Conformément à l'article 7 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) a été saisie pour avis, le 8 avril 2008, par le ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, et par la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur un projet d'arrêté fixant l'évolution moyenne des tarifs de vente du gaz naturel en distribution publique de Gaz de France.
L'évolution des tarifs, prévue par le projet d'arrêté, est une hausse moyenne de 0,264 c€/kWh, qui doit être appliquée aux tarifs en vigueur à la date de signature de l'arrêté.
Les barèmes correspondant à cette hausse sont joints à la lettre de saisine.
Pour élaborer son avis, la CRE a auditionné Gaz de France, les trois principaux fournisseurs alternatifs de gaz aux clients particuliers et professionnels, des associations de consommateurs, ainsi que les administrations des ministres compétents.
1. Contexte
Les tarifs réglementés de vente de gaz naturel en distribution publique doivent respecter l'article 7 de la loi du 3 janvier 2003 qui dispose que : « les tarifs réglementés de vente de gaz naturel sont définis en fonction des caractéristiques intrinsèques des fournitures et des coûts liés à ces fournitures. Ils couvrent l'ensemble de ces coûts [...] ».
Aucun texte réglementaire ne définit précisément les règles d'établissement des tarifs réglementés de vente de Gaz de France, comme le fait l'arrêté du 21 décembre 2007 pour TEGAZ et les entreprises locales de distribution (ELD).
Cette différence de traitement de Gaz de France par rapport à TEGAZ et aux ELD n'est pas justifiée, d'autant que Gaz de France fournit environ 11 millions de clients, contre 500 000 environ pour les ELD et TEGAZ.
L'absence de règles détaillées d'établissement des tarifs réglementés de vente de Gaz de France est préjudiciable au bon fonctionnement du marché français du gaz naturel. L'absence de visibilité sur les évolutions des tarifs appliqués par ce fournisseur constitue en effet un risque et, donc, une barrière à l'entrée pour tout nouvel entrant.
Ainsi, au 29 février 2008, sept mois après l'ouverture du marché résidentiel du gaz naturel, les trois fournisseurs alternatifs de gaz aux clients particuliers, Altergaz, EDF et Poweo, n'avaient en portefeuille que 101 000 clients, soit environ 1 % du marché.
2. Observations de la CRE
sur la hausse envisagée
La hausse envisagée
La dernière évolution des tarifs réglementés de vente en distribution publique de Gaz de France est intervenue le 1er janvier 2008, après un gel des tarifs de vingt mois. La CRE note avec satisfaction que le Gouvernement propose de prendre en compte sans délai dans ces tarifs la hausse des prix des produits pétroliers sur le second semestre 2007, qui se poursuit début 2008.
La hausse moyenne envisagée de 0,264 c€/kWh reflète l'évolution des coûts matière de Gaz de France entre le 1er janvier et le 1er avril 2008. Elle résulte de l'application de la formule « matière » déposée par Gaz de France, basée sur les moyennes des prix des produits pétroliers évaluées sur six mois avec un mois de décalage par rapport à la date de l'évolution tarifaire. L'audit de cette formule réalisé par la CRE en 2005 avait montré qu'elle reflétait correctement l'évolution des coûts d'approvisionnement de Gaz de France pour fournir les clients aux tarifs en distribution publique.
Une hausse moyenne des tarifs de 0,264 c€/kWh correspond à une hausse moyenne de 6,3 %. Elle est traduite dans les barèmes proposés par une hausse moyenne de 5,5% pour les clients chauffés au gaz en contrat individuel (tarif B1), soit une hausse de 4 €/mois de la facture TTC de ces clients.
Coûts matière à couvrir
Le tarif proposé devant entrer en vigueur avant la fin du mois d'avril, la CRE a évalué la hausse théorique qui aurait dû être appliquée au 1er avril 2008.
L'évolution des coûts matière de Gaz de France entre le 1er janvier 2008 et le 1er avril 2008, évaluée par application de la formule « matière », est de 0,264 c€/kWh.
La hausse des tarifs de vente en distribution publique de Gaz de France au 1er janvier 2008 aurait dû être de 0,207 c€/kWh (voir avis de la CRE du 27 décembre 2007). L'écart entre la hausse théorique et la hausse appliquée au 1er janvier 2008 est donc de 0,034 c€/kWh (0,207 ― 0,173).
Si les tarifs de vente avaient évolué au 1er avril 2008, ils auraient dû être augmentés de 0,298 c€/kWh (0,264 + 0,034) pour que le niveau de la part des tarifs correspondant à l'approvisionnement atteigne le niveau donné par application de la formule « matière » de Gaz de France au 1er avril 2008.
A fortiori, étant donné la hausse des prix des produits pétroliers constatée en mars par rapport à février, la hausse des tarifs devrait être supérieure à 0,298 c€/kWh à la date de signature de l'arrêté.
Adopter une hausse moindre que celle-ci ne peut être justifié par une prévision de baisse des prix des produits pétroliers au cours de l'année à venir. En effet, le consensus des experts n'anticipe pas une telle baisse.
Autres coûts à couvrir
Selon l'article 7 de la loi du 3 janvier 2003, dont l'application a été précisée par l'arrêt du Conseil d'Etat du 10 décembre 2007, les tarifs devraient permettre de couvrir les coûts hors matière (coûts d'utilisation des réseaux, coûts de stockage et coûts commerciaux) et le rattrapage lié à « un écart significatif [qui] s'est produit entre tarifs et coûts, du fait d'une sous-évaluation des tarifs, au moins au cours de l'année écoulée, afin de compenser cet écart dans un délai raisonnable ».
Conformément à l'article 8 de la loi du 3 janvier 2003, Gaz de France doit établir, à compter du 1er juillet 2007, une comptabilité séparée pour ses activités de fourniture respectivement aux clients aux tarifs réglementés et aux clients en offres de marché. Lorsque cette comptabilité séparée aura été transmise par Gaz de France sur l'année 2007, sur la base de principes de dissociation approuvés par la CRE après avis du Conseil de la concurrence, la CRE sera en mesure de définir précisément les évolutions à appliquer aux tarifs pour que ceux-ci couvrent les coûts supportés par le fournisseur Gaz de France : coûts matière, coûts commerciaux, coûts de stockage et coûts d'utilisation des réseaux.
En tout état de cause, la hausse de 2,8%, soit 0,05 c€/kWh, de la part des tarifs correspondant aux coûts hors matière, qui avait été supprimée de l'arrêté du 16 juin 2005, au 1er janvier 2006, par l'arrêté du 29 décembre 2005, a été rétablie par l'arrêt du Conseil d'Etat du 10 décembre 2007. Cette hausse, qui aurait dû être appliquée au 1er janvier 2008, doit être prise en compte dans le mouvement tarifaire examiné.
3. Analyse des barèmes envisagés
Les barèmes envisagés correspondent effectivement à la hausse moyenne 0,264 c€/kWh prévue dans le projet d'arrêté. Ils résultent de hausses différenciées en fonction des tarifs (voir tableau).
En particulier, les tarifs B1 et TEL nuit subissent une augmentation moyenne inférieure à la hausse moyenne de 0,264 c€/kWh, ce qui devrait créer des distorsions de concurrence sur ces segments, qui recouvrent plus de la moitié des clients aux tarifs réglementés en distribution publique.
En conséquence, les autres tarifs subissent une hausse plus élevée que la hausse moyenne des tarifs, en particulier les tarifs B2I et B2S, qui sont appliqués notamment aux immeubles chauffés collectivement au gaz, parmi lesquels figurent de nombreux logements sociaux.
La mise en place du tarif spécial de solidarité pour la fourniture de gaz, dont il est souhaitable qu'elle intervienne dans les meilleurs délais, permettra de diminuer la facture des clients les plus démunis. Toutefois, si la hausse des prix des produits pétroliers venait à perdurer, ce tarif (1) devrait être adapté en conséquence.
Par ailleurs, pour certains tarifs, la hausse est appliquée à travers une hausse des abonnements et des parts variables, dans le but de continuer à corriger les écarts importants entre les abonnements et les coûts fixes. Ce recalage en structure des tarifs doit être poursuivi pour que les tarifs reflètent la vérité des coûts, comme l'exige la loi.
Evolution moyenne envisagée pour les principaux tarifs
TARIF |
NOMBRE DE CLIENTS |
HAUSSE MOYENNE en c€/kWh |
HAUSSE MOYENNE en % |
HAUSSE MENSUELLE de la facture HT en € |
---|---|---|---|---|
Base (cuisson). |
1 700 000 |
0,849 |
8,3 |
0,5 |
B0 (cuisson et eau chaude). |
1 400 000 |
0,440 |
6,7 |
1,1 |
B1 (chauffage). |
7 000 000 |
0,250 |
5,5 |
3,5 |
B2I (petite chaufferie). |
690 000 |
0,266 |
6,7 |
14,3 |
B2S (moyenne chaufferie). |
65 000 |
0,271 |
7,7 |
206 |
TEL (grande chaufferie). |
300 |
0,270 |
8,5 |
2 282 |
TEL nuit. |
320 |
0,148 |
5,5 |
1 233 |
La hausse mensuelle de la facture TTC des clients chauffés au gaz en contrat individuel (tarif B1) est de 4 €.
4. Avis de la CRE
La CRE note avec satisfaction que le Gouvernement propose de poursuivre le recalage en structure des tarifs de gaz en distribution publique de Gaz de France, initié le 1er janvier 2008, et de prendre en compte la variation des coûts d'approvisionnement ― indexés sur les prix des produits pétroliers ― supportée par l'opérateur depuis lors.
La hausse envisagée par le Gouvernement fait suite à celle décidée il y a trois mois. Elle a pour effet de rapprocher les tarifs des critères exigés par la loi. La CRE prend acte de cette évolution, qu'elle avait jugée nécessaire, et émet, en conséquence et dans cette mesure, un avis favorable.
Toutefois, la hausse aurait dû être au minimum de 0,348 c€/kWh en moyenne (soit + 8,3 % en moyenne, + 7,6 % sur le tarif B1 chauffage individuel) résultant de :
― la hausse de la part des tarifs correspondant aux coûts matière de 0,298 c€/kWh, pour que son niveau atteigne celui donné par application de la formule « matière » de Gaz de France au 1er avril 2008 ;
― la hausse de la part des tarifs correspondant aux coûts hors matière de 0,05 c€/kWh, par application de l'arrêté du 16 juin 2005, en conséquence de l'arrêt du Conseil d'Etat du 10 décembre 2007.
Par ailleurs, la hausse envisagée ne correspondant qu'à une évolution des coûts d'approvisionnement de Gaz de France, la différenciation de la hausse par tarif n'est pas économiquement justifiée.
Après cette évolution des tarifs, qui doit intervenir avant la fin du mois d'avril, la CRE demande que les tarifs réglementés de vente en distribution publique de Gaz de France évoluent au 1er juillet 2008 pour prendre en compte, en particulier, le nouveau tarif d'utilisation des réseaux publics de distribution qui devrait entrer en vigueur à cette date.
Enfin, la CRE confirme la nécessité de mettre en place un cadre réglementaire définissant les modalités de fixation des tarifs réglementés de vente de Gaz de France. Pour apporter plus de transparence aux fournisseurs et aux consommateurs, elle recommande la publication d'une formule d'indexation des tarifs.
Fait à Paris, le 17 avril 2008.
Pour la Commission de régulation de l'énergie :
Le président,
P. de Ladoucette