J.O. 179 du 3 août 2005       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2005-901 du 2 août 2005 relative aux conditions d'âge dans la fonction publique et instituant un nouveau parcours d'accès aux carrières de la fonction publique territoriale, de la fonction publique hospitalière et de la fonction publique de l'Etat


NOR : FPPX0500189P



Monsieur le Président,

La présente ordonnance comporte deux séries de dispositions relatives à l'accès à la fonction publique : la première propose de supprimer en règle générale les conditions d'âge qui encadrent cet accès et la seconde instaure un nouveau mode de recrutement, « les parcours d'accès aux carrières territoriales, hospitalières et de l'Etat », combinant en alternance des périodes de formation et de stage.

I. - Actuellement, des limites d'âge sont fixées pour un grand nombre de concours externes d'accès à la fonction publique de l'Etat. Pour les corps de catégorie B et C, la limite d'âge a été fixée à quarante-cinq ans par un décret du 14 août 1975. Pour les corps de catégorie A, cette limite est variable selon les concours (vingt-huit ans pour le concours externe d'accès à l'Ecole nationale d'administration, trente ans pour le concours externe d'accès aux instituts régionaux d'administration, quarante ans pour la plupart des autres concours). Les limites d'âge pour les concours internes ont été abrogées par un décret du 1er août 1990, à l'exception des concours donnant lieu à une scolarité assortie d'un engagement à servir l'Etat. Dans ce dernier cas, la limite d'âge a été repoussée de façon à ce que les candidats soient en mesure, compte tenu de leur âge, d'accomplir leur engagement avant leur départ en retraite.

L'existence d'une limite d'âge n'a toutefois pas un caractère général : les limites d'âge ont été supprimées en 1989 pour tous les concours de l'enseignement. Un certain nombre d'autres corps sont également accessibles sans limite d'âge. Dans la fonction publique territoriale, l'existence de limites d'âge est rare.

Traditionnellement, cette limite d'âge trouvait sa justification dans la nécessité d'assurer aux fonctionnaires une durée minimale de carrière afin de bénéficier, d'une part, d'une pension de retraite, d'autre part, des déroulements de carrière aménagés par chaque statut particulier. La limite d'âge a aussi été conçue comme un instrument de régulation des flux de candidats ; elle permet en effet de limiter le nombre de candidats potentiels. S'agissant des concours qui donnent accès à des écoles de formation de fonctionnaires, le fait de fixer une limite d'âge peu élevée résulte également de la volonté d'assurer l'homogénéité des promotions, en se concentrant sur un public récemment diplômé de l'enseignement supérieur.

De nombreuses considérations permettent aujourd'hui d'estimer que le maintien d'une limite d'âge pour l'accès aux concours de la fonction publique n'est plus pertinent.

Des considérations de fond :

- les politiques de lutte contre l'exclusion et d'intégration passent par des mesures de nature à favoriser l'accès ou le retour de tous à l'emploi. La fonction publique, dans ses différentes composantes, constitue le premier employeur de France et ne peut donc rester à l'écart de ces préoccupations. De ce point de vue, l'existence de limites d'âge apparaît clairement comme une limite opposée aux classes les plus âgées de la population active ;

- la réforme des retraites, qui repose sur un principe d'équité entre les différents régimes, et sur un principe de liberté de choix entre la durée de cotisation et le niveau de la pension, amène à reconsidérer l'existence de barrières opposées à la reprise d'activité. Elle mise aussi sur un allongement de la durée d'activité permettant, d'une part, un déroulement de carrière sur une période plus longue et, d'autre part, le développement de secondes carrières professionnelles ;

- s'agissant des politiques de gestion des ressources humaines dans l'administration, l'objectif de professionnalisation des services publics suppose que les échanges entre le secteur privé et le secteur public soient favorisés et élargis. L'administration a donc tout intérêt à s'enrichir des expériences acquises dans la société civile et, notamment, à recruter des personnes ayant acquis des compétences en dehors de son sein. La limite d'âge réduit clairement ces possibilités de recrutement, notamment par la voie des troisièmes concours ;

- en outre, la situation démographique de la fonction publique va se traduire par de nombreux départs en retraite dans les prochaines années. Des recrutements importants en volume seront nécessaires. La suppression de la limite d'âge peut permettre de faciliter le recrutement sur des emplois, notamment techniques, pour lesquels l'administration doit affronter la concurrence des employeurs du secteur privé. Par ailleurs, en favorisant un recrutement plus diversifié, elle peut permettre d'éviter la reconstitution du phénomène de déséquilibre démographique entre les classes d'âge. S'agissant des concours donnant accès aux écoles de la fonction publique, il ne s'agit plus aujourd'hui de renforcer l'homogénéité des promotions d'élèves, mais au contraire, d'ouvrir ces écoles à l'ensemble des composantes de la société.

Enfin, le contexte communautaire pousse également à évoluer. L'article 21 de la Charte européenne des droits fondamentaux, proclamée au Conseil européen de Nice en décembre 2000, interdit toute discrimination, notamment celle fondée sur l'âge. C'est sur la base de cette charte que le Médiateur européen s'est appuyé pour obtenir la suppression des limites d'âge pour l'accès aux concours de recrutement des institutions européennes.

Des considérations d'ordre pragmatique :

Sur ce plan, il convient de souligner que la suppression des limites d'âge a une portée plus symbolique que réelle. En effet, les expériences menées par certains ministères ont montré que la suppression de l'âge limite n'avait pas eu de conséquence notable, ni sur le nombre de candidats, ni leur moyenne d'âge. La grande majorité des candidats qui se présentent aux concours sont jeunes et l'existence, dans la plupart des concours, d'épreuves qui nécessitent une préparation spécifique dissuade les candidats qui ont quitté depuis plusieurs années le monde scolaire ou universitaire.

Pour autant, même si elle ne constitue un obstacle que pour un nombre réduit de candidats, la question de la limite d'âge se traduit par des difficultés contentieuses ; les limites d'âge sont en effet perçues par une partie de l'opinion comme une discrimination, qui suscite de nombreuses demandes de dérogation.

Les limites d'âge ont de fait été assouplies par des mesures de dérogation, applicables à certaines catégories de candidats. Certaines de ces dérogations ne sont applicables qu'aux femmes, ce qui a amené la Commission de l'Union européenne à adresser à la France un avis motivé. Le projet de loi portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique a permis d'étendre ces dérogations aux hommes placés dans les mêmes conditions.

Ces dérogations se traduisent aussi par des formalités administratives dont la lourdeur n'est pas négligeable : les services gestionnaires des opérations de recrutement doivent en effet vérifier si les candidats se trouvent dans l'une des situations juridiques qui permettent de bénéficier de l'un des nombreux cas de dérogation actuellement prévus par la législation ou la réglementation, ce qui conduit à produire et examiner de nombreuses pièces justificatives. La suppression des limites d'âge est, en conséquence, l'une des mesures préconisées par un groupe de travail qui a été chargé de faire des propositions de nature à simplifier les procédures de recrutement par concours.

Ces considérations conduisent à proposer une mesure de suppression des limites d'âge pour la plupart des procédures de recrutement dans la fonction publique.

Il est proposé de n'autoriser l'édiction par le pouvoir réglementaire d'une condition d'âge pour l'accès aux corps des trois fonctions publiques que pour ceux conduisant à des fonctions impliquant une durée de carrière plus courte : il s'agit en particulier des corps classés en service actif pour lesquels l'âge de départ à la retraite est avancé. Il convient également de permettre le maintien des limites d'âge pour les corps exigeant, après l'achèvement des procédures de recrutement, une période de scolarité d'une durée au moins égale à deux ans, afin de préserver un équilibre entre l'investissement représenté par le coût de cette formation et la durée des services susceptibles d'être effectués par l'agent.

Par ailleurs, au-delà de l'accès à la fonction publique, pour les carrières des fonctionnaires, des conditions d'âge pourront continuer d'être fixées de manière à assurer une certaine linéarité de leur déroulement et maintenir un niveau minimal d'expérience pour la nomination dans certains emplois, des emplois d'encadrement notamment.

La rédaction de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 est en conséquence revue, puisqu'elle permet actuellement de fixer des limites d'âge pour le recrutement de fonctionnaires (article 1er).

Enfin, il est proposé de faire entrer en vigueur cette mesure deux mois après la publication de la loi, afin de laisser le temps aux services gestionnaires de concours d'adapter leurs systèmes d'information et de gestion des candidatures (article 2).

II. - Les articles 3, 4 et 5 ont pour objet de créer un nouveau mode de recrutement dans les trois fonctions publiques, dénommé « Parcours d'accès aux carrières territoriales, hospitalières et de l'Etat » (PACTE), qui proposerait au terme d'un engagement de professionnalisation d'une durée maximale de deux ans alternant formation et stage d'intégrer la fonction publique en qualité de fonctionnaire titulaire par le biais d'un examen à caractère professionnel. Chaque PACTE reposerait sur un poste budgétaire.

Cette réforme est devenue nécessaire car le mode principal de recrutement par concours fondé sur un niveau de diplôme et sur des épreuves souvent trop théoriques se révèle discriminant pour une large part de la population, notamment du fait de phénomènes d'éviction créés par les surdiplômés.

En proposant un mode de recrutement alternatif au concours, le but du PACTE est de rendre la fonction publique plus représentative de la société qu'elle sert. Il vise aussi à remettre en marche l'ascenseur social constitué par l'accès à l'emploi public et à faire jouer un rôle plus actif à la fonction publique en matière de lutte contre les discriminations et contre l'exclusion.

Cette réforme, qui déroge au principe du concours posé par l'article 16 de la loi no 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, ne peut procéder que de la loi.

A cette fin, il est proposé d'insérer :

- pour la fonction publique de l'Etat (article 3), dans la loi no 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, un article 22 bis ;

- pour la fonction publique hospitalière (article 4), dans la loi no 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, un article 32-1 ;

- pour la fonction publique territoriale (article 5), dans la loi no 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, un article 38 bis ;


Ces trois articles introduisent dans les modes de recrutement de chaque fonction publique les « parcours d'accès aux carrières de la territoriale, de l'hospitalière et de l'Etat » (PACTE).

Ce dispositif s'adresse aux jeunes de seize à vingt-cinq ans révolus sortis du système éducatif sans diplôme ou sans qualification professionnelle reconnue et aux jeunes dont le niveau de qualification est inférieur à un diplôme de fin de second cycle long de l'enseignement général, technologique ou professionnel. Ces jeunes se voient offrir la possibilité d'être recrutés, par contrat, dans des emplois de catégorie C et d'acquérir, dans le même temps, une formation qu'ils suivront en alternance avec leurs fonctions et qui sera en lien avec l'emploi occupé.

Aux termes du contrat de PACTE, l'administration s'engage à assurer aux agents ainsi recrutés une formation professionnelle méthodique dispensée, pour partie, dans l'administration d'accueil par des stages ou des formations internes et, pour une autre part, dans un organisme de formation. La durée totale de la formation doit être supérieure à 20 % de la durée du contrat. La rémunération minimale versée aux agents ne peut être inférieure à celle calculée en application des dispositions prévues à l'article L. 981-5 du code du travail. En retour, outre l'exécution des tâches que lui confie l'administration, l'agent bénéficiaire du contrat de PACTE s'engage à suivre la formation qui lui est dispensée.

Chaque article règle la situation des bénéficiaires des contrats de PACTE depuis leur recrutement jusqu'à l'issue de leur contrat. Concernant la sélection des candidats, il est ainsi prévu que le service public de l'emploi y soit associé. Pendant tout le déroulement du contrat, dont la durée minimale ne peut être inférieure à douze mois et dont la durée maximale ne peut excéder deux ans, un tuteur est chargé d'accueillir, de guider et de suivre l'agent au long de son parcours dans le service et dans sa formation.

A l'issue du contrat, sous réserve de l'obtention du diplôme ou du titre lorsque celui-ci est requis par le statut particulier du corps ou du cadre d'emplois considéré, l'aptitude du candidat à être titularisé est examinée par une commission de titularisation. Lorsque cet examen à caractère professionnel se conclut favorablement, l'agent est titularisé dans le corps ou le cadre d'emplois dont relève l'emploi concerné. Dans le cas où le bénéficiaire n'a pu obtenir la qualification, le titre ou le diplôme le cas échéant envisagé pour cause d'échec aux épreuves d'évaluation de la formation suivie, pour cause de maternité, de maladie, d'accident du travail ou de défaillance de l'organisme de formation, le contrat peut être renouvelé ou prolongé.

Afin de garantir la comparabilité entre les trois fonctions publiques, la rédaction des trois articles proposés est, en tous points, identique, à l'exception de l'article 38 bis de la loi du 26 janvier 1984 précitée qui introduit un 5° alinéa précisant que la conclusion des PACTE est de la compétence exclusive de l'autorité territoriale. Le PACTE étant un contrat donnant vocation à être titularisé, il doit respecter l'article 40 de la loi du 26 janvier 1984 précitée qui dispose que « La nomination aux grades et emplois de la fonction publique territoriale est de la compétence exclusive de l'autorité territoriale ». Ce mode de recrutement ne constitue pas une complète novation dans la fonction publique territoriale, puisqu'il est similaire au dispositif de recrutement contractuel des travailleurs handicapés prévu au deuxième alinéa du e de l'article 38 de la loi du 26 janvier précitée.

A la suite des articles 3, 4 et 5, il est ajouté un article 6 créant, conformément au plan de cohésion sociale, une exonération des cotisations à la charge de l'employeur au titre des assurances sociales et des allocations familiales pour les contrats conclus avant le 1er janvier 2010.

L'article 8 étend à Mayotte l'application des dispositions issues de l'ordonnance.

Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.