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En raison du régime de TVA intracommunautaire
en vigueur et de la multiplication des échanges entre les Etats membres,
les entreprises sont de plus en plus confrontées à la TVA en vigueur dans
les autres Etats membres. Ainsi, lorsqu'elles réalisent des opérations
imposables à la TVA dans un autre Etat membre, sans y détenir un établissement
permanent, les entreprises doivent s'identifier à la TVA dans ce pays
afin d'y accomplir leurs obligations déclaratives et de paiement. Si une
entreprise ne s'identifie pas à la TVA dans un Etat membre alors qu'elle
y est tenue, elle perd en principe tout droit à récupération de la TVA
supportée dans ce pays (achats locaux, par exemple).
L'identification
doit être faite dans chaque Etat membre où l'entreprise réalise des opérations
imposables : au pire, une même entreprise peut donc avoir 14 représentants
fiscaux au sein de l'Union européenne !
En outre, les modalités pratiques
de cette identification varient d'un Etat membre à l'autre :
si la désignation
d'un représentant fiscal est majoritairement nécessaire, elle n'est pas
obligatoire partout ;
les modalités de la désignation du représentant
varient d'un Etat membre à l'autre, de même que les qualités requises
pour devenir représentant fiscal ; et, enfin,
la responsabilité du représentant
vis-à-vis de l'administration fiscale n'est pas systématique.
C'est dans
ce contexte complexe (et coûteux car la représentation fiscale est évidemment
une prestation rémunérée) qu'a été adoptée en octobre dernier une directive
destinée à supprimer l'obligation de désignation d'un représentant fiscal,
cette désignation devenant une simple possibilité.
Pour mémoire, les principes
essentiels (et au demeurant complexes) de la TVA dans les opérations intracommunautaires
sont très schématiquement et très superficiellement les suivants :
Pour
les ventes de biens (hors produits soumis à accises, biens d'occasion,
œuvres d'art et objets de collection) :
Ventes aux particuliers :
Règle de taxation dans le pays d'achat ;
Exception : taxation dans le
pays de consommation (résidence de l'acheteur) pour les ventes de moyens
de transport neufs ;
Cas particuliers des ventes à distance : taxation
dans le pays d'achat, puis, au-delà d'un certain seuil annuel de ventes,
taxation dans le pays de consommation.
Ventes aux PBRD (Personnes bénéficiant du régime dérogatoire, à savoir
les personnes morales non assujetties à la TVA, les assujettis ne réalisant que
des opérations n'ouvrant pas droit à déduction et les exploitants agricoles au
remboursement forfaitaire) :
Taxation
dans le pays d'achat, mais
Taxation dans le pays de consommation lorsque
les achats des PBRD dépassent un certain montant.
Ventes aux assujettis
:
Règle de taxation dans le pays d'arrivée (sous réserve que toutes
les conditions imposées par la loi soient réunies) ;
Dispositions particulières
concernant les transferts de biens (sans changement de propriété) à destination
d'un autre Etat membre (mouvements de stocks…), les opérations triangulaires,
les ventes en dépôt, en consignation…
Pour les prestations de services
: la portée de la règle est largement amoindrie par trois types de dérogations
prenant en considération divers critères (nature des services rendus,
lieu de réalisation ou d'utilisation, lieu d'établissement du prestataire
ou du client, statut TVA du client). Les règles spécifiques de taxation
applicables aux deux premières dérogations ne peuvent malheureusement
pas être résumées en quelques lignes.
Règle : imposition dans l'Etat
membre d'établissement du prestataire.
Première dérogation : les prestations
matériellement localisables (locations de moyens de transport, travaux
et expertises sur biens meubles corporels, prestations des intermédiaires
transparents intervenant dans certaines opérations…)
Deuxième dérogation
: les prestations immatérielles (prestations de publicité, des bureaux
d'études, des experts-comptables, traitement de données, prestations d'informations…)
Troisième dérogation : les transports intracommunautaires de biens (et
les prestations accessoires à ces transports)
Taxation dans le pays
de départ (ou d'exécution matérielle des prestations accessoires) si le
client est identifié à la TVA dans l'Etat membre de départ (ou d'exécution
des prestations accessoires) ou bien n'est pas identifié à la TVA.
Taxation
dans l'Etat membre d'identification du client si ce pays est différent
de celui de départ du transport (ou de l'exécution matérielle des prestations
accessoires).
Dès lors qu'une entreprise réalise une opération imposable
dans un autre Etat membre, doit-elle, pour s'acquitter de ses obligations,
y désigner un représentant fiscal et, dans l'affirmative, comment doit-elle
le faire ? Pour y répondre, il faut faire un (très rapide) tour d'horizon
des Etats membres :
Allemagne :
Désignation non obligatoire (sous
réserve de disposer d'une domiciliation postale).
Le représentant fiscal
n'assume que des obligations déclaratives ; il n'est pas responsable vis-à-vis
de l'administration fiscale.
Autriche :
Obligation de désignation.
Tout opérateur ayant un établissement permanent en Autriche peut être
représentant fiscal.
Il n'assume aucune responsabilité vis-à-vis de
l'administration fiscale.
Belgique :
Obligation de désignation avant
la réalisation de l'opération taxable (sauf pour les prestations de service
pour lesquelles la TVA est due par le client et, dans certaines conditions,
pour les entreprises propriétaires en Belgique d'un stock dans le cadre
d'un stock en consignation).
Le représentant fiscal doit être agréé
par l'administration fiscale et doit fournir une caution. à Il est solidairement
responsable du paiement de la TVA.
Lorsqu'une entreprise d'un autre
Etat membre réalise une importation en Belgique de biens qui font ensuite
l'objet de livraisons intracommunautaires exonérées, il y a lieu de désigner
un représentant fiscal "limité", lequel peut être un transitaire.
Danemark
:
Désignation obligatoire. à Le représentant peut être toute personne
physique ou morale résidant au Danemark.
Il est solidairement responsable
du paiement de la TVA.
Espagne :
Obligation de désignation.
Le représentant
peut être toute personne physique ou morale résidant en Espagne.
Il
est solidairement responsable du paiement de la taxe vis-à-vis de l'administration
fiscale.
Finlande :
Désignation obligatoire.
L'administration fiscale
peut exiger du représenté une garantie pour le paiement de la taxe. à
Le représentant doit être domicilié en Finlande et agréé par l'administration
fiscale.
Il n'est pas responsable du paiement de la taxe vis-à-vis de
l'administration fiscale.
Grèce :
Obligation de désignation (avant
la réalisation des opérations taxables).
Le représentant peut être toute
personne physique ou morale.
Le mandat le désignant doit être légalisé
par l'Ambassade de l'Etat membre du représenté ; une copie est déposée
au centre des impôts dont dépend le représentant.
Le représentant est
solidairement responsable du paiement sur la TVA.
Irlande :
Pas d'obligation
de désignation, mais l'administration peut l'imposer dans certains cas
et l'accepte lorsque l'entreprise étrangère en fait la demande.
Le représentant
est solidairement responsable du paiement de la TVA.
Italie :
Obligation
de désignation.
Le représentant doit résider en Italie et être désigné
par acte notarié, acte sous seing privé enregistré ou par lettre consignée
dans un registre spécial tenu par l'administration fiscale avant la réalisation
de l'opération taxable.
L'identité du représentant doit être communiquée
au client avant la réalisation de l'opération.
Il est solidairement
responsable du paiement de la TVA.
Luxembourg :
En principe, obligation
de désignation, mais l'administration fiscale peut préférer un cautionnement
ou une lettre de garantie délivrée par un établissement bancaire agréé.
à Le représentant peut être toute personne physique ou morale établie
au Luxembourg ; il doit être agréé par l'administration fiscale.
Il
est solidairement responsable de la dette fiscale du représenté.
Pays-Bas
:
Désignation obligatoire dans certains cas (ventes à distance au-delà
du seuil et sur option).
Le représentant peut être toute personne physique
ou morale établie aux Pays-Bas ; il doit être agréé par l'administration
fiscale et doit fournir une caution bancaire.
Il est solidairement responsable
de toutes les obligations du représenté au regard de la TVA.
Outre la
représentation fiscale à licence globale évoquée ci-dessus, il existe
une représentation fiscale avec une licence limitée qui ne peut être utilisée
que dans des cas limités : importation de biens aux Pays-Bas par une entreprise
d'un autre Etat membre, ces biens faisant ensuite l'objet de livraisons
intracommunautaires exonérées; livraisons de biens soumis à la TVA au
taux de 0% et acquisitions intracommunautaires précédant celles-ci.
Portugal :
Obligation de désignation.
Le nom du représentant fiscal
doit être communiqué au client avant la réalisation de l'opération. à
Le représentant doit être assujetti à la TVA au Portugal ; il doit être
désigné par un mandat rédigé sous la forme d'un acte notarié ou sous seing
privé légalisé par un consulat de l'Etat membre du représenté et remis
à l'administration fiscale.
Il est solidairement responsable de toutes
les obligations fiscales du représenté.
Royaume-Uni :
Pas d'obligation
de désignation, mais la société étrangère peut décider d'en désigner un
et l'administration fiscale peut exiger cette désignation ou réclamer
une caution à l'entreprise qui n'en désigne pas.
Le représentant doit
être un résident britannique.
Il est solidairement responsable du paiement
de la TVA, ainsi que des amendes et pénalités.
Suède :
Désignation
obligatoire.
Le représentant peut être toute personne physique ou morale
établie en Suède ; il doit être agréé par les services fiscaux.
Il n'est
pas responsable du paiement de la TVA.
Outre le fait qu'elle engendre
un système compliqué, contraignant et coûteux, cette hétérogénéité de
situations entre les Etats membres constitue une entrave au développement
des transactions transnationales. Et la justification initiale du recours
au représentant fiscal (qui permettait aux services fiscaux nationaux
de s'assurer de l'accomplissement des obligations fiscales plus aisément
qu'en traitant directement avec l'assujetti non établi) n'est plus d'actualité
depuis que les administrations nationales sont liées par un système d'assistance
mutuelle.
En quoi la directive adoptée le 17 octobre dernier constitue-t-elle
une simplification ? (directive 2000/65/CE du Conseil du 17 octobre 2000 modifiant la directive 77/388/CEE
en ce qui concerne la détermination du redevable de la TVA sur la valeur ajoutée)
Essentiellement en ce qu'elle prévoit que la désignation
d'un représentant fiscal par les entreprises réalisant des opérations
imposables dans un Etat membre autre que celui où elles sont établies
ne sera plus une obligation, mais une simple possibilité offerte aux entreprises.
Les entreprises pourront donc choisir entre :
effectuer elles-mêmes,
sous leur propre responsabilité, les obligations déclaratives et le paiement
de la TVA ; et
désigner un représentant fiscal, dans les conditions
fixées par chaque Etat membre.
Parallèlement, les Etats membres conservent
la possibilité, dans les relations entre assujettis, de considérer le
client comme redevable de la TVA à la place du fournisseur non établi
dans l'Etat membre considéré (Ce système, dit du " reverse charge " est
déjà appliqué pour les prestations immatérielles). Cette solution présente l'avantage substantiel
de supprimer toute obligation fiscale (TVA) pour l'entreprise non établie
dans l'Etat membre en cause, la TVA étant due par le client assujetti.
Les dispositions de cette directive doivent être transposées par les Etats
membres au plus tard le 31 décembre 2001.
Isabelle CHARLOT BLANCHARD EIC Pays de la Loire
Tél : 02 40 44 63 75 - Fax : 02 40 44 63 20
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