J.O. 19 du 22 janvier 2006
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Décision n° 2005-0834 du 15 décembre 2005 définissant la méthode de valorisation des actifs de la boucle locale cuivre ainsi que la méthode de comptabilisation des coûts applicable au dégroupage total
NOR : ARTE0500123S
L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ;
Vu la directive 2002/21 /CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre ») ;
Vu la directive 2002/19 /CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l'accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu'à leur interconnexion (directive « accès ») ;
Vu la loi no 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle ;
Vu le code des postes et des communications électroniques, et notamment ses articles L. 32-1, L. 37-1 et suivants et D. 311 et D. 312 ;
Vu l'arrêté du 12 mars 1998 autorisant la société France Télécom à établir et exploiter un réseau de télécommunications ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public, société anonyme immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 380 129 866, et dont le siège social est situé au 6, place d'Alleray, 75505 Paris Cedex 15, ci-après dénommée « France Télécom » ;
Vu la décision no 2000-1171 de l'Autorité de régulation des télécommunications, en date du 31 octobre 2000, quant à la méthode de calcul des coûts moyens incrémentaux de long terme relatifs à l'accès à la boucle locale ;
Vu la décision no 2005-0267 de l'Autorité de régulation des télécommunications, en date du 24 mars 2005, modifiant la décision no 2000-1171 du 31 octobre 2000 de l'Autorité quant à la méthode de calcul des coûts moyens incrémentaux de long terme relatifs à l'accès à la boucle locale ;
Vu l'avis no 05-A-03 du Conseil de la concurrence en date du 31 janvier 2005 relatif à l'analyse des marchés haut débit de l'Autorité ;
Vu les commentaires de la Commission européenne en date du 11 mai 2005 concernant les projets de décision relatifs au marché de gros des offres d'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre du dégroupage ;
Vu la décision no 2005-0275 de l'Autorité de régulation des télécommunications, en date du 19 mai 2005, portant sur la définition du marché pertinent de gros des offres d'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre et sur la désignation d'un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché ;
Vu la décision no 2005-0277 de l'Autorité de régulation des télécommunications, en date du 19 mai 2005, portant sur les obligations imposées à France Télécom en tant qu'opérateur exerçant une influence significative sur le marché de gros de l'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre ;
Vu la consultation publique de l'Autorité sur les méthodes de valorisation de la boucle locale cuivre lancée le 14 avril 2005 et clôturée le 7 juin 2005 ;
Vu les réponses à cette consultation publique ;
Vu la synthèse des réponses à cette consultation publique portant sur les méthodes de valorisation de la boucle locale cuivre, réalisée par l'Autorité et publiée le 7 juillet 2005 ;
Vu la consultation publique de l'Autorité sur le projet de décision définissant la méthode de valorisation de la boucle locale cuivre ainsi que la méthode de comptabilisation des coûts applicable au dégroupage total lancée le 30 septembre 2005 et clôturée le 31 octobre 2005 ;
Vu la notification du projet de décision définissant la méthode de valorisation des actifs de la boucle locale cuivre ainsi que la méthode de comptabilisation des coûts applicable au dégroupage total à la Commission européenne et aux autorités réglementaires nationales de la Communauté européenne en date du 10 novembre 2005 ;
Vu les commentaires de la Commission européenne en date du 9 décembre 2005 ;
Après en avoir délibéré le 15 décembre 2005,
Décide :
I. - Contexte
Dans l'ancien cadre réglementaire, le code des postes et des télécommunications (articles D. 99-23 et suivants) imposait à France Télécom de faire droit aux demandes raisonnables d'accès à la boucle locale. Les tarifs de cet accès devaient être orientés vers les coûts et l'article D. 99-24 imposait des prescriptions en ce qui concerne les principes tarifaires applicables. Sur le fondement de ce même article , l'Autorité a été amenée à préciser la méthode retenue de calcul des coûts moyens incrémentaux de long terme relatifs à l'accès à la boucle locale par une décision no 2000-1171 du 30 octobre 2000 modifiée le 24 mars 2005.
Le nouveau cadre juridique mis en place par la loi du 9 juillet 2004 susvisée impose à l'Autorité de mener une analyse des marchés pertinents du secteur des communications électroniques afin de constater l'existence ou non d'opérateur disposant d'une influence significative et d'imposer les obligations proportionnées aux objectifs de régulation répondant aux problèmes de concurrence constatés. Enfin, le décret no 2004-1301 du 26 novembre 2004 a abrogé notamment les dispositions du code des postes et des télécommunications précitées relatives au dégroupage.
Conformément à ce nouveau dispositif réglementaire, l'Autorité a mené l'analyse du marché de gros des offres d'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre. France Télécom a été déclarée opérateur disposant d'une influence significative sur ce marché et l'Autorité a, par sa décision no 2005-0277 susvisée, imposé un ensemble d'obligations afin de remédier aux problèmes de concurrence constatés. Les obligations ainsi imposées le sont en vertu de l'article 11 de cette décision jusqu'au 1er mai 2008 sans préjudice d'un éventuel réexamen anticipé dans les conditions fixées à l'article D. 303 du code des postes et des communications électroniques.
L'Autorité a notamment prescrit une obligation de contrôle tarifaire. Ainsi, l'article 9 de cette décision dispose que :
« France Télécom doit offrir les prestations d'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre ainsi que les prestations associées à des tarifs reflétant les coûts correspondants, en respectant en particulier les principes d'efficacité, de non-discrimination et de concurrence effective et loyale.
Le tarif d'un accès partagé doit correspondre aux coûts incrémentaux de l'accès partagé, c'est-à-dire à ses coûts spécifiques.
S'agissant du tarif du dégroupage total, cette obligation fera l'objet d'une décision complémentaire ultérieure. »
Dans le respect des principes édictés par cette dernière décision, l'objet de la présente décision est de définir, d'une part, la méthode d'évaluation des coûts en capital de la boucle locale cuivre et, d'autre part, la méthode de comptabilisation des coûts utilisée pour le calcul du tarif du dégroupage total.
Cette décision indique le cadre conceptuel retenu, les modalités d'application, incluant le mode de calcul et la nomenclature des coûts pertinents, et le cas échéant les valeurs de certains paramètres.
Les éléments constitutifs de la sous-boucle locale cuivre, qui relèvent par définition d'un sous-ensemble de la boucle locale, sont également visés par la méthode de valorisation des actifs retenue par la présente décision.
Afin d'établir cette méthode de manière transparente et conformément au cadre en vigueur, en particulier l'article L. 32-1-III du code des postes et des communications électroniques (CPCE), l'Autorité a lancé un processus de consultation des acteurs du secteur.
Quatre réunions multilatérales se sont tenues le 1er avril 2005, le 15 avril 2005, le 13 mai 2005 et le 5 juillet 2005, afin de permettre aux acteurs du secteur de débattre de la question. La troisième réunion a été l'occasion d'échanges avec des experts du monde académique et des consultants spécialisés.
L'Autorité a publié le 14 avril 2005, sur son site Internet, et annoncé par voie de communiqué de presse, une consultation publique sur les méthodes de valorisation de la boucle locale cuivre. Elle a annoncé à cette occasion une décision relative au choix de la méthode de valorisation du coût en capital de la paire de cuivre pour l'automne 2005.
Quinze réponses à cette consultation ont été reçues le 7 juin 2005, donnant lieu à une synthèse réalisée par l'Autorité et publiée le 7 juillet 2005 sur son site Internet.
La présente décision a été soumise à consultation publique du 30 septembre au 31 octobre 2005. L'Autorité a reçu quatre contributions qui l'ont amenée à modifier ou clarifier certains aspects du projet de décision, qui a donc été amendé en ce sens. Elle a également été notifiée à la Commission européenne et aux autres autorités réglementaires nationales. La Commission a étudié le projet de décision et n'a pas formulé d'observations. Aucun commentaire n'a été reçu de la part d'autres autorités réglementaires nationales.
II. - Cadre juridique relatif à la méthode de valorisation des coûts
L'article L. 32-1 du CPCE définit les objectifs de régulation qui dirigent l'action de l'Autorité. Il dispose que l'Autorité doit veiller notamment :
« [...]
« 2° A l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques ;
« 3° Au développement de l'emploi, de l'investissement efficace dans les infrastructures, de l'innovation et de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques ;
« 4° A la définition de conditions d'accès aux réseaux ouverts au public et d'interconnexion de ces réseaux qui garantissent la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement et l'égalité des conditions de la concurrence ;
« [...]
« 10° A la mise en place et au développement de réseaux et de services et à l'interopérabilité des services au niveau européen ; »
Par ailleurs, l'article D. 311 du même code précise les principes qu'il convient de respecter notamment lors de la définition d'une méthode de valorisation des coûts. Il dispose en effet que :
« II. - Pour la mise en oeuvre des obligations prévues au 4° de l'article L. 38, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes précise, en tant que de besoin, les mécanismes de recouvrement des coûts, les méthodes de tarification et les méthodes de comptabilisation des coûts, qui peuvent être distinctes de celles appliquées par l'opérateur.
Elle peut également prendre en compte les prix en vigueur sur les marchés comparables en France ou à l'étranger.
L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes veille à ce que les méthodes retenues promeuvent l'efficacité économique, favorisent une concurrence durable et optimisent les avantages pour le consommateur. »
Enfin, l'article D. 312, bien que s'appliquant plus particulièrement à la mise en oeuvre des obligations de séparation comptable, établit des principes de comptabilisation des coûts qui apparaissent pertinents quels que soient les actifs de réseaux considérés. Il dispose que :
« IV. - Les méthodes de valorisation et d'allocation des coûts utilisées pour l'application du présent article satisfont aux principes :
- d'efficacité : les coûts pris en compte doivent tendre à accroître l'efficacité économique à long terme. L'Autorité peut à ce titre se fonder notamment sur l'utilisation des meilleures technologies industriellement disponibles et sur une utilisation optimale des ressources ;
- de non-discrimination : la méthode d'évaluation des coûts utilisée par l'opérateur pour ses prestations d'interconnexion ou d'accès est la même que celle au regard de laquelle les tarifs des autres services sont évalués ;
- de pertinence : les coûts pris en compte doivent être pertinents, c'est-à-dire liés par une forme de causalité, directe ou indirecte, aux services rendus. »
III. - Le choix de la méthode
III-1. Les principes guidant l'Autorité pour la définition de la méthode
de valorisation des coûts de la boucle locale cuivre
Dans l'ancien cadre réglementaire, l'Autorité était tenue de suivre une méthode fondée sur la notion de CMILT (coût moyen incrémental de long terme). Si cette exigence n'a pas été maintenue dans le nouveau cadre réglementaire, l'Autorité considère néanmoins que les principes sous-jacents à une valorisation au travers des coûts moyens incrémentaux de long terme restent pertinents. Ils impliquent notamment que seuls les coûts directement reliés à l'activité doivent être pris en considération dans la valorisation. Ils impliquent également la prise en compte des coûts d'investissements futurs, afin de traduire la perspective de long terme de maintien d'une capacité productive. Enfin, une telle démarche tournée vers l'avenir rend nécessaire une prise en compte adéquate des évolutions de prix.
Dans sa décision susvisée no 2005-0277 imposant à France Télécom des obligations sur le marché du dégroupage, l'Autorité a précisé que, pour répondre aux objectifs de régulation qu'elle se fixait, elle s'attacherait dans l'exercice d'évaluation des coûts de la boucle locale cuivre à ce que la méthode retenue :
- respecte le principe de non-discrimination, et ainsi établisse en particulier une cohérence tarifaire entre les différentes offres de France Télécom ;
- incite France Télécom à investir de manière efficace dans la boucle locale cuivre afin de la maintenir en bon état et d'assurer le renouvellement des actifs quand il est nécessaire ;
- incite les opérateurs alternatifs à entreprendre des investissements efficaces.
Ces principes visent à favoriser le développement d'une concurrence effective et loyale, conformément à l'article L. 32-1-II (2°) du CPCE.
Non-discrimination
Le principe de non discrimination implique que les prix des prestations d'accès, lorsqu'elles font l'objet d'une cession interne à l'entreprise verticalement intégrée, soient équivalents aux prix de ces prestations lorsqu'elles font l'objet d'une cession externe, c'est-à-dire vis-à-vis d'opérateurs tiers. Il vise notamment à ce que les conditions concurrentielles sur les marchés aval de l'opérateur titulaire de l'infrastructure et ceux des opérateurs tiers sur ces mêmes marchés soient équivalentes.
Ce principe impose une cohérence entre les méthodes de comptabilisation des coûts des offres de gros et de détail de France Télécom reposant sur l'usage de la paire de cuivre. La cohérence tarifaire entre offres de gros et de détail requiert l'utilisation de la même méthode de valorisation de la boucle locale cuivre, autrement dit d'un même référentiel, pour toutes ces offres.
Ce principe s'applique quelle que soit la méthode de valorisation de la paire de cuivre retenue : il n'en disqualifie aucune d'emblée.
Incitation à l'investissement de France Télécom
La méthode de valorisation retenue doit autoriser et inciter France Télécom à investir de manière efficace dans la boucle locale cuivre afin de maintenir ce réseau en bon état. France Télécom doit donc bénéficier de revenus suffisants afin d'assurer le nécessaire renouvellement des actifs.
Ces investissements doivent être efficaces : ils doivent être alignés sur les meilleures pratiques du moment, et seuls les investissements nécessaires doivent être engagés.
Plusieurs propriétés doivent donc être vérifiées par la méthode retenue :
- pour ne pas les décourager, la méthode doit permettre le recouvrement des investissements. En effet, un investisseur qui anticiperait un risque d'expropriation totale ou partielle choisirait de ne pas investir ou exigerait en contrepartie une prime de risque élevée. La méthode de valorisation doit donc garantir à l'investisseur que sa dépense initiale sera recouvrée sur la durée retenue, dès lors que l'investissement considéré est réputé pertinent.
- le principe de pertinence consiste en particulier à s'assurer que l'investissement considéré répond aux exigences réglementaires de causalité et d'efficacité. La causalité permet d'écarter les investissements qui ne seraient pas liés directement ou indirectement avec la prestation dont le coût est recherché. Le principe de pertinence engage au recours à une chronique d'investissements réels de France Télécom, plutôt qu'à une chronique purement théorique.
- enfin, la méthode de valorisation retenue doit être prospective, au sens où elle doit permettre à l'entreprise d'anticiper le renouvellement de ses actifs en établissant des signaux de coûts (dépréciation ou redevance) cohérents avant et après leur déclassement et leur remplacement. Cette propriété se traduit en pratique par la faculté de la méthode de prendre en compte les évolutions de prix, qu'il s'agisse d'inflation ou de progrès technique réel.
Incitation à l'investissement des opérateurs alternatifs
L'objectif de l'Autorité est de favoriser le développement d'une concurrence efficace, en incitant les opérateurs alternatifs à déployer progressivement leurs investissements. Aujourd'hui, à l'horizon de l'analyse, cela se traduit par l'encouragement à l'utilisation du dégroupage, et donc au développement de réseaux de collecte, plutôt qu'à la duplication de la boucle locale cuivre ou à l'investissement massif dans des infrastructures d'accès alternatives dans le but qu'elles s'y substituent.
En effet, la boucle locale cuivre doit être considérée aujourd'hui comme une infrastructure essentielle, conformément à l'analyse qu'en a fait le Conseil de la concurrence dans ses avis no 04-A-01 du 8 janvier 2004 relatif à une demande d'avis de l'AFORS sur les principes généraux des relations contractuelles entre les utilisateurs et les différents acteurs du dégroupage et no 05-A-03 du 31 janvier 2005 susvisé. Ce caractère découle en particulier du fait que :
- d'une part, la duplication à l'identique de la boucle locale cuivre serait d'un coût démesuré ;
- et que, d'autre part, les technologies alternatives aujourd'hui théoriquement envisageables ne rendraient que des services plus restreints ou seraient d'un coût de déploiement généralisé excessif.
La méthode de valorisation retenue ne doit donc pas chercher à encourager cette duplication, mais bien plutôt le recours au dégroupage, en tant qu'offre de gros émanant d'une entreprise en position de monopole de fait, et dont l'achat est strictement nécessaire aux opérateurs alternatifs pour l'exercice d'une activité concurrente sur des marchés aval ou complémentaires.
Enfin, la méthode retenue doit offrir la visibilité nécessaire aux opérateurs alternatifs qui exercent leur activité sur des marchés aval ou complémentaires de l'accès et qui, pour une part d'entre eux, doivent procéder à des investissements de long terme dans les réseaux de collecte. Elle doit donc, dans la mesure du possible, être stable dans le temps et éviter les variations liées aux cycles d'investissement dans les infrastructures d'accès. Dans ce cadre, l'Autorité s'attachera également à offrir aux acteurs la meilleure visibilité sur les évolutions du secteur afin de leur permettre d'engager leurs investissements dans un environnement favorable.
*
* *
L'Autorité estime que le respect de ces principes devrait permettre de favoriser une concurrence durable au bénéfice du consommateur, en respectant un arbitrage entre les intérêts de court et moyen terme de celui-ci : une tarification compatible avec le développement d'une concurrence sur les marchés aval et qui permette le maintien dans de bonnes conditions de l'infrastructure d'accès existante.
III-2. Les méthodes en consultation
Les méthodes proposées par l'Autorité dans le document de consultation
Lors du processus de consultation publique mené par l'Autorité du 14 avril au 7 juin 2005, quatre méthodes ont été détaillées et examinées :
La méthode des coûts historiques. Elle repose entièrement sur la comptabilité de France Télécom. La dépréciation est ainsi égale à l'amortissement comptable du réseau de boucle locale cuivre, et le coût du capital immobilisé est calculé à partir de la valeur nette comptable.
La méthode des coûts courants. En comparaison de la méthode précédente, l'amortissement et le coût du capital sont modifiés pour intégrer les évolutions de prix des actifs, c'est-à-dire à la fois l'inflation et le progrès technique. Le profil des annuités totales et les parts respectives de l'amortissement et du coût du capital, infléchis en conséquence, sont ainsi ajustés pour permettre à l'opérateur de financer régulièrement les renouvellements nécessaires de son réseau.
La méthode des annuités économiques. Elle s'inscrit dans la logique précédente de prise en compte des évolutions de prix, mais elle procure en outre un lissage des annuités totales au cours du temps, qui deviennent ainsi moins dépendantes des cycles d'investissements. Elle répond dès lors à la fois aux impératifs de financement de l'opérateur et à la volonté du régulateur de limiter l'impact des cycles d'investissements.
Enfin, les coûts de remplacement en filière reposent sur le principe du « make or buy » : cette méthode vise à rendre neutre pour les opérateurs clients la décision de louer l'infrastructure ou de la reconstruire. Elle repose donc sur les coûts de reconstruction à neuf d'un réseau de boucle locale cuivre, et est actuellement en vigueur pour la boucle locale cuivre. Elle est proche de la méthode des annuités économiques dans ses fondements ; toutefois, à la différence de celle-ci, elle ne s'applique pas à la chronique des investissements réalisés, mais s'appuie sur une chronique théorique, déduite de la valeur à neuf du réseau.
Les méthodes proposées au cours de la consultation
Au cours du processus de consultation, deux autres méthodes ont été évoquées, l'une par un économiste et l'autre par un cabinet de conseil : un price-cap global sur le secteur, et une méthode d'infrastructure renewals accounting fondée sur le coût de maintien en état d'une infrastructure mâture. Dans les deux cas, ces méthodes ne semblent pas adaptées.
- le price-cap global : le price-cap a été développé historiquement dans le cadre du contrôle d'entreprises en situation de monopole ; il substitue à un contrôle détaillé de chaque tarif au regard des coûts un contrôle portant sur l'évolution du prix d'un panier de services. L'entreprise est libre de fixer ses tarifs individuels dès lors que le prix du panier de services respecte la contrainte qui est fixée, en principe de façon non révisable, sur une période de plusieurs années. Ce dispositif assure une forme de protection des consommateurs et incite l'entreprise à l'efficacité : elle conserve les gains de productivité qu'elle peut dégager sur la période. Ainsi le price-cap proprement dit relève plus d'un mode de régulation des tarifs que d'une méthode de valorisation. Il a été écarté des choix ouverts.
La méthode d'infrastructure renewals accounting : cette méthode a été développée au Royaume-Uni dans le secteur de l'eau. Si ses objectifs ne sont pas incohérents avec ceux recherchés par l'Autorité, elle a été écartée d'emblée en raison du caractère trop théorique de son postulat de départ, à savoir que l'infrastructure est constituée d'un actif unique dont la durée de vie est infinie. Cette méthode n'est du reste pas utilisée au Royaume Uni pour la boucle locale cuivre.
III-3. Les méthodes analysées comme inadéquates au regard des principes
Deux méthodes, parmi celles proposées en consultation, ne peuvent être retenues au regard des principes qui sous-tendent le choix de l'Autorité.
La méthode des coûts de remplacement en filière
Pour être conforme aux principes exposés ci-avant, la méthode de valorisation retenue doit être cohérente avec le contexte de marché et les évolutions qui sont anticipées pour les actifs visés. La méthode des coûts de remplacement en filière est une méthode make or buy. Elle vise à rendre neutre, pour les opérateurs clients sur le marché de l'accès, la décision de louer l'infrastructure ou de la reconstruire. Dans un contexte d'accès à une infrastructure réplicable, cette approche peut être compatible avec les anticipations sur ce marché. Mais une méthode reposant sur cet arbitrage n'est pas adaptée à la tarification d'une infrastructure essentielle, puisque la reconstruction de l'infrastructure ne saurait être envisagée. La logique dans laquelle il convient de se placer est au contraire une logique buy, s'appuyant sur une évaluation des coûts d'investissement prospectifs que l'opérateur propriétaire de l'investissement s'apprête effectivement à consentir.
Ainsi, la vision aujourd'hui partagée selon laquelle la boucle locale cuivre est une infrastructure essentielle impose d'écarter la méthode des coûts de remplacement en filière actuellement en vigueur.
L'Autorité relève avec les acteurs que les conditions d'une concurrence effective, loyale et durable doivent être mises en place. En théorie, ces conditions peuvent être réunies dans le cadre de deux paradigmes :
- une concurrence par les services, favorisant l'usage des ressources déjà en place ;
- une concurrence par les infrastructures, favorisant l'émergence de ressources alternatives.
Loin de s'opposer, ces deux approches se complètent.
Elle se complètent dans le temps : la concurrence par les services permet aux opérateurs dans un premier temps d'acquérir les effets d'échelle et de gamme nécessaires afin de légitimer la construction d'infrastructures en propre. Cette approche permet ainsi de respecter la progressivité du déploiement des opérateurs.
La concurrence par les services permet également aux opérateurs l'acquisition d'une base de clientèle, le développement de services propres à destination de ces clients, qui sont des conditions préalables au déploiement d'infrastructures en propre, et ce d'autant plus que les investissements dans les infrastructures sont élevés.
Elles peuvent également être complémentaires selon les segments de réseau considérés : la théorie économique montre qu'il est inefficace de dupliquer certaines infrastructures, comme les facilités essentielles, tandis qu'il est économiquement rationnel d'encourager la duplication de certaines autres.
L'Autorité relève que la qualification d'infrastructure essentielle de la boucle locale cuivre n'a pas été remise en cause dans les commentaires reçus.
Sur la période d'analyse, contrainte par le cadre réglementaire des analyses de marchés, cette qualification d'infrastructure essentielle, comme le déploiement observé de la plupart des opérateurs, ne sont pas compatibles avec un signal économique favorable à la duplication de l'infrastructure de boucle locale cuivre de France Télécom.
L'Autorité pourrait néanmoins être amenée à réexaminer ce point lors d'une prochaine analyse de marché.
La méthode des coûts historiques
La méthode des coûts historiques ne saurait être retenue, principalement parce qu'elle ne sait pas prendre en compte l'évolution des prix et qu'à ce titre, elle ne peut être qualifiée de prospective.
L'Autorité relève par ailleurs que cette méthode ne permettrait pas de modérer l'impact tarifaire de variations marquées du taux d'investissement, notamment la reprise d'investissements importants. Or, une telle reprise est envisageable à moyen terme, dans la mesure où les investissements consentis sur la boucle locale au cours des dernières années sont historiquement bas.
III-4. Les méthodes de coûts courants
La méthode des coûts courants avec amortissement comptable
Le contexte inflationniste des années 70-80 a été à l'origine d'une remise en cause forte de la méthode des coûts historiques et a induit le développement de méthodes mieux adaptées au nécessaire renouvellement des actifs productifs dans un contexte de hausse significative de leurs prix.
L'enjeu principal de la méthode est de garantir la pérennité de l'activité de l'entreprise en laissant dans l'entreprise des montants équivalents, dotation après dotation, au coût de remplacement des actifs. La méthode des coûts courants permet la prise en compte de l'évolution des prix dans les charges d'amortissement et dans la valeur nette rémunérée.
La méthode des coûts courants, comparativement à la méthode des coûts historiques, se traduit ainsi par un infléchissement du profil des amortissements et plus généralement des annuités totales. Les parts respectives des amortissements et de la rémunération du capital sont également modifiées.
Dans son acception stricte, la méthode des coûts courants connaît deux variantes, la méthode OCM et la méthode FCM.
La méthode des annuités économiques ou « coûts courants économiques »
La gestion de l'impact des évolutions de prix est un souci commun au régulateur et aux entrepreneurs. Les méthodes de coûts courants apparaissent séduisantes pour le régulateur du fait de leurs vertus dans l'incitation à amortir convenablement pour les investisseurs.
Toutefois, une préoccupation supplémentaire est celle de garantir que les prix de l'infrastructure essentielle ne soient pas influencés par les choix de court terme d'investissement de l'opérateur. En d'autres termes, un lissage par rapport aux cycles d'investissement est souhaitable. Idéalement, le prix de mise à disposition de l'infrastructure ne devrait évoluer qu'avec le prix des actifs.
La méthode des annuités économiques est précisément fondée sur ce principe. Elle s'apparente donc à la méthode de coûts courants par la prise en compte des évolutions de prix, tout en intégrant cette objectif supplémentaire de lissage.
Aussi, c'est en s'écartant délibérément de la logique comptable pure et en incorporant des concepts fondamentaux en économie (durées de vie, progrès technique, cycles notamment) que la méthode des annuités économiques ou « coûts courants économiques » peut donner de bons signaux aux investisseurs et à l'ensemble des acteurs du marché. Martin Cave (1) ne parvient pas à des conclusions différentes lorsqu'il écrit : « l'incorporation d'un amortissement économique dans les coûts courants a l'avantage de rapprocher la trajectoire des coûts de celle de prix concurrentiels ».
(1) Valuation issues relating to the local loop, 2005.
III-5. Conclusion
Au terme de cette analyse, au regard des principes auxquels elle se réfère, ainsi que sur la base des contributions reçues dans le cadre des consultations, l'Autorité :
- considère que la méthode jusqu'à présent employée des coûts de remplacement en filière est inadaptée à la tarification d'une infrastructure essentielle, qui n'a pas vocation à être répliquée ;
- considère également comme inadaptée à la valorisation de la boucle locale cuivre la méthode des coûts historiques ; elle note que la quasi-totalité des contributeurs à la consultation publique menée d'avril à juin 2005 rejoignent cette appréciation ;
- relève les qualités comparables des méthodes de coûts courants, dans leur acception stricte, et de la méthode des annuités économiques ou « coûts courants économiques » : celles-ci partagent plusieurs caractéristiques souhaitables pour la méthode de valorisation recherchée. En particulier, elles prennent en compte l'évolution des prix et reposent sur une chronique des investissements réels de France Télécom.
- note toutefois que la dernière méthode présente des atouts supplémentaires. En effet, elle permet un lissage de l'effet des cycles d'investissement, ce qui favorise une plus grande stabilité des tarifs et une meilleure visibilité pour le secteur. En outre, elle introduit une différence méthodologique moindre par rapport à l'ancienne méthode pratiquée.
L'Autorité considère donc la méthode des annuités économiques, ou « coûts courants économiques », comme la plus adaptée à la valorisation de la paire de cuivre et la retient. Elle note que l'ensemble des contributeurs qui se sont prononcés sur le choix de la méthode de valorisation dans le cadre de la consultation menée du 30 septembre au 31 octobre 2005 susvisée se sont montrés favorables à la méthode des coûts courants économiques.
IV. - Description de la méthode de valorisation
des actifs de la boucle locale cuivre
La méthode de valorisation des actifs de la boucle locale cuivre est celle des coûts courants économiques, telle que développée ci-après.
IV-1. Principe de calcul
La méthode repose sur l'application d'une technique d'annuité économique à la chronique effective et pertinente des investissements correspondant aux actifs de boucle locale cuivre.
Actifs de boucle locale cuivre
Les actifs de boucle locale cuivre correspondent à la part des investissements immobilisés de génie civil, enterré ou aérien, de câbles, d'équipements passifs de répartition ou de concentration correspondant à la boucle locale.
L'inventaire des actifs doit au moins distinguer :
- le génie civil en conduite ;
- le génie civil en pleine terre ;
- les câbles, y compris le génie civil aérien (poteaux) immobilisé ;
- les répartiteurs, sous répartiteurs et points de concentration.
Ne sont pas prises en compte les dépenses correspondant à l'activité de branchement ; ces dépenses ne sont en effet pas immobilisées et donnent lieu à des coûts d'exploitation.
La méthode des coûts courants économique
Le calcul repose sur l'utilisation d'une chronique des investissements de France Télécom dans la boucle locale cuivre. Cette chronique est libellée en euros courants de l'année.
Pour chaque catégorie d'investissement, les calculs sont menés selon les étapes suivantes :
Chacun des investissements annuels donne lieu à des redevances, ou annuités, tout au long de sa durée de vie. Ces redevances comprennent la dépréciation des actifs et la rémunération du capital immobilisé.
Elles sont calculées en euros constants (de l'année d'investissement) selon une formule d'amortissement économique. Cette annuité progresse, en termes réels, c'est-à-dire hors effet de l'évolution générale des prix, comme l'évolution propre du prix de l'actif (concept de progrès technique réel). Cette propriété est la caractéristique essentielle de la méthode des coûts courants économiques.
Ainsi, pour un actif construit en année 0, la redevance correspondante à l'année k est calculée selon la formule des annuités économiques suivante, dans laquelle tous les termes sont exprimés hors effet de l'évolution générale des prix :
Vous pouvez consulter le tableau dans le JO
n° 19 du 22/01/2006 texte numéro 16
où :
- Ak est l'annuité de l'année k, en monnaie constante, correspondant à l'investissement de l'année 0 ;
- Io est l'investissement correspondant à l'année 0, exprimé en monnaie constante ;
- T est la durée d'amortissement de cet actif ;
- a est le taux de rémunération du capital en termes réels, c'est-à-dire hors effet de l'évolution générale des prix ;
- g est le taux de progrès technique en termes réels, c'est-à-dire hors effet de l'évolution générale des prix ;
- h est le taux composite réel défini par : 1 + h = (1 + a) (1 + g).
Les redevances en monnaie courante sont ensuite calculées à partir de ces redevances en monnaie constante à l'aide d'un indice représentatif de l'évolution générale des prix.
L'annuité totale d'une année n correspond à la somme des redevances, pour cette année-là, correspondant à tous les actifs non complètement amortis, c'est-à-dire ceux construits entre l'année n - T + 1 et l'année n.
IV-2. Eléments de mise en oeuvre
La mise en oeuvre effective de la méthode nécessite un certain nombre de paramètres. La présente section vise à les répertorier. Les valeurs envisagées ou envisageables pour ces paramètres ainsi que les modalités précises de mise en oeuvre font l'objet de l'annexe 1 de la présente décision.
Chroniques d'investissement
La méthode des annuités économiques repose sur la connaissance d'une chronique des investissements de France Télécom dans la boucle locale cuivre.
France Télécom enregistre en comptabilité ses investissements pour la période postérieure à 1993, date de son bilan d'ouverture. Pour les années antérieures, l'Autorité s'appuiera sur les meilleures évaluations disponibles.
Indice d'évolution générale des prix
Un indice d'évolution des prix doit être utilisé pour tenir compte de l'inflation sur la période correspondant aux premiers investissements pris en compte dans la méthode des coûts courants économiques.
L'indice le plus approprié pour comparer des valeurs entre différentes années apparaît être l'IPC retraité par l'INSEE sous la forme de l'évolution du pouvoir d'achat, dont l'intérêt est de « fournir des séries longues (depuis 1901) permettant de convertir aux prix d'une année donnée (par exemple 2004) une valeur exprimée en francs ou en euros d'une époque passée ».
Taux de rémunération du capital
L'article D. 312 du code des postes et communications électronique dispose que :
« L'Autorité détermine le taux de rémunération du capital utilisé. Ce taux tient compte du coût moyen pondéré des capitaux de l'opérateur concerné et de celui que supporterait un investisseur dans les activités de communications électroniques en France. »
Conformément à cet article , le taux de rémunération du capital applicable à France Télécom pour la valorisation des actifs de la boucle locale cuivre est déterminé par l'Autorité.
Elle doit veiller à accorder à France Télécom « une rémunération raisonnable des capitaux employés, compte tenu du risque encouru », selon les termes de l'article D. 311 du même code.
La détermination de ce taux fait l'objet d'une décision spécifique de l'Autorité.
Taux de progrès technique
Ce taux de progrès technique est établi en termes réels ; il reflète l'évolution du prix propre à une catégorie d'actif déterminée, hors effet de l'évolution générale des prix.
Durée d'amortissement des actifs
Les durées d'amortissement employées sont les durées de vie économiques ; elles correspondent à la période durant laquelle il est plus avantageux de conserver l'actif dans le réseau que de le remplacer. La durée de vie économique correspond ainsi au résultat d'un calcul économique. La date de déclassement de l'actif n'est donc pas une donnée technique mais résulte soit d'un effet d'usure, qui se traduit par une augmentation des coûts d'exploitation ou une baisse de productivité de l'équipement, soit d'un effet d'obsolescence, reflétant la baisse de l'utilité de l'équipement au regard des nouvelles technologiques disponibles. Le régulateur peut intégrer des éléments d'incitation dans ce calcul économique.
Elles se distinguent donc des durées d'amortissement comptables, qui sont fixées sur la base des règles comptables et fiscales, qui tendent à leur être inférieures, et des durées de vie physique des actifs, qui en constituent par nature un plafond.
Dans le cas de la boucle locale cuivre, les durées de vie économiques semblent être supérieures aux durées de vie comptables utilisées par France Télécom. Dans un environnement où les évolutions technologiques sont incertaines et où les actifs en place risquent d'être frappés d'obsolescence, les durées de vie économiques ont vocation à être inférieures aux durées de vie physique.
IV-3. Le coût unitaire de capital de la paire de cuivre
Pour une année déterminée, le coût annuel total du réseau de boucle locale cuivre de France Télécom est divisé par le nombre moyen de lignes du réseau afin de calculer la redevance par ligne. Un coût unitaire mensuel en est dérivé.
Le parc de lignes de référence doit correspondre aux lignes effectivement utilisées, afin de permettre le recouvrement des coûts. Cependant, le respect du principe d'efficacité impose de s'assurer que le nombre de lignes utilisées en pratique reste cohérent avec le nombre total de lignes construites, qui donne lieu aux chroniques d'investissement.
V. - Evaluation du coût du dégroupage total
Au titre de la présente décision, le coût du dégroupage total résulte de la somme :
- du coût total de la paire de cuivre, comportant un coût en capital (A1), dont les modalités d'évaluation ont été décrites au IV, et un coût d'exploitation (A2). Un coefficient correctif prenant en compte un effet géographique est appliqué à ce coût total ;
- de coûts liés à la fourniture du dégroupage (B) ;
- d'une fraction des coûts communs de l'entreprise (C).
Vous pouvez consulter le tableau dans le JO
n° 19 du 22/01/2006 texte numéro 16
V-1. La paire de cuivre
Moyennant les corrections liées à la dimension géographique du service détaillées ci-après, le coût de la paire de cuivre se compose du coût en capital tel qu'établi en IV et des coûts d'exploitation de la paire de cuivre.
Les coûts d'exploitation de la paire de cuivre
Les coûts d'exploitation associés à la paire de cuivre correspondent aux activités de fonctionnement (par opposition aux investissements immobilisés) encourus dans le cadre de l'exploitation et de l'entretien du réseau de paires de cuivre. Relèvent par exemple de cette catégorie les travaux de maintenance ou d'entretien de câbles ou d'infrastructures aériennes. Ils sont donc associés à la paire de cuivre et ne se confondent pas avec les coûts d'exploitation encourus au titre de tel ou tel service utilisant la paire de cuivre.
On retient ainsi les coûts directs d'exploitation et de maintenance des infrastructures de boucle locale cuivre (par exemple : remplacement de câbles usagés, entretien des points de répartition), les coûts de matériel et de personnel, mais aussi les coûts de travaux, fournitures et frais extérieurs et de fiscalité.
Il est également tenu compte des coûts indirects. Ces coûts proviennent des autres activités qui contribuent à la maintenance des infrastructures de boucle locale cuivre (l'approvisionnement, le support, la logistique) ou des moyens employés (bâtiments, informatique et véhicules). Ces coûts peuvent comporter des annuités correspondant à des actifs immobilisés (ce peut être notamment le cas des bâtiments).
Enfin, les montants d'autoconsommation reçue sont pris en compte.
Les coûts d'exploitation précisés précédemment sont établis à partir de la comptabilité réglementaire de l'opérateur et audités.
La dimension géographique du service
et l'assiette de lignes à prendre en compte
Plusieurs éléments interviennent pour établir l'assiette géographique des lignes à prendre en compte pour le coût du dégroupage, notamment le caractère progressif du déploiement des opérateurs alternatifs et les interactions avec le mécanisme de péréquation géographique du service universel.
La prise en compte, de façon prospective,
du déploiement du dégroupage
La progressivité observée du processus de dégroupage a amené l'Autorité, dès 2002, à décider d'aménager la méthode de calcul des coûts de boucle locale à prendre en compte dans la tarification du dégroupage afin de respecter le principe d'orientation vers les coûts. En effet, différentes études ont montré que le coût moyen d'une ligne est fonction de la densité de la zone correspondante. Le coût tend à croître quand la densité baisse. Or, les observations menées au début des années 2000 montraient la tendance des opérateurs alternatifs à engager leur déploiement d'abord dans les zones les plus denses et soulignaient l'absence de projets de déploiement au-delà. Aussi, il était apparu nécessaire à l'Autorité de limiter les coûts fondant le calcul du prix de dégroupage à une moyenne calculée sur une assiette restreinte, correspondant aux zones sur lesquelles on pouvait attendre un dégroupage avec une probabilité significative. Plus précisément, les éléments alors disponibles montraient la quasi-absence de perspective de dégroupage au-delà d'une assiette de 21 millions de lignes, correspondant aux 70 % de zones les plus denses. Cette assiette avait donc été retenue, moyennant un très léger correctif, pour prendre en compte les autres zones dans lesquelles un dégroupage ne pouvait être totalement exclu.
L'Autorité considère aujourd'hui nécessaire de modifier significativement cette valeur, en raison de la progression majeure du déploiement enregistré depuis cette date et de la dynamique nouvelle de déploiement liée, notamment, au soutien des collectivités locales, qui s'intensifie depuis l'insertion dans le code général des collectivités territoriales de l'article L. 1425-1. De fait, l'Autorité considère que l'intervention des collectivités locales est de nature à remettre en cause la possibilité même de définir une assiette de zones de densité au-delà de laquelle les perspectives de dégroupage seraient insignifiantes. En effet, on observe dès aujourd'hui plusieurs projets départementaux qui prévoient un dégroupage généralisé sur l'ensemble de leur territoire, indépendamment ou quasi indépendamment de la taille des répartiteurs en termes de nombre de lignes desservies. La méthode fixée par l'Autorité doit intégrer ces nouveaux phénomènes et leur possible généralisation.
La cohérence avec le calcul du montant de la compensation
au titre du service universel
Il convient de veiller à ce que le calcul du tarif du dégroupage ne conduise pas à un double compte avec l'évaluation de la compensation de péréquation géographique du service universel.
En effet, France Télécom est chargée de la fourniture de la composante service téléphonique du service universel et, à ce titre, peut bénéficier d'une compensation en cas de charge excessive.
En ce qui concerne plus spécifiquement la composante correspondant à l'obligation de péréquation tarifaire du service téléphonique, les modélisations employées pour le calcul du montant de la compensation s'appuient :
- sur le constat que les coûts de cette composante sont principalement dus à la dispersion géographique du coût de la boucle locale cuivre, ces coûts augmentant quand la densité démographique des zones à desservir baisse ;
- sur la détermination de zones non rentables donnant lieu à une compensation par le fonds de service universel ;
- sur l'hypothèse que, par nature, ces zones ne sont pas desservies par d'autres opérateurs que celui qui en a l'obligation au titre du service universel.
Si les lignes correspondant à ces zones non rentables étaient prises en compte pour le calcul du coût du dégroupage, alors un risque de double compte apparaîtrait.
V-2. Les coûts liés aux services du dégroupage
S'agissant ensuite des coûts liés à la prestation de dégroupage, ils correspondent aux coûts liés au service après vente (SAV) d'une ligne dégroupée et aux coûts de facturation et recouvrement de l'activité dégroupage.
Les coûts de service après vente (SAV)
Les coûts de SAV d'une ligne dégroupée sont décomposés en deux postes :
- les coûts administratifs d'accueil des signalisations ;
- les coûts d'intervention des techniciens lors des dérangements.
Ces postes de coûts ont été fondés jusqu'à présent pour partie sur un raisonnement analytique, et pour partie sur les comptes audités de France Télécom.
Les coûts administratifs correspondent en particulier aux coûts de la plate-forme « GAMOT ». Ils sont établis sur la base du nombre d'hommes/an travaillant à cette plate-forme, pour leur quote-part affectable au dégroupage ; le GAMOT est en effet mutualisé entre le dégroupage et les offres de gros DSL résidentielles de France Télécom.
Les coûts d'intervention sur le terrain des techniciens lors de dérangements sont établis à partir des coûts techniques d'intervention correspondant à une ligne analogique classique, tels qu'audités dans les comptes de France Télécom. Cependant ces coûts sont ensuite retraités de deux façons pour tenir compte des spécificités du dégroupage :
- une partie de ce coût est retirée pour tenir compte des interventions à tort, facturées séparément dans le cas du dégroupage ;
- ces coûts sont multipliés par un facteur tenant compte de l'absence d'outil de diagnostic et de localisation à distance des défauts sur une ligne dégroupée, qui peut induire plus de déplacements de la part du technicien.
Les coûts de facturation et du service en charge des relations
avec les opérateurs dégroupeurs (DIVOP)
S'agissant enfin des coûts de facturation et de DIVOP, ils ont de même été évalués sur la base de coûts prévisionnels France Télécom en 2000.
Ces modes d'évaluation des coûts ont été définis de façon prospective en 2000 et 2001 et maintenus en 2002, alors qu'aucune ligne ou presque n'avait alors été dégroupée. Etant donné le développement actuel du dégroupage, il pourra être possible de confronter les coûts correspondant à des données constatées lorsque celles-ci seront disponibles.
V-3. La contribution aux coûts communs de l'entreprise
L'Autorité considère comme constituant les coûts communs pertinents pour le dégroupage :
- les coûts relatifs aux frais de siège et à la structure opérationnelle de l'opérateur ;
- les coûts communs de recherche et développement, après exclusion de la recherche et développement fondamentale ;
- les coûts des bâtiments non affectés qui ne sont pas en instance de sortie du parc, dès lors que les surfaces correspondantes constituent un volant raisonnable de bâtiments disponibles.
En revanche, pour respecter le principe d'efficacité économique à long terme, l'Autorité considère :
- que les coûts des personnels sortis de fonction (congés de fin de carrière) sont exclus des coûts communs pertinents pour le dégroupage : ces coûts, supportés sans contrepartie de travail futur, ont un caractère transitoire et n'ont pas vocation, dans une optique de long terme, à être imputés aux coûts des offres de gros. Un raisonnement similaire conduit à considérer comme exclus des coûts communs pertinents pour le dégroupage les coûts relatifs aux personnels en cessation d'activité et aux personnels sortis temporairement de fonction ;
- que le coût net pour l'opérateur du paiement de la soulte doit être écarté ;
- qu'en ce qui concerne les bâtiments non affectés les coûts correspondant à la partie de ces bâtiments destinée à être cédée sont exclus des coûts communs pertinents pour le dégroupage.
La contribution aux coûts communs est obtenue en appliquant une majoration forfaitaire aux coûts précédemment évoqués, le taux de cette majoration étant lui même déterminé de sorte que, appliqué à l'ensemble des coûts de l'entreprise hors les « coûts communs », ils permettent le recouvrement de ces coûts communs.
Ce taux de coûts communs doit être calculé en cohérence avec la valorisation des actifs retenue.
V-4. Comparaisons européennes
Conformément à l'article D. 311 du code des postes et des communications électroniques, l'Autorité pourra confronter le niveau tarifaire résultant de l'application de la méthode retenue aux prix de prestations comparables observés dans les différents pays européens.
V-5. Modalités de contrôle de l'obligation de reflet des coûts
des tarifs du dégroupage
L'article 9 de la décision no 2005-0277 précitée a imposé à France Télécom une obligation de reflet des coûts pour le tarif du dégroupage total.
Or, l'article D. 311-I du CPCE dispose que, dans cette hypothèse, l'Autorité peut demander à l'opérateur concerné de justifier intégralement ses tarifs. Par conséquent, afin de vérifier le respect par France Télécom de cette obligation, dont les modalités de mise en oeuvre sont précisées par la présente décision, l'Autorité impose à France Télécom de lui communiquer les informations définies en annexe 2 de la présente décision.
Ces informations constituent le strict nécessaire à la réalisation de ce contrôle et sont ainsi proportionnées aux besoins de l'Autorité. L'Autorité s'est assurée de la capacité de France Télécom à fournir ces informations qui, pour partie, étaient déjà fournies sous le régime de l'ancien cadre réglementaire.
Ces informations doivent être communiquées à l'Autorité sur une base annuelle dans les conditions précisées en annexe 2,
Décide :
Article 1
La méthode de valorisation des actifs de la boucle locale cuivre est celle définie au IV de la présente décision.Article 2
La méthode de comptabilisation des coûts applicable au dégroupage total est celle définie au V de la présente décision.Article 3
France Télécom est tenue de mettre en oeuvre ces méthodes conformément aux éléments figurant en annexe 1 de la présente décision et de mettre en conformité son offre technique et tarifaire d'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.Article 4
France Télécom est tenue de communiquer annuellement à l'Autorité les informations définies à l'annexe 2 de la présente décision, dans les conditions précisées dans cette annexe.Article 5
Les décisions no 2000-1171 et no 2005-0267 susvisées sont abrogées à compter de l'entrée en vigueur de la présente décision.Article 6
Le directeur général de l'Autorité est chargé de l'exécution de la présente décision, qui sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée à France Télécom.
Fait à Paris, le 15 décembre 2005.
Le président,
P. Champsaur
A N N E X E S
Annexe 1 : Conditions de mise en oeuvre.
Annexe 2 : Le Dispositif de reporting.
A N N E X E 1
À LA DÉCISION N° 2005-0834
Conditions de mise en oeuvre
L'Autorité a recueilli les données nécessaires à la mise en oeuvre de la méthode de valorisation. Elle a adressé un questionnaire à France Télécom le 29 juillet 2005. France Télécom a répondu à ce questionnaire le 19 septembre 2005.
Dans un souci de transparence, l'Autorité communique les données non couvertes par le secret des affaires.
I. - La valorisation de la boucle locale cuivre
Conformément à la méthode retenue au titre de la présente décision, la boucle locale cuivre comporte deux postes de coût :
- le coût en capital ;
- les coûts d'exploitation.
I-1. Le coût en capital
Les chroniques d'investissements disponibles
France Télécom a communiqué dans le cadre de sa réponse au questionnaire du 29 juillet deux séries distinctes :
- une reconstitution de la chronique de ses investissements dans la boucle locale cuivre, ventilée entre génie civil et câbles (y compris les poteaux), pour les années 1950 à 1999 ;
- les montants d'investissements enregistrés en comptabilité, issus de l'application GRIMM, ventilés entre génie civil, poteaux et câbles, pour les années 1993 à 2004. Les investissements de génie civil mêlent boucle locale et réseau général.
De fait, le système comptable de France Telecom produit une chronique d'investissement à partir de 1993. Sur les années antérieures, en l'absence de données issues de la comptabilité, une reconstitution de la chronique des investissements de France Télécom s'est avérée nécessaire. Au regard des réponses sur ce sujet à la consultation publique qu'elle a lancée en avril 2005, l'Autorité a étudié différentes possibilités et effectué différentes simulations :
- elle a examiné les archives historiques de la direction générale des postes et télécommunications ;
- elle a étudié une proposition de l'AFORST, qui est un effort de reconstitution des investissements historiques à partir des chroniques de production de lignes ;
- elle a examiné la chronique reconstituée par France Télécom elle-même ;
- elle a conduit des simulations fondées sur une hypothèse de régime permanent, ainsi qu'exposé dans la consultation sus-citée.
A l'issue de ce processus, l'Autorité a jugé dans un premier temps que les deux meilleures estimations disponibles étaient celle proposée par l'AFORST et celle communiquée par France Télécom. Toutefois, si le travail de l'AFORST apparaît comme le meilleur effort de modélisation extérieure réalisable, il présente un certain nombre de contradictions non résolues, dues au manque d'informations fiables pour certaines périodes du passé, propres à entacher sa recevabilité. La chronique présentée par France Télécom est apparue comme la plus fiable pour estimer ces investissements.
Certes, en l'absence de données historiques, la chronique reconstituée reste une estimation. Pour autant, l'Autorité a pu conduire certains tests de pertinence, notamment la cohérence entre la valeur à neuf du réseau calculée à partir de cette chronique et la valeur à neuf utilisée par l'Autorité dans sa précédente décision sur les tarifs du dégroupage total (décision no 2002-323). Ce point a permis en outre de confirmer que le périmètre des actifs retenu correspondait bien à celui des actifs de la boucle locale cuivre. Enfin, l'Autorité a observé que l'utilisation de cette chronique dans le calcul du coût de la paire de cuivre ne conduisait pas à un niveau supérieur à celui obtenu en utilisant la chronique alternative.
Au total, l'Autorité considère les données d'investissement reconstituées par France Télécom comme pertinentes et les retient comme estimation des investissements de France Télécom pour la période [1950-1992].
Ces données reconstituées sont présentées dans les tableaux ci-dessous (en millions d'euros constants 2004) :
Vous pouvez consulter le tableau dans le JO
n° 19 du 22/01/2006 texte numéro 16
Vous pouvez consulter le tableau dans le JO
n° 19 du 22/01/2006 texte numéro 16
La deuxième source fournie par France Télécom, comptable, est retenue pour les investissements à partir de 1993.
Les données issues de l'application GRIMM disponibles depuis 1993 sont présentées dans le tableau ci-dessous (en millions d'euros constants 2004) :
Vous pouvez consulter le tableau dans le JO
n° 19 du 22/01/2006 texte numéro 16
La structure souhaitée des chroniques
La méthode de valorisation définie par la présente décision implique une décomposition des actifs de boucle locale en quatre catégories :
- génie civil en conduite ;
- génie civil en pleine terre ;
- câbles ;
- éléments de répartition.
Retraitement spécifique de la chronique issue de GRIMM
La décomposition du génie civil entre boucle locale et réseau général n'est pas disponible dans les chroniques d'investissement de France Télécom enregistrées depuis 1993. Cependant, selon France Télécom, il est « pertinent d'appliquer le pourcentage d'affectation observé actuellement pour le parc de génie civil de manière uniforme à l'ensemble de la chronique d'investissements (2) ». Il ressort des données fournies par France Télécom que ce pourcentage est de l'ordre de 72 %.
Séparation du génie civil en conduite
et du génie civil en pleine terre
Par ailleurs, la séparation du génie civil entre conduite et pleine terre n'est pas disponible dans les chroniques d'investissement de France Télécom. Cependant, la répartition constatée en 2005 du parc global est connue. L'Autorité retient donc l'hypothèse d'une répartition identique dans le temps, comme l'indique France Télécom (3) : « de même, compte tenu des informations disponibles [...], on retiendra un pourcentage de répartition entre conduite et pleine terre uniforme dans le temps ». En 2005, le génie civil en conduite représentait autour de 90 % du génie civil de boucle locale cuivre. Le génie civil en pleine terre représentait environ 10 % du génie civil de boucle locale cuivre.
Prise en compte des acquisitions à titre gratuit (ATG)
Les actifs acquis à titre gratuit sont répertoriés dans le patrimoine de France Télécom, qui est utilisé pour déterminer les chroniques d'investissements de France Télécom, que ce soit dans la reconstitution avant 1993 ou dans les données postérieures à 1993. Il convient donc de les retirer des investissements pris en compte pour évaluer le coût réellement supporté par France Télécom.
Dans sa réponse au questionnaire du 29 juillet 2005, France Télécom indique que :
« La part des investissements en génie civil non financée par France Télécom est connue grâce aux données comptables. On observe que 15 % des unités d'oeuvre du génie civil ont été acquises gratuitement. Comme on peut penser que ces acquisitions concernent quasi exclusivement du génie civil occupé par des câbles de la boucle locale, il est logique de rapporter ces ATG à la part "boucle locale du génie civil. 15 % du génie civil correspondent à 22 % de la part "boucle locale du génie civil.
Les ATG sont presque exclusivement du génie civil en conduite.
Le pourcentage varie peu selon les époques. »
Ces données sont cohérentes avec les données issues de l'audit des comptes de France Télécom en 2002.
Le cas particulier des répartiteurs
Les chroniques d'investissements ne comprennent pas les investissements relatifs aux répartiteurs, France Télécom ne disposant pas de ces données. Ces investissements sont donc traités par la méthode des coûts de remplacement en filière, conformément à la méthode antérieure.
L'effet de cette approximation est faible, les têtes de câble des répartiteurs et sous-répartiteurs étant exclues du périmètre considéré, et reclassées avec les câbles de transport et distribution, comme le précise France Télécom dans sa réponse au questionnaire :
« Les têtes de câble des répartiteurs et sous-répartiteurs sont enregistrées en comptabilité et immobilisées avec les câbles de transport et de distribution dont elles constituent l'extrémité. »
(2) Réponse de France Télécom au questionnaire du 29 juillet sur la boucle locale. (3) Idem.
Les investissements prévisionnels sur la période 2005-2008
Dans sa réponse au questionnaire du 29 juillet 2005, France Télécom communique des projections d'investissement pour la période 2005-2008. Ces projections font apparaître une reprise significative des investissements dans la boucle locale cuivre dans les années à venir.
Cette reprise ne devrait toutefois avoir qu'un effet mineur sur le tarif du dégroupage total, la méthode retenue ayant pour propriété de lisser les cycles d'investissements de l'opérateur historique.
Durées de vie des actifs de la boucle locale cuivre
Comme il est rappelé dans la partie IV-3 de la présente décision, l'Autorité considère que des durées de vie économiques doivent être retenues pour la valorisation des actifs de la boucle locale cuivre. Ce concept diffère à la fois de celui de durée de vie comptable et de celui de durée de vie physique.
Pour la boucle locale, il est généralement admis que les durées de vie économiques sont supérieures aux durées de vie comptables. Elles sont par définition inférieures aux durées de vie physiques.
Les références existant à ce jour sont les durées de vie économique utilisées par France Télécom pour ses offres de référence et les durées de vie issues de sa comptabilité.
Jusqu'à présent, les durées de vie économiques résultaient de leur fixation par France Télécom dans ses offres de référence et, pour certaines, de leur modification par l'Autorité dans la décision no 2001-135, en date du 8 février 2001. Les valeurs résultant étaient les suivantes :
30 ans pour le génie civil en conduite ;
20 ans pour le génie civil en pleine terre ;
15 ou 20 ans selon les types de câbles.
Quant aux durées de vie comptables, elles ont été modifiées en 2005 par France Télécom :
- la durée de vie du génie civil, que ce soit en conduite et en pleine terre, est passée de 20 à 30 ans ; France Télécom ne distingue pas en effet ces deux types d'actifs dans sa comptabilité ;
- la durée de vie des câbles est passée de 15 à 20 ans.
Cet allongement des durées de vie comptables est consécutif au constat que les durées de vie physiques des actifs étaient supérieures aux prévisions.
Enfin, dans une décision récente, l'OFCOM (4) a fixé les durées de vie qu'il jugeait pertinentes pour les actifs de boucle locale cuivre : 40 ans pour le génie civil et 18 ans pour les câbles.
Au regard de ces éléments, l'Autorité estime pertinent d'allonger les durées de vie économiques utilisées, tout en les maintenant entre les durées de vie comptables retenues par France Télécom et les durées de vie physiques qu'il serait possible d'estimer. Si une telle analyse est partagée qualitativement par les acteurs du secteur dans leurs réponses à la consultation menée du 30 septembre au 31 octobre, l'Autorité observe cependant qu'il n'existe pas de consensus sur les valeurs précises qui doivent être retenues et qu'aucun argument véritablement probant n'est proposé par les différents acteurs pour fixer ces valeurs.
D'un côté, certains acteurs soulignent la difficulté de l'exercice et la nécessité de retenir une approche prudente dans la fixation de ces paramètres. L'un d'eux apparaît favorable à des valeurs plutôt conservatrices. D'un autre côté, France Télécom soutient un net allongement des durées de vie et avance quelques valeurs précises, à savoir 50 ans pour le génie civil en conduite et 28 ans pour les câbles. Les hypothèses sous-jacentes à ces évaluations sont toutefois trop incertaines et contestables pour que ces valeurs puissent être adoptées, d'autant qu'elles paraissent sans commune mesure avec celles utilisées dans les autres pays européens dont l'Autorité a connaissance.
Selon les informations dont l'Autorité dispose, les durées de vie économiques évaluées dans un ensemble d'autres pays européens (5) pour ces mêmes types d'actifs s'établissent comme suit :
- génie civil en conduite : de 20 à 40 ans ;
- génie civil en pleine terre : de 20 à 40 ans ;
- câbles : de 12 à 24 ans.
Dans ces conditions, l'Autorité retient les valeurs suivantes pour les durées de vie économiques des actifs de boucle locale :
40 ans pour le génie civil en conduite ;
25 ans pour les câbles et le génie civil en pleine terre, qui ont structurellement la même durée de vie ;
25 ans pour les éléments de répartition.
(4) Régulateur en Grande-Bretagne. (5) Allemagne, Belgique, Chypre, Danemark, Espagne, Estonie, Grande-Bretagne, Islande, Irlande, Liechtenstein, Lituanie, Pays-Bas, Portugal, Roumanie, Suède, Suisse.
Evolution des prix des actifs de la boucle locale cuivre
Les taux de progrès technique réel applicables à chacun des équipements sont calculés à partir des coûts de reconstruction et des dates d'achat des équipements en service.
Pour chaque équipement remplacé, le progrès technique est considéré constant sur la période d'investissements ; il est calculé comme étant le taux d'actualisation qu'il faut appliquer aux investissements historiques pour que leur somme soit égale au coût de reconstruction à neuf.
Pour l'année n, le taux de progrès technique réel g résulte alors de la formule suivante :
Vous pouvez consulter le tableau dans le JO
n° 19 du 22/01/2006 texte numéro 16
où :
In représente le coût de reconstruction en début d'année n ;
Pnj représente le montant, en monnaie de l'année n, du patrimoine investi en début d'année j encore en service en début d'année n ;
Yn représente l'âge du plus ancien équipement en service en début d'année n.
L'évolution des prix d'un actif résulte de deux facteurs :
- l'évolution générale des prix, ou inflation ;
- le progrès technique réel, spécifique à chaque actif, qui représente l'évolution du prix de l'actif hors effet général de variation des prix. Ce progrès technique réel, ou pur, est positif quand des gains de productivité sont réalisés ou que les prix des matières premières baissent.
C'est ce taux de progrès technique réel qui est utilisé dans la méthode des coûts courants économiques.
Sur la base de l'étude effectuée par France Télécom, les taux de progrès technique réel, après intégration des effets de l'ingénierie contrôle, sont les suivants :
- génie civil en conduite : - 0,23 % ;
- génie civil en pleine terre : - 0,23 % ;
- câbles : 1,80 % ;
- répartiteurs : 1,80 %.
L'Autorité considère que ces taux de progrès technique réel constituent à ce stade la meilleure référence pour les années 2006 et 2007.
Indice de prix jusqu'en 2004
Le calcul du coût en capital de la boucle locale cuivre nécessite l'utilisation d'un indice de prix disponible en série longue.
En ce qui concerne les chroniques historiques, l'Autorité a retenu la série d'indices de prix définie par l'INSEE intitulée « pouvoir d'achat de l'euro et du franc », disponible sur le site Internet de l'INSEE. Elle est construite sur la base de l'IPC (indice des prix à la consommation).
Cette série est présentée dans le tableau ci-dessous pour les années 1951 à 2001 :
Vous pouvez consulter le tableau dans le JO
n° 19 du 22/01/2006 texte numéro 16
Les valeurs correspondant aux années 2002 à 2004 sont présentées ci-dessous :
Vous pouvez consulter le tableau dans le JO
n° 19 du 22/01/2006 texte numéro 16
Nombre de lignes du réseau
Le nombre total de lignes utilisées, en valeur prévisionnelle 2005, est de 30,4 millions. Cette estimation sera utilisée pour les années 2006 et 2007.
I-2. Les coûts d'exploitation
Les coûts d'exploitation utilisés dans la décision no 2002-323 de l'Autorité pour la fixation des tarifs du dégroupage total s'élevaient à 1,92 EUR par ligne et par mois. Cette valeur était issue des comptes audités définitifs 1999, derniers disponibles à la date de la décision.
Les audits successifs qui ont eu lieu depuis ont donné une fourchette pour ces coûts d'exploitation allant de 2 EUR (en 2002 et 2004) à 2,2 EUR (en 2001).
Dans sa réponse du 19 septembre 2005, France Télécom a fourni une évaluation prévisionnelle pour les années 2005 à 2007 :
Vous pouvez consulter le tableau dans le JO
n° 19 du 22/01/2006 texte numéro 16
Ces éléments sont cohérents avec les valeurs auditées sur la période 1998-2003 et l'Autorité estime donc pertinent le montant établi par France Télécom de 2,1 EUR par mois et par ligne pour les années 2006 et 2007.
II. - Les tarifs du dégroupage total
Le coût du dégroupage total résulte :
- du coût de la paire de cuivre même, comportant un coût en capital et un coût d'exploitation ;
- des coûts spécifiques au dégroupage total ;
- d'une contribution aux coûts communs de l'entreprise.
II-1. Les coûts de la boucle locale cuivre
Le coût de la boucle locale cuivre, regroupant capital et exploitation, résulte des valorisations mentionnées en I.
II-2. Les coûts liés à la fourniture du dégroupage
France Télécom a communiqué des éléments prévisionnels pour les coûts liés à la fourniture du dégroupage.
Pour l'année 2005, une valeur prévisionnelle est disponible et s'élève à 1,52 EUR par ligne et par mois. Elle correspond aux estimations suivantes :
Vous pouvez consulter le tableau dans le JO
n° 19 du 22/01/2006 texte numéro 16
Cette valeur est cohérente avec la valeur de 1,62 EUR par ligne et par mois retenue dans la décision no 2002-323 de l'Autorité. Toutes choses égales par ailleurs, l'actualisation stricte du calcul réalisé en 2002 en remplaçant les données auditées 1999 par les données auditées 2004 donne une valeur de 1,51 EUR.
La valeur prévisionnelle fournie par France Télécom semble ainsi pertinente pour les années 2006 et 2007, période durant laquelle il est demandé à France Télécom d'être vigilante à l'amélioration de la qualité de service du dégroupage total. Ces valeurs seront confrontées aux données de coûts auditées pour le dégroupage lorsqu'elles seront disponibles et aux moyens mis en oeuvre par France Télécom pour améliorer la qualité de service.
II-3. Assiette géographique
Effet de l'assiette sur le coût moyen des lignes
Sur la base de la réponse de France Télécom à la consultation, et en particulier d'une étude réalisée pour le compte de celle-ci par le cabinet Analysys, l'Autorité a déduit un abaque géographique permettant d'établir la correspondance entre pourcentage de lignes les plus denses retenues et coût moyen de ces lignes. L'Autorité a par ailleurs vérifié la cohérence de ces résultats avec le modèle de péréquation géographique du service universel.
Vous pouvez consulter le tableau dans le JO
n° 19 du 22/01/2006 texte numéro 16
Cet abaque s'applique aux coûts de capital et d'exploitation de la paire de cuivre.
Assiette retenue pour le calcul du tarif du dégroupage
L'Autorité considère aujourd'hui nécessaire de modifier significativement l'assiette de lignes retenue en 2002.
En 2002, l'Autorité avait, dans une démarche ambitieuse, retenu une assiette correspondant à environ 70 % des lignes, alors même que le dégroupage était balbutiant. Aujourd'hui, l'Autorité s'inscrit dans une même démarche, en prenant en compte l'importance acquise par le dégroupage depuis. En particulier, l'Autorité relève que tant l'action des collectivités locales que le dynamisme des acteurs privés la conduisent à considérer que le déploiement du dégroupage est amené à se poursuivre à un rythme soutenu dans les prochaines années.
En outre, l'hypothèse d'absence de projet de déploiement au-delà d'une zone la plus dense est aujourd'hui caduque. La possibilité même de définir une assiette de zones au-delà de laquelle les perspectives de dégroupage sont insignifiantes apparaît désormais très délicate, ce qui pourrait tendre à l'adoption d'une assiette maximale. Dans le même temps, le déploiement du dégroupage gagne en homogénéité, ce qui concourt à rapprocher le coût moyen des lignes dégroupées du coût moyen de l'ensemble des lignes, même si le déploiement effectif des opérateurs dégroupeurs reste encore aujourd'hui majoritairement circonscrit aux zones les plus denses.
En toute hypothèse, l'Autorité relève que l'existence d'un fonds de compensation du service universel est de nature à perturber le calcul du coût moyen de l'ensemble des lignes. En effet, en toute rigueur, ce coût moyen ne devrait pas tenir compte du surcoût engendré par les lignes les plus longues, celui-ci ayant vocation à être compensé dans les zones non rentables par le mécanisme de service universel, une fois tenu compte des avantages immatériels notamment. Ces difficultés sont aujourd'hui relatives aux 5 % des lignes situées dans les zones les moins denses. Cela amène l'Autorité à écarter les coûts de ces lignes du calcul du tarif du dégroupage.
L'assiette retenue par l'Autorité pour le calcul du tarif du dégroupage total est de 95 % des lignes, chiffre qui traduit une vision ambitieuse.
II-4. La contribution aux coûts communs
En cohérence avec l'architecture des coûts communs, France Télécom a actualisé le taux de coûts communs pertinents pour le dégroupage. Ce taux s'élève à 5,78 %.
Ce taux s'applique à la somme des coûts de la paire de cuivre (avant application de l'assiette géographique) et des coûts spécifiques au dégroupage.
A N N E X E 2
À LA DÉCISION N° 2005-0834
Le dispositif de reporting
France Télécom communiquera à l'Autorité les informations suivantes.
I. - En ce qui concerne la valorisation de la paire de cuivre
Les valorisations à neuf
Les valorisations à neuf permettent de mettre en évidence l'évolution des quantités d'unités d'oeuvre en ce qui concerne les actifs de la boucle locale cuivre ainsi que l'évolution des prix unitaires d'investissement.
Pour une année déterminée, ces informations seront communiquées par France Télécom à l'Autorité conformément au tableau ci-dessous.
Vous pouvez consulter le tableau dans le JO
n° 19 du 22/01/2006 texte numéro 16
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n° 19 du 22/01/2006 texte numéro 16
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n° 19 du 22/01/2006 texte numéro 16
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Nota. - Dans le cas de catégories d'investissement donnant lieu à des cessions à titre gratuit, France Télécom fournira selon une fiche séparée les valeurs brutes d'investissement.
Les investissements réalisés
France Télécom communiquera annuellement à l'Autorité un état fournissant les montants d'investissements réalisés dans la boucle locale cuivre. Cet état devra distinguer :
- le génie civil en conduite de boucle locale cuivre ;
- le génie civil en pleine terre de boucle locale cuivre ;
- les câbles de boucle locale cuivre y compris les infrastructures aériennes immobilisées ;
- les éléments de répartition.
Cet état donnera annuellement les montants constatés l'année précédente ainsi que, avec le même degré de détail, les montants budgétés pour l'année en cours. Il sera fourni dès la clôture des comptes sociaux.
Les coûts annuels de la boucle locale cuivre
France Télécom soumettra à audit annuel et communiquera à l'Autorité une fiche synthétique présentant les coûts en capital (selon la méthode CCE) et les coûts d'exploitation correspondant à la boucle locale cuivre sur le modèle du tableau suivant.
Vous pouvez consulter le tableau dans le JO
n° 19 du 22/01/2006 texte numéro 16
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Nombre de paires de cuivre en service
France Télécom soumettra à audit annuel et communiquera à l'Autorité une fiche synthétique présentant le nombre moyen de paires de cuivre en service dans l'année selon le tableau suivant.
Vous pouvez consulter le tableau dans le JO
n° 19 du 22/01/2006 texte numéro 16
II. - En ce qui concerne les coûts liés au service de dégroupage
Les coûts de service après vente (SAV)
France Télécom communiquera annuellement à l'Autorité les coûts constatés correspondant au service après vente (SAV) décomposés en deux postes :
- les coûts administratifs d'accueil des signalisations ;
- les coûts d'intervention des techniciens lors des dérangements.
France Télécom précisera si ces évaluations sont fondées sur des coûts réellement constatés ou sur des méthodes analytiques, et les détaillera.
Les coûts de facturation et de DIVOP
France Télécom communiquera annuellement à l'Autorité les coûts constatés correspondant à ces activités.