J.O. 283 du 6 décembre 2005
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Décision n° 2005-0988 du 8 novembre 2005 fixant le taux de rémunération du capital employé pour évaluer les tarifs du dégroupage de la boucle locale de France Télécom pour les années 2006 et 2007
NOR : ARTE0500105S
L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes,
Vu le code des postes et des communications électroniques, et notamment ses articles D. 311 et D. 312 ;
Vu la décision no 2003-1094 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 7 octobre 2003 fixant le taux de rémunération du capital employé pour évaluer les tarifs d'interconnexion et les tarifs du dégroupage de la boucle locale de France Télécom pour l'année 2004 ;
Vu la décision no 2005-0277 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 19 mai 2005 portant sur les obligations imposées à France Télécom en tant qu'opérateur exerçant une influence significative sur le marché de gros de l'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre ;
Vu la décision no 2005-0789 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 7 octobre 2005 relative à la fixation de la valeur définitive du taux de rémunération du capital pour le calcul du coût net définitif du service universel pour l'année 2004 prévu par l'article R. 20-37 du code des postes et des communications électroniques ;
Vu la position commune ERG (05) 29 de 2005 du Groupe des régulateurs européens « Guidelines for implementing the Commission Recommendation C (2005) 3480 on Accounting Separation and Cost Accounting Systems under the Regulatory Framework for Electronic Communications » ;
Après en avoir délibéré le 8 novembre 2005,
I. - Cadre juridique
Dans l'ancien cadre réglementaire, le code des postes et des télécommunications (art. D. 99-23 et suivants) imposait à France Télécom de faire droit aux demandes raisonnables d'accès à la boucle locale. Les tarifs de cet accès devaient être orientés vers les coûts et l'article D. 99-24 imposait des prescriptions en ce qui concerne les principes tarifaires applicables. Sur le fondement de ce même article , l'Autorité a été amenée à préciser la méthode retenue de calcul des coûts moyens incrémentaux de long terme relatifs à l'accès à la boucle locale, par une décision no 2000-1171 du 30 octobre 2000, modifiée le 24 mars 2005.
Le nouveau cadre juridique mis en place par la loi du 9 juillet 2004 susvisée impose à l'Autorité de mener une analyse des marchés pertinents du secteur des communications électroniques afin de constater l'existence ou non d'opérateur disposant d'une influence significative et d'imposer les obligations proportionnées aux objectifs de régulation répondant aux problèmes de concurrence constatés. Enfin, le décret no 2004-1301 du 26 novembre 2004 a abrogé notamment les dispositions du code des postes et des télécommunications précitées relatives au dégroupage.
Conformément à ce nouveau dispositif réglementaire, l'Autorité a mené l'analyse du marché de gros des offres d'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre. France Télécom a été déclarée opérateur disposant d'une influence significative sur ce marché et l'Autorité a, par sa décision no 2005-0277 susvisée, imposé un ensemble d'obligations afin de remédier aux problèmes de concurrence constatés. Les obligations ainsi imposées le sont en vertu de l'article 11 de cette décision jusqu'au 1er mai 2008, sans préjudice d'un éventuel réexamen anticipé dans les conditions fixées à l'article D. 303 du code des postes et des communications électroniques.
L'Autorité a notamment prescrit une obligation de contrôle tarifaire. Ainsi, l'article 9 de cette décision dispose que :
« France Télécom doit offrir les prestations d'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre ainsi que les prestations associées à des tarifs reflétant les coûts correspondants, en respectant en particulier les principes d'efficacité, de non-discrimination et de concurrence effective et loyale. »
Lorsqu'elle impose une obligation d'orientation vers les coûts, l'Autorité doit veiller « à assurer une rémunération raisonnable des capitaux employés, compte tenu du risque encouru », aux termes de l'article D. 311 du CPCE.
Cette notion de rémunération raisonnable se traduit à travers la détermination par l'Autorité du taux de rémunération du capital, comme le précise l'article D. 312 :
« L'Autorité détermine le taux de rémunération du capital utilisé. Ce taux tient compte du coût moyen pondéré des capitaux de l'opérateur concerné et de celui que supporterait un investisseur dans les activités de communications électroniques en France. »
II. - Décisions antérieures
Pour l'année 2004, l'Autorité avait fixé, dans sa décision no 2003-1094 susvisée, le taux de rémunération du capital employé à 10,4 % pour l'interconnexion et le dégroupage.
III. - Méthode employée par l'Autorité
La méthode
La mesure du coût du capital est un sujet sur lequel l'Autorité a sollicité des expertises extérieures durant plusieurs années. Elle a notamment confié des études à des cabinets spécialisés en finance.
Au cours des différents exercices, de nombreux échanges ont ainsi permis de consolider et d'améliorer la méthode, fondée sur le coût moyen pondéré du capital et le modèle d'équilibre des actifs financiers (MEDAF), ainsi que le préconisent l'article D. 312 du CPCE et la position commune du GRE sur la séparation comptable et la comptabilisation des coûts susvisés.
De nombreux points ont ainsi pu être arbitrés et sont reconduits dans la présente évaluation.
Les contingences dans l'évaluation de certains paramètres
Il est apparu depuis quelques années que plusieurs paramètres utilisés par l'Autorité dans la méthode de détermination du taux de rémunération du capital étaient soumis à certaines contingences, peu compatibles avec l'évaluation de coûts d'investissements engagés sur un horizon de long terme.
Concernant plus particulièrement l'appréciation du risque tel qu'il est utilisé dans le MEDAF, il est apparu en 2002 que la très forte augmentation de la volatilité boursière, et en particulier des titres télécoms, rendait difficile son évaluation en se fondant uniquement sur des données de marché souvent polluées par des comportements spéculatifs.
Par ailleurs, les évolutions de valorisation et de structure de capital de France Télécom au cours des années récentes, ainsi que la stratégie de cet opérateur à l'international, sont autant d'éléments qui viennent perturber l'évaluation du coût du capital pertinent pour les activités régulées.
La mise en oeuvre d'une approche de long terme
Sur la base de ces constats, l'Autorité a cherché, à méthode constante, à prendre en compte des paramètres évalués dans une perspective de plus long terme et fondés sur des raisonnements moins contingents.
Cette évolution a été préparée notamment à travers différents échanges au cours de l'année 2003 :
- échanges multilatéraux avec le secteur ;
- séminaire public ;
- appels à commentaires.
L'Autorité considère qu'une approche de long terme est souhaitable pour le secteur et que les paramètres cible évalués en 2003 restent pertinents pour les années 2006 et 2007, ainsi que développé ci-après.
IV. - Evaluation du taux pour les années 2006 et 2007
Le coût du capital est calculé comme une moyenne pondérée entre :
- le coût des capitaux propres, correspondant au taux de rentabilité demandé par les actionnaires de l'entreprise pour l'activité considérée ;
- le coût de la dette de l'opérateur.
Cette pondération est basée sur une structure d'endettement cible.
La mesure du coût des capitaux propres
Conformément à la position commune du GRE susvisée et aux décisions antérieures de l'Autorité, le coût des capitaux propres est évalué selon le modèle d'équilibre des actifs financiers (MEDAF) selon la formule :
ke = Rf + (Rm - Rf)
et nécessite l'établissement des paramètres suivants :
- le taux sans risque Rf : la valeur du taux sans risque de référence choisie par l'Autorité est celle des obligations assimilables du Trésor (indice TEC à 10 ans). Pour les années 2006 et 2007, l'Autorité s'est référée aux prévisions des analystes financiers.
Pour l'année 2006, celles-ci varient entre 3,35 % et 3,8 % lorsqu'elles reposent sur des analyses de cours. Pour l'année 2007, une légère hausse est anticipée par les acteurs et pourrait conduire à un taux sans risque compris entre 3,5 % et 4 %.
Par ailleurs, l'utilisation d'un modèle d'équilibre de long terme conduirait à utiliser un taux plus élevé, proche de 6 %.
Compte tenu de ces éléments, l'Autorité a retenu pour les années 2006 et 2007 un taux sans risque moyen de 3,7 % ;
- la prime de marché (Rm - Rf) : l'Autorité s'est appuyée sur les différentes études et analyses dont elle a eu connaissance pour retenir la prime de marché correspondant au taux de rentabilité attendu par les investisseurs. Elle a retenu une prime de marché de 5 % ;
- le risque spécifique de l'investissement (bêta) lié à l'activité fixe : pour évaluer ce risque, l'Autorité a comparé les données financières disponibles pour France Télécom à des échantillons d'opérateurs européens comparables. Elle a par ailleurs confronté ce résultat aux valeurs retenues par différents régulateurs européens pour le calcul de taux de rémunération comparables. Ces différentes approches permettent de retenir un bêta de 1.
Conformément aux décisions précédentes, l'Autorité n'a pas pris en compte l'avoir fiscal, comme c'est la pratique en France pour le calcul du coût des capitaux propres.
Le coût des fonds propres avant impôt ainsi calculé est de 13,3 %.
La mesure du coût de la dette
L'Autorité a déterminé le coût de la dette à partir du taux sans risque défini précédemment, auquel s'ajoute une prime de risque de la dette de l'entreprise. Ce coût de la dette avant impôt a été évalué à 4,7 % pour les années 2006 et 2007. Il incorpore une prime de dette de 1 %. La valeur de cette prime de dette est prospective et s'applique à des investissements de long terme. Elle se situe aujourd'hui entre le coût moyen et le coût immédiat de la dette de France Télécom, et est cohérente avec la structure d'endettement retenue.
V. - Taux de rémunération du capital nominal
Le coût du capital s'établit à la moyenne pondérée de ces deux valeurs, soit 9,8 %.
L'évolution du niveau de ce taux par rapport à celui établi par la décision 2005-0789 résulte principalement de la baisse observée du taux sans risque.
VI. - Lien avec le taux de rémunération du capital réel
La méthode de valorisation de la boucle locale cuivre, utilisée pour la tarification du dégroupage total, utilise principalement un taux de rémunération réel, c'est-à-dire hors effet de l'inflation.
Ce taux se déduit donc du taux nominal calculé ci-dessus par la formule suivante :
1 + an = (1 + ar)*(1 + i)
où : an représente le taux de rémunération du capital nominal ;
ar le taux de rémunération du capital réel ;
et i l'inflation.
Selon le projet de loi de finances pour 2006 (1), l'inflation devrait être de 1,8 % en moyenne annuelle en 2006. Cette prévision semble pouvoir être prolongée en 2007. L'Autorité a donc retenu une progression des prix de 1,8 % en moyenne sur ces deux années.
Cette hypothèse est donc compatible avec un taux réel de 7,9 % pour les années 2006 et 2007,
Décide :
Article 1
Le taux de rémunération du capital nominal avant impôt, utilisé pour évaluer les tarifs du dégroupage, est fixé à 9,8 % pour les années 2006 et 2007.Article 2
Le directeur général de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes est chargé de l'exécution de la présente décision, qui sera publiée au Journal officiel et notifiée à France Télécom.
Fait à Paris, le 8 novembre 2005.
Le président,
P. Champsaur
(1) Rapport social, économique et financier du ministère des finances, tome I, Perspectives économiques 2005-2006 et évolution des finances publiques.