La calculette Euro/Franc


L'euro : un silence assourdissant dans les campagnes !


Le 1° janvier 1999 l'euro est né. Vive l'euro !
L'euro est donc depuis plus d'un an la monnaie unique de onze pays

C'est déjà en soi un vrai succès. Qui aurait parié il y a seulement cinq ou dix ans sur la concrétisation avant l'an 2000 de ce projet mis en chantier bien des années auparavant ?

Après un lancement fortement médiatisé et un succès de curiosité dans les premiers jours, malgré les efforts de communication des instances européennes et des gouvernements, l'euro semble pourtant être tombé dans l'oubli et vit dans notre pays les premiers mois de son existence dans une quasi indifférence générale.

Il n'est bien sûr question ici que de l'impact de l'euro dans la vie quotidienne des petites ou très petites entreprises, et des citoyens français dans leur ensemble, et non de son utilisation par les entreprises plus importantes, le monde bancaire ou boursier.

Toutes les statistiques qui sont publiées ici et là ont un point commun : qu'il s'agisse des moyens de paiements, des déclarations fiscales ou du paiement des impôts, ou des PME ayant basculé leur comptabilité, l'utilisation de l'euro ne représente qu'un pourcentage peu élevé.

Pour tenter d'expliquer cet apparent désintérêt, l'expérience sur le terrain des Euro Info Centres peut être utile.
L'observation, à titre d'exemple, des réactions des commerçants, artisans et chefs d'entreprises qui ont participé aux séminaires d'information en Aquitaine donne les indications suivantes :

  • Le sentiment d'avoir largement le temps de se préparer à l'euro est très répandu.

    Nombreux sont les responsables d'associations de commerçants, d'artisans, de clubs d'entreprises, qui en tentant de persuader leurs adhérents de participer à une réunion d'information pour se préparer à l'euro ont eu pour réponse : "Tu es fou ? On verra çà le moment venu" ou", On a bien le temps de s'embêter avec çà" ou encore "Je serai mieux devant ma télé".

  • L'euro semble "virtuel" tant que les pièces et les billets ne sont pas disponibles ;
  • Les difficultés liées au moyens de paiement en début d'année ont fait peur.

    Il est difficile de comprendre que le chèque en euro n'est pas un chèque européen.

    Malgré les explications techniques qui sont données, cela ne semble pas logique ("A quoi çà sert d'avoir une monnaie unique s'il y a encore des frais sur les paiements transfrontaliers ?").

    La distinction entre ce qui coûte et ce qui ne coûte pas, le fait d'avoir à distinguer les chèques mutés, les chèques en euro sur un chéquier euro d'une banque française et ceux sur un chéquier euro d'une banque d'un autre pays décourage par avance ("Je ne vais pas risquer, en plus, de payer quelque chose")

    Dans ce domaine, les mauvaises expériences circulent plus vite que les "success stories" ("J'ai accepté un chèque en euro de clients espagnols pour le paiement d'une nuit d'hôtel, les frais pris par la banque ont été supérieurs à ce que mes clients m'ont payé."

  • Le coût à supporter pour passer à l'euro est mal vécu et la tentation est grande de reporter les achats ou les adaptations à effectuer ("Je n'ai rien demandé et il faut que je change mon terminal de paiement électronique", "Je n'ai pas encore fini de payer ma caisse enregistreuse et il faut recommencer", "Vous ne vous rendez pas compte de ce que cela représente pour un petit commerce comme le mien", "Nous avons changé notre balance mais c'est l'argent de nos vacances qui y est passé", "Je prends ma retraite dans 3 ans et il y a peu de chance que mon commerce -épicerie dans une zone très rurale- soit racheté, comment faire face aux dépenses ?"

  • Le cercle vicieux "pas de demande, pas d'offre; pas d'offre pas de demande " est enclenché. Côté commerçants, il est fréquemment dit : "Personne ne m'a proposé de payer en euro, pourquoi ferais-je des efforts si les clients ne le demandent pas?". Côté clients, parmi les quelques précurseurs qui ont voulu étrenner leur chéquier eur, les témoignages se recoupent : "On m'a dit : bientôt on sera prêts mais, désolé, pour l'instant on n'accepte pas les paiements en euro". Plus anecdotique mais non moins révélateur la réaction "Et voilà, il fallait bien que cela arrive, la dame voudrait me payer en euro" a aussi été rapportée.


  • Certains reportent leur préparation par crainte de la tâche à accomplir, d'autres parce qu'ils la considèrent comme facile ("L'expert-comptable fera çà pour moi") ou même négligeable("Pourquoi nous ennuie-t-on avec tout çà ? C'est une simple question de division et de multiplication!")

    A la lecture de ces quelques exemples , la première réaction est sans doute de se dire qu'il existe des réponses ou des explications à fournir à ces réactions. C'est vrai. C'est ce à quoi s'emploient les Euro Info Centres , les Chambres Consulaires, les services de l'Etat, les banques, les experts-comptables et bien d'autres encore.
    Encore faut-il avoir l'occasion de le faire! N'oublions pas que ces commentaires -peu encourageants- ont été recueillis auprès de personnes ayant accepté de participer à une réunion d'information c'est à dire une minorité déjà en avance sur la question de l'euro par le simple fait qu'elle s'y intéresse! Encore faut-il que ces personnes ne se sentent pas trop accablées par l'arrivée de la monnaie unique pour commencer à mettre en oeuvre leurs projets de préparation ! Encore faut-il que les messages "Il n'est peut-être pas urgent de basculer à l'euro, mais il est urgent de s'y préparer" et "La période transitoire permet de tester l'euro dans sa propre entreprise et de préparer ses clients" continuent à être massivement diffusés pour avoir une chance d'être entendus.

    Le tableau n'est pourtant pas aussi noir que les expériences relatées ci dessus pourrait le laisser croire. Dans les mêmes réunions , il est heureusement donné de rencontrer aussi des responsables de TPE qui ont déjà commencé à réfléchir aux impacts de l'euro sur leur activité et qui ont parfois commencé leur préparation. Lors des derniers séminaires , des questions très pratiques , par exemple sur le type de matériel "euro-compatible" se sont faites plus nombreuses.
    Pour vaincre les résistances et les réticences et éviter les désagréments d'un passage bousculé en fin de période transitoire , pour encourager ceux qui sont sur le point de franchir le pas, ne faudrait-il pas réfléchir à une forme d'aide à l'anticipation qui serait perçue comme un encouragement à la hauteur de l'enjeu de la réussite du passage à l'euro ?

    Martine Dronval /Février 2000
    EIC Bordeaux-Aquitaine



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