Décision n° 85-196 DC du 8 août 1985
Loi sur l'évolution de la Nouvelle-Calédonie
Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 26 juillet 1985, par MM. Claude LABBE, Jacques CHIRAC, Jacques TOUBON, Pierre-Charles KRIEG, Henri de GASTINES, Charles PACCOU, Pierre-Bernard COUSTE, Pierre BACHELET, Camille PETIT, René ANDRE, Mme Nicole de HAUTECLOCQUE, MM. Marc LAURIOL, Etienne PINTE, Gabriel KASPEREIT, Didier JULIA, Michel DEBRE, Maurice COUVE DE MURVILLE, Georges GORSE, Emmanuel AUBERT, Robert-André VIVIEN, Jean-Louis GOASDUFF, Charles MIOSSEC, Yves LANCIEN, Jean VALLEIX, Edouard FREDERIC-DUPONT, Michel INCHAUSPE, Michel COINTAT, Roger CORREZE, Claude-Gérard MARCUS, Mme Hélène MISSOFFE, MM. Georges TRANCHANT, Jean de LIPKOWSKI, Jacques BAUMEL, Bruno BOURG-BROC, Michel BARNIER, Alain PEYREFITTE, Roland NUNGESSER, Antoine GISSINGER, Olivier GUICHARD, Bernard ROCHER, Jean TIBERI, Jean de PREAUMONT, Jean NARQUIN, Gérard CHASSEGUET, Jean HAMELIN, Vincent ANSQUER, Christian BERGELIN, Robert WAGNER, Pierre MAUGER, Lucien RICHARD, Bernard PONS, Roland VUILLAUME, Georges DELATRE, Roger FOSSE, Jacques CHABAN-DELMAS, Jean-Paul CHARIE, Jacques GODFRAIN, François GRUSSENMEYER, Daniel GOULET, Xavier DENIAU, Michel PERICARD, Jacques LAFLEUR, Jean FOYER, Alain MAYOUD, André ROSSINOT, Jean PRORIOL, Emmanuel HAMEL, Pierre MEHAIGNERIE, Marcel ESDRAS, Alain MADELIN, Loïc BOUVARD, François d'AUBERT, Roger LESTAS, Jean BROCARD, Claude BIRRAUX, Francisque PERRUT, Georges MESMIN, Jacques DOMINATI, Jean SEITLINGER, Jean DESANLIS, Francis GENG, René HABY, Jean-Paul FUCHS, François d'HARCOURT, Henri BAUDOUIN, Gilbert GANTIER, Edmond ALPHANDERY, Jean-Pierre SOISSON, Jean-Claude GAUDIN, députés, et le 27 juillet 1985 par MM. Etienne DAILLY, Charles PASQUA, Dick UKEIWE, Michel ALLONCLE, Jean AMELIN, Hubert d'ANDIGNE, Marc BECAM, Henri BELCOUR, Paul BENARD, Amédée BOUQUEREL, Yvon BOURGES, Raymond BOURGINE, Jacques BRACONNIER, Raymond BRUN, Michel CALDAGUES, Pierre CAROUS, Auguste CAZALET, Jean CHAMANT, Jacques CHAUMONT, Michel CHAUTY, Jean CHERIOUX, François O. COLLET, Henri COLLETTE, Charles de CUTTOLI, Luc DEJOIE, Jacques DELONG, Charles DESCOURS, Franz DUBOSCQ, Marcel FORTIER, Philippe FRANCOIS, Michel GIRAUD, Adrien GOUTEYRON, Bernard-Charles HUGO, Roger HUSSON, Paul KAUSS, Christian de LA MALENE, Jean-François LE GRAND, Maurice LOMBARD, Paul MALASSAGNE, Paul MASSON, Michel MAURICE-BOKANOWSKI, Geoffroy de MONTALEMBERT, Arthur MOULIN, Jean NATALI, Lucien NEUWIRTH, Paul d'ORNANO, Christian MASSON, Sosefo Makape PAPILIO, Christian PONCELET, Henri PORTIER, Alain PLUCHET, Claude PROUVOYEUR, Josselin de ROHAN, Roger ROMANI, Michel RUFIN, Maurice SCHUMANN, Louis SOUVET, Jacques VALADE, Edmond VALCIN, André-Georges VOISIN, Jacques HABERT, Charles-Henri de COSSE BRISSAC, Christian BONNET, André BETTENCOURT, Jean-François PINTAT, Marcel LUCOTTE, Philippe de BOURGOING, Richard POUILLE, Michel SORDEL, Jean PUECH, Roland RUET, Jean-Pierre FOURCADE, Jean-Pierre TIZON, Guy de LA VERPILLIERE, Pierre CROZE, Jean-Paul BATAILLE, Michel CRUCIS, Louis LAZUECH, Roland du LUART, Jacques LARCHE, Jacques THYRAUD, Yves GOUSSEBAIRE-DUPIN, Hubert MARTIN, Pierre-Christian TAITTINGER, Jean-Marie GIRAULT, Guy CABANEL, Jean BOYER, Serge MATHIEU, Jean BENARD-MOUSSEAUX, Pierre LOUVOT, Jean DELANEAU, Michel d'AILLIERES, Charles JOLIBOIS, Jacques DESCOURS DESACRES, Michel MIROUDOT, Henri ELBY, Jacques PELLETIER, Max LEJEUNE, Charles-Edmond LENGLET, Guy BESSE, Bernard LEGRAND, Jacques TOUTAIN, Charles BEAUPETIT, Jean FRANCOIS-PONCET, Jean-Pierre CANTEGRIT, Edouard BONNEFOUS, Paul ALDUY, Alphonse ARZEL, Jean-Pierre BLANC, Roger BOILEAU, Raymond BOUVIER, Louis CAIVEAU, Jean CAUCHON, Marcel DAUNAY, Jean FAURE, Charles FERRANT, Alfred GERIN, Marcel HENRY, Daniel HOEFFEL, Jean HUCHON, Pierre LACOUR, Bernard LAURENT, Henri LE BRETON, Yves LE COZANNET, Edouard LE JEUNE, Roger LISE, Jacques MACHET, Jean MADELAIN, Louis MERCIER, Dominique PADO, André RABINEAU, Pierre SICARD, Michel SOUPLET, Albert VECTEN, Frédéric WIRTH, Charles ZWICKERT, sénateurs, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi sur l'évolution de la Nouvelle-Calédonie ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Considérant que les auteurs des saisines contestent la conformité à la Constitution de la loi sur l'évolution de la Nouvelle-Calédonie en raison tant de la procédure suivie pour son adoption que du contenu de ses dispositions ;
SUR LA PROCEDURE LEGISLATIVE :
Considérant que les auteurs des saisines font grief à la loi d'avoir été adoptée en méconnaissance de l'article 74 de la Constitution en ce que l'assemblée territoriale de Nouvelle-Calédonie a été saisie après le dépôt du projet de loi devant l'Assemblée nationale et que celle-ci a commencé sa délibération avant d'avoir pu connaître l'avis de l'assemblée territoriale ;
Considérant qu'aux termes de l'article 74 de la Constitution l'organisation des territoires d'outre-mer "est définie et modifiée par la loi après consultation de l'assemblée territoriale intéressée" ;
Considérant qu'il résulte de cette disposition que l'avis émis en temps utile par l'assemblée territoriale, consultée avec un préavis suffisant, doit être porté à la connaissance des parlementaires, pour lesquels il constitue un élément d'appréciation nécessaire, avant l'adoption en première lecture de la loi par l'assemblée dont ils font partie, mais qu'aucune disposition de valeur constitutionnelle n'exige que cet avis soit demandé avant le dépôt du projet de loi devant le Parlement ;
Considérant que le projet de loi a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 30 avril 1985 et que l'assemblée territoriale, qui en a été saisie le 2 mai, a émis son avis le 31 mai ; que, si l'Assemblée nationale a entrepris la discussion générale du projet de loi le 29 mai et poursuivi l'examen des articles le 30 mai, elle a suspendu cet examen le même jour et procédé à une seconde délibération du projet le 4 juin 1985, après avoir reçu l'avis de l'assemblée territoriale ; qu'ainsi cet avis a pu être émis en temps utile et qu'il a été porté à la connaissance de l'Assemblée nationale avant l'adoption de la loi en première lecture ; que le moyen n'est donc pas fondé ;
SUR LE FOND :
. En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance des articles 53, alinéa 3, 55 et 88 de la Constitution et des principes du droit international public :
Considérant que les sénateurs auteurs d'une saisine font grief à l'article 1er, premier alinéa, de la loi de prévoir que les populations de Nouvelle-Calédonie seront appelées à se prononcer simultanément sur l'indépendance et sur "l'association avec la France" ; qu'il est exposé que les accords d'association visés par l'article 88 de la Constitution ne concernent que des Etats totalement indépendants ; que la consultation des populations de Nouvelle-Calédonie n'est donc pas conforme à l'article 53, alinéa 3, de la Constitution, en raison de ce que la population d'un territoire de la République n'est pas qualifiée pour décider si ce territoire, dans l'hypothèse où il accéderait à l'indépendance, pourrait signer ou non un accord d'association avec la France ; qu'en outre, cette disposition ne respecte pas la "hiérarchie des règles de droit : un acte de droit interne, fut-ce une loi, ne peut préjuger d'un accord international librement signé entre deux Etats associés, comme le rappelle l'article 55 de la Constitution qui donne aux Traités internationaux une autorité supérieure à celle des lois" ; que, de surcroît, l'article 1er de la loi n'est pas conforme aux principes du droit international public et, notamment, à la résolution de l'Assemblée générale des Nations-Unies du 14 décembre 1960 sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux qui proscrit toute condition ou réserve "au moment du transfert de souveraineté." ;
Considérant qu'en prévoyant de demander aux populations intéressées de se prononcer sur l'accession du territoire à l'indépendance "en association avec la France", sans autre précision, l'article 1er, premier alinéa, de la loi, se borne à formuler une déclaration d'intention sans contenu normatif ; que, s'agissant d'un objectif que le législateur se fixe à lui-même en vue de dispositions législatives ultérieures, il ne saurait, en l'état, être comme tel susceptible de censure constitutionnelle ; que, dès lors, les moyens invoqués ne sauraient être accueillis ;
En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance des articles 2, 34 et 72 de la Constitution :
Considérant que les auteurs des deux saisines reprochent à la loi soumise au Conseil constitutionnel de consacrer une évolution régressive du statut de la Nouvelle-Calédonie en supprimant le gouvernement territorial, en faisant du haut-commissaire l'exécutif du congrès du territoire et en incluant dans le domaine de la loi des matières qui relevaient de la compétence territoriale ; que les sénateurs auteurs d'une saisine font en outre grief à la loi de ne pas définir de manière suffisante les compétences respectives du nouvel exécutif et du congrès du territoire, d'attribuer aux régions les compétences de droit commun de l'Assemblée territoriale, de permettre au Gouvernement d'adapter et de modifier le statut du territoire par voie d'ordonnances et de faire du congrès du territoire, non une assemblée issue d'une consultation destinée à l'élire, mais une réunion de personnes élues pour administrer les régions ; que, pour l'ensemble de ces motifs, les articles 2, 5, 22, 24, 25, 26 et 29 de la loi méconnaissent le principe de libre administration des collectivités territoriales posé par l'article 72 de la Constitution que la loi doit mettre en oeuvre conformément à l'article 34 de celle-ci ; qu'enfin, en disposant qu'une collectivité territoriale déterminée puisse être la seule à être privée d'autorité exécutive dans la matière de sa compétence, la loi porte atteinte au principe d'égalité posé par l'article 2 de la Constitution ;
Considérant qu'aux termes de l'article 72, deuxième alinéa, de la Constitution, les collectivités territoriales "s'administrent librement par des conseils élus et dans les conditions prévues par la loi" ; que l'article 34 prévoit que "la loi détermine les principes fondamentaux ... de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources" ; que, selon l'article 2 de la Constitution, la France "assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion" ; qu'en outre l'article 74 de la Constitution dispose : "Les territoires d'outre-mer de la République ont une organisation particulière tenant compte de leurs intérêts propres dans l'ensemble des intérêts de la République. Cette organisation est définie et modifiée par la loi après consultation de l'assemblée territoriale intéressée" ;
Considérant qu'il résulte, d'une part, de l'article 74 susvisé que le législateur, compétent pour fixer l'organisation particulière de chacun des territoires d'outre-mer en tenant compte de ses intérêts propres, peut prévoir, pour l'un d'entre eux, des règles d'organisation répondant à sa situation spécifique, distinctes de celles antérieurement en vigueur comme de celles applicables dans les autres territoires ; qu'il résulte, d'autre part, de l'article 72 que, pour s'administrer librement, le territoire doit, dans les conditions qu'il appartient à la loi de prévoir, disposer d'un conseil élu doté d'attributions effectives ;
Considérant qu'en opérant une nouvelle répartition d'attributions entre les conseils de région et le congrès du territoire et en maintenant à ce dernier les compétences prévues par la loi n° 84-821 du 6 septembre 1984 non expressément modifiées par l'article 24 de la loi soumise au Conseil constitutionnel, celle-ci, en faisant application de l'article 74, n'a méconnu ni l'article 72, ni l'article 34 de la Constitution ; qu'elle n'a pas davantage violé ces dispositions en permettant au Gouvernement, dans les conditions limitativement prévues à l'article 27 de la loi, non de modifier le statut du territoire, mais de prendre les mesures d'adaptation qu'impose la loi ; qu'en prévoyant que le territoire dispose d'un conseil élu celle-ci a pu charger ses membres d'une double fonction territoriale et régionale, sans enfreindre aucune règle constitutionnelle ; qu'enfin, le principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales non plus que le principe d'égalité ne sont méconnus par le rôle confié au haut-commissaire, qui comporte l'obligation de préparer les délibérations du congrès du territoire et d'exécuter ses décisions ; que ces moyens ne sont donc pas fondés ;
. En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance du principe d'égalité :
Considérant que les députés auteurs de l'une des saisines soutiennent que les articles 3 à 5 de la loi, qui selon eux, tendent à "conférer la majorité au sein du congrès à une ethnie qui n'est pas majoritaire en nombre dans la population du territoire", sont contraires au principe d'égalité ; qu'ils estiment, en effet, que "par la sur-représentation de certaines régions et la représentation minorée d'une autre" les dispositions critiquées méconnaissent à la fois le principe de l'égalité du suffrage et celui de l'égalité devant la loi sans distinction d'origine, de race ou de religion, énoncés respectivement par le troisième alinéa de l'article 3 et par le premier alinéa de l'article 2 de la Constitution ;
Considérant que les sénateurs auteurs de l'autre saisine soutiennent que le principe d'égalité du suffrage, qui résulte de l'article 6 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen et de l'article 2 de la Constitution, est méconnu par plusieurs dispositions de la loi soumise au Conseil constitutionnel ; qu'ils font valoir, en premier lieu, que le découpage en quatre régions opéré par l'article 3 de la loi et la répartition des électeurs entre ces quatre régions obéissent "à des considérations qui s'inspirent directement de critères ethniques" contraires au principe d'égalité énoncé par le premier alinéa de l'article 2 de la Constitution, en second lieu, que l'article 4 crée une "inégalité de représentation entre chacune des régions" dès lors qu'il sera deux fois plus difficile d'être élu dans la région de Nouméa que dans n'importe laquelle des autres régions ; qu'ils font valoir, enfin, qu'en laissant au haut-commissaire la possibilité de décider que le dépouillement pourra s'effectuer dans d'autres lieux que les bureaux de vote, l'article 13 permet que ce dépouillement puisse se dérouler dans des conditions dont le haut-commissaire sera seul maître et qui pourront être différentes selon les bureaux ;
Considérant qu'aux termes de l'article 2, premier alinéa, déjà cité, de la Constitution, la République "assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion" ; que, selon l'article 3, troisième alinéa, le suffrage "est toujours universel, égal et secret" ; que l'article 6 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 dispose que la loi "doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents" ;
Considérant que ces dispositions ne font pas obstacle à la possibilité pour le législateur, en conformité avec l'article 74 de la Constitution, d'instituer et de délimiter des régions dans le cadre de l'organisation particulière d'un territoire d'outre-mer en tenant compte de tous éléments d'appréciation, notamment de la répartition géographique des populations ; que, ce faisant, l'article 3 de la loi n'a pas violé l'article 2 de la Constitution ;
Mais considérant que le congrès, dont le rôle comme organe délibérant d'un territoire d'outre-mer ne se limite pas à la simple administration de ce territoire doit, pour être représentatif du territoire et de ses habitants dans le respect de l'article 3 de la Constitution, être élu sur des bases essentiellement démographiques ; que s'il ne s'ensuit pas que cette représentation doive être nécessairement proportionnelle à la population de chaque région ni qu'il ne puisse être tenu compte d'autres impératifs d'intérêt général, ces considérations ne peuvent cependant intervenir que dans une mesure limitée qui, en l'espèce, a été manifestement dépassée ;
Considérant qu'ainsi l'énoncé des nombres 9, 9, 18, 7 dans le tableau figurant à l'alinéa 2 de l'article 4 de la loi doit être déclaré non conforme à la Constitution ; que, par suite, l'alinéa 2, inséparable de l'énoncé de ces nombres, doit dans son ensemble être déclaré non conforme à la Constitution ; que les autres dispositions des articles 4 et 5 ne sont pas contraires à la Constitution ;
Considérant, enfin, que l'article 13 de la loi permet au haut-commissaire de décider que le dépouillement du scrutin sera effectué dans un autre lieu que le bureau de vote ; que cette disposition répond au souci d'assurer, en cas de troubles, la régularité du dépouillement ; que la loi prévoit que le transport des urnes et des documents relatifs aux opérations électorales sera entouré de garanties qu'elle définit et qu'il sera procédé au dépouillement selon les modalités déterminées à l'article L. 65 du code électoral ; qu'en posant des règles spéciales pour répondre à des situations exceptionnelles, l'article 13 de la loi n'a pas méconnu le principe d'égalité ; que, dès lors, le moyen n'est pas fondé ;
.En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance des principes du secret et de la liberté du scrutin :
Considérant que les sénateurs auteurs d'une saisine font grief à la loi de ne pas comporter, eu égard à la situation particulière du territoire, des garanties suffisantes pour assurer le secret du suffrage exigé par l'article 3, troisième alinéa, de la Constitution ; qu'ils font valoir que la loi déférée ne prévoit pas de sanction pénale pour assurer l'interdiction faite à l'électeur de quitter le bureau de vote porteur d'un bulletin de vote ; que, en cas de vote par correspondance ou par procuration, l'anonymat de l'électeur ou, le cas échéant, la liberté de vote du mandataire, ne sont pas suffisamment protégés ; qu'ainsi, les articles 10 et 11 de la loi sont contraires à la Constitution ;
Considérant que, pour assurer le secret et la liberté du suffrage, le législateur a prévu un ensemble de mesures complétant, pour la Nouvelle-Calédonie, celles de droit commun ; qu'il lui appartenait d'apprécier l'opportunité de les assortir ou non de sanctions pénales ; qu'il lui revenait également de déterminer si des garanties supplémentaires doivent ou non accompagner le vote par procuration ou par correspondance ; que le moyen n'est donc pas fondé ;
. En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 61 de la Constitution :
Considérant que les sénateurs auteurs d'une saisine demandent au Conseil constitutionnel de déclarer l'article 27 de la loi non conforme à la Constitution comme ne permettant pas l'exercice effectif du droit de saisir le Conseil constitutionnel ; qu'ils exposent que les ordonnances ne sont en effet, jusqu'à leur ratification, que des actes administratifs ne relevant pas du contrôle dudit Conseil et que le délai accordé jusqu'au 1er décembre 1985 au Gouvernement pour le dépôt du projet de loi de ratification prive ce projet de toute chance sérieuse d'être voté avant la fin de la législature ; qu'est ainsi exclue toute possibilité de saisir le Conseil constitutionnel ;
Considérant qu'aux termes de l'article 61 de la Constitution "les lois peuvent être déférées au Conseil constitutionnel, avant leur promulgation, par le Président de la République, le Premier ministre, le Président de l'Assemblée nationale, le Président du Sénat ou soixante députés ou soixante sénateurs" ;
Considérant que, si en vertu de cette disposition, le contrôle de constitutionnalité exercé par le Conseil constitutionnel ne peut porter que sur les lois, et non sur les ordonnances prévues par l'article 38 de la Constitution, celles-ci n'en sont pas moins soumises au contrôle du juge de l'excès de pouvoir ; qu'enfin, en fixant! au 1er décembre 1985 le terme du délai imparti au gouvernement pour le dépôt de la loi de ratification des ordonnances, le législateur a exercé, sans le dénaturer, le pouvoir qui lui est conféré par l'article 38 de la Constitution ; que, par suite, le moyen doit être rejeté ;
.En ce qui concerne l'ensemble de la loi :
Considérant qu'en l'espèce il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever d'office aucune question de conformité à la Constitution en ce qui concerne les autres dispositions de la loi soumise à son examen ;
D E C I D E :
Article premier.- Les dispositions de l'alinéa 2 de l'article 4 de la loi sur l'évolution de la Nouvelle-Calédonie sont déclarées non conformes à la Constitution.
Article 2.- Les autres dispositions de la loi sur l'évolution de la Nouvelle-Calédonie sont déclarées conformes à la Constitution.
Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 8 août 1985.