Article des Echos sur les brevets logiciels (13.5.2004) -------------- Fortement assouplie en septembre dernier, la directive sur les brevets logiciels va être une nouvelle fois modifiée par le Conseil des ministres européen le 17 mai. Michel Rocard monte au créneau. Brevets logiciels : la bataille rebondit au Conseil des ministres européen Les éditeurs de logiciels français craignent pour leur avenir. Hier, ils ont adressé une lettre au gouvernement l'invitant à « respecter les promesses » de Jacques Chirac concernant la non-brevetabilité des logiciels et à ne pas menacer la création d'entreprises et d'emplois innovants en France. La raison de cette peur : la directive européenne sur les brevets logiciels. Pourtant, les « anti-brevet » avaient enregistré une victoire en septembre dernier. Fortement amendée et assouplie en première lecture par le Parlement européen, la directive ne permettait alors de breveter que les solutions « utilisées pour résoudre un problème technique », et pas les logiciels eux-mêmes. Mais aujourd'hui cette directive est en passe d'être modifiée et renforcée le 17 mai prochain par le Conseil des ministres européen. Ensuite, la directive devrait être proposée en seconde lecture au nouveau Parlement élu en juin et élargi à 25 pays. « Je comprends que le Conseil ait mal pris notre victoire faisant modifier la directive sur la brevetabilité des logiciels, estime Michel Rocard, député socialiste européen, dans un entretien aux "Echos". Mais que ce même conseil tente aujourd'hui de court-circuiter le Parlement, je trouve cela dommage. » « Microsoft sponsorise la présidence irlandaise de l'Union européenne, qui pousse le vote du Conseil des ministres», explique Jacques Le Marois, PDG de la société MandrakeSoft, l'un des signataires de la lettre envoyée au président de la République. Aujourd'hui, dénoncent certains éditeurs, un programmeur peut développer un logiciel sans savoir qu'il enfreint un ou des brevets, au risque de tuer l'innovation. Un système fortement critiqué outre-Atlantique. Andy Grove, cofondateur mythique de la société Intel, a même souligné l'an dernier que le brevet logiciel était un frein à l'innovation où des entreprises peuvent vivre de leur portefeuille de brevets sans pour autant vendre des produits finis. Pour appuyer ces dires, Andy Grove soulignait qu'aux Etats-Unis les coûts d'un litige sur les brevets logiciels étaient passés de 5 millions de dollars par an en 1982 à 4 milliards de dollars en 1998, faisant le bonheur des cabinets juridiques. « Le logiciel est une forme de savoir que tout le monde doit pouvoir s'approprier, ajoute Michel Rocard. Il faut donc empêcher que des entreprises, telles que Microsoft, Honeywell ou Apple, s'approprient ce savoir à des seules fins privées. Nous nous battrons donc à nouveau lorsque la directive sur les brevets logiciels passera en seconde lecture devant le Parlement européen. » EMMANUEL PAQUETTE