs années à des travaux visant à développer une machine acceptable. Elopak, qui était le distributeur exclusif de Liquipak dans la CEE pour ses machines de conditionnement du lait pasteurisé (et également pour toute machine à développer pour le lait UHT), a également contribué pendant une période considérable au développement d'une machine de remplissage aseptique pour lait UHT. Ce soutien revêtait la forme de mise à la disposition de laiteries de machines de remplissage et de fournitures à prix réduit ou à titre gratuit de cartons et d'autres services connexes. Liquipak a en fait installé plusieurs machines de conditionnement aseptique dans la CEE - la 820 A - par l'entremise d'Elopak, son distributeur. Elopak était apparemment satisfait de la technologie de stérilisation BTG et considérait qu'elle permettait de vendre du lait par un système de distribution non réfrigéré tout en lui assurant une durée de conservation raisonnable. Elopak maintient que la technologie de stérilisation BTG offre une alternative fiable au système « Combibloc » de PKL en termes de performance aseptique. En outre, Elopak considérait que la technologie BTG, avec sa faible concentration de peroxyde d'hydrogène, était idéalement adaptée à ses cartons en forme de pignon préformés (dans lesquels il a le plus de savoir-faire et a concentré ses efforts de développement), du fait qu'il y a moins de risques de résidus de peroxyde d'hydrogène résiduel. C'est la raison pour laquelle Elopak était désireux de contribuer au développement d'une machine de remplissage aseptique « Liquipak » acceptable.
(18) Bien qu'Elopak fût satisfait de la stérilisation obtenue au moyen de la technologie BTG incorporée dans la Liquipak 820 A, il considérait qu'il était nécessaire d'apporter des raffinements supplémentaires à certaines fonctions mécaniques de la machine afin d'améliorer sa fiabilité dans des conditions normales de fonctionnement. Une version améliorée de la 820 A, destinée à éliminer ces faiblesses mécaniques, avait été développée en vue de sa présentation au salon international de l'équipement laitier de Paris de 1986 et de sa distribution commerciale. Cette version améliorée n'a pas fait l'objet de tests approfondis dans les conditions rencontrées dans les laiteries, du fait que, juste avant ledit salon de l'équipement laitier, Tetra a annoncé sa reprise de Liquipak. Dans ces circonstances, Elopak n'était pas désireux de vendre et de fournir les soutiens technique et logistique nécessaires pour des machines dont il savait qu'elles devenaient la propriété de son principoal concurrent, Tetra.
(19) Tetra, en revanche, soutient que des travaux de recherche supplémentaires sont nécessaires au niveau de la mise en oeuvre de la technologie BTG en vue d'améliorer ses propriétés de stérilisation et de la rendre ainsi propre au conditionnement, exempt de toute bactérie nocive, de lait à longue conservation. Ces travaux supplémentaires de développement de la technologie de base nécessiteront, selon Tetra, un investissement financier considérable de sa part.
(20) Outre la technologie de stérilisation actuellement utilisée par Tetra et PKL et qui a été développée par BTG, il existe de nombreuses autres méthodes de stérilisation actuellement utilisées pour le conditionnement des produits alimentaires solides et liquides (UHT) de longue conservation dans une vaste gamme de types d'emballages (par exemple sachets, gobelets et bouteilles en matière plastique). La plupart de ces méthodes de stérilisation sont, pour des raisons techniques, impropres ou inadaptées à un conditionnement dans des emballages à base de carton. D'autres méthodes de stérilisation, qui techniquement seraient susceptibles d'être adaptées à des emballages à base de carton, n'ont pas été développés au-delà du stade de prototypes ou demeurent encore de simples possibilités théoriques.
(21) Les seules machines de conditionnement aseptique en cartons qui soient techniquement acceptables et commercialement disponibles dans la CEE pour le lait traité par UHT sont les machines Tetra et PKL,
qui sont toutes deux basées sur des méthodes de stérilisation similaires. Les machines mises au point par Liquipak et incorporant la nouvelle technologie BTG ont été développées jusqu'au stade où Elopak considérait qu'elles pouvaient être exploitées commercialement. Les autres machines capables de conditionner du lait UHT sous procédé aseptique ne sont pas disponibles dans la CEE (1) et/ou ne sont que de simples prototypes non encore exploités commercialement. En tout état de cause, la plupart de ces autres machines sont basées sur la même méthode de stérilisation que celle utilisée par Tetra et PKL, qu'Elopak considère comme convenant bien aux cartons fournis en rouleaux continus (tels que les cartons « Tetrabrik ») mais qui est moins bien adaptée aux cartons en forme de pignon du type de ceux pour lesquels Elopak a de l'expérience.
d) Position des parties sur le marché
(22) Seules Tetra Pak et PKL ont, dès lors, des machines de conditionnement de lait en cartons sous procédé aseptique qui, à l'heure actuelle, soient commercialement exploitées sur une certaine échelle dans la CEE. Toutefois, étant donné que la technologie BTG, à laquelle s'ajoute le savoir-faire de Liquipak, permet à Tetra en particulier d'adapter ses cartons « gable top » (les cartons « Tetrarex » ne sont actuellement utilisés que pour le conditionnement des produits frais) au conditionnement aseptique de liquides traités par UHT - un avantage que ne possèdent pas actuellement ses concurrents -, la position de Tetra sur le marché ne peut qu'en être renforcée. On trouvera aux tableaux I et II de l'annexe des estimations de la part de marché de Tetra pour les machines et les cartons, ainsi que des comparaisons concernant le conditionnement du lait frais. Il convient de noter que la part de marché de Tetra Pak, aussi bien pour les machines que pour les cartons destinés au conditionnement aseptique des liquides, est très élevée (respectivement 91,8 % et 89,1 % dans la CEE) et forte dans chaque État membre. Encore ces simples chiffres concernant sa part de marché peuvent-ils sous-estimer sa puissance réelle. En effet, en raison de certains avantages techniques du procédé Tetrapak décrits ci-dessus (fourniture de cartons en rouleaux continus permettant un séchage plus aisé du peroxyde d'hydrogène), les ventes de PKL (2) ont généralement été confinées à son marché intérieur d'Allemagne ou limitées à des emballages spéciaux (par exemple des jus de fruits en petits emballages de 20 centilitres) ou à des emballages dont la valeur du contenu est telle que le coût de l'emballage devient infime.
(23) À la connaissance de la Commission, seul Tetra fournit des cartons pour ses propres machines et il n'y pas d'entreprises, du moins dans la CEE, qui fournissent des cartons pour les machines de conditionnement aseptique de Tetra. De même, seuls PKL ou ses licenciés fournissent des cartons pour leurs machines de conditionnement aseptique. Il convient de noter que l'essentiel des recettes et des profits est réalisé sur la fourniture de cartons et non sur la fourniture des machines de conditionnement elles-mêmes. Une machine de conditionnement a normalement une durée de vie de plusieurs années, pendant lesquelles elle traite des dizaines de millions de cartons. Les principales barrières techniques à l'accès au marché résident toutefois dans la production et l'entretien des machines de conditionnement aseptique. Ceci requiert non seulement une technologie de stérilisation adéquate pour les cartons, mais aussi un savoir-faire et une expérience considérables. Cette technologie et ce savoir-faire sont nécessaires pour produire une machine fiable capable à la fois de fonctionner de manière continue et d'assurer un environnement aseptique pour le lait. Seules de telles machines permettent de produire les liquides conditionnés ayant la qualité et la durée de conservation nécessaires. Même si la technologie de stérilisation de base utilisée par Tetra et PKL n'est plus protégée par un brevet, il est toujours difficile pour un fabricant de machines de conditionnement du lait de produire des machines de conditionnement aseptique qui soient commercialement acceptables. Même Liquipak, en dépit de sa vaste expérience en matière de fabrication de machines de conditionnement de produits liquides frais, a été obligé de consacrer des ressources financières considérables et de nombreuses années à des travaux visant à mettre au point une machine de conditionnement aseptique acceptable qui incorpore la nouvelle technologie de stérilisation BTG. Un certain nombre d'entreprises (en particulier des entreprises situées hors de la CEE) s'efforcent actuellement de développer des machines de conditionnement aseptique. Outre les barrières techniques auxquelles se heurte un tel développement, il pourrait être difficile à ces entreprises d'éviter d'enfreindre certains brevets détenus par Tetra et PKL dans la CEE dans ce domaine, en particulier en ce qui concerne les cartons en forme de brique (3).
(24) Les barrières techniques auxquelles se heurte la fabrication de cartons destinés à être utilisés pour le conditionnement aseptique de liquides sont moins difficiles à surmonter que celles rencontrées pour la production de machines de conditionnement aseptique, encore qu'un certain savoir-faire soit en fait nécessaire. Les principales barrières à l'entrée sur ce marché sont créées par le fait que les producteurs de machines aseptiques semblent lier la vente des
machines à celle des cartons. En outre, il peut y avoir, dans la CEE, certaines protections effectives résultant de brevets pour tout carton susceptible d'être utilisé sur des machines aseptiques fournies par Tetra et PKL. Enfin, il convient de mentionner que les laiteries, même lorsqu'elles disposent d'une liberté totale du choix, préfèrent souvent que le distributeur de la machine de conditionnement fournisse également les cartons afin d'éviter que des ruptures ou un mauvais fonctionnement (qui peuvent s'avérer extrêmement coûteux en termes de pertes de production) ne donnent lieu à des litiges concernant les responsabilités respectives du fabricant de la machine et de celui des cartons.
(25) On peut conclure de ce qui précède que la clé pour accéder au marché de la fourniture des cartons destinés au conditionnement des liquides alimentaires de longue conservation réside dans la capacité de fournir des machines de conditionnement aseptique de ces cartons. Les barrières techniques à l'entrée sont beaucoup plus difficiles à surmonter pour les machines que pour les cartons, étant donné que le fabricant de la machine doit non seulement avoir une technique de stérilisation adéquate pour les cartons, mais doit également être en mesure d'incorporer cette technique dans une machine de remplissage capable non seulement de fonctionner de manière continue à haute vitesse et de manière fiable dans les conditions rencontrées dans les laiteries, mais aussi de maintenir un environnement aseptique/stérile. Ce n'est que dans ces conditions que les produits conditionnés peuvent avoir la durée de conservation requise et être exempts de bacteries nocives.
B. APPRÉCIATION JURIDIQUE
I. Description sommaire du champ d'application juridique de la présente décision
(26) La présente décision concerne la licence entre NRDC (devenu BTG) et Novus Corp (attribuée ultérieurement à Liquipak International BV) dans la mesure où, du fait de l'accord conclu en 1986 entre BTG et Tetra, cette licence a été transférée à Tetra. Ce transfert a permis à Tetra de finaliser la reprise du groupe Liquipak dont fait partie Liquipak International BV.
(27) Il est considéré que le groupe Tetrapak a abusé, au sens de l'article 86, de sa position dominante sur le marché des machines et de la technologie utilisée pour remplir les cartons sous conditions aseptiques de liquides traités par UHT, et spécialement de lait. Il a commis cet abus en acquérant Liquipak, ce qui lui a permis de devenir l'utilisateur exclusif de la technologie couverte par la licence délivrée par BTG, empêchant de la sorte Elopak de pénétrer sur le marché du conditionnement aseptique ou retardant au moins substantiellement cette pénétration. Simultanément, Tetra renforçait sa propre position sur ce marché, en acquérant un droit d'exclusivité sur la technologie BTG qui constitue l'une des rares alternatives susceptibles d'être utilisées avec des cartons stérilisés selon les techniques de Tetra. Une telle technique de stérilisation est un élément essentiel, sinon suffisant, pour produire des machines de conditionnement aseptique. Ces abus ont, au minimum, duré depuis le moment où Tetra a acquis la licence exclusive jusqu'à la date à laquelle il a renoncé à cette exclusivité.
(28) Il est également considéré que, au moins depuis la reprise du groupe Liquipak par Tetra et le transfert de la licence exclusive, et jusqu'à ce que Tetra Pak ait renoncé à toute exclusivité, l'exclusivité de la licence entrait dans le champ d'application de l'article 85 paragraphe 1. Étant donné que cette licence ne contenait pas, pendant cette période, de restrictions allant au-delà de celles décrites dans les articles 1er et 2 du règlement (CEE) no 2349/84, l'exemption automatique prévue dans ce règlement lui était applicable à ce moment. Toutefois, il est considéré que les conditions énoncées à l'article 85 paragraphe 3 n'étaient pas remplies pour la licence exclusive. En conséquence, si Tetra Pak n'avait pas renoncé à toute exclusivité, la Commission aurait retiré cette exemption et déclaré que l'exclusivité de la licence en question constituait une infraction à l'article 85 paragraphe 1.
II. Le marché concerné
Il est nécessaire de définir le marché concerné, non seulement aux fins de l'appréciation au regard de l'article 86, mais également pour examiner la licence exclusive au regard de l'article 85 paragraphe 1, et spécialement pour déterminer si les conditions d'application de l'article 85 paragraphe 3 sont remplies.
(29) Les marchés sur lesquels Tetra Pak participe à la concurrence sont, premièrement, celui de la fourniture de machines incorporant la technologie de stérilisation des cartons, qui peuvent être utilisées pour remplir ces cartons sous conditions aseptiques de liquides traités par UHT, et, deuxièmement, celui de la fourniture de cartons pour ces machines. Pour les raisons indiquées dans l'exposé des faits, le marché de la fourniture des machines est celui avec des barrières à l'entrée plus élevées et qui constitue la clé ouvrant l'accès au marché des cartons. Le gros des cartons (presque 90 %), qu'ils soient destinés à contenir des liquides aseptisés ou des liquides frais, est utilisé pour le lait ou pour des produits à base de lait. Il convient d'examiner dans quelle mesure les cartons destinés à contenir du lait aseptisé et ceux destinés à contenir du lait frais et les machines de conditionnement qui y sont associées peuvent être substitués les uns aux autres, et dans quelle mesure d'autres formes de conditionnement du lait et les machines qui y sont associées (seules les bouteilles en verre et en plastique présentent une certaine importance) peuvent les remplacer, afin de vérifier si le marché concerné a été correctement délimité.
(1) Tetra commence à commercialiser des cartons en forme de brique munis d'une languette d'ouverture amovible par simple traction, ce qui évite de devoir couper ces cartons.
(2) Des jus de fruits susceptibles d'être conservés plusieurs mois peuvent également être conditionnés, à l'aide d'un procédé de remplissage à chaud, dans des cartons revêtus d'aluminium. Le jus de fruits est chauffé, mais à une température moins élevée que le lait UHT, et est versé directement dans les cartons. Une stérilisation complète des cartons n'est pas nécessaire, car le procédé de remplissage à chaud, combiné à l'acidité naturelle des jus de fruits et à leur conservabilité, assure une durée de conservation de plusieurs mois. Ce procédé ne nécessite pas une machine de remplissage aseptique. Le savoir-faire pour fabriquer des machines de remplissage à chaud ne suffit pas pour permettre à un fabricant de fabriquer des machines de conditionnement aseptique du lait. Il n'est pas possible d'obtenir du lait de longue conservation à l'aide de ce procédé de remplissage à chaud.
(1) Les machines développées pour sceller des cartons en forme de pignon ne permettent normalement pas de sceller des cartons en forme de brique. Même pour une machine « pignon » ou une machine « brique », les cartons doivent être adaptés en fonction de la machine particulière.
(1) Il est possible que certaines de ces machines ou les cartons qu'elles traitent enfreignent les brevets de Tetra dans la CEE. Le procédé par lequel les machines Tetra et PKL plient les cartons en forme de brique pour former une partie supérieure ou une partie inférieure est breveté aussi bien par Tetra que par PKL. Ce procédé pour la partie supérieure paraît être presque identique dans le cas de Tetra et de PKL (voir les accords entre Tetra et PKL du 17 mai 1978 et du 16 décembre 1985).
(2) Le licencié de PKL (Bowater) est pris en compte dans le tableau I de l'annexe.
(3) Le fait que la méthode de stérilisation de base utilisée par Tetra et par PKL n'est plus protégée par des brevets ne modifie en rien cette situation.
La possibilité de substitution par d'autres formes de conditionnement et les machines de conditionnement qui y sont associées pour les liquides autres que le lait qui sont conditionnés en cartons (principalement le vin, l'eau et les jus de fruits) doit également être examinée, afin de vérifier si le marché concerné a été correctement délimité.
Conditionnement du lait
(30) Les bouteilles en verre, les bouteilles plastique, les sacs plastique, les cartons pour le lait aseptisé et les cartons pour le lait frais peuvent tous être considérés comme faisant partie du marché du conditionnement du lait au sens large. Chaque forme de conditionnement avec les machines qui y sont associées, souvent avec sa propre technologie, constitue toutefois un marché distinct avec ses conditions spécifiques d'offre et de demande. Les marchés des machines de conditionnement aseptique du lait et des cartons qui y sont associés sont les marchés concernés du point de vue de la politique de concurrence (examen au regard des articles 85 et 86), étant donné qu'il peut être démontré que seuls d'autres fabricants de ces produits peuvent à court terme livrer une concurrence efficace. Les producteurs de machines de conditionnement aseptique du lait et des cartons qui y sont associés sont à l'abri de toute atteinte éventuelle à leur pouvoir de marché qui pourrait résulter:
- soit d'une substitution au niveau de la demande (les consommateurs ne passent pas indifféremment du lait conditionné selon un procédé aseptique UHT à d'autres types de lait) (1),
- soit d'une substitution au niveau de l'offre (les constructeurs d'autres types de machines de conditionnement du lait ne peuvent pas pénétrer facilement sur le marché des cartons et machines de conditionnement aseptique) (2).
Comme on le montrera plus tard, l'absence de possibilité de substitution au niveau de la demande et de l'offre se traduit par le fait qu'une augmentation faible mais significative du prix des emballages (ou des machines) aseptiques n'entraînera pas de baisse importante et immédiate de la demande de ces emballages (ou de ces machines) allant de pair avec une augmentation correspondante de la demande des autres types d'emballages (ou de machines), et n'encouragera pas plus une entrée immédiate de nouveaux producteurs sur le marché. Cette absence de sensibilité au prix tant de la demande que de l'offre de cartons et machines de conditionnement aseptique permet aux fabricants de ces produits d'agir sans tenir compte des consommateurs et des producteurs d'autres matériaux d'emballage et de machines. Dans ces circonstances, seuls les fabricants d'autres cartons et machines de conditionnement aseptique sont en mesure, le cas échéant, d'entamer effectivement le pouvoir économique substantiel dont bénéficierait autrement chacun de ces fabricants. Le critère de l'élasticité des prix résume les différents paramètres qui déterminent les limites d'un marché concerné (par exemple produits substituables physiquement ou techniquement, préférences des consommateurs, facilité pour des nouvelles entreprises ou des nouveaux produits de pénétrer le marché, etc.). Lorsqu'une ou plusieurs entreprises dominent un marché concerné ainsi défini, on peut considérer qu'elles jouissent d'un pouvoir économique non contesté par le risque d'une concurrence réelle ou effective. La Cour a toujours affirmé que c'est le degré d'indépendance économique d'une entreprise qui détermine s'il y a ou non position dominante (3). Dans les circonstances de cette affaire, le critère de l'élasticité des prix est un critère approprié pour la raison qu'il permet de déterminer s'il existe ou non une position dominante au regard des règles de concurrence. Les raisons qui permettent de conclure qu'il existe une position dominante peuvent se résumer comme suit:
1) A b s e n c e d e s u b s t i t u t i o n a u n i v e a u d e l a d e m a n d e
- les différents types de conditionnement du lait et les machines qui y sont associées ne représentent qu'une faible part du prix de revient du lait au détail,
- les différents types de conditionnement et les différents types de lait auxquels ils sont généralement associés présentent des propriétés différentes, ce qui conduit les consommateurs à les considérer comme n'étant pas absolument interchangeables.
2) A b s e n c e d e s u b s t i t u t i o n a u n i v e a u d e l' o f f r e
- Les conditions de l'offre sont différentes pour chaque type de conditionnement et des machines qui y sont associées. Il n'est pas réellement possible à un producteur de passer aisément d'un type donné de conditionnement ou de machines à un autre (4),
- les laiteries et les réseaux de distribution devraient se rééquiper à grands frais pour pouvoir passer d'un type de lait et de cartons à un autre.
ABSENCE DE SUBSTITUTION AU NIVEAU DE LA DEMANDE
Les conditionnements et les machines qui y sont associées ne représentent qu'une faible part du prix du lait
(31) Tous les types de conditionnement du lait à l'exception des bouteilles en verre consignées, comme par exemple les cartons de lait aseptisé, les cartons de lait frais et les bouteilles plastique, ne représentent qu'une part relativement faible du prix de détail du lait (moins de 10 %). Cela s'applique également aux bouteilles en verre consignées lorsqu'elles sont amorties, comme c'est normalement le cas, par un grand nombre de réutilisations. En conséquence, même des variations significatives des prix relatifs de ces conditionnements (± 10 %) n'entraîneront pas de modifications appréciables du prix de vente au consommateur (± 1 %). Il s'ensuit que, sauf si le consommateur considère les différents conditionnements et leur contenu comme parfaitement interchangeables (ce qui n'est pas le cas - voir ci-après), même des variations significatives de prix des conditionnements ne sont pas susceptibles de modifier considérablement la demande finale. Bien que l'on ne dispose pas de chiffres précis, il est raisonnable de présumer que le coût de la machine de conditionnement doit représenter une part beaucoup plus faible du prix de détail du lait que les cartons eux-mêmes en raison de la durée de vie des machines et des conditions de commercialisation faites aux utilisateurs de ces machines. En conséquence, même de très grandes variations du prix des machines n'auront pas d'effet sensible à court ou à moyen terme sur le prix du lait pour les consommateurs.
Les différents types de lait et leur conditionnement ne sont pas considérés par les consommateurs comme parfaitement interchangeables
(32) Il existe trois manières différentes de traiter le lait: la pasteurisation (lait frais), le procédé UHT et la stérilisation (1). Chaque type de lait a un goût différent et des propriétés de conservation également différentes. Le lait frais est normalement plus cher que les autres types de lait étant donné qu'il ne peut pas être stocké longtemps. Il exige donc un système de distribution très rapide et très régulier et il existe toujours un risque de perte. En revanche, les consommateurs considèrent généralement qu'il a un meilleur goût. Les laits à longue conservation (UHT et stérilisé) peuvent être produits pendant les saisons au cours desquelles le lait est à meilleur marché et disponible en grandes quantités, pour être consommés plus tard lorsque le lait frais (la matière première) est plus cher. Le lait stérilisé peut être stocké plus longtemps que le lait UHT; il est habituellement moins cher, mais on considère généralement que son goût est moins bon. Ainsi, si les différents types de lait sont techniquement substituables les uns aux autres en ce sens qu'il s'agit d'un liquide ayant certaines propriétés nutritionnelles communes, les consommateurs ne les considèrent pas comme parfaitement interchangeables en raison des différences qu'ils présentent quant au goût et aux propriétés de conservation. La plupart des consommateurs ont une préférence pour un certain type de lait, et normalement cette préférence ne changera qu'à la suite soit d'une modification des habitudes de consommation, soit de variations significatives du prix de détail relatif des différents types de lait. En conséquences, même si les différents types de lait devaient se faire concurrence au point de pouvoir être considérés comme relevant du même marché (ce qui n'est pas certain), cela ne signifierait pas que les différents conditionnements relèveraient eux aussi du même marché. Des variations faibles mais significatives du prix relatif des différents conditionnements ne seraient pas suffisantes pour déclencher des substitutions entre les différents types de lait auxquels ils sont associés, étant donné que ceux-ci ne sont pas parfaitement interchangeables.
(33) Chaque type de lait est associé à certains types de conditionnement: bouteilles en verre, cartons en forme de pignon et dans une moindre mesure cartons en forme de brique pour le lait frais; cartons en forme de brique pour le lait UHT; bouteilles plastiques et dans une moindre mesure bouteilles en verre pour le lait stérilisé. Pas plus que les différents types de lait, les différents conditionnements contenant le même type de lait ne sont parfaitement interchangeables.
1. L a i t f r a i s
Étant donné que les bouteilles en verre doivent être consignées pour être économiques, un système de distribution spécial (généralement la livraison à domicile) est normalement nécessaire avec ce type de conditionnement. Les cartons en forme de pignon sont principalement réservés au lait frais distribué en magasin et ne concurrencent normalement pas directement les bouteilles en verre (2). De faibles variations du prix relatif du lait en bouteille par rapport au lait en carton ne provoqueraient pas de glissements importants et immédiats d'un type à l'autre en raison du service spécial et régulier associé à la livraison à domicile. Les cartons et les
bouteilles ne représentant qu'une faible part du prix de détail du lait, il faudrait une variation extrêmement forte des prix relatifs des cartons et des bouteilles pour provoquer une variation significative de ce prix de détail. En conséquence, les bouteilles et les cartons ne peuvent être considérées comme parfaitement interchangeables. Le lait frais peut aussi être conditionné en bouteilles en plastique et en sacs en plastique, mais cela ne se fait pas sur une échelle significative. Dans la plupart des États membres, de tels conditionnements ne sont généralement pas considérés par les consommateurs comme convenant au lait frais. Les marchés français et allemand font exception à cet égard, en ce sens que, en France, environ un tiers du lait frais est distribué en bouteilles en plastique et qu'en Allemagne environ 20 % sont distribués en sacs en plastique (1). Même si ces bouteilles et sacs plastiques, sont vendus à côté des cartons dans les supermarchés, cela ne signifie pas qu'une faible augmentation du prix des cartons par rapport aux bouteilles ou aux sacs amènerait les consommateurs à passer des uns aux autres, en particulier dans les autres États membres. Toutefois, même dans l'hypothèse peu probable où, en France et en Allemagne, le lait frais en cartons et le lait en bouteilles ou sacs en plastique seraient presque parfaitement interchangeables pour les consommateurs, cette substitution serait limitée aux pays où les consommateurs acceptent ce type de conditionnement pour le lait frais. Les cartons d'une part et les bouteilles et sacs en plastique d'autre part n'appartiendraient pas pour autant au même marché concerné, dans les autres États membres. Les parts de marché des différents producteurs, qui ont été donnés plus haut en ce qui concerne les cartons pour le lait frais, ne varieraient pas de manière appréciable et cela ne modifierait de toute façon pas la part que détient Tetra sur le marché des cartons et de la technologie pour le conditionnement du lait UHT (2).
2. L a i t U H T
Pratiquement tout le lait UHT est conditionné en cartons en forme de brique. La technologie utilisée pour ce type de conditionnement, développée initialement par Tetra Pak, convient idéalement au lait UHT. Les cartons en forme de pignon peuvent être utilisés pour le lait UHT, mais Tetrapak et PKL, qui produisent les cartons en forme de brique, n'ont pas adapté leurs machines de conditionnement respectives du lait UHT à ces cartons en forme de pignon (3). Elopak, qui est principalement un producteur de cartons en forme de pignon, ne disposait pas, jusqu'à la conclusion de l'accord de distribution avec Liquipak, d'une technologie UHT acceptable avec laquelle il aurait pu tenter de développer ce marché.
3. L a i t s t é r i l i s é
Étant donné que la stérilisation s'effectue dans l'emballage même, seules des bouteilles en verre ou en plastique peuvent être utilisées (4). La rigidité des cartons souffrirait de l'exposition nécessairement prolongée à la température élevée du traitement, ce qui exclut leur emploi pour ce type de lait.
Conclusion en ce qui concerne la substitution au niveau de la demande
(34) Au vu de ce qui précède, on peut conclure que les différents types de lait ne sont pas parfaitement interchangeables. De plus, chacun d'entre eux semble être associé, pour des raisons techniques mais aussi pour des raisons qui tiennent aux préférences des consommateurs, à certains types de conditionnement. Dans le cas du lait UHT, on ne trouve qu'une seule forme de conditionnement. Même si différents types de lait relevaient du même marché concerné, de très faibles variations du prix de détail de l'un d'entre eux ne provoqueraient pas de modification radicale des habitudes de consommation. Les conditionnements ne représentant qu'une faible part du prix de détail du lait, une modification faible mais significative du prix de ceux-ci ne modifierait pas sensiblement ce prix de détail et ne serait donc, en conséquence, pas suffisante pour déclencher une modification des habitudes de consommation. Cela est plus vrai encore pour les modifications des prix relatifs des machines de conditionnement du lait. En conséquence, l'élasticité croisée de la demande des différents types de conditionnement et de machines de conditionnement est faible. Du point de vue de la demande, les différents conditionnements du lait et leur technologie constituent donc des marchés séparés. Le prix de ces conditionnements et machines et la demande qui en découle ne sont pas hautement dépendants du prix d'autres conditionnements.
(35) Le fait que l'on constate certaines évolutions de base dans les préférences en faveur de certains types de conditionnement en raison des modifications dans les habitudes de consommation (par exemple, davantage d'achats dans les supermarchés qui préfèrent certains types de conditionnement pour des raisons de manutention et de stockage ou passage au lait de longue conservation pour des
raisons de commodité ou encore conviction croissante de la supériorité du lait frais sur le plan du goût et des propriétés) n'est pas incompatible avec la thèse selon laquelle les différents types de conditionnement peuvent être considérés comme appartenant à des marchés différents. Dans un marché arrivé à maturité comme celui du lait (c'est-à-dire un marché où la demande globale est relativement stable), si la demande en faveur d'un type de conditionnement et du type spécifique de lait qu'elle contient augmente, la demande d'un autre type de conditionnement doit nécessairement accuser une baisse correspondante. En raison tout à la fois de facteurs historiques et de différences nationales dans les habitudes, les goûts et les préférences, les tendances structurelles de la demande des différents types de conditionnement peuvent varier d'un État membre à l'autre. Au Royaume-Uni, par exemple, le lait frais est traditionnellement livré à domicile dans des bouteilles en verre. Bien que cette forme de livraison et de conditionnement soit encore prédominante, elle a légèrement décliné au profit du lait vendu en cartons dans les supermarchés. En Italie, bien que ce pays reste l'un des États membres où le lait UHT en cartons détient l'une des plus importantes part du marché, on a enregistré une augmentation des ventes de lait frais en cartons au détriment de lait UHT. Pour les raisons exposées plus haut, de telles modifications ne peuvent, dans une mesure appréciable, résulter de variations faibles mais significatives des prix relatifs des différents conditionnements, mais uniquement des évolutions structurelles de base du marché. Les différents types de conditionnement ne se substituent pas les uns aux autres sur la base des variations de leurs prix relatifs. Les variations de prix de chaque type de conditionnement sont dans une large mesure indépendantes du prix des autres types. Ces variations de la demande qui résultent de tendances structurelles et qui ne sont pas causées par des variations à court terme des prix relatifs ne permettent pas de conclure que les différents types de conditionnement font partie d'un même marché concerné.
ABSENCE DE SUBSTITUTION AU NIVEAU DE L'OFFRE
Les conditions de fourniture de chaque type de conditionnement et de machines sont différentes
(36) Chaque type de conditionnement du lait - bouteilles en verre, sacs en plastique, bouteilles en plastique et cartons - est produit par des sociétés différentes selon des technologies différentes. Les producteurs ne peuvent pas passer d'une forme de conditionnement à un autre sans acquérir de nouveaux équipements et un nouveau savoir-faire. Cela vaut également pour les producteurs d'équipements d'emballage et de remplissage. De plus, la technologie nécessaire pour construire des marchés de remplissage de cartons UHT est difficilement accessible. Toutefois, les producteurs de cartons pour lait frais pourraient assez facilement produire des cartons pour le lait UHT si des machines de remplissage appropriées étaient disponibles. L'inverse est vrai également, en ce sens que les producteurs de cartons UHT peuvent aisément produire des cartons pour lait frais, ce qu'ils font d'ailleurs; de même, un constructeur de machines UHT n'éprouve pas de grandes difficultés techniques à construire des machines de conditionnement pour lait frais. Toutefois, en raison des obstacles existant sur le plan technologique et en matière de brevets, un constructeur de machines pour lait frais ne pourrait pas facilement construire des machines pour lait UHT. Ainsi, et du fait également que les constructeurs de machines UHT lient généralement les ventes des machines et celles des cartons, il est difficile aux producteurs de cartons pour lait frais de pénétrer le marché des cartons UHT. De toute façon, les producteurs indépendants de cartons qui pourraient être utilisés sur des machines aseptiques Tetra ou PKL (qui sont actuellement les seules machines aseptiques commercialement disponibles dans la CEE), violeraient probablement les brevets de Tetra ou PKL.
Les laiteries qui voudraient changer de type de conditionnement devraient se rééquiper
(37) Pour une laiterie, le choix du type de système de conditionnement qu'elle utilisera constitue une décision d'investissement importante. Non seulement elle doit employer des machines d'emballage ou de remplissage propres au type de conditionnement choisi, mais elle doit aussi adapter à celui-ci les équipements coûteux de traitement du lait et de manutention et de stockage des conditionnements. Pour les bouteilles en verre, un système de distribution très développé et spécifique est indispensable pour permettre la réutilisation des bouteilles, ce qui exige également un équipement spécial de nettoyage. Lorsqu'une laiterie déterminée connaît la demande des consommateurs pour les différents types de lait, elle choisit l'équipement et le conditionnement qui conviennent à cette demande. Cet équipement a normalement une durée de vie économique et technique d'au moins dix ans. Même si une laiterie possède plusieurs types d'équipement pour différents types de lait, des variations du prix relatif des différents conditionnements ne l'amèneront pas à utiliser plus intensivement le système devenu moins coûteux au détriment du système devenu plus coûteux. La production de lait à court et à moyen termes est déterminée par la demande, et, pour les raisons indiquées plus haut, les consommateurs ne considèrent pas les différents types de lait et les conditionnements qui y sont associés comme suffisamment interchangeables pour modifier leur demande à la suite des variations du prix de détail du lait qui auraient été provoquées par des variations faibles mais significatives des prix du conditionnement ou des machines.
(1) Dans son arrêt « United Brands » (United Brands contre Commission, affaire 27-76, Recueil de la jurisprudence de la Cour, 1978, page 207), la Cour de justice a reconnu que le degré de possibilité de substitution au niveau de la demande de différents types de fruits était important pour délimiter le marché concerné du point de vue des règles de concurrence.
(2) Dans son arrêt « Continental Can » (Europemballage Corporation et Continental Can Company NV contre Commission, affaire 6/72, Recueil de la jurisprudence de la Cour, 1973, page 215), la Cour de justice a reconnu que la mesure de la possibilité de substitution au niveau de l'offre provenant soit de producteurs captifs soit de producteurs d'autres types de boîtes était importante pour délimiter le marché concerné du point de vue des règles de concurrence.
(3) Voir par exemple United Brands/Commission (voir ci-dessus).
(4) Il est à noter que, du point de vue technique, les producteurs de cartons pour lait frais n'éprouveraient sans doute guère de difficultés à fabriquer des cartons pour le lait UHT et vice-versa (voir explications et implications ci-après).
(1) Pour stériliser le lait, on le porte à une température inférieure à celle nécessaire pour le lait UHT, mais pendant beaucoup plus longtemps (à environ 120 °C pendant 30 minutes). La stérilisation garantit une conservation légèrement plus longue que le procédé UHT, mais on considère généralement que le lait UHT a un meilleur goût. La stérilisation ne peut être réalisée que dans l'emballage déjà scellé. Pour des raisons techniques, la stérilisation ne peut pas être réalisée dans les emballages en carton (voir ci-après).
(2) Dans certaines régions, par exemple en Italie, les bouteilles en verre ne sont pratiquement pas utilisées pour le lait frais, étant donné que l'infrastructure nécessaire pour la distribution n'existe pas.
(1) En France, le lait frais ne représente qu'un tiers environ de la consommation de lait, contre deux tiers dans l'ensemble de la Communauté. En Allemagne, le lait frais représente environ 60 %.
(2) Les sacs en plastique utilisés en Allemagne représentent environ 3 % de la quantité totale de lait frais consommé dans la Communauté et moins de 6 % de la quantité de lait frais vendue en cartons. Les chiffres de consommation de lait frais en bouteilles en plastique en France sont moins élevés.
(3) Tetra se propose, semble-t-il, d'utiliser la technologie BTG et les machines Liquipak pour ses cartons en forme de pignon (Tetra Rex), dont l'utilisation a jusqu'ici été limitée au conditionnement de liquides frais.
(4) Des boîtes métalliques sont également utilisées pour le lait concentré stérilisé, la stérilisation pouvant avoir lieu dans la boîte.
Conclusion en ce qui concerne la substitution au niveau de l'offre
(38) Au vu de ce qui précède, on peut conclure que le marché des emballages du lait et des machines de conditionnement qui y sont associées est divisé en plusieurs marchés distincts qui, à court et à moyen termes, ne se font concurrence que dans une mesure limitée.
De même, les marchés des machines de conditionnement en cartons du lait frais et du lait UHT doivent être considérés comme distincts. D'une part, l'accès à la technologie et au savoir-faire nécessaires pour construire des machines de conditionnement du lait ne permet pas de pénétrer sur le marché du conditionnement du lait UHT, dont la technologie est particulièrement difficile à maîtriser et qui est partiellement couvert par des brevets. En fait, les barrières à l'entrée sur le marché des machines de conditionnement aseptique sont particulièrement difficiles à surmonter, comme en témoignent les efforts longs et coûteux déployés par Liquipak et ceux déployés par d'autres producteurs de machines de conditionnement du lait frais en vue de développer des produits acceptables. En contrepartie, il serait relativement facile à un fabricant de machines de conditionnement de lait UHT de pénétrer sur le marché des machines de conditionnement du lait frais, étant donné qu'il ne peut y rencontrer aucun nouvel obstacle technique insurmontable.
Liquides autres que le lait
(39) Une faible part des cartons (un peu plus de 10 %) est utilisée pour le conditionnement de liquides ou semi-liquides autres que le fait (principalement des jus de fruits, mais également du vin, de l'eau, etc). Ces autres liquides ou semi-liquides sont conditionnés principalement dans des emballages autres que des cartons; le vin, par exemple, est vendu surtout en bouteilles en verre, mais aussi, dans une moindre mesure, en bouteilles en plastique, en boîtes et tonnelets ainsi qu'en cartons (1). En raison de la variété de liquides et semi-liquides, des différences entre leurs propriétés de conservation et de la variété des conditionnements (avec les machines de remplissage qui y sont associées) dans lesquels ils sont distribués, et en raison aussi des conditions de commercialisation différentes existant sur les marchés de chacun de ces produits, il est difficile de généraliser à propos du degré de substituabilité des différents conditionnements et des différentes machines de conditionnement. Néanmoins, la Commission ne voit pas pouquoi des facteurs similaires à ceux examinés ci-dessus pour le conditionnement du lait ne pourraient pas s'appliquer à d'autres liquides, avec pour conséquence que, pour ces autres liquides, les différents types de conditionnement et de machines de remplissage relèvent de marchés différents. Cela est d'autant plus probable que, pour les liquides autres que le lait, le carton représente une part encore plus faible du prix de détail du produit. Dans l'hypothèse peu vraisemblable, et contrairement à ce qui se passe pour le conditionnement du lait, où pour les liquides autres que le lait, les cartons pour liquides frais et UHT et les technologies de remplissage qui y sont associées seraient aisément substituables entre elles ainsi qu'avec d'autres types de conditionnement, cela n'aurait aucune incidence appréciable sur les conclusions susmentionnées. Étant donné que le lait représente la majeure partie des ventes de cartons et de l'utilisation de machines de remplissage de cartons, c'est la situation de l'offre et de la demande sur ce marché qui est prédominante et il s'ensuit que c'est donc ce marché qui doit être pris en considération aux fins de l'application des règles de concurrence.
Différences aux niveau de la demande entre les États membres et marché géographique concerné
(40) La demande de lait varie considérablement d'un État membre à l'autre, non seulement en terme de consommation par habitant, mais aussi en termes de type de lait (pasteurisé, UHT ou stérilisé) et de conditionnement (bouteilles en verre ou en plastique et cartons). Ces différences ne résultent pas d'écarts entre les prix relatifs des conditionnements, mais s'expliquent plutôt par des différences de traditions et de goût. Au Royaume-Uni, par exemple, on consomme principalement du lait pasteurisé et il existe une tradition de livraison à domicile, de telle sorte que le lait est le plus souvent distribué en bouteilles en verre. En Italie, environ la moitié seulement du lait est pasteurisé et tant le lait est pasteurisé et tant le lait pasteurisé que le lait UHT sont distribués presque exclusivement en cartons, normalement dans des magasins de produits alimentaires. Comme indiqué ci-dessus, la demande est déterminée par des évolutions structurelles dues aux modifications des habitudes et des traditions des différents États membres, et non pas par des variations faibles mais significatives des prix relatifs des différents types de conditionnement.
(41) Même si les conditions de la demande varient d'un État membre à l'autre, la CEE est le marché géographique concerné pour les cartons et les machines considérés ici. Tout d'abord, malgré les conditions différentes de la demande par État membre qui portent tant sur le type de lait que sur le type de cartons, tous les types de cartons et de machines sont présents dans une mesure significative dans tous les États membres. Ensuite, les coûts de transport tant des machines que ses cartons sont négligeables. En réalité, les machines de conditionnement en cartons fournies aux laiteries de la CEE proviennent de constructeurs du monde entier (de
la CEE, des États-Unis d'Amérique et du Japon). Toutefois, des unités de distributions locales sont nécessaires dans chaque État membre pour assurer l'installation, l'entretien et la réparation des machines. Cela peut se faire soit directement, soit par l'intermédiaire de distributeurs spécialisés ou de producteurs locaux de cartons. Les barrières à l'entrée que doivent surmonter sur le marché (en particulier celui des machines UHT) les constructeurs de machines sont plus techniques que géographiques. De même, les coûts de transport des cartons préformés ou en rouleaux ne sont pas tels qu'ils puissent empêcher un producteur de ces cartons d'approvisionner la majeure partie sinon la totalité des régions de la Communauté à partir d'un nombre relativement limité de centres de production et de les faire transporter sur des distances considérables.
III. Article 86
(42) En vertu de l'article 86 du traité CEE, le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci est incompatible avec le marché commun et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptibles d'en être affecté.
a) Les entreprises
(43) Tetra est une entreprise au sens de l'article 86. Tetra a acquis le groupe Liquipak et a négocié directement avec BTG le transfert de la licence en question ici et est maintenant le nouvel exploitant de cette licence.
b) Position dominante
(44) La position de Tetra sur le marché concerné, dont il est question ici, a été décrité plus haut. De cette situation et des autres conditions rencontrées sur ce marché, on peut conclure que Tetra détient une position dominante. Les raisons qui ont conduit à cette conclusion sont les suivantes:
1) Tetra Pak détient 91,8 % du marché communautaire des machines permettant de remplir des cartons de liquides traités par UHT à l'aide d'un procédé aseptique. À part Tetra, seul PKL a une technologie disponible dans la CEE qui permet d'effectuer cette opération. Le procédé de PKL ne peut pas être autant automatisé que celui de Tetra parce que ce dernier fournit des cartons en rouleaux continus, alors que PKL fournit uniquement de cartons préformés aplatis. En raison de cette différence, la technologie actuelle de tetra est probablement supérieure à celle de son seul concurrent. En outre, l'acquisation par Tetra de la licence exclusive de BTG portant sur une technologie compétitive empêche totalement tout nouveau concurrent potentiel d'utiliser cette technologie pour pénétrer sur un marché déjà extrêmement concentré;
2) Tetra vient en première place en ce qui concerne le remplissage aseptique, non seulement au niveau de la CEE, mais aussi au niveau mondial. Il a été le premier à développer la technologie et dispose d'une vaste expérience en matière de machines, de procédés et de cartons, tant pour le remplissage aseptique que pour le remplissage frais. Sa technologie et ses machines sont partiellement protégées par des brevets, comme le sont celles acquises à la suite de la reprise;
3) les barrières à l'entrée sur le marché de la production de machines de conditionnement aseptique sont particulièrement difficiles à surmonter, ce qui restreint considérablement l'entrée de nouveaux concurrents. La reprise de la licence exclusive a réduit davantage la possibilité pour une nouvelle entreprise d'entrer sur ce marché;
4) avec l'exclusivité de la technologie BTG, qui pourrait très bien présenter des avantages techniques significatifs sur les méthodes actuelles de stérilisation, du fait qu'elle n'utilise que du peroxyde d'hydrogène dilué, la position technique de Tetra vis-à-vis d'autres concurrents potentiels serait renforcée, ce qui réduirait encore les possibilités de concurrence effective;
5) Le marché du lait est un marché arrivé à maturité, qui n'a plus ou plus guère de possibilités d'expansion. Les laiteries sont déjà équipées d'installations de conditionnement qui, normalement, ont une vie économique et technique de plus de dix ans. De ce fait, il est difficile à des nouveaux venus de pénétrer sur ce marché, étant donné que pour vendre leurs produits, ils doivent soit concurrencer les autres entreprises sur le marché limité du renouvellement des installations anciennes, soit persuader les laiteries de remplacer leurs installations existantes.
En conséquence, dans ces circonstances, la position détenue par Tetra remplit les conditions fixées par la Cour pour que l'on puisse considérer qu'il y a position dominante.
c) Abus
(45) Tetra a abusé de sa position dominante lorsque, par le biais de l'achat du groupe Liquipak, elle a acquis la licence exclusive BTG. Dans les circonstances particulières de cette affaire, l'acquisition de cette licence exclusive constitue un abus d'une position dominante. Cette acquisition n'a pas seulement renforcé la position dominante de Tetra, qui était déjà très forte, mais a également empêché, ou du moins considérablement retardé, l'entrée d'un nouveau concurrent sur un marché où la concurrence, s'il en existe encore, est très fortement réduite. L'abus a, dès lors, continué jsuqu'à la date où Tetra a renoncé à l'exclusivité de cette licence. (46) Dans l'arrêt Continental can, la Cour a dit spécifiquement que l'article 86 ne visait pas seulement les pratique ou comportements susceptibles de causer un préjudice immédiat aux consommateurs, mais également ceux qui leur causent un préjudice en portant atteinte à une structure de concurrence effective (point 26). Est dès lors susceptible de constituer un abus le fait, pour une entreprise en position dominante, de renforcer cette position au point que le degré de domination ainsi entrave substantiellement la concurrence (point 26). Le renforcement de la position dominante peut être abusif et interdit par l'article 86 du traité quels que soient les moyens ou procédés utilisés à cet effet, dès lors qu'il aurait les effets décrits ci-dessus (point 27).
(47) Dans la présente affaire, ces conditions sont remplies. L'abus qui constitue l'objet de la présente décision consiste dans l'acquisition d'une licence exclusive au moment de la reprise de Liquipak par Tetra. Dans ce cas, l'acquisition de la licence exclusive constitue l'effet tangible dans le marché commun de la reprise de Liquipak. De plus, on peut considérer qu'elle a sur ce marché un effet équivalant à une reprise. Cette acquisition n'a pas seulement renforcé la position dominante de Tetra, mais a eu effectivement l'effet d'empêcher ou de retarder l'entrée sur le marché d'un concurrent nouveau.
1) Il y avait plusieurs autres entreprises qui sont des concurrents à la fois de Tetra et de Liquipak dans le domaine des machines de conditionnement du lait frais. Toutefois, seul Liquipak possédait la licence exclusive couvrant la technologie de stérilisation BTG, dont l'acquisition a pour effet de permettre à Tetra de renforcer sa position déjà dominante sur le marché des machines aseptiques au point de ne laisser subsister qu'une concurrence substantiellement entravée ou de la rendre pratiquement impossible. La technologie constitue la clé qui permet de pénétrer sur le marché des machines de conditionnement aseptique du lait. la technologie de stérilisation des cartons (qui constitue l'objet du brevet BTG) est un élément indispensable de la technologie nécessaire pour construire des machines de conditionnement aseptique du lait. Pour cette raison, l'acquisition de la licence eclusive a eu pour effet d'accroître la position dominante de Tetra par rapport aux concurrents existants en renforçant ses avantages techniques vis-à-vis de la concurrence minimale qui subsiste. Cela est particulièrement vrai s'il apparaît que la technologie du BTG présente des avantages techniques par rapport à la méthode de stérilisation actuellement employée qui est basée sur le peroxyde d'hydrogène concentré.
2) L'effet de cette acquisition sur le marché n'était pas hypothétique mais réel. Cet effet, en l'espèce, était l'exclusion de toute nouvelle concurrence (en particulier de la part d'Elopak qui était sur le point de pénétrer sur le marché). Tetra a dressé des barrières considérables, voire insurmontables, à la pénétration sur le marché. Le fait de bloquer ou de retarder ainsi l'entrée d'un nouveau concurrent est d'autant plus grave sur un marché comme le marché en cause dominé par Tetra que l'arrivée d'un nouveau est pratiquement la seule manière actuellement dont la puissance de Tetra sur le marché pourrait être contestée.
3) En conséquence, en acquérant la licence exclusive, Tetra a non seulement renforcé sa position déjà nettement dominante, mais Tetra a également réduit davantage la possibilité d'une concurrence effective. Ce comportement constitue, dès lors, un abus de sa position dominante. Cet abus a continué aussi longtemps que Tetra a bénéficié de l'exclusivité de la licence en question.
d) Effet sur le commerce entre États membres
(48) L'acquisition par Tetra de la licence exclusive relative à l'exploitation de la technologie BTG dans la quasi-totalité de la CEE a une incidence considérable sur la structure de la concurrence dans tout le marché commun. Il a empêché des concurrents potentiels, en particulier Elopak, de pénétrer sur le marché, étant donné qu'ils ne pouvaient pas utiliser la technologie BTG, sauf si Tetra décidait de leur donner une sous-licence. En conséquence, le développement des flux commerciaux a été sensiblement différent de ce qu'il aurait été en l'absence de cet accord d'exclusivité et les licenciés potentiels ont été empêchés de faire du commerce d'un État membre à l'autre. Étant donné que, dans le cas présent, il n'existe guère de technologies concurrentes et que Tetra détient plus de 90 % du marché, cette incidence sur le commerce et sur la structure de la concurrence a été particulièrement grave. Il faut remarquer que les échanges entre les États membres sont très importants pour les produits concernés. Tetra approvisionne l'ensemble du marché commun à partir de son unité production suédoise et de son unité d'assemblage italienne. Il produit des cartons en république fédérale d'Allemagne, en France, au Royaume-Uni, en Italie, aux Pays-Bas, au Portugal et en Espagne pour approvisionner l'ensemble du marché commun. PKL et son licencié britannique approvisionnent le marché commun à partir de la république fédérale d'Allemagne et du Royaume-Uni. Dans le marché du lait frais, Elopak vend des machines importées dans l'ensemble du marché commun et vend des cartons à partir d'un nombre d'unités de production moins élevé que Tetra C par exemple Elopak approvisionne le marché italien à partir d'autres États membres).
(1) Les jus de fruits constituent probablement la seule exception, les cartons étant majoritaires et les bocaux en verre constituant la seule autre forme et conditionnement.
e) Absence de justification objective
(49) Dans les circonstances de la présente affaire, il n'est pas possible de considérer que l'exclusivité de la licence était justifiée objectivement. Dans la présente affaire, la faible protection qui a pu être nécessaire pour encourager Tetra à prendre des risques techniques et commerciaux associés au développement et à la dissémination de la nouvelle technologie, ne saurait compenser les désavantages très graves résultant de la perte de concurrence causée par cette exclusivité. En outre, dans les circonstances du cas présent où le licencié est en position dominante, il n'existe aucune nécessité pour une protection exclusive puisque le licencié n'est pas obligé de rétrocéder d'éventuelles améliorations apportées par lui à la technologie du donneur de licence. Dès lors, le licencié peut garder toutes les améliorations et modifications à titre exclusif.
(50) R i s q u e s c o m m e r c i a u x l i m i t é s
Tetra est la société dominante dans le domaine d'activité faisant l'objet de la licence et dans lequel il est particulièrement difficile de pénétrer. Il fournit des installations de conditionnement aseptique du lait depuis 1961 et vend son système aseptique « Brik » depuis 1969. Les besoins de tous les consommateurs et producteurs sur le marché du conditionnement du lait, qui a atteint une certaine maturité, sont bien connus de Tetra. Même avec l'extension des cartons aseptiques au conditionnement de spécialités alimentaires et l'utilisation d'un système de remplissage aseptique pour ses Tetra Rex en forme de pignon, Tetra dispose d'une expérience commerciale suffisante, en sa qualité de numéro un mondial, pour ne pas devoir absolument posséder une licence exclusive pour pouvoir supporter les risques commerciaux limités que peut comporter la commercialisation de machines incorporant la nouvelle technologie BTG. En revanche, d'autres sociétés prendraient probablement certains risques commerciaux en commercialisant ce nouveau produit en raison de leur manque d'expérience dans ce domaine.
(51) R i s q u e s t e c h n i q u e s à s u r m o n t e r
Lorsque NRDC a concédé une licence pour le nouveau procédé aseptique au groupe Liquipak, celui-ci disposait d'une expérience uniquement dans le domaine des machines de conditionnement de liquides frais en cartons. Des travaux de recherche et de développement considérables, effectués avec l'aide d'Elopak, ont été nécessaires pour produire une machine capable de fonctionner de manière satisfaisante dans une laiterie. Ce sont ces travaux, avec les risques et coûts qu'ils comportaient, qui ont conduit à la construction de la machine 820 A améliorée au moment de la reprise de Liquipak par Tetra. Ainsi, même si, comme le soutient Tetra, le processus de stérilisation du BTG exige des travaux de développement complémentaires, Liquipak a acquis un savoir-faire considérable pendant la durée des travaux de développement qu'il a effectués. Ce savoir-faire est maintenant à la disposition de Tetra, ce qui lui assurerait une avance substantielle sur tout autre futur licencié qui entamerait éventuellement des travaux de développement sur la base de la technologie BTG si d'autres licences pouvaient être concédées. Compte tenu de cette avance substantielle et du fait que des travaux de développement considérables ont déjà été réalisés, même s'il subsiste certains risques techniques pour Tetra, ils ne sont pas suffisants pour justifier une licence exclusive avec ses effets extrêmement négatifs sur la concurrence. De plus, Tetra lui-même dispose d'une longue et vaste expérience dans la construction de machines aseptiques et connaît donc le type de difficultés techniques qui peuvent se présenter, même en appliquant le nouveau procédé de stérilisation BTG. En outre, dans le cas présent, Tetra n'a pas besoin d'être protégé contre le donneur de licence qui ne pourrait jamais exploiter lui-même la technologie brevetée, puisque son rôle se limite à la dissémination de la technologie. Tetra n'a pas besoin de protection non plus contre d'autres licenciés potentiels (dans l'hypothèse où d'autres licences pourraient être accordées), étant donné qu'à part PLK, aucune société ne dispose d'une expérience pratique significative dans le domaine des machines de remplissage de cartons par un procédé aseptique.
(52) À propos de la question de savoir si la protection offerte par l'exclusivité est réellement nécessaire pour encourager les licenciés à prendre des risques techniques ou commerciaux supplémentaires, il convient de noter qu'Elopak était disposé à accepter une licence non-exclusive. Elopak maintient que la technologie de stérilisation BTG est adéquate et qu'il pourrait également surmonter sans trop de difficultés le problème de l'incorporation de cette technologie dans une machine fiable. Elopak lui-même considère que la machine 820 A améliorée de Liquipak est prête pour une exploitation commerciale, du moins limitée.
IV. Application de l'article 85 paragraphe 1 et le retrait de l'exemption prévue dans le règlement (CEE) no 2349/84
(53) La Commission considère, pour les raisons exposées ci-après, que l'exclusivité de la licence tombait sous l'article 85 paragraphe 1, depuis la date de son acquisition par Tetra jusqu'à la renonciation à cette exclusivité par Tetra. Étant donné que la licence exclusive ne contenait aucune restriction allant au-delà de celles décrites par les articles 1er et 2 du règlement (CEE) no 2349/84, l'exemption automa tique accordée par ledit règlement aurait été applicable, sous réserve de l'application de l'article 9 dudit règlement, pendant la durée de l'exclusivité. Toutefois, comme la Commission considère qu'après l'acquisition de cette exclusivité par Tetra les conditions de l'article 85 paragraphe 3 n'étaient plus remplies par cette licence exclusive, elle avait l'intention, pour les raisons exposées ci-après, de retirer le bénéfice de l'exemption en application de l'article 9 dudit règlement, si l'exclusivité n'avait pas été abandonnée.
À la suite de l'intervention de la Commission, Tetra a maintenant renoncé à toute exclusivité de la licence en question, et BTG a accepté de conclure des accords de licence non-exclusive. Le retrait de l'exemption aurait seulement pu prendre effet à partir de la date de la décision de la Commission. Néanmoins, afin de mieux comprendre la présente affaire ainsi que la position de la Commission dans celle-ci, il paraît nécessaire de donner les raisons qui auraient justifié l'application de l'article 85 paragraphe 1 à cette licence exclusive et l'inapplicabilité de l'article 85 paragraphe 3.
a) Article 85 paragraphe 1
(54) Tetra et BTG sont des entreprises au sens de l'article 85 paragraphe 1. Les droits exclusifs contenus dans la licence entraient dans le champ d'application de l'article 85 paragraphe 1 puisque ces droits empêchaient BTG d'exploiter elle-même la technologie ou d'accorder des licences à d'autres entreprises intéressées à cette technologie. Il s'agit d'une restriction très grave à la concurrence à la fois en raison de la structure très concentrée du marché et du fait que la possibilité de fabriquer une machine avec une technique de stérilisation acceptable constitue la clé pour pénétrer sur ce marché caractérisé par des barrières d'entrée particulièrement élevées. L'acquisition de Liquipak et de la licence a en fait sérieusement retardé les tentatives d'Elopak de pénétrer sur le marché.
(55) Les circonstances de la présente affaire ne sont pas comparables à celles de l'affaire des semences de maïs où la Cour a déclaré qu'une licence exclusive ouverte ne tombe pas sous l'article 85 paragraphe 1, lorsqu'elle favorise l'introduction et la protection d'une nouvelle technologie dans un territoire où cette technologie n'est pas encore exploitée (1). Dans l'affaire des semences de maïs, le licencié n'avait pas fabriqué le produit antérieurement et, dès lors, avait besoin d'être protégé du donneur de licence pour être encouragé à prendre les risques techniques et commerciaux importants liés à l'exploitation du produit licencié. Dans la présente affaire, Tetra est en position dominante et il est inconcevable que BTG pourrait exploiter la technologie en question. En outre, la protection de Tetra, éventuellement nécessaire pour prendre les risques techniques et commerciaux liés à la diffusion de la nouvelle technologie, ne justifie pas à suffisance les désavantages résultant de la perte de concurrence. En réalité, comme il a été expliqué plus haut, les risques techniques et commerciaux supportés par Tetra sont limités.
(56) Par ailleurs, dans l'affaire des semences de maïs, la Cour a légitimé la licence exclusive ouverte en ne lui appliquant pas l'article 85 paragraphe 1 parce que cette protection était nécessaire pour stimuler la concurrence entre les marques et celle à l'intérieur de la marque. Dans la présente affaire, Tetra est une entreprise dominante et les barrières à l'entrée sur le marché sont particulièrement élevées. Dans ces circonstances, l'effet de l'exclusivité de la licence n'est pas d'encourager, mais plutôt d'entraver la concurrence entre les marques et à l'intérieur de la marque. La concurrence entre les marques est entravée parce que les concurrents de Tetra (en particulier Elopak) ne peuvent pas utiliser la technologie en question pour pénétrer sur le marché. La concurrence à l'intérieur de la marque est entravée parce que BTG ne peut accorder aucune autre licence et ne peut pas elle-même fabriquer le produit, ce qui rend impossible les importations parallèles.
(57) Dès lors, dans la présente affaire, la concurrence que la Cour a voulu encourager en refusant d'appliquer l'article 85 paragraphe 1 aux licences exclusives ouvertes, est en fait entravée par l'exclusivité de la licence en question qui élimine la concurrence. Dans un marché où l'exclusivité est nécessaire pour encourager la concurrence, cette exclusivité peut échapper à l'application de l'article 85 paragraphe 1. Cependant, dans un marché où cette exclusivité détruit la concurrence, elle tombe sous le coup de l'article 85 paragraphe 1 (2). Enfin, il existe un effet sensible sur le commerce entre États membres (voir point 48 supra).
b) Article 85 paragraphe 3
(58) La Commission peut retirer le bénéfice de l'exemption accordée en vertu du règlement (CEE) no 2349/84 lorsque les conditions de l'article 85 paragraphe 3 ne sont pas remplies, et notamment lorsque les produits sous licence ou les services fournis selon un procédé breveté ne sont pas soumis, dans le territoire concédé, à la concurrence effective de produits ou de services identiques ou considérés par l'utilisateur comme similaires en raison de leurs propriétés, de leur prix et de leur usage. Dans la présente affaire, la position dominante de Tetra décrite ci-avant, en particulier sa part de marché pour les machines de conditionnement aseptique de lait et pour les cartons, lui donne la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause.
(59) En outre, en raison de cette élimination de la concurrence en ce qui concerne une partie substantielle des produits en cause, on voit mal comment une partie équitable, voire une partie quelconque du profit qui en résulte, pourrait être réservée aux consommateurs. De plus, la concentration de la puissance de marché entre les mains de Tetra pourrait nuire à l'amélioration de la production et de la distribution et empêcher la promotion du progrès technique ou économique, conditions qui sont normalement remplies de manière optimale dans un environnement concurrentiel. En outre, dans les présentes circonstances, on imagine difficilement que la licence exclusive soit indispensable pour atteindre un quelconque avantage objectif. Enfin, comme il a été expliqué aux points 49 à 52, dans la présente affaire il n'existe aucune justification objective pour ladite exclusivité.
V. Conclusions
Article 86
(60) La Commission considère qu'au moment où il a acquis le groupe Liquipak et où la licence lui a été transférée, Tetra occupait une position dominante dans le marché commun en ce qui concerne la production de machines incorporant la technologie de stérilisation des cartons utilisée pour le remplissage aseptique desdits cartons de liquides traités par UHT, et en particulier de lait. Tetra a abusé de sa position dominante en acquérant cette licence exclusive qui a eu pour effet de renforcer sa position déjà dominante, de diminuer davantage la concurrence restante et de rendre encore plus difficile l'arrivée de nouveaux concurrents. Cet abus a duré jusqu'au jour où Tetra a renoncé à toute exclusivité.
Article 85 paragraphe 1
(61) Sur la base des considérations qui précèdent, la Commission considère que dans la mesure où elles produisent des effets dans le marché commun, les dispositions en matière d'exclusivité contenues dans la licence concédée par le NRDC à Novus Corp le 27 août 1981 rentrent dans le champ d'application de l'article 85 paragraphe 1, au moins depuis le transfert de cette licence à Tetra jusqu'au jour de l'abandon de cette exclusivité. Si Tetra n'avait pas renoncé à l'exclusivité, la Commission aurait, en vertu de l'article 9 du règlement (CEE) no 2349/84, retiré le bénéfice de l'exemption prévue dans ledit règlement puisque les conditions d'exemption de l'article 85 paragraphe 3 n'étaient pas remplies.
VI. Cessation de l'infraction et réservation du droit d'engager d'autres procédures
(62) Bien que Tetra ait renoncé à toute exclusivité et que BTG ait accepté de négocier des accords de licence non-exclusive avec Tetra et Elopak, la Commission estime, pour les raisons exposées ci-après, qu'elle a une obligation d'arrêter une décision dans la présente affaire (1).
1) Tetra a commis une infraction grave à l'article 86 et a violé l'article 85 paragraphe 1 de concert avec BTG alors que cette violation ne pouvait pas être exemptée en vertu de l'article 85 paragraphe 3. Ces infractions aux règles de concurrence ont seulement cessé lorsque Tetra a abandonné l'exclusivité à la suite de l'intervention de la Commission et ce au cours de la procédure officielle.
2) Si la nature des infractions aux règles de concurrence constatées en l'espèce n'avait pas été relativement nouvelle, la Commission aurait imposé une amende à Tetra pour sa pratique abusive. La Commission estime qu'une décision formelle clarifiera sa position dans le domaine concerné et constituera un avertissement formel non seulement pour Tetra, mais aussi pour d'autres entreprises susceptibles d'envisager des pratiques abusives semblables.
3) Bien que Tetra ait renoncé à l'exclusivité, il continue à contester qu'il détient une position dominante ou a commis un abus ou violé l'article 85 paragraphe 1 sans pouvoir bénéficier d'une exemption. En outre, BTG a déclaré
qu'elle préférerait encore donner une licence exclusive. De ce fait, une décision est nécessaire pour empêcher que les parties ne reviennent à une licence exclusive et pour indiquer la position de la Commission à l'égard de pratiques abusives similaires.
4) Enfin, la Commission ne peut pas négliger l'intérêt légitime d'Elopak qui a fait une demande auprès de la Commission qui est basée sur l'article 3 du règlement (CEE) no 17/62. La décision de la Commission crée également une sécurité juridique en faveur d'autres concurrents potentiels.
(63) En outre, la Commission se réserve le droit de poursuivre ses investigations relatives au comportement commercial au sens large de Tetra sur les marchés des cartons de lait (frais et aseptique) et des machines de conditionnement (frais et aseptique) en vue de déterminer si Tetra a commis d'autres infractions à l'article 85 ou à l'article 86,
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:
Article premier
Dans la mesure où elle produit des effets dans la CEE, l'acquisition par ou pour le compte de Tetra Pak Rausing SA de l'exclusivité de la licence accordée par NRDC à Novus Corp le 27 août 1981 par le biais de l'acquisition de Liquipak constitue une infraction à l'article 86 depuis la date de cette acquisition jusqu'à la date à laquelle cette exclusivité a effectivement pris fin.
Article 2
La présente décision est adressée à:
Tetra Pak Rausing SA,
70, avenue du Général Guisan,
PO Box 181,
CH-1009 Pully/Lausanne,
c/o Tetra Pak Italiana SpA,
Via Delfini, 1,
I-41100 Modena.
Fait à Bruxelles, le 26 juillet 1988.
Par la Commission
Peter SUTHERLAND
Membre de la Commission
(1) Nungesser contre Commission, affaire 258-78, Recueil de la jurisprudence de la Cour 1982, page 2015.
(2) Ce raisonnement s'inscrit dans la ligne de la jurisprudence de la Cour de Justice dans d'autres domaines, par exemple en matière de distribution sélective (SABA I et SABA II - Metro contre Commission, affaire 26-76, Recueil de la jurisprudence de la Cour 1977, page 1875 et Metro-SG-Grossmaerkte GmbH & Co KG, affaire 75-84, arrêt du 22 octobre 1986 non encore publié; dans certaines conditions du marché, l'article 85 paragraphe 1, n'est pas applicable à un système de distribution sélective, mais, dans d'autres situations, l'article 85 paragraphe 1 peut être applicable à un tel système.
(1) GVL contre Commission, affaire 7-82, Recueil de la jurisprudence de la Cour 1983, page 483.
ANNEXE
Tableau 1
Cartons vendus en 1985
(en millions)
1.2,3.4,5 // // // // // Aseptiques // Non aseptiques 1.2.3.4.5 // // Tetra // Autres // Tetra // Autres // // // // // // Belgique/Luxembourg // 502 // 100 // 21 // 50 // (%) // (83,4) // (16,6) // (29,6) // (70,4) // Danemark // 237 // - // 343 // 650 // (%) // (100,0) // // (34,5) // (65,5) // France // 2 916 // 200 // 253 // 200 // (%) // (93,6) // (6,4) // (55,8) // (44,2) // Allemagne // 3 262 // 750 // 793 // 1 100 // (%) // (81,3) // (18,7) // (41,9) // (58,1) // Grèce // 66 // 50 // 10 // 50 // (%) // (56,9) // (43,1) // (16,7) // (88,3) // Irlande // 15 // 50 // 337 // 150 // (%) // (23,1) // (76,9) // (69,2) // (30,8) // Italie // 2 756 // 50 // 1 288 // 400 // (%) // (98,2) // (1,8) // (76,3) // (23,7) // Pays-Bas // 269 // 200 // 379 // 800 // (%) // (57,4) // (42,6) // (32,1) // (67,9) // Portugal // 539 // - // 20 // - // (%) // (100,0) // // (100,0) // // Espagne // 1 408 // - // 127 // 100 // (%) // (100,0) // // (55,9) // (44,1) // Royaume-Uni // 1 108 // 200 // 821 // 1 200 // (%) // (84,7) // (15,3) // (40,6) // (59,4) // // // // // // Total CEE // 13 078 // 1 600 // 4 392 // 4 700 // (%) // (89,1) // (10,9) // (48,3) // (52,7) // // // // //
Source: Tetra
Tableau 2
Machines de remplissage louées ou vendues
qui sont toujours en activité à la fin de 1985 (par État membre)
1.2,3.4,5 // // // // // Aseptiques // Non aseptiques // // 1.2.3.4.5 // // Tetra // Autres // Tetra // Autres // // // // // // Belgique/Luxembourg // 58 // 5 // 9 // 3 // (%) // (92,1) // (7,9) // (75,0) // (25,0) // Danemark // 48 // - // 54 // 101 // (%) // (100,0) // // (34,8) // (65,2) // France // 276 // 14 // 29 // 48 // (%) // (95,2) // (4,8) // (37,7) // (62,3) // Allemagne // 332 // 73 // 116 // 150 // (%) // (82,0) // (18,0) // (43,6) // (56,4) // Grèce // 10 // 2 // 4 // 5 // (%) // (83,3) // (16,6) // (44,4) // (55,6) // Irlande // 4 // - // 61 // 27 // (%) // (100,0) // // (69,3) // (30,7) // Italie // 428 // 6 // 328 // 96 // (%) // (98,6) // (1,4) // (77,4) // (22,6) // Pays-Bas // 42 // 31 // 30 // 50 // (%) // (57,5) // (42,5) // (37,5) // (62,5) // Portugal // 52 // - // 4 // 1 // (%) // (100,0) // // (80,0) // (20,0) // Espagne // 172 // - // 50 // 57 // (%) // (100,0) // // (46,7) // (53,3) // Royaume-Uni // 148 // 10 // 122 // 215 // (%) // (93,7) // (6,3) // (36,2) // (63,8) // // // // // // Total CEE // 1 570 // 141 // 807 // 753 // (%) // (91,8) // (8,2) // (51,7) // (48,3) // // // // //
Source: Tetra

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Structure analytique Document livré le: 11/03/1999


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