From: "Françoise Baritel" To: Subject: Le manifeste des Eoliens Date: Sun, 12 Oct 2003 23:44:47 +0200 MANIFESTE DES EOLIENS Ils m’ont mis sur le rail qu’ils m’avaient préparé bien avant que j’arrive. Tout était prévu, le point de départ, le point d’arrivée, et toutes les étapes intermédiaires. Mes pensées, mes actes et mes émotions étaient tissés dans le canevas de l’univers qu’ils projetaient sur les multitudes humaines, pâle simulacre d’une nature créée par des dieux oubliés. Dans le fond de mon âme, le soir, quand le tumulte s’endort, dans la lueur incertaine du lever du jour, dans un regard inattendu qui croise le mien, brille malgré tout une flamme que je ne parviens pas à éteindre. Elle m’irrite et m’agace, souvent elle m’empêche de dormir complètement et paisiblement comme on m’a suggéré de le faire et comme j’aimerais si souvent parvenir à le faire. Pour être comme tous les autres qui semblent se contenter si bien de la fatalité de l’existence, accepter si bien la souffrance et l’injustice, l’apparent bonheur d’une existence baignant dans un bain de protéines et de sels minéraux. Mais pourquoi ne puis-je pas moi aussi me baigner dans la douce inconscience du sommeil ? Quel dieu malin a jeté sur moi cet éclat de conscience qui refuse de se taire et cherche toujours à m’éloigner de ce rail si droit et si réconfortant? Qui m’a projeté dans ce monde auquel je ne ressemble pas et dans lequel je n’ose pas crier que j’existe, que j’ai besoin d’évoluer et que toujours me tourmente le besoin d’espérer un monde dont les fondations seraient les aiguillages des multiples intentions humaines et pas ces rails parallèles de vies humaines mornes et désenchantées. Aujourd’hui, le soleil a brillé dans mon cœur et pas seulement dans le ciel de mon téléviseur quand j’ai réalisé que je suis le principal conducteur de ma vie, et que je suis le meilleur garant de la pérennité de ce rail... En fait, je me rends compte que les oppresseurs que nous accusons tous de nous bafouer, de nous exploiter sont eux aussi les automates passifs d’une organisation sociale que personne, ni eux ni nous, ne remet en question et que la fatalité des choses est une justification tellement pratique qui nous permet de ne pas nous remettre en question et de nous poser les véritables questions sur le sens que nous voulons donner à notre vie. Simplement, chacun a été mis dans une case extérieurement différente, oppresseur, exploiteur, oppressé, esclave, mais tellement identique à l’intérieur. Et ce qui se présente à moi c’est que toutes les luttes sociales n’auront aucune valeur tant qu’elles ne remettront pas en question le Monde dans sa globalité, à l’extérieur pour poser clairement les conditions d’une société résolument construite dans l’intérêt l’ensemble de l’humanité, et à l’intérieur pour que chacun accepte de se voir comme le principal outil de ce changement, accepte qu’il doit changer ses priorités, qu’il doit comprendre ce qui lui arrive pour pouvoir le modifier et qu’il mène cette action en tant que représentant et constructeur du futur auquel il aspire en assumant sa prise de position et en l’offrant sans l’imposer à tous ceux qui l’entourent. Je sais déjà au fond de moi même que d’autres flammes brillantes s’agitent et s’organisent autour de moi. Certaines vacillent devant l’ampleur de la tâche et l’immensité du paysage qui s’offrent à celles qui ont choisi de regarder leur liberté en face. D’autres brillent plus fort et guident déjà des ensembles organisés en les accompagnant pas après pas, en leur enseignant ce qu’elles ont appris, comme des enfants poussés par une force de vie intérieure qui se lèvent, trébuchent, s’amusent de tomber et se relèvent en faisant un nouveau pas, à peine un peu plus sur mais déjà plus forts de l’expérience acquise et joyeux d’avancer, de dépasser leurs limites en se délectant de toute la richesse qui les habite et qui grandit en eux. Ironie suprême, décider de donner réellement un sens à sa vie est un acte de liberté que ... Décidons de nous retrouver demain aux portes de la ville, non pas pour crier notre haine envers ceux qui “décident” à notre place et mendier quelques miettes de justice en plus, non.... Décidons de nous retrouver demain aux portes de Notre ville, pour clamer notre décision interne (empreinte de joie, de foi dans la vie) de tracer la voie que nous avons besoin de choisir, pour faire trembler les murs de l’impossible avec nos éclats de rire, pour balayer les avenues d’un vent de légèreté et d’enthousiasme, pour rentrer dans la ville et tout reconstruire, en assemblant les pierres que nous sommes avec un ciment fait de tolérance, de respect, de non-violence et de solidarité. Retrouvons nous chaque fois plus nombreux au portes de Notre ville, en annonçant que nous allons bientôt rentrer et que nous ne briserons rien si ce n’est nos croyances que rien ne peut changer contre les monuments à l’Immobilisme, à la Haine, à l’Individualisme et à l’Obéissance que nous avons laissés s’ériger autour de nous. Rendons hommage à ceux qui nous traiteront de fous et considérons les avec tolérance car ils sont pris par leur folie d’étouffer chez eux et chez les autres, la brillante flamme de libération qui frappe doucement et sans discontinuer à la porte de leur âme encore enchaînée. La clameur des peuples endormis se réveille, les gens sont prêts à se lever et attendent le signal de leur flamme intérieure, le moment de se mettre en marche, dans tous les pays approche, les préparatifs de la fête du premier jour du Nouvel Humanisme sont commencés, le premier éclat de rire mondial commence à chatouiller nos cordes vocales et va ébranler l’Histoire humaine, Mettez vos plus beaux vêtements car le jour de la fête arrive et mettez à votre boutonnière, bien en évidence, la fleur de votre liberté.