Date: Tue, 03 Sep 2002 22:28:51 +0200 From: Hervé Le Crosnier Subject: L'accès à l'information juridique revient dans le giron de la puissance publique Bonjour, Vous trouverez ci-après le communiqué du gouvernement annonçant la fin de la concession scandaleuse accordée depuis plus de douze par l'Etat à la société privée ORTélématique (depuis rachetée par Reuters). Vous trouverez aussi le texte extrait du JO du 9 août qui définit les nouvelles conditions de diffusion de l'information publique. Enfin, les données publiques essentielles vont être diffusées directement par la puissance publique, et cesser de servir de prébende à une entreprise ayant une concession exclusive sur ce que nul ne doit ignorer. Les lecteurs de longue date de mes poulets se souviennent des multiples messages relevant ce scandale que j'ai diffusés depuis des années. On apprend aussi dans le communiqué du gouvernement que les données vont pouvoir être disponibles en format XML pour une réutilisation. Voilà qui devrait permettre des "Diffusions Sélectives de l'Information" (diffusion sur profil). Par exemple des groupes de citoyens (syndicats, associations, groupements d'intérêt,bibliothèques,...) vont pouvoir informer leurs membres et leurs sympathisants des nouveaux textes liés à leur activité. On reste cependant perplexe sur l'annonce d'un prix de licence destiné à financer le "coût marginal" de la mise à disposition. Voilà bien une aberration à l'heure de la "société de l'information". Le passage même à une "société de l'information" est justement lié à la baisse radicale du coût marginal de diffusion. Dès lors que les données ont été préparées en format XML, leur diffusion ne coûte plus rien, en dehors de la maintenance d'un serveur assez puissant pour assurer les pics de charge. Ce qui est plutôt lié à la consultation, et non aux échanges sous-jacents entre programmes coordonnés (les fameux web-services). Les multiples services gratuits de "syndication" en sont un signe (usage de RSS par exemple). C'est tout l'intérêt d'un format normalisé et généraliste (extensible) comme XML de laisser à chaque diffuseur le soin de traiter des données qu'il récupère en vrac mais ayant une structure connue. Là encore, il y a une mauvaise compréhension de la nature des formats de données électroniques et de l'impact que leur généralisation va avoir sur la circulation de l'information. Encore un effort à faire pour que l'administration comprenne la nature profonde de l'information en réseau. Il sera cependant très intéresant de connaître le mode de calcul du "cout marginal" que l'administration va appliquer. Cela restera certainement un modèle qui, étant lui-même public, évidemment, sera longuement discuté dans toutes les écoles qui suivent l'économie de l'information. D'autant que le recouvrement du coût marginal est dépendant du nombre de licences (il est globalement stable, en tout cas assez stable pour varier fort peu avec une multiplication importante des licences), ce qui devrait conduire à baisser le coût de chaque licence.... Mais attention, créer un logiciel de calcul pour une facturation évolutive et assurer le paiement aura lui même un coût, qui risque d'être largement supérieur au fameux "coût marginal de mise à disposition". Bureaucratie, quand tu nous tiens. Bon, en attendant la suite du feuilleton, soyons content de voir déboucher une revendication déjà ancienne. Mais en saluant ce premier pas, je voudrais cependant moduler : ce contrat a duré si longtemps parce qu'une forte somme de dédit avait été "prévue" par l'administation. Dédit qui vient seulement de tomber. Hervé Le Crosnier ------------------------------------------------------------------- Communiqué du secrétariat général du gouvernement annonçant les nouvelles conditions de diffusion des données juridiques produites par l'Etat Le Gouvernement a décidé la création d'un nouveau service de l'accès au droit, qui assurera la diffusion gratuite d'un ensemble de données, répertoriant les textes et la jurisprudence. Ce service donnera notamment accès aux textes publiés dans les éditions "lois et décrets" du Journal officiel de la République française parues depuis le 1er janvier 1947, ainsi qu'à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation. Il permettra de consulter les codes, lois et décrets réglementaires dans leur rédaction en vigueur, et fera apparaître les modifications dont ces textes ont fait l'objet par le passé. On y trouvera également le texte des conventions collectives ayant fait l'objet d'un arrêté d'extension. * Trois modes de recherche seront à la disposition des usagers : * une recherche simplifiée, utilisable par un public de non spécialistes ; * un mode expert, adapté aux besoins des praticiens du droit ; * un accès thématique aux lois et règlements, conçu pour un large publie, et développé en collaboration avec le portail de l'administration française Service-public.fr. Le nouveau service aura également vacation à constituer un portail d'entrée vers l'ensemble des sites officiels comportant des données juridiques. Il proposera une sélection de sites communautaires, étrangers ou exploités par des organisations internationales. * Des licences de rediffusion pourront être consenties en format XML sur l'ensemble des données propres au service. Le tarif des licences sera déterminé de manière à couvrir le seul coût marginal de mise à disposition des données. Les contrats de licence passés avec la société O.R.T., en cours à la date d'ouverture du nouveau service, seront repris par l'Etat (direction des Journaux officiels) sur simple demande exprimée par le licencié. Celui-ci pourra bénéficier des nouvelles conditions tarifaires et techniques, qui seront précisées d'ici la fin du mois de mai prochain. * Le nouveau service ouvrira le 15 septembre 2002. A cette date, il sera mis fin à la délégation de service public confiée à la société O.R.T. Le site Jurifrance sera fermé. Le nouveau service sera consultable à partir de l'adresse http://www.legifrance.gouv.fr. La stabilité des liens faits avec l'ancien site Legifrance sera assurée. ----------------------------------------------------------------------- J.O. Numéro 185 du 9 Août 2002 page 13655 Textes généraux Premier ministre Décret no 2002-1064 du 7 août 2002 relatif au service public de la diffusion du droit par l'internet NOR : PRMX0205836D Le Premier ministre, Vu la loi no 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, notamment son article 2 ; Vu le décret no 89-647 du 12 septembre 1989 modifié relatif à la composition et au fonctionnement de la Commission supérieure de codification, Décrète : Art. 1er. - Il est créé un service public de la diffusion du droit par l'internet. Ce service a pour objet de faciliter l'accès du public aux textes en vigueur ainsi qu'à la jurisprudence. Il met gratuitement à la disposition du public les données suivantes : 1o Les actes à caractère normatif suivants, présentés tels qu'ils résultent de leurs modifications successives : a) La Constitution, les codes, les lois et les actes à caractère réglementaire émanant des autorités de l'Etat ; b) Les conventions collectives nationales ayant fait l'objet d'un arrêté d'extension. 2o Les actes résultant des engagements internationaux de la France : a) Les traités et accords auxquels la France est partie ; b) Les directives et règlements émanant des autorités de l'Union européenne, tels qu'ils sont diffusés par ces autorités. 3o La jurisprudence : a) Les décisions et arrêts du Conseil constitutionnel, du Conseil d'Etat, de la Cour de cassation et du tribunal des conflits ; b) Ceux des arrêts et jugements rendus par la Cour des comptes et les autres juridictions administratives, judiciaires et financières qui ont été sélectionnés selon les modalités propres à chaque ordre de juridiction ; c) Les arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme et les décisions de la Commission européenne des droits de l'homme ; d) Les décisions de la Cour de justice des Communautés européennes et du tribunal de première instance des Communautés européennes. 4o Un ensemble de publications officielles : a) L'édition « Lois et décrets » du Journal officiel de la République française ; b) Les bulletins officiels des ministères ; c) Le Journal officiel des Communautés européennes. Art. 2. - Il est créé un site dénommé Légifrance (http://www.legifrance.gouv.fr), placé sous la responsabilité du secrétaire général du Gouvernement et exploité par la Direction des Journaux officiels. Ce site donne accès, directement ou par l'établissement de liens, à l'ensemble des données mentionnées à l'article 1er. Il met à la disposition du public des instruments destinés à faciliter la recherche de ces données. Il offre la faculté de consulter les autres sites publics nationaux, ceux des Etats étrangers, ceux des institutions de l'Union européenne ou d'organisations internationales assurant une mission d'information juridique. Il rend compte de l'actualité législative, réglementaire et juridictionnelle. Les autres sites exploités par les administrations de l'Etat qui participent à l'exécution du service public de la diffusion du droit par l'internet sont désignés par arrêté du Premier ministre, pris après avis du comité mentionné à l'article 5 du présent décret. Art. 3. - La Direction des Journaux officiels produit les bases de données correspondant aux actes dont elle assure la publication. Elle réalise, en particulier, une base assurant l'intégration, dans de brefs délais, des modifications apportées aux textes légistatifs et réglementaires. Elle peut également prendre en charge la réalisation d'autres bases mentionnées à l'article 1er, sur demande des autorités dont émanent les données. Art. 4. - Des licences de réutilisation des données mentionnées à l'article 1er et détenues par l'Etat peuvent être accordées aux personnes qui souhaitent faire usage de ces données dans le cadre de leur activité, que celle-ci ait ou non un caractère commercial. Une convention précise les conditions d'utilisation des données et, notamment, les engagements pris par le bénéficiaire afin de garantir que l'usage qui en sera fait répond à l'exigence de fiabilité qui s'impose pour la diffusion de telles données. La décision d'accorder la licence est prise par l'autorité responsable de l'exploitation du site sur lequel sont diffusées les données objet de la licence. Le comité mentionné à l'article 5 du présent décret est préalablement consulté. Les licences sont accordées à titre gracieux. Le bénéficiaire supporte le coût de la mise à disposition des données. Les licences ne peuvent être rétrocédées. Art. 5. - Il est créé, auprès du Premier ministre, un comité du service public de la diffusion du droit par l'internet. Ce comité exerce les attributions suivantes : 1o Il rend les avis prévus aux articles 2 et 4 du présent décret ; il peut être saisi de tout différend auquel donnerait lieu l'usage des licences mentionnées à l'article 4 ; 2o Il fait toutes propositions qui lui paraissent utiles en vue d'améliorer la qualité du service public de la diffusion du droit ; 3o Il établit, chaque année, un rapport d'évaluation qui est diffusé sur le site mentionné au premier alinéa de l'article 2 du présent décret ; 4o Il apporte son expertise aux administrations désireuses de procéder à la diffusion de données juridiques sur l'internet. Un arrêté du Premier ministre fixe la composition du comité, qui comprend, notamment, des représentants des entreprises spécialisées dans le domaine de l'édition juridique. Art. 6. - Le décret du 12 septembre 1989 susvisé est modifié comme il suit : I. - Il est ajouté à l'article 1er de ce décret un alinéa ainsi rédigé : « Enfin, la commission est saisie par la Direction des Journaux officiels des difficultés que soulève la mise à jour des textes mentionnés au 1o de l'article 1er du décret no 2002-1064 du 7 août 2002 relatif au service public de la diffusion du droit par l'internet ainsi que de toute question liée à cette activité. Elle formule toute proposition utile dans ce domaine. » II. - Il est ajouté à l'article 2 du même décret un alinéa ainsi rédigé : « Pour l'exercice de la mission définie au dernier alinéa de l'article 1er du présent décret, la commission s'appuie sur les travaux d'un groupe d'experts constitué auprès d'elle, dont la composition est fixée par arrêté du Premier ministre. » Art. 7. - Les dispositions du présent décret entrent en vigueur le 15 septembre 2002. Le décret no 96-481 du 31 mai 1996 relatif au service public des bases de données juridiques est abrogé à compter de la même date. Art. 8. - Le présent décret sera publié au Journal officiel de la République française. Fait à Paris, le 7 août 2002. Jean-Pierre Raffarin