From: *** Date: Wed, 5 Jan 2005 14:39:50 +0100 bonjour, tous mes voeux de bonheur et de santé à vous et à vos familles ci-joint une petite analyse d'un film assez intéressant amicalement christophe Analyse du film/documentaire "The Corporation" L'entreprise (principalement multinationale et riche), en tant que "personne morale", peut-elle être qualifiée sur le plan psychiatrique de monstre "psychopathe", en possède-t-elle les symptômes qui permettent de le diagnostiquer et par là-même de la mettre légalement hors d'état de nuire aux citoyens ? C'est la thèse nouvelle et intéressante que développe ce film/documentaire canadien durant 2h24 (il n'est sorti que dans une seule salle à Paris). Les 3 auteurs sont un journaliste, un documentariste et un professeur de droit. La première partie du film montre comment l'entreprise est devenue si puissante grâce à cette notion légale de personne morale dont elle a su utiliser à fond toutes les caractéristiques, y compris en détournant l'héritage aux USA de la lutte contre l'esclavagisme, pour les droits civiques et l'égalité raciale ! La seconde partie démontre avec de nombreux exemples que cette personne morale a tous les attributs cliniques du psychopathe. Et la conclusion explique qu'il faut remonter aux origines de la loi pour trouver les moyens de battre les entreprises sur leur propre terrain, la bataille du 21ème siècle ne sera pas syndicale mais juridique et émanant de la société civile. On voit/apprend (entre autres) tout au long du film un certain nombre de choses : - l'intervention d'un Mark Moody-Stuart très à l'aise, avec en particulier l'épisode filmé du sitting des manifestants dans sa maison de campagne où il retourne la situation à l'avantage de Shell, avec en plus Madame servant le thé sur la pelouse à des gens qui étaient venus pour accrocher une banderole "assassins" sur la maison !!! - l'intervention d'un "Competitive Intelligence Professional" dénommé Marc Barry et qui a des méthodes assez trash. - une tentative (avortée) par des citoyens et des avocats aux USA de dissoudre Unocal pour son comportement en Birmanie en tant qu'entreprise (le film laisse sous-entendre que ce n'est que partie remise et qu'un jour, quelque part, un juge trouvera ce type de plainte recevable et lancera la procédure). - une tentative (avortée dans les émeutes et le sang) par une entreprise (Bechtel) de privatiser l'eau de pluie en Bolivie (mais là aussi le film laisse entendre qu'on en arrivera là un jour prochain). - l'original (ou le fac-similé) d'un contrat entre Esso et EssoLub et le IIIème Reich. - le fait qu'IBM en 1942 aurait assuré lui-même la maintenance "in situ" des machines à cartes perforées dans les camps d'extermination nazis. - une tentative de whistle-blowing contre la Fox qui tourne très mal pour les dénonciateurs. - le fait que la notion de Corporate Social Responsability n'a pas de sens en soi ! Un des messages en filigrane du film est qu'il y a un antagonisme profond entre l'entreprise qui cherche à tout privatiser pour augmenter ses bénéfices : le sol, le sous-sol, la mer, le ciel, les organismes vivants (c'est déjà le cas pour certains microbes avec une bataille de brevets : à quand une entreprise qui revendiquera le virus du Sida et fera payer une redevance aux "porteurs" ?!), et les citoyens qui veulent jouir gratuitement des bienfaits de la nature et pouvoir chanter "Happy Birthday to you" dans un goûter d'enfants sans avoir de droits à verser à une filiale d'AOL/TimeWarner (qui a réclamé 10000 dollars pour pouvoir montrer des enfants la chantant dans le film, et donc la scène est finalement muette). C'est là que se situe le vrai débat pour les auteurs du film. La démonstration est un peu fastidieuse car le montage n'est pas très percutant (ce n'est pas Fahrenheit 9/11) et beaucoup de personnes à la sortie de la séance ont trouvé cela trop long (en plus, les sous-titres blancs sont souvent difficilement lisibles sur des images où le blanc est très présent). Mais il n'empêche qu'il y a beaucoup d'éléments à disséquer dans le contenu en lui-même. Le film est déjà sorti en salle ou à la télévision dans 18 pays, il a eu de bonnes critiques (l'Express de cette semaine le qualifie d'"Incontournable") et a raflé une quinzaine d'awards dans différents festivals. Le site web du film propose des tee-shirts, livres, affiches et autres matériels promotionnels. Il propose aussi de s'inscrire à des mailing listes pour poursuivre le débat et annonce qu'il va lancer un grand "Global Referendum on Corporate Power". Il y a aussi un "pack pédagogique" avec le film en cassette et des documents pour alimenter un cours, c'est par là que les auteurs pensent diffuser leurs thèses. La question maintenant est de savoir si cela va avoir un écho quelconque et si les gens, comme l'espère Michael Moore, vont "faire quelque chose" à la sortie de la salle de cinéma ? http://www.thecorporation.com/