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Législation communautaire en vigueur
Document 382D0861
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[ 08.30 - Positions dominantes ]
382D0861
82/861/CEE: Décision de la Commission, du 10 décembre 1982, relative à une procédure d'application de l'article 86 du traité instituant la Communauté économique européenne (IV/29.877 - British Telecommunications) (Le texte en langue anglaise est le seul faisant foi)
Journal officiel n° L 360 du 21/12/1982 p. 0036 - 0042
Texte:
***** DÉCISION DE LA COMMISSION du 10 décembre 1982 relative à une procédure d'application de l'article 86 du traité instituant la Communauté économique européenne (IV/29 877 - British Telecommunications) (Le texte en langue anglaise est le seul faisant foi.) (82/861/CEE) LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES, vu le traité instituant la Communauté économique européenne, vu le règlement no 17 du Conseil du 6 février 1962 premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (CEE) (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de la Grèce, et notamment son article 3, vu la demande présentée le 22 juin 1979, au titre de l'article 3 du règlement no 17 du Conseil, par Telespeed Services Limited à l'encontre de l'United Kingdom Post Office (office des postes du Royaume-Uni), vu la décision de la Commission du 18 avril 1980 d'engager la procédure, après avoir donné à l'United Kingdom Post Office l'occasion de faire connaître son point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission, conformément aux dispositions de l'article 19 paragraphe 1 du règlement no 17 et à celles du règlement no 99/63/CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux aditions prévues à l'article 19 paragraphes 1 et 2 du règlement no 17 du Conseil (2), après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, considérant ce qui suit: I. LES FAITS A. British Telecommunications (1) British Telecommunications est une société de droit public (public corporation) créée en vertu d'une loi du Parlement du Royaume-Uni, le Telecommunications Act de 1981. (2) En vertu du Telecommunications Act de 1981, British Telecommunications a l'obligation légale de fournir les services de télécommunication et détient le monopole légal de la gestion des systèmes de télécommunication dans le Royaume-Uni. (3) Pendant la majeure partie de la période au cours de laquelle se sont déroulées les activités décrites ci-après, les services de télécommunication présentement fournis par British Telecommunications l'étaient par l'United Kingdom Post Office en vertu d'une autre loi du Parlement britannique, le Post Office Act de 1969. En vertu du Telecommunications Act de 1981, British Telecommunications assume depuis le 1er octobre 1981 les responsabilités de l'United Kingdom Post Office en matière de services de télécommunication. (4) La promulgation du Telecommunications Act de 1981 faisait partie des mesures prises par le gouvernement du Royaume-Uni dans l'intention d'encourager la concurrence dans le domaine des télécommunications. (5) Dans la suite du présent document, British Telecommunications ainsi que l'United Kingdom Post Office sont désignés sous les initiales « BT ». B. La convention et l'union internationales des télécommunications (6) Tous les États membres de la Communauté économique européenne sont signataires de la Convention internationale des télécommunications (CIT), qui définit les objectifs et la structure de l'Union internationale des Télécommunications (UIT). Le Comité consultatif international télégraphique et téléphonique (CCITT) est l'un des organes permanents de l'UIT. (7) En vertu de l'article 11 paragraphe 1 (2) de la CIT, le CCITT est chargé d'effectuer des études et d'émettre des avis sur les questions techniques, d'exploitation et de tarification concernant la télégraphie et la téléphonie. Le CCITT a pour membres les administrations des télécommunications de tous les pays membres de l'UIT, qui y figurent de droit, ainsi que toute exploitation privée reconnue qui, avec l'approbation du pays membre qui l'a reconnue, demande à participer aux travaux du comité. BT est l'une de ces exploitations privées reconnues. (8) Selon l'article 44 de la CIT, les membres sont tenus de se conformer aux dispositions de la convention et des règlements administratifs y annexés, et de prendre les mesures nécessaires pour faire respecter ces dispositions par les exploitations privées autorisées par eux à établir et exploiter des télécommunications et assurant des services internationaux. L'article 1er paragraphe 1 (2) du règlement télégraphique et du règlement téléphonique prévoit qu' « en appliquant les principes exposés dans le règlement, les administrations (ou les exploitations privées reconnues), pour tout ce qui n'y est pas prévu, doivent se conformer aux avis du CCITT, y compris toutes instructions qui font partie de ces avis ». C. Retransmission des messages téléphoniques et télex au Royaume-Uni (9) BT a établi les tarifs et conditions des services de télécommunication au Royaume-Uni dans des règlements « Schemes », comme le prévoyaient respectivement l'article 28 du Post Office Act de 1969 et l'article 21 du Telecommunications Act de 1981. a) Règlement télex de 1971 (10) Le règlement télex de 1971 du Post Office comportait la disposition suivante qui interdisait, en pratique, d'exploiter une agence commerciale de réexpédition de messages: « 21. (2) Sauf disposition contraire contenue dans une licence accordée par le Post Office à l'abonné (au télex), ou consentement écrit du Post Office, ni l'abonné ni aucune autre personne ne recevra, directement ou indirectement, de paiement en contrepartie ou en raison de l'usage de l'installation de l'abonné par ou pour le compte de toute autre personne que celui-ci (. . .). » b) Règlements T7/1975 et T1/1976 (11) Le fait que les agences de réexpédition de messages peuvent rendre d'utiles services aux clients du Royaume-Uni ayant été reconnu, la disposition précitée a été remplacée, dans le règlement télex de 1975 du Post Office (Scheme T7/1975), par l'article 43 paragraphe 2; celui-ci prévoyait notamment que « l'abonné peut faire usage de son installation (télex) pour transmettre et recevoir des messages pour compte d'autrui et peut autoriser des tiers à faire usage de son installation pour transmettre et recevoir des messages pour leur propre compte ». L'article 43 paragraphe 2 (b) (iii) soumettait cette utilisation à la condition que « le prix appliqué par un abonné pour recevoir et retransmettre un message en provenance et à destination de territoires situés en dehors du Royaume-Uni ou de l'île de Man ne soit pas tel qu'il permette à l'auteur du message de le transmettre à meilleur compte que s'il avait appelé directement par télex le destinataire final du message ». (12) Ces dispositions ont été reprises, sous la rubrique « Restriction à l'attribution du service télex et à l'usage des équipements télex », à l'article 70 paragraphe 2 du règlement des télécommunications de 1976 du Post Office (Scheme T1/1976), qui est resté en vigueur du 1er juin 1976 au 20 janvier 1978. (13) En ce qui concerne l'article 43 paragraphe 2 (b) (iii) du règlement T7/1975, repris sous le numéro 70 (2) (b) (iii) dans le règlement T1/1976, BT s'est trouvé dans l'impossibilité administrative de contrôler l'activité des agences de réexpédition de messages pour éviter qu'à l'occasion d'échanges de télex entre pays tiers, elles ne pratiquent des tarifs inférieurs à ceux d'autres administrations. c) Agences de réexpédition de messages (14) Les tarifs des télécommunications, notamment dans les liaisons avec l'Amérique du Nord, sont parfois moins élevés au départ du Royaume-Uni qu'au départ de certains pays d'Europe continentale; ce phénomène s'explique notamment par des politiques tarifaires différentes (par exemple: redevances d'abonnement moins élevées et prix des communications plus élevés) par des écarts dans les coûts réels et par les fluctuations monétaires qui ont parfois encore rehaussé l'attrait des tarifs britanniques. Au cours des dix dernières années, certaines agences de télécommunications travaillant au Royaume-Uni en ont tiré parti pour exploiter commercialement la retransmission de messages en provenance et à destination d'autres pays. Ces agences sont au nombre d'une centaine au Royaume-Uni dont onze étaient soupçonnées, au moment de la publication du règlement T1/1978 (voir point 16 ci-après) de relayer le trafic entre des pays tiers. Ces agences: i) offrent de recevoir des messages télex émis par des personnes, ou par d'autres agences de réexpédition, au départ d'un pays étranger, et de les retransmettre par télex à destination de personnes ou d'agences similaires dans d'autres pays. Ce service peut s'avérer particulièrement utile lorsque le même message (exemple: cahier des charges dans le cadre d'une adjudication) doit être transmis vers un grand nombre de destinations étrangères; ou ii) reçoivent les messages de leurs clients sous forme de données transmises par la voie du téléphone public au départ d'ordinateurs situés à l'étranger (aux États-Unis surtout) et les transmettent vers d'autres pays en tant que données destinées à être reçues visuellement, sous forme soit de message imprimé soit d'images reçues sur une console de visualisation. d) Avis CCITT F 60, article 3.5 (15) En octobre 1976, le CCITT a voté l'avis F 60, qui a trait aux modes d'exploitation du télex, et dont le point 3.5, intitulé « restriction à l'usage d'une station télex », est libellé comme suit: « Les administrations (et exploitations privées reconnues) devraient refuser de mettre les services télex à la disposition d'une agence télégraphique de réexpédition notoirement organisée pour transmettre ou recevoir des télégrammes destinés à être réexpédiés par télégraphe dans le but de soustraire ces correspondances au paiement intégral des taxes dues pour le parcours entier. » « Les administrations refuseront le service du télex international à un client dont l'activité serait considérée comme empiétant sur le domaine d'une administration parce qu'il fournit un service public de télécommunication. » e) Règlement T1/1978 (16) En application directe ou indirecte du point 3.5 de l'avis CCITT F 60, BT, dans le règlement des télécommunications de 1978 du Post Office (règlement T1/1978), entré en vigueur le 21 janvier 1978, modifiait comme suit le règlement T1/1976 (extraits): « 44. (2) (a) Sauf consentement écrit de l'Office des postes, un abonné (au téléphone) dont l'activité consiste à transmettre et à recevoir des messages pour compte d'autrui par la voie de son installation téléphonique et/ou à permettre à des tiers d'utiliser son installation téléphonique pour transmettre et recevoir des messages pour leur propre compte, n'utilisera pas son installation et n'en autorisera pas l'usage pour transmettre ou recevoir, au départ ou à destination de tout lieu extérieur au Royaume-Uni ou à l'île de Man, des messages destinés à parvenir au destinataire final sous une forme visuelle ». « 70. (2) (b) Aucun message (télex) provenant d'un lieu situé en dehors du Royaume-Uni ou de l'île de Man ne sera réexpédié vers une destination extérieure au Royaume-Uni et à l'île de Man; (c) aucun message provenant d'un lieu situé en dehors du Royaume-Uni ou de l'île de Man ne sera réexpédié vers une destination extérieure au Royaume-Uni ou à l'île de Man, à moins qu'il ne soit reçu sous forme d'un appel télex direct de l'auteur du message à destination de l'installation de l'abonné (. . .); (d) un message en provenance du Royaume-Uni ou de l'île de Man ne sera réexpédié vers une destination extérieure que s'il est envoyé sous la forme d'un appel télex fait directement à partir de l'équipement de l'abonné au destinataire final du message. » (17) En août 1978, BT a envoyé à tous les exploitants d'agences de télécommunication au Royaume-Uni, une lettre circulaire attirant leur attention sur les modifications susmentionnées et sur l'interdiction de fait qui en résulte, pour les exploitants privés, d'assurer à leur clientèle des services internationaux dans le cadre desquels: - des messages sous forme de données sont transmis ou reçus par le téléphone international et convertis en messages télécommuniqués sous forme de télex, de fac-similé, sous forme écrite ou toute autre forme visuelle, - des messages télex transitent entre des lieux situés en dehors du Royaume-Uni ou de l'île de Man, - des messages télex sont transmis ou reçus par l'intermédiaire d'autres agences de réexpédition de messages. (18) Dans cette lettre circulaire, BT ajoutait: « C'est bien parce que nous avons pu maintenir nos tarifs télex internationaux à un niveau si bas - beaucoup plus bas qu'ailleurs - que d'autres pays sont incités à envoyer leurs messages télex par l'intermédiaire d'agences établies dans notre pays (. . .). Les agences qui attirent des messages télex en provenance d'autres pays pour les réexpédier du Royaume-Uni vers un pays tiers enlèvent à ces autres pays un montant considérable de recettes et enfreignent les accords internationaux sur lesquels est fondée la coopération mondiale en matière de télécommunications. Elles compromettent de ce fait les arrangements que nous avons pu conclure avec d'autres pays et, partant, le niveau de taxation peu élevé dont bénéficie actuellement notre clientèle au Royaume-Uni. » (19) BT a adressé une autre lettre aux agences soupçonnées de relayer le trafic entre abonnés au télex dans des pays tiers, en les invitant à confirmer par écrit qu'elles comprenaient la portée des nouvelles dispositions et qu'elles s'y conformeraient. Sur les douze destinataires de cette lettre, neuf ont fourni cette assurance. (20) BT a déclaré à la Commission qu'elle avait fait l'objet de pressions de la part de certaines autres administrations nationales des télécommunications pour qu'elle empêche la retransmission de messages télex entre des pays tiers par les agences de réexpédition de messages du Royaume-Uni et qu'elle avait imposé les restrictions pour faire face à ses obligations internationales envers d'autres administrations. (21) L'article 11 paragraphe 1 du règlement T1/1976 prévoit que si un abonné « manque au respect ou à l'exécution de toute obligation imposée par le règlement, le Post Office pourra (sans préjudice de ses autres droits ou recours éventuels): (a) déconnecter temporairement, sans préavis, tout équipement ou partie d'équipement; (b) interrompre sur simple avertissement le service de télécommunications fourni dans le cadre du règlement ». BT soutient qu'elle est en droit de déconnecter les installations des agences qui s'obstinent à ignorer les restrictions imposées par règlement, mais elle n'a pas essayé de faire appliquer les restrictions en agissant dans ce sens. (22) Le 22 juin 1979, Telespeed Services Limited, une des agences britanniques de réexpédition de messages visées par les restrictions imposées par BT le 21 janvier 1978, a présenté une demande en application de l'article 3 du règlement no 17, invitant la Commission à constater qu'il y avait violation de l'article 85 paragraphe 1 ou de l'article 86 du traité CEE et à obliger BT à mettre fin à cette infraction. Le plaignant fait valoir que la restriction imposée par BT empêche pratiquement toute retransmission, par un opérateur télex au Royaume-Uni, de messages en provenance et à destination de pays tiers, même lorsque l'application de taxes inférieures est impossible ou n'est pas envisagée. Pour autant qu'il sache, le plaignant pratique des tarifs égaux ou supérieurs à ceux qui ont cours dans les pays de ses clients du marché commun. (23) En novembre 1981, BT a annulé et remplacé tous les règlements précédents par le règlement des télécommunications de 1981. Les dispositions des articles 44 (2) (a) et 70 (2) (b) du règlement T1/1978 ont été respectivement reprises dans le règlement de 1981 sous les articles 51 paragraphe (2 a) et 82 paragraphe (2 a). (24) Le 22 octobre 1982, BT a écrit à la Commission: « il est maintenant admis que, dans le contexte de cette affaire, l'avis du CCITT est en conflit direct avec l'article 85 paragraphe 1 et l'article 86 du traité de Rome. Partant, British Telecommunications a unifatéralement décidé de lever les restrictions particulières en cause; elle modifiera le règlement des télécommunications en conséquence et informera de cette décision les autres administrations et les agences de réexpédition de messages au Royaume-Uni ». II. EN DROIT A. Applicabilité de l'article 86 du traité CEE L'article 86 du traité CEE dispose qu'est incompatible avec le marché commun et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d'en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci. a) Entreprise occupant une position dominante (25) Le Post Office du Royaume-Uni et British Telecommunications sont des sociétés de droit public « public corporations » et des entités économiques exerçant des activités de nature économique. En tant que telles, elles constituent des entreprises au sens de l'article 86 du traité instituant la Communauté économique européenne. (26) British Telecommunications jouit, au titre du Telecommunications Act de 1981, du monopole légal de la gestion des systèmes de télécommunication au Royaume-Uni et dans l'île de Man. British Telecommunications occupe dès lors une position dominante au Royaume-Uni, qui constitue une partie substantielle du marché commun pour la fourniture de systèmes télex et téléphoniques. (27) En vertu du Telecommunications Act de 1981, British Telecommunications a succédé légalement au Post Office du Royaume-Uni en ce qui concerne le monopole légal de la gestion des systèmes de télécommunication au Royaume-Uni, ainsi que tous les droits et obligations en découlant. En conséquence, British Telecommunications est le successeur du Post Office du Royaume-Uni pour ce qui concerne la présente procédure. b) Abus (28) Les restrictions imposées par une entreprise occupant une position dominante, même en vertu d'un pouvoir qui lui a été conféré par l'autorité, peuvent constituer un abus de cette position dominante. (29) BT impose des restrictions à la prestation de services téléphoniques et télex à des tiers et à l'usage des installations téléphoniques et télex au Royaume-Uni dans des règlements « schemes » arrêtés respectivement en application de l'article 28 du Post Office Act de 1969 et de l'article 21 du Telecommunications Act de 1981. Les règlements T7/1975 et T1/1976 laissaient les abonnés libres d'utiliser leurs installations dans le but de transmettre ou de recevoir des messages pour compte d'autrui. (30) Jusqu'au 20 janvier 1978, cependant, l'article 43 paragraphe 2 (b) (iii) du règlement T7/1975 et l'article 70 paragraphe 2 (b) (iii) du règlement T1/1976 prévoyaient que lorsqu'un abonné relayait un message télex à la fois en provenance et à destination d'un pays tiers, la taxation qu'il appliquait ne pouvait aboutir à ce que l'auteur du message puisse l'expédier à meilleur compte que s'il l'avait transmis directement. Dans la mesure où elle s'appliquait à la réexpédition de messages télex transmis au départ d'un autre État membre de la Communauté économique européenne à destination d'un pays autre que le Royaume-Uni, ou au départ d'un pays autre que le Royaume-Uni à destination d'un autre État membre de la Communauté économique européenne, cette disposition constituait un abus au sens de l'article 86 du traité CEE en ce que i) elle limitait les activités des agences de réexpédition de messages au détriment de clients établis dans d'autres États membres de la Communauté économique européenne; ii) elle appliquait des conditions inégales à des prestations équivalentes offertes par les agences de réexpédition de messages, en subordonnant la poursuite des services à l'obligation que tous les messages télex confiés à BT et destinés à être réexpédiés hors du Royaume-Uni émanent du Royaume-Uni ou bien soient facturés par les agences à un prix garantissant qu'ils ne coûteraient pas moins à l'expéditeur que s'il les avait transmis directement. Cette obligation infligeait aux agences un désavantage dans la concurrence par rapport aux autorités et agences nationales de télécommunications établies dans les autres États membres qui n'étaient pas soumises aux mêmes restrictions; et iii) elle soumettait l'usage des installations de téléphones et de télex à la reconnaissance, par les agences de réexpédition de messages, de l'obligation de facturer des prix dépourvus de tout lien avec la nature et la qualité des services de télécommunication qu'elles fournissaient, mais fixés en conformité du désir de BT de protéger les recettes des autres autorités nationales responsables des télécommunications. Il est à noter toutefois que les dispositions susmentionnées des règlements T7/1975 et T1/1976 n'ont jamais été appliquées (voir point 13 ci-avant) et ont finalement été supprimées le 11 janvier 1978, avec effet au 20 janvier 1978. (31) Le règlement T1/1978, modifiant le règlement principal T1/1976, est entré en vigueur le 21 janvier 1978. Les nouvelles dispositions des articles 44 paragraphe 2 (a) et 70 paragraphe 2 (b) - ultérieurement reprises respectivement à l'article 51 paragraphe (2 a) et à l'article 82 paragraphe (2 a) du règlement de 1981 - interdisent en fait aux agences de réexpédition de messages du Royaume-Uni de retransmettre à destination de l'extérieur: i) les messages destinés à être reçus par le destinataire final sous une forme visuelle (tels les télex, fac-similés, impressions ou images sur console de visualisation) et reçus sous forme de données informatiques par téléphonie, au départ d'ordinateurs situés à l'étranger; et ii) les messages télex provenant d'autres pays que le Royaume-Uni. (32) Dans la mesure où elles s'appliquent aux messages téléphoniques et télex provenant d'un autre État membre de la Communauté économique européenne et à destination d'un pays extérieur au Royaume-Uni, ou provenant d'un autre pays que le Royaume-Uni et à destination d'un autre État membre de la Communauté économique européenne, ces interdictions constituent un abus au sens de l'article 86 du traité CEE, en ce que i) elles restreignent les activités d'abonnés au téléphone et au télex du Royaume-Uni opérant une agence de réexpédition de messages, au préjudice de clients établis dans d'autres États membres de la Communauté économique européenne; et ii) elles soumettent l'usage des équipements téléphoniques et télex à des obligations sans lien avec l'attribution des services téléphoniques ou télex. (33) BT soutient qu'elle n'enfreindrait pas l'article 86 en interdisant totalement les agences de réexpédition de télex pour se réserver, conformément à son monopole, le droit exclusif d'assurer les services internationaux. Il serait, dès lors, totalement injustifié de soutenir que les restrictions moindres qu'elle a imposées aux activités de ces agences constitueraient un abus de position dominante. La Commission met cette affirmation en doute; en effet, le monopole de BT, dans la législation en cause, porte sur le privilège exclusif de gérer des systèmes de communications et non sur celui d'offrir des services faisant usage de ces systèmes; à supposer toutefois que l'affirmation de BT soit correcte, elle doit exercer les pouvoirs découlant de son monopole légal dans le respect des règles de concurrence de la Communauté économique européenne (voir points 41 et suivants). (34) En ce qui concerne le point 32 i) ci-avant, la nouvelle restriction prévue à l'article 44 paragraphe 2 (a) du règlement T1/1978, qui interdit aux agences de réexpédition de messages du Royaume-Uni d'utiliser leurs lignes téléphoniques pour relayer des messages télex et d'autres messages visuels entre des pays extérieurs au Royaume-Uni, constitue un abus au sens de l'article 86 deuxième alinéa point b) du traité CEE; en effet, elle limite à la fois le développement d'un nouveau marché et l'utilisation d'une technologie nouvelle, au préjudice des opérateurs de relais et de leurs clients, en les empêchant d'utiliser d'une manière plus efficace les systèmes de télécommunication existants. Il importe peu qu'en agissant de la sorte, les agences de réexpédition de messages exploitent purement et simplement les écarts de taxation qui existent entre les services téléphoniques et les services télex fournis par les administrations des télécommunications. Même si le nombre des messages télex devait s'en trouver réduit, ce qui entraînerait une économie de coût pour les utilisateurs, l'ensemble du système télex international n'en serait pas compromis pour autant. Le maintien de systèmes périmés, au moyen de mesures arrêtées par une entreprise en position dominante, constitue un abus au sens de l'article 86 deuxième alinéa point b) du traité CEE, en ce qu'il limite le développement technique au préjudice des consommateurs. (35) S'agissant du point 32 ii) ci-avant, la nouvelle restriction imposée à l'article 70 paragraphe 2 (b) du règlement T1/1978 constitue un abus au sens de l'article 86 du traité CEE en ce qu'elle subordonne la fourniture et la poursuite de services de télécommunications à l'acceptation d'une obligation de renoncer à un trafic télex équivalent, en raison de son origine. Le traitement différencié de ce trafic ne se justifie ni par des nécessités techniques, ni par l'usage commercial et, partant, est sans lien avec la prestation de services de télécommunication. Dans ce cas également, l'obligation découle du désir de BT de préserver les recettes d'autres services nationaux de télécommunication. (36) L'argument de BT selon lequel cette position l'empêcherait logiquement de restreindre l'usage que ses clients pourraient faire de ses systèmes de télécommunication est manifestement non fondé. Aucune restriction de cette nature imposée par BT sous forme d'obligations supplémentaires ne saurait échapper aux dispositions de l'article 86; c'est le contraire qui est démontré en l'espèce. Quant à l'allégation de BT selon laquelle elle ne serait pas obligée de tolérer la concurrence dans le domaine des services faisant l'objet de son monopole, il y a lieu de se référer au point 33 ci-avant. c) Effets sur les échanges entre États membres (37) Les interdictions imposées par BT aux agences de réexpédition de messages établies au Royaume-Uni concernant la retransmission de messages en provenance ou à destination d'autres pays que le Royaume-Uni sont susceptibles d'affecter les échanges entre États membres dans la mesure où les pays de destination ou de provenance sont des États membres de la Communauté européenne. (38) Bien que les interdictions portent sur l'usage d'équipements de télécommunication au Royaume-Uni, elles affectent directement la prestation, par les agences de réexpédition de messages au Royaume-Uni, de services à des tiers établis dans d'autres États membres, ces services ne pouvant être assurés que par liaison directe (par opposition au transit) entre le Royaume-Uni et les autres États membres, et non plus par liaison entre des États membres autres que le Royaume-Uni ou entre ces États membres et des pays tiers. (39) Il y a donc restriction évidente aux échanges entre États membres, puisque l'interdiction empêche des agences de réexpédition de messages de fournir, dans l'exercice de leur activité, certains services à des clients établis dans d'autres États membres. Le plaignant a informé la Commission que sur 13 000 à 14 000 messages par an reçus, entre 1976 et 1979, de l'étranger pour retransmission à destination de l'étranger, 85 % provenaient d'États membres de la Communauté économique européenne et 85 % leur étaient destinés. (40) BT estime avoir le droit de déconnecter du réseau les agences qui persistent à ne pas tenir compte de l'interdiction, ce qui aurait évidemment pour effet de supprimer l'offre par des agences de réexpédition de messages de tout un éventail de services entre États membres. Le plaignant a encore informé la Commission qu'il n'avait pas cherché à développer ses prestations de tels services, dont le potentiel lui paraît considérable, en raison de la menace par BT de le déconnecter du réseau. L'interdiction a donc affecté le développement de ces échanges entre États membres. B. Applicabilité de l'article 90 paragraphe 2 du traité CEE L'article 90 paragraphe 2 du traité CEE dispose que les « entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général ou présentant le caractère d'un monopole fiscal sont soumises aux règles du présent traité, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l'intérêt de la Communauté ». (41) En vertu du Post Office Act de 1969 et du Telecommunications Act de 1981, BT a été chargée de l'exploitation de services d'intérêt économique général, à savoir la gestion de systèmes de télécommunications sur le territoire du Royaume-Uni. L'application à BT des règles de concurrence du traité ne saurait faire et ne fait pas échec à l'accomplissement efficace et économique de sa mission. Pour que BT soit exemptée du respect des règles de concurrence, il ne suffit pas que l'accomplissement de sa mission s'en trouve compliqué. (42) BT a prétendu qu'il serait fait échec à l'accomplissement de sa mission, mais n'a pas expliqué comment. En fait, BT aurait intérêt à permettre ce trafic. Même si elle devait se heurter à des difficultés de la part d'autres services nationaux de télécommunications du fait qu'elle n'empêcherait pas les agences de réexpédition de messages au Royaume-Uni d'appliquer des tarifs télex inférieurs à ceux d'autres pays, une telle situation ne ferait pas « échec » à l'accomplissement de la mission particulière confiée à BT. (43) La Commission admet, dans ses grandes lignes, l'argument de BT selon lequel la coopération internationale et le respect des engagements internationaux sont des éléments essentiels dans la prestation efficace et économique de services internationaux de communications. Toutefois, cette coopération ne saurait aller jusqu'à la violation des règles de concurrence du traité. (44) Pour les motifs exposés ci-avant, les restrictions imposées par BT à l'usage des équipements et des services télex et téléphoniques constituent des infractions à l'article 86 du traité CEE. En conséquence, BT doit être mise en demeure de mettre fin à toute restriction qui subsisterait encore. (45) Malgré ces infractions, la Commission ne considère pas qu'une amende doive être infligée à BT, en raison des circonstances particulières de l'affaire, des faits exposés au point 20 et de ce que BT n'a pas fait respecter les restrictions en cause en déconnectant les installations des agences de transmission de messages, A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION: Article premier Les dispositions suivantes des règlements de télécommunications de l'United Kingdom Post Office et de British Telecommunications constituent des infractions à l'article 86 du traité instituant la Communauté économique européenne: 1) règlement T7/1975, article 43 paragraphe 2 (b) (iii); 2) règlement T1/1976, article 70 paragraphe 2 (b) (iii); 3) règlement T1/1978, article 44 paragraphe 2 (a) et article 70 paragraphe 2 (b); 4) règlement 1981, article 51 paragraphe 2 (a) et article 82 paragraphe 2 (a). Article 2 British Telecommunications mettra fin, dans les deux mois suivant la date de notification de la présente décision, aux infractions constatées à l'article 1er, pour autant qu'elles subsistent encore. Article 3 British Telecommunications, 2-12 Gresham Street, London EC2V 7AG, est destinataire de la présente décision. Fait à Bruxelles, le 10 décembre 1982. Par la Commission Frans ANDRIESSEN Membre de la Commission (1) JO no 13 du 21. 2. 1962, p. 204/62. (2) JO no 127 du 20. 8. 1963, p. 2268/63.
Fin du document
Document livré le: 11/03/1999
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