Décision n° 87-227 DC du 7 juillet 1987

Loi modifiant l'organisation administrative et le régime électoral de la ville de Marseille

Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 9 juin 1987, par MM. Pierre JOXE, Lionel JOSPIN, Jean-Pierre BALLIGAND, Gérard BAPT, Claude BARTOLONE, Jean BEAUFILS, Guy BECHE, André BELLON, Jean-Michel BELORGEY, Pierre BEREGOVOY, Louis BESSON, André BILLARDON, Jean-Marie BOCKEL, Augustin BONREPAUX, Jean-Michel BOUCHERON (Ille-et-Vilaine), Roland CARRAZ, Guy CHANFRAULT, Jean-Pierre CHEVENEMENT, André CLERT, Michel COFFINEAU, Gérard COLLOMB, Mme Edith CRESSON, MM. Louis DARINOT, Michel DELEBARRE, André DELEHEDDE, Bernard DEROSIER, Jean-Pierre DESTRADE, Paul DHAILLE, Raymond DOUYERE, René DROUIN, Mme Georgina DUFOIX, MM. Jean-Paul DURIEUX, Job DURUPT, Claude EVIN, Henri FISZBIN, Jacques FLEURY, Mme Martine FRACHON, MM. Pierre GARMENDIA, Jean GIOVANNELLI, Joseph GOURMELON, Edmond HERVE, André LABARRERE, Jean LACOMBE, Mme Catherine LALUMIERE, MM. Jérôme LAMBERT, Christian LAURISSERGUES, Georges LE BAILL, Jean-Yves LE DEAUT, Robert LE FOLL, Jean LE GARREC, André LEDRAN, André LEJEUNE, Jean-Jacques LEONETTI, François LONCLE, Jacques MAHEAS, Guy MALANDAIN, Philippe MARCHAND, Michel MARGNES, Pierre MAUROY, Joseph MENGA, Louis MERMAZ, Louis MEXANDEAU, Jean-Pierre MICHEL, Mme Christiane MORA, MM. Louis MOULINET, Henri NALLET, Mmes Véronique NEIERTZ, Paulette NEVOUX, Jacqueline OSSELIN, MM. Michel PEZET, Charles PISTRE, Jean-Claude PORTHEAULT, Philippe PUAUD, Noël RAVASSARD, Alain RICHARD, Michel ROCARD, Alain RODET, Jacques ROGER-MACHART, Mme Yvette ROUDY, MM. Philippe SANMARCO, Jacques SANTROT, Michel SAPIN, Roger-Gérard SCHWARTZENBERG, Jacques SIFFRE, René SOUCHON, Mmes Renée SOUM, Gisèle STIEVENARD, M. Dominique STRAUSS-KAHN, Mmes Marie-Josèphe SUBLET, Ghislaine TOUTAIN, MM. Michel VAUZELLE, Gérard WELZER, Pierre ORTET, Jean-Hugues COLONNA, députés, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la loi modifiant l'organisation administrative et le régime électoral de la ville de Marseille ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment les articles figurant au chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que les auteurs de la saisine critiquent certaines des modifications apportées par l'article premier de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel au tableau des secteurs pour l'élection des conseillers municipaux de Marseille qui est annexé au code électoral ;

2. Considérant que, tout en laissant inchangé le nombre de conseillers municipaux de Marseille qui est de 101, la loi déférée a pour objet, en premier lieu, de substituer aux six secteurs électoraux délimités par la loi n° 82-1170 du 31 décembre 1982 et qui recouvraient un nombre d'arrondissements compris selon le cas entre un et quatre, huit secteurs composés chacun d'un nombre uniforme d'arrondissements ; qu'en second lieu, la loi répartit le nombre de sièges à pourvoir à raison respectivement, de 11 sièges pour le 1er secteur, 8 sièges pour le 2ème, 11 sièges pour le 3ème, 15 sièges pour le 4ème, 15 sièges pour le 5ème, 13 sièges pour le 6ème, 16 sièges pour le 7ème et 12 sièges pour le 8ème secteur ;

3. Considérant qu'il est soutenu, à titre principal, que l'égalité des citoyens devant le pouvoir de suffrage est méconnue dans la mesure où les sièges attribués à chaque secteur n'ont pas été, dans tous les cas, répartis proportionnellement à leur population ; qu'en effet, en appliquant la répartition proportionnelle à la plus forte moyenne, le 7ème secteur devrait élire 18 conseillers et non 16 alors que les 1er et 4ème secteurs n'auraient droit, tout au plus, qu'à en désigner respectivement 10 et 14 et non 11 et 15 comme le prévoit la loi déférée ; que les arguments tirés lors des débats devant le Parlement de ce que les 1er et 4ème secteurs vont se repeupler ne sont pas recevables ; qu'en fait, la répartition des sièges privilégie les secteurs favorables à la majorité parlementaire actuelle ; qu'à titre subsidiaire, les auteurs de la saisine font valoir qu'il y a rupture d'égalité entre Marseille et toutes les autres collectivités, si le critère qui a été implicitement retenu pour minorer la représentation du 7ème secteur par rapport à celle des 1er et 4ème secteurs est fonction, non de l'importance de la population, ce qui correspond à un principe républicain traditionnel, mais, au contraire, du nombre d'électeurs inscrits ;

4. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 72 de la Constitution "les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les territoires d'outre-mer. Toute autre collectivité territoriale est créée par la loi" ; que le deuxième alinéa du même article dispose que "ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus et dans les conditions prévues par la loi" ; qu'en vertu du troisième alinéa de l'article 24 de la Constitution, le Sénat, qui est élu au suffrage indirect, "assure la représentation des collectivités territoriales de la République" ; que, selon le troisième alinéa de l'article 3 de la Constitution, "le suffrage est toujours universel, égal et secret" ; que l'article 6 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 proclame que la loi "doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse" ;

5. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'organe délibérant d'une commune de la République doit être élu sur des bases essentiellement démographiques résultant d'un recensement récent ; que, s'il ne s'ensuit pas que la répartition des sièges doive être nécessairement proportionnelle à la population de chaque secteur ni qu'il ne puisse être tenu compte d'autres impératifs d'intérêt général, ces considérations ne peuvent intervenir que dans une mesure limitée ;

6. Considérant qu'il ressort de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel que la délimitation des secteurs pour l'élection des conseillers municipaux de Marseille, qui n'est d'ailleurs pas contestée par les auteurs de la saisine, a été effectuée en regroupant par deux les seize arrondissements municipaux créés, en application de la loi n° 46-245 du 20 février 1946, par le décret n° 46-2285 du 18 octobre 1946 ; que chaque secteur est composé de territoires contigès ; que demeure applicable à l'élection des conseillers municipaux un même mode de scrutin ; qu'il ressort des débats parlementaires que la répartition des sièges entre les secteurs a pris essentiellement en compte l'ensemble des habitants résidant dans chaque secteur ; que, même si le législateur n'a pas jugé opportun, pour deux des cent un sièges à attribuer, de faire une stricte application de la répartition proportionnelle à la plus forte moyenne, les écarts de représentation entre les secteurs selon l'importance respective de leur population telle qu'elle ressort du dernier recensement, ne sont ni manifestement injustifiables ni disproportionnés de manière excessive ;

7. Considérant qu'en l'espèce il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever d'office aucune question de conformité à la Constitution en ce qui concerne les autres dispositions de la loi soumise à son examen ;

D E C I D E :

Article premier.-La loi modifiant l'organisation administrative et le régime électoral de la ville de Marseille n'est pas contraire à la Constitution.

Article 2.-La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 7 juillet 1987.