Les malheurs d'Edith Comment à partir d'"e"stoires vraies se fabriquer une boîte à out"e" ! J'avais proposé pour mieux conceptualiser la e-formation, de me mettre dans toutes les situations qui vont être vécues par la future génération de stagiaires virtuels : les apprenants. Une première journée en "présentiel", comme ce mot barbare l'induit, tous les stagiaires devaient se retrouver en chair et en os pour prendre possession du scénario. Rassurante cette journée : sortis du quotidien professionnel, le naturel potache associé à l'environnement scolaire, s'est exprimé dans toute sa splendeur. La présentation personnelle de chacun fut entrecoupée de railleries, les esprits espiègles et curieux invitaient à plus de détails... à plus de confidences. Rassurés : nous allions tous partager sur le Web : enrichir un espace documentaire commun, donner nos conseils méthodologiques et livrer sans retenue nos expériences. Un devoir de stagiaire : la mutualisation, cette grande générosité ravivée par le virtuel. Un premier défi que ce don à des inconnus, devenus membres de ma communauté d'apprenants ! Un apprentissage de nos futurs outils, permit de renouer avec le concret. Pour notre classe : un Yahoo ! Groupes avec toutes les consignes de fonctionnement, une messagerie non pas personnelle mais communautaire, des boutons pour lancer le chat ou la communication "en direct" sans avoir besoin de lever le doigt pour prendre la parole... Surprenant ce nouveau cartable virtuel ! En classe, plus de tableau noir, le virtuel impose le tableau blanc partageable. Diable quel changement ! Premier loupé : lorsque notre e-tuteur a envoyé dans notre messagerie de groupe un mél, disent-il, exprimant le regret de nous voir abandonner le stage. Tous nous sommes sentis concernés et très tristes nous avons demandé des explications sur ce renvoi prématuré. Ce message s'adressait à un seul mais nous étions déjà une communauté et tous destinataires sans être le concerné ! Avant de devenir un bon élève il fallait prendre tout cela en mains... pour du virtuel que de travail ! C'est parti, testons la classe virtuelle. Tous les potaches casqués, le professeur isolé, nous entrons dans la classe en montrant patte blanche, pas des noms d'indiens ou d'acteurs, des codes d'entrée tout simples. Plus de tableau noir accroché au mur ! chacun son tableau à l'écran ! Plus besoin de lever le doigt pour prendre la parole, il suffit de cliquer sur le petit bonhomme qui le fait pour nous dans une toute petite icône. Nous écoutons, nous répondons à tour de rôle, notre voix chemine plus doucement en virtuel qu'en réel, il faut attendre son arrivée pour continuer... comme c'est étrange ! Bon l'instant de découverte passé, l'esprit bricoleur se met en route : cliquons, ici, voyons ce qui se passe avec ce bouton là ! chacun expérimente un peu plus sa trousse à crayons et voici notre "e-tuteur" parlant dans le vide. Elle ne peut pas crier, nous pouvons baisser le son ! Nous venons de découvrir comment barbouiller au pinceau l'écran sur lequel s'affiche ce qui devrait nous faire réfléchir et réagir. Notre motivation d'apprenant est autre ! Nous mettons très vite le bazar, c'est le chahut organisé, la parole ne circule plus... Ouf, on peut toujours rejouer le rôle du cancre, du rebelle, de l'indiscipliné dans une classe virtuelle. Le résultat ne se fit pas attendre : pas le piquet dans le coin de la classe, elle n'a pas de coin et mesure 800X600 pixels, pas les 100 lignesà copier mais la fermeture du droit d'expression. Le silence virtuel sur un simple clic de souris. Un musellement rapide et efficace. Le virtuel est donc sans tendresse ! Mais qu'est-ce qu'on s'est bien amusé... à notre âge ! La classe virtuelle comme la madeleine de Proust nous permis le retour dans ce monde de l'enfance ! Bon fin d'une journée qui fut si enrichissante de nouveauté que nous nous sommes quittés très enthousiastes. Le bazar semé avait plus soudé la communauté que la distribution de notre panoplie virtuelle d'apprenant. Le planning de nos rencontres en poche, nous devions achalander notre fonds de commerce virtuel ! Fiche de veille concurrentielle, analyse de produits, étude de la méthodologie de conception... Je ne sais plus sur quoi travaillait le champion de l'agriculture, un peu mieux ce sur quoi travaillait celui qui négociait les formations de routiers. mais qu'avait exprimé notre savant de la chambre du commerce ? Ah si : il avait vendu des prestations e-formations, son métier lui avait donné les arguments qu'il fallait, mais les produits restaient à fabriquer. Bon mais qu'importe, on nous l'avait confirmé : nous étions une communauté virtuelle et moi je savais toujours ce que je cherchais. Travail en solitaire effectué, pas de nuisances sonores ni virtuelles, pas signes de vie des "apprenants". Quelle condition idéale pour travailler... en communauté ? Nous devions nous retrouver pour découvrir un nouveau moyen de communication et de rencontre "le chat". Impatiente, on allait me donner un nouvel outil pour apprendre, mieux avec les autres... Hélas, Firewall, sécurité, contraintes techniques et me voilà sortie de la cour de récréation. Je n'ai plus le droit de me mêler aux autres. Il y a danger ! Je tombe soudain en errance pédagogique. C'est l'abandon total. Les autres se sont retrouvés. Ils partagent. Ils échangent. J'idéalise ce qui aurait dû être un grand moment de découverte. Découverte des autres, de leur travail... Quelle frustration ! Bon nous devions essayer de trouver une solution avec mon "e-tuteur" mais rien... Je ne sais même pas ce qu'ils ont dit, échangé... cette parole est devenue virtuelle. Elle est partie dans les tuyaux, elle ne s'est pas ancrée quelque part pour moi. Je veux bouder jusqu'à la prochaine rencontre. On me laisse dans mon coin. C'est une pédagogique virtuelle de l'échec. Je leur dirai. Youpee, demain c'est rentrée virtuelle à partir de mon local professionnel. Pas de beau tablier, pas de cartable, seulement un login, c'est même pas à fleurs. Un mot de passe, c'est pas aussi beau que la clé de Barbe bleu ! Bon mais j'ai prévenu tout le monde : demain je vais en classe virtuelle, je vais parler dans le micro, c'est très important, c'est pour devenir une savante de la e-formation, il ne faudra pad me déranger ! Bien... non ! On m'a fermé la porte au nez. On m'a mise en quarantaine parce que les autres peuvent apporter des virus. Pourtant "le protocole utilisé est le http" comme tout le monde. Oui, mais chez nous il est filtré. Je ne peux pas aller en classe virtuelle. Les questions des collègues "alors c'était comment ta classe virtuelle ?" m'ont un peu plus contrariée. C'est un nouvel échec ! Le technicien assistant me confirme que je dois rentrer chez moi. Toute seule, sans consolation. Je ne sais toujours pas ce qu'ils ont partagé, ce qu'ils ont dit. J'ai envie de crier, je suis inscrite à l'école virtuelle et je veux y aller. Je veux apprendre moi ! Je veux faire comme les autres. Je vais préparer une banderole "l'école virtuelle pour tous !". Je compte retourner au pied des grilles de mon école et finir par rentrer ! mais où est le directeur ou le proviseur ! qui peut me faire rentrer. Que faire contre cette hostilité virtuelle ? Avant dans l'autre école, lorsqu'on craignait les virus on vaccinait on faisait des "cutis" et quand le livret de santé était rempli on pouvait aller dans toutes les écoles. Maintenant, dans les classes virtuelles ce n'est pas pareil, les virus sont plus gros et très très dangereux. Edith Micheli