From: NAITL-KHADIR LAHCEN Subject: prv Date: Tue, 25 Mar 2003 09:27:06 +0100 Images de prisonniers: indignation variable La télévision nationale irakienne a diffusé dimanche les images des premiers prisonniers de guerre américains. Les découvrant en direct sur le plateau de la chaîne CBS, le secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, a aussitôt dénoncé une violation des conventions de Genève de 1949 qui interdit de montrer des prisonniers de guerre ou de les exposer à la vindicte des habitants des pays où ils ont été capturés. Depuis le début, mercredi dernier, de l'offensive militaire contre le régime de Bagdad, les télévisions du monde entier ont pourtant diffusé des images de prisonniers de guerre irakiens sans que cela ne porte à polémique. Dimanche, le Comité international de la Croix rouge a appelé les belligérants à respecter la convention de Genève qu'ils ont tous signée. La chaîne CBS n'a diffusé que très brièvement les images des prisonniers américains mais leur impact a été considérable. Car si les vidéos montrant la reddition des soldats irakiens ont largement fait le tour du monde sans pour autant susciter de condamnation, les images diffusées par la télévision irakienne ont tout de suite provoqué l'indignation à Washington et Londres. On y voit cinq militaires américains -dont une femme-, visiblement très inquiets, décliner leur nom, matricule et ville d'origine. Découvrant ces images en direct, le secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, a assuré avec une moue de dégoût que personne n'avait le droit d'«humilier des soldats comme cela». «S'il s'agit bien de prisonniers américains, a-t-il ensuite déclaré, ce que vous me montrez est une violation des conventions de Genève». Un peu plus tard sur la chaîne CNN, il a déclaré : «Il va sans dire que les télévisions qui diffusent de telles images font quelque chose de regrettable». Les chaînes américaines ont choisi délibérément de les censurer. Le Comité international de la Croix rouge (CICR), resté pourtant silencieux lors de la diffusion de vidéos montrant des prisonniers de guerre irakiens, certains dans des positions humiliantes -allongés, une arme pointée sur la tête- a dénoncé dimanche soir l'utilisation de ces images. «Il est clair que les prisonniers de guerre ne devraient pas être l'objet d'une exposition publique», a déclaré un de ces porte-parole, estimant que cela «contrevient aux conventions de Genève». Ces quatre conventions, adoptées le 12 août 1949, définissent en effet les obligations des belligérants envers les victimes de la guerre qu'elles soient civiles ou militaires, blessées, malades ou prisonnières. Les trois pays engagés dans le conflit irakien, à savoir les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l'Irak, ont signé ces textes et à ce titre, estime le CICR, ils doivent les respecter. L'organisation se base sur deux articles de ces conventions pour condamner les images diffusées. L'article 13 précise ainsi que «les prisonniers de guerre doivent en tout temps être protégés particulièrement contre les actes de violence ou d'intimidation et contre les insultes et la curiosité publique». L'article 14 quant à lui insiste sur «le respect de la personne des prisonniers» et affirme qu'«ils ont droit en toutes circonstances aux respect de leur honneur». En diffusant les images des prisonniers américains capturés près de Nassirya, l'Irak a très certainement violé les conventions de Genève comme l'ont fait auparavant les Etats-Unis en autorisant les journalistes à filmer puis transmettre des vidéos d'Irakiens capturés par leurs forces. Dans ce contexte, le CICR rappelle que le respect des conventions de Genève «est de la responsabilité des Etats». Et si l'organisation recommande qu'aucun film ou photographie, qui pourrait donner une image dégradante du prisonnier ou qui permettrait de l'identifier, ne soit publié, elle souligne que les journalistes ne sont pas responsables si ce n'est devant les règles de leur éthique professionnelle. Deux poids deux mesures Plusieurs dirigeants américains ont appelé les autorités de Bagdad à respecter leurs engagements. Le président Bush a même menacé les responsables irakiens de représailles. «Ceux qui maltraitent les prisonniers seront traités comme des criminels de guerre», a-t-il déclaré. L'Irak s'est engagé à respecter la convention de Genève. «Nous avons des valeurs et des principes et nos valeurs, notre religion et notre culture nous poussent à traiter les prisonniers de la manière dont ils doivent être traités», a ainsi affirmé le ministre de la Défense Sultan Hachem Ahmed. Interrogé sur le fait de savoir si les Irakiens montreraient encore des prisonniers de guerre à la télévision, l'ambassadeur aux Nations unies Mohamed al-Douri a déclaré que «quand les conventions de Genève ont été signées en 1949, la télévision n'existait pas». Mais, a-t-il toutefois affirmé, «je pense que maintenant que la Croix-Rouge internationale et d'autres ont demandé aux Irakiens de ne pas le faire, ils respecteront cette demande». Il a également émis le souhait que les Américains fassent de même. La colère de Washington après la diffusion des images des prisonniers de guerre américains et son souci pour que soient respectées les conventions de Genève a indigné de nombreux observateurs. Ces derniers se font en effet un plaisir de rappeler que les Etats-Unis, après la chute du régime des Taliban, ont largement autorisé la diffusion de vidéos montrant des prisonniers de guerre dans des situations souvent très dégradantes. Tout le monde se souvient notamment des images du taliban américain, pieds et poings liés, répondant aux questions d'un journaliste. Mais il est vrai que l'administration américaine ne considère pas les personnes capturées lors de la guerre d'Afghanistan comme étant des prisonniers de guerre mais comme des «combattants illégaux qui n'ont aucun droit dans le cadre des conventions de Genève». Ces convention ne sont donc pas appliquées aux détenus de Guantanamo. Pourtant certains juristes estiment qu'elles sont bien valides puisque le texte stipule qu'elle le sont «en cas de guerre ou de tout autre conflit armé surgissant entre deux ou plusieurs des hautes parties contractantes, même si l'état de guerre n'est pas reconnu par l'une d'elles». Les conditions de transfert et de détention des prisonniers doivent en outre s'effecteur «avec humanité». Or tout le monde garde en mémoire les images de ces «combattants illégaux» boulets aux pieds et détenus dans des cages. Les conventions de Genève précisent enfin que les prisonniers auront droit à un procès équitable et loyal, à une défense et à la possibilité d'un recours. A Guantanamo, après près d'un an de détention, rien de tel n'est prévu. Ironie du sort, les Etats-Unis qui ne respectent pas leur engagement envers les conventions de Genève attendent pourtant des Irakiens qu'ils le fasse. Lien utile: Le texte des conventions de Genève MOUNIA DAOUDI