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Décision n° 2006-0204 du 9 février 2006 fixant le taux de rémunération du capital pour la comptabilisation des coûts des opérateurs mobiles pour l'année 2004


NOR : ARTE0600017S



L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes,

Vu le code des postes et des communications électroniques, et notamment ses articles D. 311 et D. 312 ;

Vu la décision no 2004-937 de l'Autorité de régulation des télécommunications, en date du 9 décembre 2004, portant sur l'influence significative de la société Orange France sur le marché de gros de la terminaison d'appel vocal sur son réseau et les obligations imposées à ce titre ;

Vu la décision no 2004-938 de l'Autorité de régulation des télécommunications, en date du 9 décembre 2004, portant sur l'influence significative de la Société française du radiotéléphone sur le marché de gros de la terminaison d'appel vocal sur son réseau et les obligations imposées à ce titre ;

Vu la décision no 2004-939 de l'Autorité de régulation des télécommunications, en date du 9 décembre 2004, portant sur l'influence significative de la société Bouygues Telecom sur le marché de gros de la terminaison d'appel vocal sur son réseau et les obligations imposées à ce titre ;

Vu la décision no 2005-0111 de l'Autorité de régulation des télécommunications, en date du 1er février 2005, portant sur la détermination des marchés pertinents concernant la terminaison d'appel vocal sur les réseaux mobiles d'outre-mer ;

Vu la décision no 2005-0112 de l'Autorité de régulation des télécommunications, en date du 1er février 2005, portant sur l'influence significative de la société Orange Caraïbe sur le marché de gros de la terminaison d'appel vocal sur son réseau et les obligations imposées à ce titre ;

Vu la décision no 2005-0113 de l'Autorité de régulation des télécommunications, en date du 1er février 2005, portant sur l'influence significative de la Société réunionnaise du radiotéléphone sur le marché de gros de la terminaison d'appel vocal sur son réseau et les obligations imposées à ce titre ;

Vu la décision no 2005-0789 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, en date du 7 octobre 2005, relative à la fixation de la valeur définitive du taux de rémunération du capital pour le calcul du coût net définitif du service universel pour l'année 2004 prévu par l'article R. 20-37 du code des postes et des communications électroniques ;

Vu la décision no 2005-0960 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, en date du 8 décembre 2005, portant sur la spécification des obligations de comptabilisation et de restitution des coûts, notamment de séparation comptable imposées à la société Orange France, à la Société française du radiotéléphone, à la société Bouygues Telecom, à la société Orange Caraïbe et à la Société réunionnaise du radiotéléphone en raison de leur influence significative sur les marchés de gros de la terminaison d'appel vocal sur leur réseau respectif ;

Vu la décision no 2005-1079 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, en date du 6 décembre 2005, fixant le taux de rémunération du capital employé pour évaluer les coûts et les tarifs des activités fixes régulées de France Télécom pour les années 2006 et 2007 ;

Vu la position commune ERG (05)29 de 2005 du groupe des régulateurs européens « Guidelines for implementing the Commission Recommendation C(2005) 3480 on Accounting Separation & Cost Accounting Systems under the regulatory framework for electronic communications » ;

Après en avoir délibéré le 9 février 2006 ;



I. - Cadre juridique


Le nouveau cadre juridique mis en place par la loi du 9 juillet 2004, impose à l'Autorité de mener une analyse des marchés pertinents du secteur des communications électroniques afin de constater l'existence ou non d'opérateur disposant d'une influence significative et d'imposer les obligations proportionnées aux objectifs de régulation répondant aux problèmes de concurrence constatés.

Conformément au nouveau cadre réglementaire, l'Autorité a mené l'analyse des marchés de gros de la terminaison d'appel vocal sur le réseau des opérateurs mobiles français. Les sociétés Orange France, SFR, Bouygues Telecom, Orange Caraïbe et SRR ont été déclarées opérateur disposant d'une influence significative sur le marché de gros de la terminaison d'appel vocal sur leur réseau respectif et l'Autorité a, par les décisions n°s 2004-937, 2004-938, 2004-939, 2005-0512 et 2005-0513 susvisées, imposé un ensemble d'obligations afin de remédier aux problèmes de concurrence constatés. Les obligations ainsi imposées en vertu de ces décisions courent jusqu'au 8 décembre 2007 pour les opérateurs de métropole concernés, et jusqu'au 31 décembre 2007 pour les opérateurs d'outre-mer concernés, sans préjudice d'un éventuel réexamen antiocipé dans les conditions fixées à l'article D. 303 du code des postes et des communications électroniques.

L'Autorité a notamment prescrit aux cinq opérateurs susmentionnés une obligation relative à la comptabilisation des coûts des prestations d'accès et d'interconnexion relatives à la terminaison d'appel vocal « directe » ainsi qu'une obligation de contrôle tarifaire sous la forme d'un encadrement tarifaire pluriannuel. L'Autorité a défini les spécifications du système de comptabilisation des coûts, les méthodes de valorisation, les règles d'allocation des coûts ainsi que les modalités de mise en oeuvre par les opérateurs dans sa décision no 2005-960, et notamment dans l'annexe A de cette décision.

S'agissant d'Orange France, SFR et Bouygues Telecom, l'article 7 des décisions n°s 2004-937, 2004-938 et 2004-939 dispose que chacun de ces opérateurs « est soumis à une obligation de séparation comptable et une obligation relative à la comptabilisation des coûts des prestations d'accès et d'interconnexion relatives à la terminaison d'appel vocal "directe ».


L'article 8 des décisions 2004-937, 2004-938 et 2004-939 dispose que chacun de ces opérateurs « doit pratiquer, concernant ses prestations de terminaison d'appel directe, des prix reflétant les coûts correspondants, et ce jusqu'au 8 décembre 2007. A ce titre [chaque opérateur] est soumis à un encadrement tarifaire pluriannuel concernant ses prestations de terminaison d'appel vocal directe, et ce jusqu'au 8 décembre 2007 ».

S'agissant d'Orange Caraïbe et SRR, l'article 5 des décisions 2005-0511 et 2005-0512 disposent que chacun de ces opérateurs « est soumis à une obligation de séparation comptable et une obligation relative à la comptabilisation des coûts des prestations d'accès et d'interconnexion relatives à la terminaison d'appel vocal directe jusqu'au 31 décembre 2007 ». L'article 6 des décisions 2005-0511 et 2005-0512 dispose que chacun de ces opérateurs « est soumis à l'obligation de pratiquer, pour ses prestations de terminaison d'appel vocal directe, des prix reflétant les coûts correspondants, et ce jusqu'au 31 décembre 2007. A ce titre, [chacun des opérateurs d'outremer susmentionnés] respecte un encadrement tarifaire pluriannuel concernant ses prestations de terminaison d'appel vocal directe, et ce jusqu'au 31 décembre 2007. »

Lorsqu'elle impose une obligation d'orientation vers les coûts, l'Autorité doit veiller « à assurer une rémunération raisonnable des capitaux employés, compte tenu du risque encouru », aux termes de l'article D. 311 du CPCE.

Cette notion de rémunération raisonnable se traduit à travers la détermination par l'Autorité du taux de rémunération du capital, comme le précise l'article D. 312 :

« L'Autorité détermine le taux de rémunération du capital utilisé. Ce taux tient compte du coût moyen pondéré des capitaux de l'opérateur concerné et de celui que supporterait un investisseur dans les activités de communications électroniques en France. »

A cet effet, l'article 1er de la décision 2005-0960 de l'Autorité dispose que « les taux de rémunération du capital avant impôt utilisés pour les exercices comptables dans le cadre de la restitution réglementaire en application de la présente décision, par la société Orange France, la Société française du radiotéléphone, la société Bouygues Telecom, la société Orange Caraïbe et la Société réunionnaise du radiotéléphone, seront fixés par une décision ultérieure de l'Autorité. »


II. - Décisions antérieures


L'Autorité n'avait encore jamais adopté formellement de décision relative au taux de rémunération du capital pour les opérateurs mobiles.

En ce qui concerne les activités fixes pour l'année 2004, l'Autorité a fixé dans sa décision no 2005-0789 susvisée le taux de rémunération du capital employé à 10,4 % pour France Télécom.


III. - Méthode employée par l'Autorité

La méthode


La mesure du coût du capital est un sujet sur lequel l'Autorité a sollicité des expertises extérieures durant plusieurs années. Elle a notamment confié des études à des cabinets spécialisés en finance.

Au cours des différents exercices, de nombreux échanges ont ainsi permis de consolider et d'améliorer la méthode, fondée sur le coût moyen pondéré du capital et le modèle d'équilibre des actifs financiers (MEDAF), ainsi que le préconisent l'article D. 312 du CPCE et la position commune du GRE sur la séparation comptable et la comptabilisation des coûts susvisés.

De nombreux points ont ainsi pu être arbitrés et sont reconduits dans la présente évaluation.


Les contingences dans l'évaluation de certains paramètres


Il est apparu il y a quelques années que plusieurs paramètres utilisés alors par l'Autorité dans la méthode de détermination du taux de rémunération du capital étaient soumis à certaines contingences, peu compatibles avec l'évaluation de coûts d'investissements engagés sur un horizon de long terme.

Concernant plus particulièrement l'appréciation du risque tel qu'il est utilisé dans le MEDAF, il est ainsi apparu en 2002 que la très forte augmentation de la volatilité boursière, et en particulier des titres télécoms, rendait difficile son évaluation en se fondant uniquement sur des données de marché souvent polluées par des comportements spéculatifs.

De la même manière, les évolutions de valorisation et de structure de capital des opérateurs de télécommunications au cours des années récentes, ainsi que la stratégie de certains de ces acteurs à l'international et la diversité de leurs activités, sont des éléments qui viennent perturber l'évaluation du coût du capital pertinent pour les activités régulées.


La mise en oeuvre d'une approche de long terme


Sur la base de ces constats, à partir de 2003, l'Autorité s'est employée à retenir des paramètres évalués dans une perspective de plus long terme ou fondés sur des évaluations moins volatiles.

Cette évolution a été préparée notamment à travers différents échanges au cours de l'année 2003 :

- échanges multilatéraux avec des acteurs du secteur ;

- séminaire public ;

- appels à commentaires.

La méthode et les raisonnements développés pour l'estimation des paramètres suite à ces travaux ont vocation à s'appliquer aussi bien aux secteurs fixe et mobile. De même, plusieurs paramètres sont identiques pour les secteurs fixes et mobiles : le taux sans risque, la prime de marché, le taux marginal d'imposition sont des paramètres généraux de l'économie qui ne diffèrent pas d'un secteur à l'autre.

L'Autorité considère donc qu'une approche de long terme est souhaitable pour le secteur mobile également et que certains des paramètres cible évalués en 2003 restent pertinents pour l'année 2004, ainsi que développé ci-après.


IV. - Evaluation du taux pour l'année 2004


Le coût du capital est calculé comme une moyenne pondérée entre :

- le coût des capitaux propres, correspondant au taux de rentabilité demandé par les actionnaires de l'entreprise pour l'activité considérée ;

- le coût de la dette de l'opérateur.

Cette pondération est fondée sur une structure d'endettement cible, conformément à ce qui est développé ci-après.


La mesure du coût des capitaux propres


Conformément à la position commune du GRE susvisée et aux décisions antérieures de l'Autorité, le coût des capitaux propres est évalué selon le modèle d'équilibre des actifs financiers (MEDAF) selon la formule :


ke = Rf + (Rm - Rf)


et nécessite l'établissement des paramètres suivants :

- le taux sans risque Rf : la valeur du taux sans risque de référence choisie par l'Autorité est celle des obligations assimilables du Trésor (indice TEC à 10 ans). Pour l'année 2004, l'Autorité a retenu la moyenne observée de l'indice TEC 10, soit 4,10 %. Ce taux est le même que celui retenu dans la décision no 2005-0789 concernant les activités fixes de France Télécom pour les mêmes années, car il est indépendant du secteur d'activité considéré ;

- la prime de marché (Rm - Rf) : l'Autorité s'est appuyée sur les différentes études et analyses dont elle a eu connaissance pour retenir la prime de marché correspondant au taux de rentabilité attendu par les investisseurs. Elle a retenu une prime de marché de 5 %. Ce taux est le même que celui retenu dans la décision no 2005-0789 concernant les activités fixes de France Télécom, car il est indépendant du secteur d'activité considéré ;

- le risque spécifique de l'investissement (bêta) lié à l'activité d'opérateur mobile : pour évaluer ce risque, l'Autorité a comparé les données financières disponibles pour les opérateurs mobiles à des échantillons d'opérateurs européens comparables. Elle a par ailleurs interrogé les trois opérateurs mobiles de métropole et confronté ces résultats aux valeurs retenues par différents régulateurs européens pour le calcul de taux de rémunération comparables. A la lumière de ces travaux, l'Autorité a été conduite à retenir un beta « actifs » de 1, valable pour tous les opérateurs mobiles. Ce beta « actifs » se traduit, une fois prise en compte la structure d'endettement cible retenue, par un beta « actions » de 1,2.

Conformément aux décisions précédentes relatives au taux de rémunération du capital, l'Autorité n'a pas pris en compte l'avoir fiscal, comme c'est la pratique en France pour le calcul du coût des capitaux propres.

Le coût des fonds propres avant impôt ainsi calculé est de 15,6 %.


La mesure du coût de la dette


L'Autorité a déterminé le coût de la dette à partir du taux sans risque défini précédemment, auquel s'ajoute une prime de risque de la dette de l'entreprise. Ce coût de la dette avant impôt a été évalué à 4,85 % pour l'année 2004. Il incorpore une prime de dette de 0,75 %. La valeur de cette prime de dette est prospective et s'applique à des investissements de long terme. Elle se situe aujourd'hui entre le coût moyen et le coût immédiat de la dette des groupes portant les opérateurs mobiles, et est cohérente avec la structure d'endettement retenue, notamment au vu des tableaux de correspondance tenus à jour par les agences de notation.


La structure d'endettement cible


Comme il a été expliqué, l'Autorité souhaite se détacher le plus possible des contingences des marchés financiers pour fixer le taux de rémunération applicable à des actifs de durée de vie longue. En particulier, elle considère qu'il convient de retenir à cet effet une structure d'endettement cible pour les opérateurs mobiles concernés. Cette structure cible peut être évaluée en tenant compte, d'une part, des valeurs observées en France et en Europe et, d'autre part, de l'estimation de la structure qu'adopterait un investisseur dans le secteur des télécommunications en France, conformément à l'article D. 312 du CPCE susvisé.

Une observation des structures d'endettement des opérateurs européens spécialisés dans l'activité mobile montre que la majorité d'entre eux présentent à ce jour un ratio dettes sur fonds propres proche de 10 %.

A l'inverse, la structure d'endettement cible retenue pour les activités fixes de France Télécom repose sur un endettement plus élevé, correspondant à un ratio de 66,66 %.

En outre, la moyenne observée des structures d'endettement des trois maisons mères des opérateurs mobiles concernés correspond à un ratio de l'ordre de 50 %.

Enfin, les décisions de régulateurs européens reposent sur des ratios compris entre 1 % et 40 %.

L'Autorité considère donc qu'une structure d'endettement correspondant à un ratio dettes sur fonds propres de 30 % correspond à un équilibre satisfaisant entre ces positions et est pertinente pour évaluer le coût du capital des opérateurs mobiles concernés.


V. - Taux de rémunération du capital nominal


Le coût du capital s'établit à la moyenne pondérée de ces deux valeurs, soit 13,1 %.


VI. - Portée de la décision


La présente décision s'applique à tous les opérateurs soumis à une obligation de comptabilisation des coûts dans le cadre des marchés de gros de la terminaison d'appel vocal sur leur réseau respectif et les obligations imposées à ce titre, à savoir :

- Orange France ;

- SFR ;

- Bouygues Telecom ;

- Orange Caraïbe ;

- SRR.

Les valeurs de chacun des paramètres ayant été fixées pour le secteur mobile dans son ensemble, chaque opérateur concerné se verra appliquer le même taux de rémunération du capital, défini au V ci-dessus,

Décide :


Article 1


Le taux de rémunération du capital nominal avant impôt, utilisé pour la comptabilisation des coûts d'Orange France, SFR, Bouygues Telecom, Orange Caraïbe et SRR, est fixé à 13,1 % pour l'année 2004.

Article 2


Le directeur général de l'Autorité est chargé de l'application de la présente décision, qui sera publiée au Journal officiel et notifiée à Orange France, SFR, Bouygues Telecom, Orange Caraïbe et SRR.


Fait à Paris, le 9 février 2006.


Le président,

P. Champsaur