Date: Mon, 20 Dec 2004 03:45:28 +0100 From: "Dr. Francis MUGUET" <***@wtis.org> Organization: WTIS Ref Directive sur la brevetabilité des inventions mises en oeuvre par ordinateur. Bonjour Suite à notre conversation téléphonique de Vendredi dernier, je réponds à vos demandes ( nouveau texte, liste de brevets non conformes ) Mon message est assez long car il retrace les circonstances de notre action et notre perspective. C'est en qualité de co-coordinateur du Groupe de Travail sur les Brevets et les Droits d'Auteur ( http://www.wsis-pct.org ) dans le cadre du Sommet Mondial sur la Société de l'Information ( SMSI ) que j'ai été impliqué dans une recherche d'une interface avec le Ministère de l'Industrie. Je suis également et assez logiquement en relation avec les services du Premier Ministre chargés de la Société de l'Information. Un bon préambule est de souligner que Chirac a dit : "Je l'ai dit plus haut, je souhaite éviter toute dérive qui conduirait à une multiplication des dépôts de brevets dans des domaines où elle aurait pour conséquence de paralyser l'innovation, la concurrence et par-là même la diffusion de technologies de l'information. *C'est pourquoi le projet de directive européenne sur la brevetabilité des logiciels n'est pas acceptable*. Nous devons nous donner les moyens de défendre notre créativité, nos entreprises et notre indépendance technologique. Je désire que cette ambition française soit partagée au plan européen." http://app.legalis.net/paris/ques_candidats/rep_jchirac.htm Cette conviction est partagée par la majorité des Français. Je reprend sommairement une description de la question et son statut actuel, tel que nous le percevons. On peut schématiser à l'extrème les opinions : D'une part les "US like-minded" partisans des brevets sur les logiciels et les business methods. Ils se recrutent surtout parmi les cabinets de brevets qui voient dans les dépôts et les conflits qui en découleront une source de revenus très importante ( 2/3 des juristes de la planète sont aux USA ! ) ,d'autre part sont ceux qui sont contre tout brevet faisant intervenir un logiciel. Il est intéressant de noter que Richard Stallman n'est pas de ces derniers, et il insiste qu'il est uniquement contre les brevets sur les "concepts logiciels". Le Ministre Patrick Devedjian, dans sa réponse à Richard Stallman, à Issy les Moulineaux le 30 Septembre 2004, a insisté qu'il prenait une position raisonnable, en rejetant les extrèmes. ( http://www.wtis.org/spip/article80.html ) A la suite de cet échange, auquel Francis Muguet était présent, Patrick Devedjian a demandé Philippe Delivet d'organiser une réunion et un contact aves Francis Muguet a été établi dans ce but. La position de ceux qui ont participé à la réunion du 10 Novembre 2004 avec Philippe Delivet ( Francis Muguet, ENSTA et WSIS-PCT - Jean-Paul Figer, Cap Gemini - Jean-François Abramatic, Ilog - Jacques Le Marois, MandrakeSoft - Alexandre Zapolsky, Linagora et ASS2L ) et qui représentent un large courant d'opinion qui s'inscrit dans un cadre raisonné et raisonnable. L'exemple fourni dans la position "grand public" du Ministère de l'Industrie convient parfaitement. http://www.industrie.gouv.fr/infopres/pdf/brevet.pdf à ce courant d'opinion.: "Par exemple, une invention qui utilise de façon nouvelle et non évidente un logiciel pour piloter le freinage d'une voiture peut être brevetée. A l'inverse, faute de caractère technique spécifique, un logiciel bureautique ou de traitement de données financières ne peut être revendiqué dans un brevet d'invention." Par contre la formulation dans cette coupure de presse : "le texte du Conseil stipule sans ambiguïté que les méthodes, algorithmes,idées et programmes d'ordinateurs ne peuvent être brevetés en dehors d'une application technique identifiée." est maladroite dans le cas d'une analyse a contrario. En fait, pour une lecture faite par un "honnête homme", ( c'est à dire un personne cultivée, mais non spécialiste ) les textes du parlement européen, et le texte des gouvernements du 18 mai sont très similaires en qui concerne les exclusions de brevetabilité. La subtilité qui peut être semblé accessoire à l"honnête homme" mais qui est d'une grande importance juridique et qui ne vous échappe pas, est la distinction entre l'invention mise en oeuvre par un logiciel d'ordinateur, et ce logiciel lui-même. Pour un Honnête Homme, il semble que la protection du procédé mis en oeuvre par le logiciel est beaucoup plus puissante que la protection du logiciel lui-même, déjà protégé par le droit d'auteur, et qui peut prendre de multiples formes. Le danger est qu'en admettant qu'un logiciel en tant que tel puisse être breveté sui generis même dans le cadre d'un procédé technique, on laisse la porte ouverte à la brevetabilité de nombreux logiciels, surtout si on ne définit pas exactement ce qui est technique. On comprends alors la subtilité de la manoeuvre pour tromper les personnes non averties. Pourquoi en effet la tendance US like-minded présente-t-elle le texte du 18 mai comme une victoire de leur cause. Est-ce sans raison ? En effet, les cabinets de brevets sont certains de leurs propres virtuosités à écrire des brevets qui passeront entre les mailles du filet, même si les mailles sont petites ! Ce sont des virtuoses ! ( vide infra la galerie des horreurs-brevets ). Le texte du parlement européen n'est pas parfait, il y a des redites, car il reflète le combat d'assemblée, et donc il est tout à fait normal que le texte des gouvernements essaie de simplifier et de synthétiser, cependant dans le texte du 18 Mai le paragraphe concernant la définition de la contribution technique, n'est pas seulement moins précis, il a tellement épuré le texte du parlement que la définition n'existe plus : (b) .technical contribution. means a contribution to the state of the art in a field of technology which is new and not obvious to a person skilled in the art. The technical contribution shall be assessed by consideration of the difference between the state of the art and the scope of the patent claim considered as a whole, which must comprise technical features, irrespective of whether or not these are accompanied by non-technical features. http://register.consilium.eu.int/pdf/fr/04/st09/st09713.fr04.pdf (b)"contribution technique" désigne une contribution à l'état de l'art dans un domaine technique, qui est nouvelle et non évidente pour une personne du métier. La contribution technique est évaluée en prenant en considération la différence entre l'état de l'art et l'objet de la revendication de brevet considéré dans son ensemble qui doit comprendre des caractéristiques techniques, qu'elles soient ou non accompagnées de caractéristiques non techniques. On s'abstient de définir ! Nous avons souligné lors de notre entretien avec Philippe Delivet, du Cabinet du Ministre de l'industrie, en compagnie de représentants de l'industrie tant des logiciels propriétaires que libres le danger d'un texte imprécis dans ces circonstances. Il faut aussi noter que l'imprécision permet la création d'une source autonome du droit à l'OEB, en dehors du contrôle des Etats et des instituts nationaux comme l'INPI. Philippe Delivet a reconnu le bien fondé d'une demande d'un texte précis et nous a demandé un proposition de texte. Une première version d'une proposition de texte lui a été fournie. Voici la liste que vous nous avez demandé de brevets qui ne devraient pas être attribués dans le cadre d'une lecture honnête du texte du 18 mai. Voici l'URL des "horreurs" de la boitique web http://www.ffii.fr/article.php3?id_article=59 On y recense 20 brevets qui n'auraient pas du être attribué et qui devraient le rester dans le cadre du texte du 18 Mai 1. Boutique web : système de vente sur un réseau informatique utilisant un ordinateur acheteur, un ordinateur marchand et un ordinateur de payement ou utilisant un client et un serveur - EP803105 et EP738446 2. Commande par téléphone portable : vente sur un réseau de téléphones mobiles - EP1090494 3. Panier d.achat : panier d.achat éléctronique - EP807891 et EP784279 4. [Musiques] [Films] [Livres] : onglets - EP689133 5. Lien vers une image : fenêtre de prévisualisation - EP537100 6. Voir/télécharger un film : distribution de données vidéo sur le web - EP933892 7. Voir le film : Diffusion vidéo ("vidéo segmentée à la demande") - EP633694 8. Format MP3 : Format de compression audio, couvert par de nombreux brevets, par ex. EP287578 9. Carte de crédit : paiement via Internet utilisant une carte de crédit - EP820620 et EP779587 10. Cadeau : commande d.un cadeau pour quelqu.un via Internet en indiquant son adresse de courrier électronique - EP927945 11. Demande de prêt : application de prêt automatique - EP715740 12. VISA : signature électronique dans un graphique pour montrer que la boutique est agréée à recevoir des paiements par carte VISA - EP798657 13. Envoi d.offres promotionnelles : envoi d.offres en réponse à une requête - EP986016 14. Envoi à un vendeur : redirection des commandes vers un vendeur - EP217308 15. Bases de données de support : système réseau de support utilisant des bases de données - EP673135 16. Aperçu de chapitres : utilisation d.une télévision comme métaphore pour choisir divers extraits vidéo - EP670652 17. Image de coccinelle : format JPEG - EP266049 18. Résultats apparentés : affichage de résultats apparentés si le client apprécie les résultats actuels - EP628919 19. Code de réduction : possibilité pour les clients d.entrer des codes de réduction - EP370847 20. Gravure en magasin : reproduction matérielle de l.information situé dans un endroit distant - EP195098 On peut rajouter à cette liste ( le brevet sur la barre de progression d'IBM vaut vraiment la lecture ! ) -EP394160 http://l2.espacenet.com/espacenet/viewer?PN=EP0394160&CY=ep&LG=en&DB=EPD Le brevet de la barre de progression - EP664041 http://l2.espacenet.com/dips/viewer?PN=EP664041&CY=fr&LG=fr&DB=EPD "System and method for computer based testing" Brevet sur le tests d'élèves par QCM informatiques ! - EP756731 http://l2.espacenet.com/dips/viewer?PN=EP756731&CY=fr&LG=fr&DB=EPD " INTERACTIVE INFORMATION SELECTION APPARATUS" Brevet sur le fait de distribuer des recettes de cuisine dans les super-marchés pour faire augmenter les ventes des ingrédients... -EP866412 http://v3.espacenet.com/textclam?DB=EPODOC&IDX=EP866412&QPN=EP866412 "Simulation device for fostering a virtual creature" C'est le brevet du Pokémon. Cela devrait être non brevetable, car lié à un jeu. Mais c'est mis à la mode "technique". Dans une perspective "opératoire" dans la procédure d'attribution de brevets, il est intéressant de voir qui est l'auteur de cette source autonome du droit. C'est tout simplement l'examinateur, qui face à des textes imprécis, suivant ses convictions et ses humeurs du moment, et aussi en considération du prestige du cabinet de brevet mandataire, va décider d'attribuer un brevet ou non. Il faut considérer tous les aspects pratiques, en effet, généralement les examinateurs sont surchargés, et leurs recrutements dans les disciplines informatiques créent des problèmes spécifiques. Par exemple en Chimie et en Biologie, il est assez facile de recruter des examinateurs de très haute qualité car les voies de formation sont clairement identifiés, ce n'est pas le cas en Informatique. En l'absence d'un texte précis, il n'y a pas la sécurité juridique que l'Etat doit assurer à tous les acteurs : fournisseurs de logiciels propriétaires, entrepreneurs en logiciel libre, et les bénévoles de la société civile. La *confiance dans l'économie numérique*, un thème majeur de l'action gouvernementale est donc ébranlée. C'est très important. Cette confiance est aussi ébranlée par la procédure digne du vaudeville qui est adoptée où un texte sur les Brevets est adopté au Conseil agriculture & pêche juste avant Noël, au crépuscule de la présidence Hollandaise. Ce n'est ni sérieux, ni raisonnable. D'ailleurs, les commentaires et les jeux de mots faciles fusent dans la presse anglosaxone sur cette procédure "fishy". D'ailleurs cette procédure va évidement apporter de l'eau au moulin de la thèse de la conspiration et de la corruption aux services d'intérêts des poids lourds du logiciel principalement américains. Politiquement, ce n'est pas très adroit et cela décrédiblise l'action gouvernementale. J'espère que vous saurez faire part à vos collègues de l" *AGRICULTURE ET PECHE* de vos conseils de prudence. D'après les dernières info : L'Autriche se déclare officiellement pour un point B. La Belgique semble penchée pour un point B. Par conséquent, il me semble que la France doit rester sereine, ne doit pas céder à la précipitation dans des circonstances procédurales "fishy" peu recommandables, et doit demander, par l'intermédiaire de son représentant à l'agriculture et pêche aussi un point B. N'hesitez pas me comtacter, ainsi que Francois Pellegrine ( en c/c) auteur du texte en attaché et Gérald Sédrati-Dinet ( en c/c ) qui a fourni les exemples de la Webshop ( http://webshop.ffii.org/ ) pour toute discussion complémentaire. Cordialement Francis Muguet -- ------------------------------------------------------ Francis F. MUGUET Ph.D World Tour of the Information Society (WTIS) ***@wtis.org UNMSP project : http://www.unmsp.org World Summit On the Information Society (WSIS) Civil Society Working Groups Scientific Information : http://www.wsis-si.org chair Patents & Copyrights : http://www.wsis-pct.org co-chair Financing Mechanismns : http://www.wsis-finance.org web Director Scientific Information Developement Laboratory : Knowledge Networks and Information Society ENSTA 32 Blvd Victor 75739 PARIS cedex FRANCE Phone: (33)1 45 52 60 19 Fax: (33)1 45 52 52 82 muguet@ensta.fr http://www.ensta.fr/~muguet MDPI Foundation Open Access Journals Associate Publisher http://www.mdpi.org http://www.mdpi.net ------------------------------------------------------