J.O. 271 du 22 novembre 2005       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Avis de la Commission des participations et des transferts n° 2005-A.-12 du 17 novembre 2005 relatif à l'ouverture minoritaire du capital d'Electricité de France


NOR : ECOZ0500083V



La commission émet l'avis suivant :

I. - Par lettre du 7 juillet 2005, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, en application de l'article 3 de la loi no 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations, a saisi la commission en vue de procéder à l'ouverture minoritaire du capital de la société Electricité de France autorisée par le décret no 2005-761 du 7 juillet 2005 autorisant une ouverture minoritaire du capital d'Electricité de France. L'article 24 de la loi no 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières dispose que l'Etat doit continuer de détenir plus de 70 % du capital d'Electricité de France.

L'ouverture porte sur au plus 15 % du capital de la société et elle consiste, s'agissant de l'opération de marché d'un maximum de 7 milliards d'euros, en la vente d'actions nouvelles émises par Electricité de France par voie d'augmentation de capital. Le nombre maximum d'actions cédées et émises est fixé par l'arrêté du 27 octobre 2005 fixant les modalités de transfert au secteur privé d'une participation minoritaire de la société Electricité de France. L'opération comprend, selon l'usage du marché, une option de surallocation.

Les actions cédées sur le marché font l'objet d'une offre publique à prix ouvert (OPO) en France et d'un placement institutionnel, en France et sur le marché international, garanti par un syndicat bancaire (PGG). Les particuliers souscrivant à l'OPO bénéficieront d'une réduction de un euro par action ainsi que de la gratuité des droits de garde pendant dix-huit mois. Les conditions détaillées de la cession sont décrites dans la note d'opération qui a été visée par l'Autorité des marchés financiers le 27 octobre 2005.

L'ouverture de capital comprend, dans la limite de 15 % de son montant, une offre aux salariés dans les conditions prévues aux articles 26 et 27 de la loi du 9 août 2004 précitée. Les actions remises aux salariés seront cédées par l'Etat. La commission a émis le 12 juillet 2005 un avis favorable sur les modalités de cette offre.

II. - Electricité de France a été constitué en 1946 sous forme d'établissement public à caractère industriel et commercial, à la suite de la nationalisation des secteurs du gaz et de l'électricité. La loi du 9 août 2004 précitée l'a transformé en société anonyme.

Electricité de France est un énergéticien intégré, présent sur l'ensemble des métiers de l'électricité : la production, le transport, la distribution, la commercialisation et le négoce. Le groupe EDF est l'acteur principal du marché français de l'électricité et l'un des premiers électriciens en Europe, grâce notamment au premier parc nucléaire au monde. EDF a plus de 40 millions de clients en Europe, dont 28 millions en France.

Le groupe EDF se présente aujourd'hui comme un opérateur intégré dont l'activité est gérée en quatre grandes divisions pour s'adapter aux nouvelles règles de marché :

- les activités concurrentielles en France, c'est-à-dire la production et la commercialisation d'électricité (38 % de l'excédent brut d'exploitation au premier semestre 2005). Avec une capacité installée de 101 gigawattheures, EDF détient le parc de production le plus important d'Europe qui se répartit entre centrales nucléaires (63 % de la capacité), hydrauliques (20 %) et thermiques (17 %). En 2004, la production a été issue à 87 % du parc nucléaire. EDF est aussi le premier fournisseur d'électricité en France avec 87 % du marché et 28 millions de clients dont 25 millions de particuliers ;

- les activités régulées en France, c'est-à-dire la gestion des infrastructures de transport (via sa filiale RTE) et de distribution d'électricité (31 % de l'excédent brut d'exploitation). Par l'importance de son réseau de transport, en position privilégiée au coeur de l'Europe, ainsi que du réseau de distribution dont il est le concessionnaire exclusif des collectivités locales (et qui dessert 95 % de la population), Electricité de France dispose d'un ensemble d'actifs industriels stratégiques et a pu développer des compétences reconnues ;

- l'activité internationale (31 % de l'excédent brut d'exploitation) est exercée pour l'essentiel en Europe et principalement jusqu'en 2004 à travers deux filiales, auxquelles Edison va s'ajouter en 2005 :

- EnBW (détenu par EDF à 46 %) est le troisième groupe énergéticien en Allemagne avec un chiffre d'affaires de 9,8 milliards d'euros ; il dessert 4,6 millions de clients en électricité, particulièrement en Bade-Wurtemberg, et est présent tant dans la production (dont 40 % en nucléaire) que le transport, la distribution et le négoce ; EnBW commercialise également du gaz ;

- EDF Energy (détenu à 100 %) résulte du rachat en 1998 de London Electricity ; il est le premier distributeur d'électricité au Royaume-Uni, desservant Londres, l'est et le sud-est de l'Angleterre et il est le cinquième producteur du pays ; EDF Energy a réalisé en 2004 un chiffre d'affaires de 6 milliards d'euros ;

- en mai 2005, EDF a conclu un accord avec le distributeur milanais AEM Milan pour prendre le contrôle conjoint du deuxième électricien italien Edison dans le capital duquel il était entré en 2001 ; cet accord a permis de mettre fin à une situation contractuelle difficile et aux restrictions imposées en Italie à EDF quant à cette participation ; Edison a réalisé en 2004 un chiffre d'affaires de 6,5 milliards d'euros et il détient 14 % de la capacité installée de production d'électricité en Italie à travers notamment ses droits de tirage sur la production d'Edipower ; Edison est aussi le troisième fournisseur de gaz en Italie ;

- le groupe EDF est également présent dans plusieurs autres pays européens, spécialement en Hongrie, en Pologne et en Slovaquie, tandis qu'il développe son activité en Chine et se retire d'autres zones géographiques jugées non stratégiques telles que l'Amérique latine ;

- les autres activités (contribution à l'excédent brut d'exploitation répartie ci-dessus en fonction de la zone géographique) comprennent principalement le trading, les services liés à la fourniture d'énergie qui ont été développés par EDF à travers sa participation dans Dalkia, un des leaders européens des services énergétiques (gestion de réseaux de chauffage, d'éclairage et de climatisation urbains, services industriels de maintenance), en association avec le groupe Veolia, ainsi que le groupe Tiru, spécialisé dans le traitement des déchets urbains, et Electricité de Strasbourg.

Au total le groupe EDF réalise environ deux tiers de son chiffre d'affaires en France, avec un équilibre entre les activités concurrentielles et celles régulées, et un tiers à l'international. Le groupe EDF emploie plus de 156 000 personnes en effectifs pondérés.

III. - Le contexte concurrentiel dans lequel Electricité de France exerce son activité est en évolution rapide du fait de l'ouverture des marchés qui résulte des directives européennes :

- depuis février 1999, les grands clients, dont la définition a été progressivement élargie, ont la faculté de s'adresser au fournisseur de leur choix (ils sont devenus « éligibles »), ce qui a ouvert le marché par étape de 20 % en 1999 à 37 % en 2003. La part de marché d'Electricité de France sur les clients éligibles est de 86 % à fin 2004 ;

- depuis le 1er juillet 2004, le libre choix du fournisseur est ouvert à tous les sites de consommation où tout ou partie de l'électricité consommée est destinée à un usage non résidentiel, soit environ 69 % du marché. Les consommateurs éligibles peuvent toutefois conserver le régime antérieur. L'effet de cette mesure récente n'est pas encore chiffrable ;

- le marché de l'électricité sera complètement ouvert en Europe à compter du 1er juillet 2007.

Cette libéralisation accroît la concurrence en France mais donne à Electricité de France la possibilité d'accéder aux autres marchés européens et, avec la suppression du principe de spécialité, d'offrir des services et la fourniture d'autres énergies comme le gaz.

IV. - La transformation d'Electricité de France en société anonyme de droit commun, l'application des directives européennes sur le marché de l'électricité et la perspective d'une ouverture de capital ont conduit aux principales décisions suivantes :

- conformément aux dispositions des directives européennes, transposées par les articles 5 et 13 de la loi du 9 août 2004 précitée, et en vue d'assurer aux tiers l'accès transparent et non discriminatoire aux réseaux de transport et de distribution, celui de transport d'électricité a été filialisé fin août 2005 avec la création de la société RTE intégralement détenue par EDF mais dont l'ouverture du capital à des entités du secteur public est envisagée ; le réseau de distribution a été confié à une direction indépendante des autres activités du groupe, EDF Réseau distribution ;

- parallèlement, les règles de tarification de l'utilisation des réseaux de transport et de distribution d'électricité ont été définies par l'article 4 de la loi no 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, modifiée par les lois du 3 janvier 2003 et du 9 août 2004. Ces tarifs (« TURP ») ont été fixés par la décision ministérielle du 23 septembre 2005 approuvant la proposition de la Commission de régulation de l'énergie ;

- l'Etat et Electricité de France ont conclu le 24 octobre 2005 un contrat de service public qui précise les obligations auxquelles la société et sa filiale RTE sont soumises tant en termes de production et de commercialisation (accès au service public, fourniture d'électricité aux clients non éligibles, sécurité des installations, continuité de la fourniture, mise en oeuvre de la politique énergétique) qu'en ce qui concerne les réseaux (programme d'investissement pour la sécurisation et la protection de l'environnement) ; s'agissant du tarif intégré, le contrat indique que durant les cinq premières années l'évolution des tarifs de vente d'électricité aux particuliers ne sera pas supérieure au taux de l'inflation ;

- Gaz de France et Electricité de France ont créé au 1er juillet 2004 un opérateur commun EDF Gaz de France Distribution, séparé comptablement, qui a pour missions l'exécution des travaux de construction, d'exploitation et de maintenance des réseaux de distribution ainsi que le relevé des compteurs de la clientèle ;

- le régime spécifique de financement des retraites des entreprises de la branche des industries électriques et gazières a été réformé. Les droits de base ont été adossés au régime de sécurité sociale de droit commun, moyennant le versement d'une contribution exceptionnelle à la CNAV ; le fonctionnement est assuré par la Caisse nationale des industries électriques et gazières. Les droits spécifiques passés afférents aux activités régulées sont financés par une contribution tarifaire (CTA). Les autres droits spécifiques restent à la charge de l'entreprise.

V. - Durant l'exercice 2004, dont les comptes ont été publiés suivant les normes comptables françaises en vigueur, Electricité de France a réalisé un chiffre d'affaires de 46,9 milliards d'euros, en augmentation de 4,5 % par rapport à l'exercice précédent, qui était lui-même en hausse de 7,4 % par rapport à l'année 2002. Cette évolution résulte essentiellement, en 2004, de la croissance en volume des ventes et de la hausse des prix de marché ainsi que de la progression de l'activité à l'international.

Alors que l'excédent brut d'exploitation a été en progression de 10 %, à 12,1 milliards, grâce aux facteurs qui viennent d'être mentionnés, et notamment aux bons résultats en Allemagne et au Royaume-Uni, le résultat d'exploitation a été en diminution de 21 %, à 5,6 milliards, en raison de l'importance des corrections de valeurs (1 milliard d'euros) enregistrées du fait de dépréciations d'actifs, notamment en Amérique latine.

Le résultat net, part du groupe, a fortement progressé à 1,3 milliard, soit une hausse de 56 %, grâce à des plus-values de cessions de valeurs mobilières, à la réduction des dotations à certaines provisions et à des charges financières moindres.

Le bilan consolidé d'Electricité de France au 31 décembre 2004, en normes comptables françaises, fait apparaître des capitaux propres, part du groupe, de 17,6 milliards d'euros, en diminution par rapport au 31 décembre 2003 du fait des soultes liées à la réforme des régimes sociaux. Le montant de l'endettement net s'établit à 19,7 milliards d'euros, soit en diminution de 18 %.

A compter de l'exercice 2005, Electricité de France publiera ses comptes suivant les normes internationales IFRS. En vue de se préparer à cette évolution, EDF a établi une version préliminaire des états financiers 2004 selon les normes IFRS qui est présentée, avec une analyse des principaux changements méthodologiques, dans le document de base visé par l'Autorité des marchés financiers (chapitre 5.7). Les états financiers retraités supportent le double effet du passage aux normes IFRS et de la prise en compte des conséquences financières de la réforme des régimes sociaux des industries électriques et gazières résultant des dispositions de la loi du 9 août 2004 précitée. L'impact est particulièrement fort sur les fonds propres, dont le montant (part du groupe) est réduit de 17,6 milliards à 8,4 milliards, du fait de la constatation de provisions pour droits spécifiques du personnel pour 11,6 milliards. S'agissant du compte de résultat, le chiffre d'affaires passe de 46,9 milliards à 46,8 milliards, l'excédent brut d'exploitation de 12,1 millards à 13,4 milliards et le résultat d'exploitation de 5,6 milliards à 7 milliards. Le résultat net, part du groupe, est fortement impacté par la réforme des régimes sociaux et passe de 1,3 milliard à 0,6 milliard d'euros.

Les résultats du premier semestre 2005 ont été publiés par EDF selon les normes IFRS. La progression de l'activité du groupe, spécialement en Allemagne et au Royaume-Uni, s'est traduite par une augmentation du chiffre d'affaires à 25,2 milliards d'euros (+ 6,6 % par rapport au premier semestre 2004 en données pro forma), dans le contexte d'une forte hausse du prix de gros de l'électricité. L'excédent brut d'exploitation (EBITDA) a connu une hausse parallèle de 5,8 %, à 7,6 milliards, malgré l'augmentation du coût des approvisionnements et grâce aux bonnes performances des activités régulées. Le résultat d'exploitation progresse à 5,1 milliards (+ 12,5 %) et le résultat net (part du groupe) à 2,1 milliards (+ 23,9 %) par rapport à 2004, qui avait été marqué par d'importantes dépréciations d'actifs et constitutions de provisions pour retraites.

Au 30 juin 2005, en normes IFRS, le bilan consolidé du groupe EDF fait apparaître des capitaux propres (part du groupe) de 11,3 milliards d'euros et un endettement financier net de 19,1 milliards (contre 20,3 milliards, grâce à la croissance du cash-flow). Le bilan d'EDF se caractérise par la présence de montants élevés de provisions liées à la fin de cycle du combustible nucléaire (14,5 milliards : retraitement, stockage des déchets), à la perspective de démantèlement des centrales (12,8 milliards) et aux avantages accordés au personnel de l'entreprise (14,8 milliards). Au 30 juin, le montant total de toutes les provisions au bilan s'élève à 46,2 milliards d'euros.

VI. - Electricité de France ambitionne d'être un groupe industriel européen intégré qui se situe parmi les premiers en Europe dans le secteur de l'énergie. Le projet industriel du groupe s'articule en trois axes majeurs :

a) La consolidation d'un socle d'activité en France compétitif et exemplaire, grâce à :

- la pérennisation de son parc de production, qui est un atout majeur (porter la durée d'exploitation moyenne des centrales nucléaires existantes au-delà de 40 ans, préparer le renouvellement du parc à horizon de 2020 avec en particulier le lancement de l'EPR, poursuivre l'amélioration de la performance opérationnelle, préserver le potentiel du parc hydraulique et développer les énergies renouvelables, réactiver certaines centrales thermiques pour augmenter la flexibilité) ;

- la valorisation de son portefeuille de clients dans le contexte de l'ouverture totale du marché le 1er juillet 2007 (optimiser la politique commerciale avec une stratégie différenciée par segment de clientèle, développer l'offre de services) ;

- la poursuite et l'amélioration de la gestion des activités régulées (garantir un haut niveau de qualité et de sécurité, réaliser des gains de productivité, développer les interconnexions avec les pays limitrophes) ;

b) Le développement d'une identité européenne forte et cohérente, par :

- un recentrage sur l'Europe proche, marché de référence du groupe (Allemagne, Italie, Royaume-Uni) tout en ménageant des relais ciblés de développement (Europe centrale, Chine) ;

- un développement du groupe au-delà de l'électricité vers le gaz et les services énergétiques ;

c) L'amélioration de la performance opérationnelle et financière du groupe et le renforcement de sa flexibilité financière au moyen notamment du programme « Altitude » d'optimisation de la gestion, qui prévoit la stabilisation des charges d'exploitation à l'horizon 2007-2008, un impact net de 1 milliard d'euros sur l'EBITDA de l'exercice 2007 et un objectif annuel de réduction de 500 millions d'euros sur le besoin en fonds de roulement ;

- de cession d'actifs non stratégiques ;

d) La mobilisation des salariés autour du projet industriel.

Pour réaliser ces objectifs stratégiques, le groupe a annoncé, lors de la signature du contrat de service public avec l'Etat, un programme important d'investissement d'un montant global de 40 milliards d'euros jusqu'en 2010. Il prévoit ainsi, entre 2006 et 2008, d'investir environ 26 milliards d'euros, au financement desquels doit contribuer l'augmentation de capital qui accompagne l'introduction en bourse. Sur les 26 milliards, 18 milliards environ concernent les renouvellements et la croissance organique et 8 milliards correspondent à des projets de développement et de croissance externe, essentiellement à l'international.

VII. - Conformément à la loi, la commission a procédé à l'évaluation d'Electricité de France en recourant à une analyse multicritères qui prend en compte les éléments boursiers, la valeur des actifs, les bénéfices réalisés, l'existence des filiales et les perspectives d'avenir.

A cette fin, elle a disposé des rapports des banques conseils de l'Etat et de celles de l'entreprise, qui ont retenu en l'espèce trois méthodes d'évaluation :

- les comparaisons boursières : les multiples moyens des sociétés cotées comparables ont été appliqués aux agrégats financiers d'EDF. Les banques conseils ont retenu comme comparables les six grands électriciens européens : ENDESA, ENEL, E.On, Iberdrola, RWE et Suez. Les multiples privilégiés ont été, sur les années 2005 à 2007, ceux d'EBITDA et de résultat net (PER), la banque conseil de l'entreprise retenant aussi celui de dividendes ;

- l'actualisation des flux de trésorerie n'a été retenue comme méthode d'évaluation globale que par les banques conseils de l'Etat. Elle est réalisée sur la base d'un plan d'affaires (« trajectoire financière ») élaboré par EDF jusqu'en 2012 et revu par les banques. La valeur terminale a été déterminée à partir d'un flux normatif en 2012 et avec l'hypothèse d'une croissance de 1,5 % à 2 % à l'infini ;

- la somme des parties : pour la France, les banques conseils ont distingué trois parties : la production et commercialisation, la distribution et le transport ; pour l'étranger elles ont évalué séparément EDF Energy, Edison et EnBW et globalement les autres actifs. Chacune des parties a été évaluée, dans la mesure du possible, tant par la méthode de l'actualisation des flux que par celle des multiples de sociétés comparables et en tenant compte le cas échéant des capitalisations boursières.

Ces évaluations ont été faites en incluant Edison dans le périmètre d'EDF, compte tenu de l'accord définitif conclu avec le partenaire italien pour la prise de contrôle conjointe du groupe.

Il convient de souligner l'impact important sur l'évaluation de la prise en compte d'un montant très élevé de provisions inscrites au bilan, nettes des actifs dédiés, dans le passage de la valeur d'entreprise à la valeur des fonds propres.

La commission a constaté que les synthèses de valorisation présentées par les banques conseils de l'Etat et les banques conseils de l'entreprise ne présentaient qu'une faible zone de recouvrement, la différence essentielle provenant de la valorisation à long terme de l'avantage en termes de marge qui résulte du renouvellement du parc nucléaire.

Le résultat des évaluations est sensible à la prise en compte des risques résultant tant de l'évolution de l'environnement économique que de l'ouverture des marchés à la concurrence (risques de perte de parts de marché) et de l'évolution du contexte institutionnel (cadre tarifaire, régime des concessions, coût du traitement des déchets radioactifs et du démantèlement des centrales nucléaires).

VIII. - La commission observe qu'Electricité de France dispose d'atouts exceptionnels du fait de la structure de son parc de production, qui est à 63 % nucléaire et à 20 % hydraulique. Le coût de sa production est ainsi peu dépendant des matières énergétiques et il n'est affecté ni par la hausse du prix du gaz (+ 40 % en 2005), ni par celle des quotas d'émission de CO2 (+ 100 %), tandis que ses ventes bénéficient de l'augmentation des prix de gros de l'électricité (+ 30 % environ en Europe).

Pour pérenniser ces atouts, EDF maintient un niveau élevé de recherche et conduit des opérations de maintenance, avec comme objectif l'allongement de la durée de vie des centrales nucléaires. Le groupe prépare activement la construction prochaine de l'EPR, prototype de la nouvelle génération de centrales à compter de 2020.

En vue de renforcer sa compétitivité et sa productivité, EDF a lancé un premier plan de réduction de ses coûts « Altitude » qui doit donner ses pleins effets dès 2007.

Sur le plan commercial, EDF dispose en France d'une part de marché élevée que, grâce à ses atouts, il devrait avoir la capacité de préserver largement dans le contexte de l'ouverture progressive du marché de l'électricité à la concurrence. La réforme du statut d'EDF lui permet par ailleurs, avec la disparition du principe de spécialité de l'activité, d'offrir à sa clientèle des services liés à la fourniture d'énergie ainsi que des offres multi-énergies comprenant notamment la fourniture de gaz.

Par les activités régulées, transport d'électricité via RTE et distribution, EDF dispose d'une base récurrente de revenus et d'une expertise confirmée.

Les derniers mois ont permis par ailleurs de clarifier des questions essentielles qui pesaient sur les comptes du groupe : apurement des pertes potentielles sur certaines participations à l'étranger, réforme des régimes sociaux, mode de fixation des tarifs d'utilisation des réseaux.

L'important défi auquel va devoir faire face EDF est l'ouverture complète du marché européen à la concurrence au 1er juillet 2007, mais cette ouverture constitue aussi une chance pour un opérateur situé géographiquement au coeur du marché, bien implanté dans les pays voisins et disposant d'un appareil productif très compétitif. A plus long terme, la maintenance puis le renouvellement du parc nucléaire sont aussi des enjeux essentiels.

La commission relève par ailleurs que l'introduction en bourse d'EDF se fait dans des conditions de marché qui restent favorables, même si le contexte boursier est irrégulier depuis plusieurs semaines et si certaines introductions en bourse ont pu récemment connaître des difficultés. Les investisseurs disposent toujours de liquidités importantes, même si certaines catégories, comme les hedge funds, voient leurs possibilités restreintes par rapport à des périodes antérieures. Le secteur des « utilities » (indice DJ Euro Stoxx Utilities) continue à être recherché par les investisseurs et a progressé en un an d'environ 30 %.

De nombreux analystes ont publié des études sur Electricité de France à l'occasion de l'introduction en bourse. Ces études soulignent la force du groupe, qui a une position de leader européen. Parmi les points forts d'EDF sont mentionnés le premier parc nucléaire au monde, des coûts et des capacités de production qui lui permettent de bénéficier de la hausse du prix de l'électricité et de la demande de capacité en Europe, une place forte sur son marché national et significative dans trois pays limitrophes, une excellente visibilité des résultats et des cash-flows à venir, la qualité d'acteur intégré présent sur les activités régulées et non régulées. Parmi les points faibles ou les incertitudes, les analystes mentionnent les contraintes du contrat de service public sur le prix de vente aux particuliers, l'ouverture à la concurrence, les incertitudes sur les investissements et le coût de démantèlement à terme des centrales nucléaires et du traitement des déchets, le levier limité sur les résultats et les dividendes, l'enjeu permanent de la sécurité de l'appareil de production. Au total, les analystes retiennent des valeurs qui se situent favorablement par rapport à la fourchette indicative de prix qui a été communiquée au marché et ils soulignent en général les perspectives importantes de valorisation à plus long terme.

Les investisseurs institutionnels se sont interrogés sur la politique des prix administrés dans le secteur de l'énergie et se sont montrés sensibles à l'annonce, lors de la conclusion du contrat de service public, que le prix de vente de l'électricité aux particuliers ne dépasserait pas l'inflation pendant cinq ans.

Enfin, les informations communiquées à la commission sur le début des souscriptions montrent que la confiance des investisseurs se traduit par une demande soutenue, spécialement au niveau des particuliers en France et des investisseurs au Japon, dont la participation à l'opération a, avec raison, été recherchée activement.

IX. - Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, ainsi que des données les plus récentes du marché, la commission estime que la valeur d'Electricité de France ne saurait être inférieure à 32 euros par action, soit environ 52 milliards d'euros pour les 1 625 800 000 actions composant le capital social avant l'augmentation de capital.