J.O. 265 du 15 novembre 2007       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
Ce document peut également être consulté sur le site officiel Legifrance


Avis de la Commission des participations et des transferts n° 2007-AC-3 du 22 octobre 2007 relatif au choix de l'acquéreur d'une participation minoritaire au capital de la société Semmaris


NOR : ECET0770667V




La commission,

Emet l'avis suivant :

I. - Par lettre en date du 26 février 2007, le ministre chargé de l'économie a saisi la commission, en application de l'article 3 de la loi no 86-912 du 6 août 1986, en vue de l'ouverture minoritaire du capital de la Semmaris, société gestionnaire du Marché d'intérêt national de Rungis, dont le capital est détenu par l'Etat à hauteur de 56,85 % et par le secteur public dans son ensemble à hauteur de 86,11 %.

La cession au secteur privé d'une participation minoritaire dans le capital de la Semmaris a été autorisée par le décret no 2006-953 du 1er août 2006, en application de l'article 19 de la loi du 6 août 1986 susvisée.

Conformément aux dispositions de l'article 1er (2°) du décret no 93-1041 du 3 septembre 1993, la publicité de la décision de vente a été assurée par une publication au Journal officiel du 9 août 2006. La procédure choisie ne prévoyant pas de cahier des charges, le ministre a désigné M. Jean-Luc Lépine, inspecteur général des finances, en tant que personnalité indépendante chargée de veiller au bon déroulement de la procédure.

S'agissant d'une cession hors marché, l'avis conforme de la commission sur le choix des acquéreurs et les conditions de la cession est requis aux termes de l'article 4 de la loi du 6 août 1986 susvisée.

II. - La Semmaris (Société d'économie mixte d'aménagement et de gestion du marché d'intérêt national de la région parisienne) est, en vertu du décret no 65-325 du 27 avril 1965, en charge de l'aménagement et de la gestion du Marché d'intérêt national (MIN) de Rungis, dans le cadre d'une concession dont la durée a été prolongée jusqu'en 2034.

L'activité de la Semmaris comprend cinq grandes missions :

- aménagement et investissement : construction et entretien des infrastructures et des superstructures sur l'ensemble du domaine ;

- administration du domaine immobilier (répartition des activités et affectation des surfaces aux opérateurs) ;

- gestion des services d'exploitation (nettoiement, fourniture de fluides) ;

- organisation et contrôle du marché ;

- promotion du marché.

Le chiffre d'affaires de la Semmaris se compose pour plus de 50 % de redevances d'occupation du domaine (loyers) perçues auprès des opérateurs. L'attribution des emplacements se fait au moyen de concessions ou de conventions d'occupation précaire. Environ 80 % des loyers sont soumis à des tarifs homologués, les autres comprenant des formules d'indexation négociées contractuellement.

La Semmaris possède par ailleurs, hors domaine de concession, un patrimoine propre constitué par un parc de bureaux.

La Semmaris, qui emploie 219 personnes, a réalisé durant l'exercice 2006 un chiffre d'affaires consolidé de 77,2 millions d'euros.

Le capital de la Semmaris est réparti de la manière suivante :

- Etat français : 56,85 % ;

- ville de Paris : 16,50 % ;

- département du Val-de-Marne : 7 % ;

- Caisse des dépôts et consignations : 5,76 % ;

- actionnaires privés (dont grossistes) : 13,89 %.

Le marché de Rungis, créé en 1962, a ouvert ses portes en 1969 afin de remplacer les Halles centrales de Paris. Rungis est le plus grand marché de gros de produits frais du monde avec un chiffre d'affaires de 7,2 milliards d'euros. Il dessert 18 millions de consommateurs européens et en particulier un Français sur cinq. Au cours des dernières années, le marché a dû faire face à la montée en puissance de la grande distribution et à la baisse de la consommation de produits frais non transformés. Il a pour cela élargi l'offre de produits et accueilli de nouveaux opérateurs capables d'offrir à leurs clients des services à forte valeur ajoutée. Dans ce but, la Semmaris est ainsi conduite à des investissements lourds dans des projets comme celui de la zone Eurodelta.

L'entrée au capital de la Semmaris d'un actionnaire privé doit permettre à la Semmaris de mettre en oeuvre effectivement un important programme de développement :

- poursuite de la modernisation de ses installations et réalisation de nouvelles extensions (zones Eurodelta et Sénia) ;

- recherche d'un fonctionnement en réseau des marchés d'intérêt national français ;

- développement à l'international par la fourniture de prestations de conseils ou l'intervention en tant que cogestionnaire.

III. - Au cours de l'exercice 2006, qui est le dernier dont les comptes ont été arrêtés et audités, le chiffre d'affaires de la Semmaris s'est élevé à 77,2 millions d'euros (+ 2,7 %), poursuivant sa progression régulière sur les dernières années. Le poste principal de revenus, les redevances d'occupation, a été de 41,9 millions, en hausse de 3,3 %.

Le résultat d'exploitation (3,95 millions) a fortement progressé par rapport à 2005 (+ 32 %) grâce à la maîtrise du coût des achats et des services extérieurs (- 0,6 %) tandis que les charges de personnel augmentaient de 3,5 %. En cinq ans, le résultat avant impôts, amortissements et provisions a presque triplé.

Grâce à l'équilibre du résultat financier obtenu par la réduction de la dette financière, et à des profits exceptionnels résultant de plus-values de cession de titres et de perception d'indemnité d'assurances, le résultat net s'inscrit en 2006 à 3,68 millions d'euros, contre 1,37 million en 2005.

Les fonds propres de la société au 31 décembre 2006 s'élèvent à 67,4 millions d'euros, hors amortissement de caducité (amortissements des immobilisations du domaine concédé inscrits au passif du bilan).

La dette financière nette a été contenue à 54 millions d'euros (- 9 % par rapport à 2005), malgré les investissements lourds réalisés au cours des derniers exercices : ouverture du chantier Eurodelta, rénovation du pavillon de la marée, modernisation des pavillons des fruits et légumes, travaux de sécurité.

La société Semmaris n'établit pas de comptes consolidés. Sa filiale BRI, dont elle est l'unique locataire, lui distribue la totalité de son résultat annuel.

IV. - L'ouverture minoritaire du capital de la Semmaris a été autorisée par le décret du 1er août 2006 susvisé. Un avis, publié au Journal officiel du 9 août 2006, invitait les candidats à l'acquisition à se faire connaître auprès de la banque conseil de l'Etat au plus tard le 25 septembre 2006.

La banque conseil a contacté individuellement 72 sociétés ou institutions susceptibles de se porter candidates et leur a adressé une note de présentation de la Semmaris. Dans le délai imparti, vingt marques d'intérêt de principe ont été recueillies. Après signature d'un engagement de confidentialité, les candidats ont reçu un mémorandum d'information sur la société.

Huit candidats ont déposé une offre indicative le 3 novembre 2006 pour l'acquisition d'une participation minoritaire significative d'au moins 33,33 % de la Semmaris. Ils ont été invités à participer, du 24 novembre 2006 au 5 janvier 2007, à une salle d'information électronique et à rencontrer les dirigeants de la Semmaris. A l'issue de ce processus, quatre candidats ont remis le 5 janvier 2007 une offre recevable, ferme et irrévocable.

En raison de l'importance que représente le risque de présence d'amiante dans les installations pour l'évaluation de la société par les candidats, la commission a suggéré que la procédure soit prolongée afin que l'essentiel des dossiers techniques en cours de finalisation puissent leur être présentés. Les candidats ont ainsi eu accès en juillet 2007 à une deuxième salle d'information contenant de plus les comptes de la Semmaris pour l'exercice 2006, certifiés par les commissaires aux comptes.

Le 23 juillet 2007, trois candidats ont remis une nouvelle offre ferme, irrévocable et définitive : Altarea, la Caisse des dépôts et consignations et Unibail-Rodamco.

La ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, par note du 13 septembre 2007, a saisi la commission d'une proposition visant à retenir, comme acquéreur de la participation minoritaire cédée par l'Etat dans la Semmaris, le groupe Altarea au vu des énonciations de son offre, considérant que celle-ci apparaît la meilleure du point de vue industriel et financier.

La personnalité indépendante désignée par la ministre pour veiller au déroulement de la procédure a remis son rapport, qui conclut qu'elle n'appelle pas de réserve tant du point de vue de la régularité du processus que de celui de l'égalité de traitement des candidats.

V. - Au cours du déroulement de la procédure, l'Etat a été amené à préciser aux candidats qu'il a l'intention :

- de céder à l'acquéreur une participation significative, d'au moins 33,34 % du capital de la Semmaris, lui donnant droit à la minorité de blocage ;

- de conserver lui-même également une participation d'au moins 33,34 % ;

- de maintenir dans le secteur public la majorité du capital de la Semmaris (environ 55 %), compte tenu des participations de la ville de Paris, du département du Val-de-Marne et de la Caisse des dépôts et consignations.

Pour atteindre cet objectif, la transaction comporte trois éléments :

- la cession de la créance de l'Etat (avances d'actionnaire) sur la Semmaris évaluée à 25,9 millions d'euros en vue de son apport par l'acquéreur au capital de la Semmaris, apport auquel l'acquéreur s'engage irrévocablement ;

- la cession par l'Etat à l'acquéreur d'un bloc d'actions permettant à celui-ci de détenir au moins in fine 33,34 % de la Semmaris ;

- le rachat, en tant que de besoin, par l'Etat d'actions de la Semmaris pour conserver au moins 33,34 % du capital (le nombre d'actions reçues par l'acquéreur lors de son apport de la créance dépendant de l'évaluation de la société).

Aucune garantie n'est accordée par l'Etat à l'acquéreur.

VI. - Conformément à la loi, la commission a procédé à l'évaluation de la Semmaris en recourant à une analyse multicritères qui prend en compte les éléments boursiers, la valeur des actifs, les bénéfices réalisés, l'existence des filiales et les perspectives d'avenir.

A cette fin, elle a disposé du rapport de la banque conseil de l'Etat qui a retenu en l'espèce deux méthodes d'évaluation :

- l'actualisation des flux de trésorerie a été calculée sur la base du plan d'affaires établi par l'entreprise jusqu'en 2010, puis à partir d'un scénario établi par la banque conseil, basé sur une année normative 2010, avec croissance annuelle de 2 % des flux jusqu'en 2034 (échéance de la concession), et des hypothèses sur les investissements nécessaires sur cette période ; une décote de 10 % a été appliquée pour tenir compte de la nature minoritaire de la participation cédée et de sa liquidité limitée ;

- l'application aux agrégats financiers de la Semmaris des multiples boursiers de sociétés cotées comparables : la banque retient un échantillon composé de quatre sociétés concessionnaires et de huit sociétés foncières cotées à la Bourse de Paris. Elle étudie les multiples de résultat d'exploitation et de résultat net sur 2007 et 2008.

La méthode de valorisation par multiples de transactions comparables a été écartée en l'absence de transactions similaires récentes. La méthode de l'actif net réévalué n'a pas non plus été retenue, la société n'étant pas propriétaire des immobilisations qu'elle exploite en concession.

Sur ces bases, la banque conseil présente une fourchette d'évaluation de la Semmaris dans laquelle s'inscrit le prix proposé par deux des trois candidats à l'acquisition.

VII. - La commission a procédé à un examen comparatif des trois offres définitives. Elle a noté que les trois offres présentent des propositions intéressantes en termes de projet industriel.

Altarea est une société foncière cotée à la Bourse de Paris, dont la capitalisation est d'environ 1,6 milliard d'euros et qui a connu une rapide expansion depuis sa création en 1994. Ses principaux actionnaires sont des sociétés contrôlées par le fondateur du groupe, M. Alain Taravella (73 %), Predica (11 %) et des fonds d'investissement immobilier de Morgan Stanley (9 %). Spécialisé dans les centres commerciaux (centre-ville et entrée de ville), Altarea vient d'étendre ses activités au logement et aux bureaux à travers l'acquisition de Cogedim. La société est présente en France, en Espagne et en Italie. Alta Rungis, qui serait le véhicule d'acquisition, est une filiale à 100 % du groupe Altarea.

L'offre d'Altarea met l'accent sur les synergies de développement à l'international avec la Semmaris. La présence à l'étranger d'Altarea et l'expertise en ingénierie et en distribution alimentaire de la Semmaris doivent permettre aux deux sociétés d'offrir ensemble des solutions globales en matière de commerce et de distribution alimentaire aux agglomérations, en particulier à celles qui, en Europe occidentale et dans certains pays émergents, s'interrogent sur la restructuration de leurs marchés alimentaires de centre-ville. Altarea pourra également faire bénéficier la Semmaris de ses compétences en investissement immobilier et en gestion de complexes commerciaux. Altarea demande une représentation au conseil d'administration, en proportion cohérente avec la part de capital détenue, et le vote des investissements majeurs de la société à une majorité qualifiée lui donnant un droit d'opposition. Altarea s'engage à conserver sa participation pendant une durée minimale de cinq ans.

La Caisse des dépôts et consignations (ci-après CDC) est une institution financière publique qui est le premier investisseur de long terme en France et un partenaire historique des collectivités locales, à travers notamment sa participation à de nombreuses sociétés d'économie mixte. Elle est déjà actionnaire de la Semmaris et d'autres marchés d'intérêt national de province.

La CDC propose d'accompagner la Semmaris dans la mise en oeuvre des actions engagées pour que le marché de Rungis continue d'offrir à ses clients et utilisateurs des services en adéquation avec les évolutions observées dans le secteur. Ceci suppose la réalisation des projets d'extension immobilière et le développement de l'activité à l'international. La CDC appuierait la réflexion sur la constitution d'un réseau des marchés d'intérêt national en France dans lequel la Semmaris jouerait un rôle fédérateur. La CDC accompagnerait la Semmaris dans le maintien d'une haute qualité de gestion et dans la maîtrise de ses risques (alimentaire, incendie, environnement). La CDC ne formule pas d'exigences en matière de participation à la gouvernance de la société autres que sa représentation au conseil d'administration, en proportion cohérente avec la part de capital détenue, mais elle présente des suggestions sur le rôle de certains comités. La CDC s'engage à conserver sa participation pendant une durée minimale de cinq ans.

La société Unibail-Rodamco résulte du rapprochement en juin 2007 d'Unibail, établi en 1968, et de la foncière néerlandaise Rodamco, ce qui a donné naissance au leader européen de l'immobilier commercial. La capitalisation boursière est supérieure à 15 milliards d'euros et le patrimoine immobilier est évalué à 23,9 milliards et composé de centres commerciaux (73 %) et de bureaux (20 %). Le capital est détenu principalement par des investisseurs institutionnels dont le Stichting Pensioenfo (9,4 %) et Barclays (5,4 %).

L'offre d'Unibail-Rodamco propose de faire partager à la Semmaris les meilleures pratiques en matière de gestion locative et sa compétence en marketing ainsi que de réaliser par synergie des économies d'échelle. Unibail-Rodamco appuierait le développement à l'étranger de la Semmaris et il assisterait la société pour la valorisation de son patrimoine immobilier, notamment en vue de l'accueil de nouveaux opérateurs sur le site du marché, et pour des projets de nouveaux développements. Unibail-Rodamco demande à bénéficier d'une représentation au conseil d'administration au moins proportionnelle à sa participation ainsi qu'une présence au comité financier dont la compétence serait étendue pour l'examen de la plupart des projets d'investissement de la société. Il suggère également la nomination d'un directeur général délégué. Unibail-Rodamco s'engage à conserver sa participation pendant une durée minimale de trois ans.

L'offre d'Altarea répond aux objectifs poursuivis par l'Etat et aux conditions fixées pour la cession, sans qu'à cet égard une des deux autres offres puisse être considérée comme lui étant supérieure.

S'agissant des conditions financières de la cession, l'offre la mieux-disante est celle d'Altarea, qui valorise la Semmaris à 104 millions d'euros (avant incorporation de la créance rachetée à l'Etat). L'offre d'Unibail-Rodamco, légèrement inférieure, ne valorise pas les droits de gouvernance renforcés dont elle est assortie. Le prix proposé par la Caisse des dépôts et consignations est inférieur à l'évaluation de la société.

Pour tous ces motifs, et au vu de l'ensemble des éléments qui lui ont été transmis, la commission émet un avis favorable à la proposition de la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi de retenir le groupe Altarea comme acquéreur de la participation minoritaire cédée par l'Etat dans la Semmaris, ainsi qu'au projet d'arrêté annexé au présent avis.