(Last update : Sun, 26 Dec 1999)
[ Internet et PME ]

6.1.2.6 Un domaine où la croissance de l'entreprise et la maîtrise d'un marché l'emporte sur une vision patrimoniale de contrôle et de transmission familiale

Le caractère extrêmement évolutif tant des technologies que des marchés condamne toute approche statique ou malthusienne : elle implique souvent que le chef d'entreprise sacrifie son pouvoir en acceptant des prises de contrôle majoritaires pour ne pas brider l'expansion de son affaire (ce qui la conduirait dans bien des cas à la disparition) : Le nombre de sociétés rachetées par d'autres entreprises est 8 fois plus élevé que le nombre d'introductions en bourse

"Ce qui est important ce n'est pas de faire des bénéfices, bien au contraire : ce qui est important c'est de gagner de l'argent. Si l'entreprise fait rapidement des bénéfices, c'est soit que l'idée n'était pas très intéressante, soit qu'elle a été gâchée en n'investissant pas massivement dès le départ pour devenir la référence mondiale dans le domaine"

Eric Benhamou CEO de 3Com


un éditeur américain renchérit dans Editor&Publishers: "si quelqu'un gagne de l'argent aujourd'hui sur internet...c'est qu'il n'investit pas assez"

Dans les NTIC, le créateur se focalisera davantage sur la création de plus-values, gage de croissance forte à terme, que sur la réalisation de bénéfices rapides :

"ses deux repères sont le burn et le stock" : le "burn est la quantité d'argent "brûlé", c à d dépensé chaque mois et le "stock" est la valeur boursière

"le plus grand risque d'échec est la panne de trésorerie au moment fatidique" Serge Cuesta Pdg de Synchronix www.synchronix.com dans l' Essonne , (créateur du logiciel Bootsweb qui assure diviser par 2 ou par 3 les temps de connection au web),

et Pierre Haren créateur d' Ilog , de renchérir "le Pdg d'un grand groupe, membre de notre conseil avait conduit au départ le groupe à stagner dans son développement avec le principe "on ne peut dépenser plus d'argent qu'on en gagne". Nous n'avons compris que plus tard que la véritable contrainte, mais celle-là est mortelle, est de ne pas en dépenser plus que ce qu'elle en a et que la différence ce sont les fonds propres..."


On pourrait à la limite, quelque peu paradoxalement, juger de la qualité d'une start up au nombre de dizaines de millions de dollars qu'elle perd à sa troisième année !!

En effet, comme nous l'avons vu nous nous trouvons dans une économie de standard où les coûts marginaux de production sont faibles : il importe donc de prendre le plus rapidement possible 30 à 40 % du marché mondial pour devenir "la référence du secteur".(une entreprise comme Oracle qui a maintenant 40.000 personnes a connu un taux de croissance de 100% par an depuis 10 ans)

En effet, dès cette barre franchie, la rentabilité augmente considérablement (les coûts de production marginaux sont quasi nuls) et les développeurs d'application, soucieux de leurs propres débouchés, capitalisent sur le produit "phare" en délaissant ceux qui représentent une part de marché trop faible. On passe ainsi sans grand effort de 30 à 80 % du marché.

Et pourtant c'est bien cette démarche qui a assuré en France le succès du Minitel (distribution gratuite du terminal qui a fait hurler en son temps la Cour des Comptes )

...et qui a conduit à son échec à l'international, car il ne suffit pas que sa technologie ne soit pas la plus performante, encore aurait-il fallu se donner les moyens financiers pour l'imposer comme un standard au niveau mondial


La rentabilité devient alors considérable et permet, grâce à cette rente de situation, "d'achever" les concurrents (en les rachetant et en finançant l'amélioration du produit leader afin qu'après la bataille il devienne effectivement le meilleur).

La bataille Microsoft-Apple est sans doute la plus emblématique de cette logique mais elle est loin d'être un cas isolé.

Il convient donc de lancer le produit sur le marché, même sans attendre qu'il soit parfaitement au point et doté de toutes les fonctionnalités dont le créateur voudrait bien le doter.

Plusieurs capitaux risqueurs américains nous ont dit leurs difficultés avec des créateurs français à leur faire mettre leurs produits sur le marché à un stade suffisamment précoce pour ne pas se laisser doubler.


Ils considèrent que

Il importe alors que l'entreprise soit à l'écoute de ses clients et soit extrêmement réactive pour corriger les défauts signalés ou développer les fonctionnalités demandées.

Dans les deux ou trois premières années le chiffre d'affaire est quasiment nul (les services encore imparfaits sont souvent donnés gratuitement)

Ce lancement mondial doit être très rapide et il exige des capitaux considérables, bien supérieurs à ceux que nécessite la mise au point technique (en moyenne le marketing représente 63 % du budget pour ce type d'entreprise contre 13 % pour la R & D, le coût d'acquisition d'un nouveau client est estimé selon les marchés à une somme comprise entre 40 et 450$ (45$ pour CDNow , 80$ pour Amazon , 100$ pour Barnes&Noble , 450$ pour Datek )

Autobytel continue à investir les deux tiers de son chiffre d'affaires dans la promotion de son service.


Or le marketing, bien qu'il représente en fait l'investissement majeur, ne peut être comptablement considéré que comme des dépenses de fonctionnement.

Comme nous avons vu que le chiffre d'affaire était négligeable le déficit représente en fait l'investissement marketing.

Or cet argent provient, non pas des économies des créateurs (souvent bien faibles) mais de l'argent mis sur le projet par des capitaux risqueurs.

Quand on sait que c'est dans cette profession que l'on trouve les meilleurs spécialistes du sujet on peut conclure que l'ampleur de cet investissement, et donc de ce déficit, est directement liée à la qualité du projet tel qu'il est estimé par les personnes les plus compétentes pour en juger.

Ce raisonnement, pourtant simple, ne nous paraît pas avoir été compris par tous les financiers français.

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