J.O. 143 du 21 juin 2005
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Décision n° 2005-0277 du 19 mai 2005 portant sur les obligations imposées à France Télécom en tant qu'opérateur exerçant une influence significative sur le marché de gros de l'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre
NOR : ARTT0500052S
L'Autorité de régulation des télécommunications,
Vu la directive 2002/19 /CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à l'accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu'à leur interconnexion (directive « accès ») ;
Vu la directive 2002/21 /CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive « cadre ») ;
Vu les lignes directrices 2002/C 165/03 de la Commission des Communautés européennes du 11 juillet 2002 sur l'analyse du marché et l'évaluation de la puissance sur le marché en application du cadre réglementaire communautaire pour les réseaux et les services de communications électroniques (« lignes directrices ») ;
Vu la recommandation C(2003)497 de la Commission des Communautés européennes du 11 février 2003 concernant les marchés pertinents de produits et de services dans le secteur des communications électroniques susceptibles d'être soumis à une réglementation ex ante conformément à la directive « cadre » (recommandation « marchés pertinents ») ;
Vu la recommandation C(2003)2647 de la Commission des Communautés européennes du 23 juillet 2003 concernant les notifications, délais et consultations prévus par l'article 7 de la directive « cadre » (recommandation « notification ») ;
Vu la position commune du Groupe des régulateurs européens document (03)30 du 1er avril 2004 sur les obligations dans le nouveau cadre réglementaire ;
Vu la loi no 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle ;
Vu le code des postes et communications électroniques et notamment ses articles L. 38, D. 303 à D. 312 ;
Vu l'arrêté du 12 mars 1998 autorisant la société France Télécom à établir et exploiter un réseau de télécommunications ouvert au public, société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 380 129 866, et dont le siège social est situé au 6, place d'Alleray, 75505 Paris Cedex 15, ci-après dénommée « France Télécom » ;
Vu la consultation publique de l'Autorité relative à l'analyse du marché de gros des offres d'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle, lancée le 23 juin 2004 et clôturée le 9 août 2004 ;
Vu les réponses à cette consultation publique ;
Vu la synthèse des réponses à la consultation publique susvisée portant sur la délimitation du marché et l'opérateur exerçant une influence significative sur le marché, réalisée par l'Autorité et publiée le 5 octobre 2004 ;
Vu la demande d'avis au Conseil de la concurrence en date du 5 octobre 2004 ;
Vu l'avis no 2005-A-03 du Conseil de la concurrence en date du 31 janvier 2005 ;
Vu la synthèse des réponses à la consultation publique susvisée lancée le 23 juin 2004 et clôturée le 9 août 2004, portant sur les obligations à imposer à l'opérateur exerçant une influence significative sur le marché, réalisée par l'Autorité et publiée le 13 avril 2005 ;
Vu la consultation publique de l'Autorité relative à l'analyse du marché de gros des offres d'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle, lancée le 13 avril 2005 et clôturée le 13 mai 2005 ;
Vu les réponses à cette consultation publique ;
Vu la notification relative à l'analyse du marché de gros des offres d'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle à la Commission européenne et aux autorités réglementaires nationales de la Communauté européenne en date du 12 avril 2005 ;
Vu les commentaires de la Commission européenne en date du 11 mai 2005 ;
Vu la décision no 2005-0275 de l'Autorité en date du 19 mai 2005 relative à la définition du marché pertinent de gros des offres d'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre et sur la désignation d'un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché, ci après dénommée décision « délimitation du marché et opérateur puissant » ;
Après en avoir délibéré le 19 mai 2005,
I. - INTRODUCTION
I-A. - L'analyse des marchés pertinents
Conformément à l'article L. 37-1 du code des postes et des communications électroniques, l'Autorité est en charge de la détermination des marchés pertinents du secteur des communications électroniques, susceptibles d'être soumis à une régulation ex ante. Elle conduit une analyse concurrentielle de ces marchés et désigne le ou les opérateurs réputés exercer une influence significative sur ces marchés. Conformément à l'article L. 37-2, l'Autorité fixe ensuite en les motivant la liste des obligations imposées à ce ou ces opérateurs.
Conformément à l'article D. 301 du même code, l'Autorité a publié le 23 juin 2004 un document de consultation préliminaire intitulé « Consultation publique sur l'analyse des marchés du haut débit ».
Dans ce document, après avoir analysé la situation concurrentielle prévalant sur chacun des marchés de détail et de gros du haut débit, l'Autorité a proposé une délimitation des marchés pertinents. Elle a ainsi proposé une définition du marché du dégroupage de la boucle locale, ainsi que des marchés de gros des offres d'accès large bande livrées aux niveaux régional et national. Sur chacun de ces marchés, elle a proposé une analyse conduisant à la détermination de l'entreprise exerçant une influence significative sur le marché, et a soumis à consultation une liste d'obligations qu'elle estimait justifié et proportionné d'imposer à cette entreprise.
Après avoir considéré l'ensemble des vingt-cinq contributions des acteurs et consulté le Conseil de la concurrence selon les dispositions de l'article L. 37-1 du code des postes et des communications électroniques, l'Autorité a établi des projets de décisions en vue de leur transmission à la Commission européenne, ainsi qu'aux autorités réglementaires compétentes des autres Etats membres de l'Union européenne, projets qu'elle a soumis, en parallèle, à consultation publique du 13 avril 2005 au 13 mai 2005.
Les régulateurs des autres Etats membres n'ont pas émis de commentaire sur cette notification. La Commission a adressé à l'Autorité une lettre l'informant qu'elle n'avait pas d'observation à formuler sur l'analyse présentée par l'Autorité du marché de gros de l'accès dégroupé (y compris l'accès partagé) aux boucles locales et sous-boucles sur lignes métalliques.
L'Autorité a reçu neuf contributions en réponse à la consultation publique menée en parallèle de cette notification. Ces contributions ont fait apparaître la nécessité de clarifier certains aspects du projet de décision « obligations », qui a donc été amendé en ce sens. Sur le fond, en revanche, les contributions reçues n'ont pas amené l'Autorité à faire évoluer l'analyse proposée.
L'analyse du marché de gros des offres de gros d'accès dégroupé à la boucle et à la sous-boucle locale cuivre conduite par l'Autorité se compose de deux décisions : la décision no 2005-0275 « délimitation du marché et opérateur puissant », ainsi que de la présente décision « obligations ».
La décision « délimitation du marché et opérateur puissant », d'une part, définit le marché pertinent des offres de gros d'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre. Ce marché est indépendant du type de dégroupage utilisé et son périmètre correspond au territoire métropolitain, aux départements d'outre-mer et à Mayotte.
D'autre part, elle désigne France Télécom comme opérateur exerçant une influence significative sur ce marché pertinent.
La présente décision porte sur la détermination des obligations imposées à France Télécom, en tant qu'opérateur exerçant une influence significative sur le marché pertinent des offres de gros d'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre.
I-B. - Durée d'application de la décision
Conformément aux prescriptions de l'article D. 303 du code des postes et des communications électroniques, il incombe à l'Autorité de fixer la durée d'application de chacune des obligations qui ne peut dépasser la date de révision des décisions prises en vertu de l'article D. 301, selon lequel l'inscription d'un marché sur la liste de l'ensemble des marchés pertinents « est prononcée pour une durée maximale de trois ans » ; l'Autorité doit notamment réviser cette liste, de sa propre initiative « lorsque l'évolution de ce marché le justifie », ou encore « dès que possible après la modification de la recommandation de la Commission européenne ».
La présente décision s'applique à compter de son entrée en vigueur jusqu'à la date du 1er mai 2008. Cependant, au regard de ce qui précède, si les conditions d'évolution du marché le justifient, l'Autorité réexaminera avant cette date le marché de gros des offres d'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle et pourra, le cas échéant, être amenée à prendre avant ce terme une nouvelle décision « obligations ».
I-C. - Principes généraux relatifs à la détermination des obligations
mposées à l'opérateur exerçant une influence significative sur un marché
Conformément à l'article 16 de la directive « cadre », lorsqu'une autorité de régulation nationale a identifié un opérateur exerçant une influence significative sur un marché pertinent, celle-ci est tenue de lui imposer des mesures réglementaires spécifiques visées aux articles 9 à 13 de la directive « accès ». Ces obligations sont les suivantes :
- obligations de transparence ;
- obligations de non-discrimination ;
- obligations relatives à la séparation comptable ;
- obligations relatives à l'accès à des ressources spécifiques et à leur utilisation ;
- contrôle des prix et obligations relatives au système de comptabilisation des coûts.
Conformément au considérant 14 de la même directive, il s'agit d'un ensemble maximal d'obligations pouvant être imposées aux entreprises.
L'article 8 de la directive « accès » prévoit également que les obligations imposées sont fondées sur la nature du problème constaté, proportionnées et justifiées au regard des objectifs énoncés dans l'article 8 de la directive « cadre ».
Par ailleurs, le paragraphe 118 des lignes directrices indique qu'un projet de mesure est considéré comme compatible avec le principe de proportionnalité si la mesure à prendre poursuit un but légitime et si les moyens employés sont à la fois nécessaires et aussi peu contraignants que possible.
L'article L. 38-I du code des postes et des communications électroniques prévoit que « les opérateurs réputés exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques peuvent se voir imposer, en matière d'interconnexion et d'accès, une ou plusieurs des obligations [...], proportionnées à la réalisation des objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 ».
Il s'agit des obligations suivantes :
- rendre publiques des informations concernant l'interconnexion ou l'accès, notamment publier une offre technique et tarifaire détaillée d'interconnexion ou d'accès lorsqu'ils sont soumis à des obligations de non-discrimination ;
- fournir des prestations d'interconnexion ou d'accès dans des conditions non discriminatoires ;
- faire droit aux demandes raisonnables d'accès à des éléments de réseau ou à des moyens qui y sont associés ;
- ne pas pratiquer de tarifs excessifs ou d'éviction sur le marché en cause et pratiquer des tarifs reflétant les coûts correspondants ;
- isoler sur le plan comptable certaines activités en matière d'interconnexion ou d'accès.
S'agissant de l'accès, l'Autorité peut imposer à un opérateur réputé exercer une influence significative de faire droit aux demandes raisonnables, notamment lorsqu'elle considère qu'un refus ou des propositions déraisonnables empêcheraient l'émergence d'un marché de détail concurrentiel durable ou risqueraient d'être préjudiciables aux utilisateurs finals.
Dans ce cadre, l'ART peut préciser les contours de l'obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'accès en imposant certains des mécanismes spécifiques qui figurent notamment à l'article D. 310 du code des postes et des communications électroniques.
En outre, lorsque l'Autorité apprécie le caractère proportionné des obligations d'accès qu'elle est susceptible d'imposer, elle veille notamment à prendre en compte les critères d'analyse suivants mentionnés à l'article L. 38 V du code des postes et des communications électroniques :
a) La viabilité technique et économique de l'utilisation ou de la mise en place de ressources concurrentes, compte tenu du rythme auquel le marché évolue et de la nature et du type d'interconnexion et d'accès concerné.
b) Le degré de faisabilité de la fourniture d'accès proposée, compte tenu de la capacité disponible.
c) L'investissement initial réalisé par le propriétaire des ressources, sans négliger les risques inhérents à l'investissement.
d) La nécessité de préserver la concurrence à long terme.
e) Le cas échéant, les éventuels droits de propriété intellectuelle pertinents.
f) La fourniture de services paneuropéens.
Enfin, en ce qui concerne le dégroupage, en conformité avec l'article 9.4 de la directive « accès » susvisée, l'article D. 308 du code des postes et des communications électroniques dispose que lorsqu'un opérateur est « tenu de faire droit aux demandes raisonnables d'accès à la boucle locale à paire torsadée métallique en application de l'article D. 310, il publie une offre technique et tarifaire pour l'accès à la boucle locale ». Ce même article précise ensuite les éléments minimaux qui doivent se retrouver dans cette offre.
En toute hypothèse et quelles que soient les obligations qui peuvent être imposées, celles-ci doivent être proportionnées aux objectifs généraux fixés à l'article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques, à savoir :
« 1° A la fourniture et au financement de l'ensemble des composantes du service public des communications électroniques.
2° A l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques.
3° Au développement de l'emploi, de l'investissement efficace dans les infrastructures, de l'innovation et de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques.
4° A la définition de conditions d'accès aux réseaux ouverts au public et d'interconnexion de ces réseaux qui garantissent la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement et l'égalité des conditions de la concurrence.
5° Au respect par les opérateurs de communications électroniques du secret des correspondances et du principe de neutralité au regard du contenu des messages transmis, ainsi que de la protection des données à caractère personnel.
6° Au respect, par les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques de l'ordre public et des obligations de défense et de sécurité publique.
7° A la prise en compte de l'intérêt des territoires et des utilisateurs, notamment handicapés, dans l'accès aux services et aux équipements.
8° Au développement de l'utilisation partagée entre opérateurs des installations mentionnées aux articles L. 47 et L. 48.
9° A l'absence de discrimination, dans des circonstances analogues, dans le traitement des opérateurs.
10° A la mise en place et au développement de réseaux et de services et à l'interopérabilité des services au niveau européen.
11° A l'utilisation et à la gestion efficaces des fréquences radioélectriques et des ressources de numérotation.
12° A un niveau élevé de protection des consommateurs, grâce notamment à la fourniture d'informations claires, notamment par la transparence des tarifs et des conditions d'utilisation des services de communications électroniques accessibles au public.
13° Au respect de la plus grande neutralité possible, d'un point de vue technologique, des mesures qu'ils prennent.
14° A l'intégrité et la sécurité des réseaux de communications électroniques ouverts au public. »
II. - ANALYSE DE L'AUTORITÉ
Compte tenu de la situation concurrentielle observée sur le marché de gros des offres d'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre, l'Autorité est amenée à imposer plusieurs obligations à France Télécom, établies au terme de l'analyse suivante.
II-A. - Obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'accès
L'article L. 38-I (3°) du code des postes et des communications électroniques prévoit que l'ART peut imposer des obligations d'accès à un opérateur disposant d'une influence significative sur un marché pertinent. Conformément à l'article D. 310 du code, elles peuvent notamment prendre la forme d'une obligation d'accorder à des tiers l'accès à des éléments ou ressources de réseau spécifiques, de négocier de bonne foi avec les opérateurs ou encore de ne pas retirer un accès déjà accordé.
II-A-1. Obligation générique
La boucle locale cuivre constitue un point de passage incontournable vers l'abonné final.
L'opérateur qui dispose de la paire de cuivre bénéficie d'un lien contractuel direct avec l'abonné et bénéficie ainsi d'un effet de levier puissant pour la fourniture de services sur les marchés aval.
De plus, il contrôle alors un maillon essentiel à la construction technique du produit final, nécessaire pour bénéficier d'une forte capacité de différenciation. Dans les technologies DSL notamment, l'opérateur ne peut installer, opérer et paramétrer ses propres DSLAM, et par là même proposer des services différenciés, que s'il a accès à la paire de cuivre.
Comme cela a été montré dans la décision no 2005-0275 « délimitation du marché et opérateur puissant », la réplication par un opérateur nouvel entrant de l'infrastructure de boucle locale cuivre à grande échelle est très peu probable à l'horizon de l'analyse. Dans ces conditions, l'Autorité constate que l'accès à la boucle locale existante de France Télécom est indispensable pour les opérateurs qui souhaitent augmenter leur capacité de différenciation et d'innovation en utilisant le plus possible leur propre réseau.
Cet accès direct à la boucle locale permet de plus le développement d'une concurrence pérenne par le déploiement d'infrastructures alternatives sur l'intégralité du territoire.
Enfin, au plan technique, les prestations d'accès à la boucle locale sont très proches des opérations techniques que France Télécom réalise pour ses propres besoins pour raccorder des nouveaux abonnés au service téléphonique ou aux offres d'accès DSL, ce qui démontre la faisabilité de cet accès.
Il ressort de ces éléments que les critères cités aux alinéas a, b et d de l'article L. 38-V du code des postes et des communications électroniques sont ainsi vérifiés.
Par ailleurs, un certain nombre de prestations complémentaires et de moyens associés à l'accès (cohabitation des équipements, raccordements aux sites de France Télécom, etc.) est nécessaire pour rendre l'accès à la boucle locale effectif, dans des conditions économiquement viables.
Ces prestations (cf. infra) sont des moyens associés à l'accès sur le marché du dégroupage et ne constituent pas des marchés pertinents distincts, en ce qu'elles sont nécessaires pour rendre effectif l'accès des opérateurs alternatifs à la boucle locale et poursuivent le même but.
S'agissant de l'accès à ces prestations connexes, les critères cités aux alinéas a et d de l'article L. 38-V du code des postes et des communications électroniques sont ainsi vérifiés.
Au vu des éléments d'analyse qui précèdent, l'Autorité estime qu'il est nécessaire d'imposer à France Télécom l'obligation de faire droit sur le présent marché de l'accès dégroupé à la boucle locale aux demandes raisonnables des opérateurs tiers visant à obtenir l'accès à des éléments de réseaux ou à des moyens et ressources associés sur le marché du dégroupage.
Dans ce cadre, France Télécom devra négocier de bonne foi avec les opérateurs qui demandent l'accès sur ce marché, afin de minimiser les cas de litige.
En l'absence de mesure moins contraignante pour France Télécom qui permettrait d'atteindre le même but, les prescriptions sont proportionnées tant aux critères énoncés dans l'article L. 38-V qu'aux objectifs de l'article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques précité, en particulier les 3° et 4°.
Au demeurant, il convient de noter que l'obligation d'accès à la boucle locale et aux ressources connexes imposée par le règlement européen 2887/2000 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2000 relatif au dégroupage de l'accès à la boucle locale demeure en vigueur dans la mesure où ce texte n'a pas été modifié ni abrogé par le nouveau cadre communautaire des communications électroniques.
II-A-2. Précision de l'obligation
Le caractère raisonnable d'une demande d'accès formulée par un opérateur devra être apprécié au regard de la proportionnalité entre les contraintes économiques et techniques d'une telle demande pour France Télécom et le bénéfice attendu pour la résolution d'un problème concurrentiel particulier ou plus généralement pour le fonctionnement du marché du dégroupage.
A cette fin, il devra être tenu le plus grand compte des éléments d'appréciation retenus dans le code des postes et des communications électroniques dans son article L. 38-V.
En particulier, l'Autorité observe que l'une des caractéristiques structurantes du dégroupage est d'assurer aux opérateurs une forte indépendance des choix technologiques de France Télécom et de leur permettre ainsi de préserver leur capacité d'innovation. Les modalités de l'accès dégroupé ne doivent pas venir limiter artificiellement la possibilité pour les opérateurs de proposer des offres innovantes par rapport aux offres du groupe France Télécom.
Compte tenu du développement actuel du marché et des offres, il apparaît d'ores et déjà que certaines demandes d'accès doivent être considérées comme raisonnables ; il convient donc, conformément à l'article D. 310, de préciser plusieurs obligations qu'il apparaît nécessaire d'imposer à France Télécom sur le marché du dégroupage.
II-A-2-a. Prestations existantes
L'accès dégroupé à la boucle locale fait l'objet d'une offre de référence depuis 2001 en vertu de l'ancien article D. 99-23 du code des postes et des télécommunications mais également du règlement européen précité. De nombreuses prestations d'accès à la boucle locale, à la sous-boucle et aux ressources connexes y sont déjà incluses. Cette offre de référence modifiée a permis le développement de ce marché et son essor progressif. Ainsi les opérateurs alternatifs ont désormais recours à cette offre à grande échelle : près de 1,6 million d'accès étaient dégroupés au 1er janvier 2005.
Toute remise en cause ou évolution artificielle à court terme de ces prestations serait une source de déstabilisation technique, économique et commerciale des opérateurs, nuisible à la pérennité de leur plan d'affaires et, in fine, au marché et au développement de l'Internet haut débit en France.
Le maintien des prestations existantes est donc un élément indispensable tant pour assurer la pérennité des plans de développement des opérateurs que pour promouvoir l'objectif d'intérêt général de développement de la société de l'information. Ce maintien doit être assuré sans coût supplémentaire ou frais de migration.
Le maintien des prestations déjà proposées aux opérateurs se fonde sur les dispositions des 1° et 3° de l'article D. 310 du code des postes et des communications électroniques. En l'absence de moyen moins contraignant permettant de rendre possible l'exercice d'une concurrence effective entre les opérateurs sur les marchés de détail à l'échelle du territoire national et dans l'intérêt des utilisateurs, conformément aux objectifs mentionnés au 2° du II de l'article L. 32-1 et D. 310 du code des postes et des communications électroniques et compte tenu du b du V de l'article 38 relatif au degré de faisabilité de la fourniture des accès concernés, la mesure est proportionnée au but poursuivi.
II-A-2-b. Accès total et partagé à la boucle locale et à la sous-boucle locale
Conformément à la définition du marché pertinent sur lequel portent les obligations imposées dans la présente décision, l'obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'accès concerne plusieurs modalités de dégroupage :
- dégroupage total et dégroupage partiel ;
- à la boucle locale et à la sous-boucle locale.
Ainsi, l'accès à ces différentes modalités de dégroupage doit être proposé par France Télécom. Ces obligations sont par ailleurs déjà imposées à France Télécom en vertu du règlement européen précité. Enfin, elles le sont également en vertu de l'article D. 308 du code des postes et des communications électroniques (cf. partie infra).
Nonobstant leur appartenance à un marché pertinent unique, ces différentes modalités de dégroupage peuvent présenter des spécificités fortes, en termes opérationnels notamment. Ainsi, les modalités d'accès à ces différents modes de dégroupage et aux ressources connexes devront être adaptées à ces spécificités.
II-A-2-c. Offre professionnelle et offre résidentielle
Les opérateurs alternatifs développent des offres de détail d'accès large bande à la fois pour la clientèle résidentielle et pour la clientèle professionnelle. France Télécom propose elle aussi ces deux types de solutions, à travers Transpac s'agissant de la clientèle professionnelle, et Wanadoo ou la marque France Télécom pour les résidentiels. Ces deux types d'offres, si elles correspondent à des prestations techniques voisines, se distinguent nettement en termes d'options ou caractéristiques additionnelles, notamment en termes de qualité de service et de garantie du débit.
La qualité de service doit être présente à chaque étape de la chaîne technique : pour un opérateur alternatif, elle dépend à la fois des services et paramètres qu'il contrôle lui-même, et de la qualité de service propre de l'offre de gros de France Télécom.
Ainsi, afin de pouvoir commercialiser leurs produits auprès de clients résidentiels et professionnels et concurrencer les offres aval de France Télécom, les opérateurs alternatifs doivent bénéficier d'offres de gros répondant aux besoins de ces deux types de clientèles, résidentielle et professionnelle.
Pour France Télécom, la fourniture de ces deux types d'offres de gros ne constitue pas une obligation disproportionnée. En effet, le réseau sous-jacent à la fourniture de ces deux catégories d'offres est le même, seuls diffèrent les niveaux de qualité de service, notamment les temps de rétablissement des signalisations. Or, France Télécom bénéficie de ces options de qualité de service renforcées pour ses propres filiales.
De plus, France Télécom propose d'ores et déjà des options de qualité de service pour le dégroupage adaptées à la clientèle professionnelle (GTR 4H notamment).
Il ressort de ces éléments que les critères cités aux alinéas a et b de l'article L. 38-V du code des postes et des communications électroniques sont ainsi vérifiés. En tenant compte de ces éléments, l'Autorité estime que cette obligation n'est pas disproportionnée au regard des objectifs poursuivis, en particulier d'égalité des conditions de concurrence et de développement de la compétitivité, et des contraintes qu'elle fait peser sur France Télécom.
Par suite, conformément à l'article D. 310 (1° et 3°) du code, l'Autorité estime qu'il est nécessaire que la société France Télécom propose une offre résidentielle et une offre professionnelle aux opérateurs avec pour cette dernière des options de qualité de service renforcée pour le dégroupage, adaptées aux exigences de qualité de service de la clientèle entreprise.
II-A-2-d. Dégroupage total par reprise de ligne et par construction de ligne
Le réseau de boucle locale de France Télécom comporte deux types de paires de cuivre présentant une continuité métallique de bout en bout : celles qui supportent un service de communications électroniques et celles qui sont inactives, suite à un déménagement par exemple. Par ailleurs, le réseau de boucle locale de France Télécom comprend des tronçons de paires de cuivre qui, s'ils sont aboutés, constituent une nouvelle paire de cuivre. La création d'une telle nouvelle paire de cuivre peut nécessiter, le cas échéant, dans la seule partie branchement, le déploiement d'un câble supplémentaire.
Ces trois types de paires de cuivre doivent être accessibles au dégroupage total. Comme pour les autres modalités de l'accès dégroupé, un opérateur alternatif ne peut mettre en place dans des conditions économiquement viables des ressources concurrentes au réseau d'accès cuivre de France Télécom.
De plus, France Télécom utilise pour ses propres besoins ces trois types de paires de cuivre. Notamment, les paires inactives sont utilisées en cas d'emménagement d'un nouveau client dans le local desservi. Des paires inactives ou des paires créées par aboutement de tronçons existants sont aussi utilisées par France Télécom pour produire l'offre Turbo DSL.
En outre, l'accès dégroupé aux paires inactives est indispensable pour garantir l'égalité des conditions de concurrence entre France Télécom et les opérateurs du dégroupage dans le cas où un client emménage dans un nouveau local et souhaite s'abonner à des services de communications électroniques filaires.
Enfin, l'accès dégroupé aux paires ne supportant pas de service et aux paires créées par aboutement de tronçons est indispensable pour permettre à un opérateur d'utiliser la technologie SDSL sur plusieurs paires. En effet, cette technologie, utilisée par France Télécom dans l'offre Turbo DSL, nécessite plusieurs paires pour un même client final pour atteindre des débits élevés ; elle est particulièrement pertinente pour le marché entreprises, puisqu'elle permet des débits symétriques importants.
Un refus de fournir des accès à la boucle locale constitués par des tronçons de paires existants ou ne nécessitant que le déploiement d'une capacité en branchement ne pourrait être justifié au regard de la faisabilité technique puisque France Télécom en réalise pour ses propres besoins.
Il ressort de ces éléments que les critères cités aux alinéas a, b et d de l'article L. 38-V du code des postes et des communications électroniques sont ainsi vérifiés.
Par conséquent, eu égard aux conséquences sur la concurrence, notamment pour les services aux clients professionnels, il y a lieu pour l'Autorité d'imposer à France Télécom de prévoir dans son offre de référence, comme elle le fait déjà, les prestations suivantes :
- accès totalement dégroupé aux paires qui supportent un service de communications électronique ;
- accès totalement dégroupé aux paires inactives, préexistantes de bout en bout ;
- accès totalement dégroupé à des paires nouvelles créées entre le répartiteur principal et le point de terminaison du réseau dans les locaux de l'abonné. La création de ces paires nouvelles est effectuée par l'aboutement de tronçons existants et peut nécessiter, le cas échéant, dans la seule partie branchement, le déploiement d'un câble supplémentaire.
Au regard de l'objectif poursuivi et visant à établir les conditions d'égalité des opérateurs dans la concurrence, et en tenant compte des éléments mentionnées aux a, b et d du V de l'article 38, la mesure constitue le minimum nécessaire pour atteindre les objectifs développés ci-dessus et est ainsi proportionnée.
II-A-2-e. Migrations vers le dégroupage
Les évolutions technologiques, les choix d'architecture de réseaux, les besoins spécifiques de leurs parcs d'abonnés ainsi que le développement de la concurrence sur les marchés de gros du haut débit peuvent amener opérateurs et FAI à se reporter vers de nouvelles offres de gros.
L'existence d'offres de migration permettant à un opérateur de faire évoluer efficacement un ensemble d'accès d'une offre de gros de France Télécom vers le dégroupage est une condition nécessaire à la fluidité du marché et à l'établissement d'une réelle dynamique de la concurrence. Elle étend en effet la concurrence au parc existant, au-delà du flux de nouveaux abonnés. Elle est stratégique pour l'extension de la couverture du dégroupage, puisqu'elle permet aux opérateurs d'attendre d'avoir atteint une masse critique sur une zone donnée avant d'investir sur cette zone dans des infrastructures de dégroupage.
Cette migration de l'accès doit être la plus transparente possible pour l'abonné final, afin de préserver les intérêts des consommateurs tout en permettant à la concurrence de se développer. Le processus de migration mis en place doit donc viser à synchroniser les différentes opérations techniques et logicielles afin de garantir des délais de coupure les plus courts possible.
L'offre de migration telle qu'elle existe déjà dans l'offre de référence pour l'accès à la boucle locale de France Télécom est très proche techniquement de l'opération de dégroupage elle-même ; sa spécificité est de devoir être faite dans un temps court pour minimiser la coupure de service téléphonique du client. Imposer à France Télécom de proposer une telle offre de migration pour le dégroupage ne représente donc pas de contrainte technique disproportionnée.
Ainsi, en application des dispositions de l'article D. 310 (1°) du code, l'Autorité considère que la société France Télécom doit proposer aux opérateurs des offres de migration des offres de gros d'accès large bande vers le dégroupage.
De même, compte tenu de l'intérêt croissant des opérateurs pour les nouveaux modes de dégroupage appliqués sur le marché résidentiel, tels que l'accès total ou l'accès à la sous-boucle, France Télécom doit prévoir des offres de migration adaptées entre les différents modes de dégroupage.
Il résulte de ce qui précède que cette obligation n'est pas disproportionnée, compte tenu des éléments mentionnés aux a, b et d du V de l'article 38 et en l'absence de mesures moins contraignantes qui permettraient d'atteindre les objectifs poursuivis, en particulier ceux visés à l'article L. 32-1 (II) du code, de promotion des investissements efficaces dans les infrastructures, de compétitivité ainsi que de protection des consommateurs.
II-A-2-f. Dégroupage total par transfert de ligne avec portabilité du numéro
La capacité pour un opérateur alternatif à demander, lors du dégroupage total d'une ligne active qui supporte un service téléphonique, la portabilité du numéro de téléphone est une condition nécessaire à la fluidité du marché et à l'établissement du jeu de la concurrence. Un changement de numéro peut en effet constituer un frein important au changement d'opérateur. La portabilité des numéros en cas de changement d'opérateur est par ailleurs un droit reconnu aux abonnés par l'article L. 44 du code des postes et des communications électroniques.
Cette portabilité doit donc se faire dans les conditions les plus transparentes possible pour l'abonné final changeant d'opérateur : les processus de dégroupage total et de portabilité doivent donc être synchronisés, afin que le délai de coupure du service téléphonique soit le plus court possible.
L'absence de garantie d'un délai de coupure maximal pourrait être fortement préjudiciable à l'attractivité des offres de dégroupage total pour les consommateurs et donc au développement du dégroupage total dans les prochaines années en France.
La synchronisation entre différentes opérations techniques mentionnée ici représente une contrainte technique limitée pour France Télécom : il s'agit d'optimiser et d'organiser ses processus pour permettre cette synchronisation, ce qui est au demeurant une opération couramment proposée par France Télécom dans le cadre d'accords commerciaux de détail, par exemple dans certains cas de déménagements.
Au regard des critères énumérés à l'article L. 38-V, notamment aux a et d, et en l'absence de mesures moins contraignantes qui permettraient d'atteindre le même but, l'Autorité considère comme proportionné, eu égard aux objectifs précités de l'article L. 32-1 (II) du code et notamment celui de protection des consommateurs, que France Télécom propose aux opérateurs un processus effectif de synchronisation du dégroupage total et de la portabilité du numéro, et s'engage à garantir un délai de coupure maximum, permettant de minimiser le délai de coupure du client final.
II-A-2-g. Prestations connexes liées à la cohabitation
L'offre de gros d'accès à la boucle locale et à la sous-boucle ne peut être opérationnelle que si elle est accompagnée de prestations connexes adaptées, nécessaires à son utilisation par les opérateurs alternatifs.
II-A-2-g-(i). Offres de cohabitation physique des équipements
Un opérateur alternatif qui souhaite exploiter des accès dégroupés doit être en mesure de pouvoir installer ses équipements de réseau en bout de ligne, c'est-à-dire au niveau des répartiteurs ou des sous-répartiteurs de France Télécom. Il est alors nécessaire que l'opérateur historique propose aux opérateurs alternatifs une offre de cohabitation physique de leurs équipements dans ses propres sites. En l'absence d'une telle offre, l'obligation de fournir un accès à la boucle locale serait vidée de son sens puisque aucun opérateur ne pourrait accéder à l'extrémité de cette boucle locale pour y placer ses équipements de réseau.
L'obligation de fournir des emplacements de cohabitation physique des équipements ne peut cependant être uniforme, et doit tenir compte des réalités techniques et économiques des différents sites sur lesquels ces emplacements peuvent être proposés.
Les possibilités et conditions de cohabitation dans les sites de France Télécom diffèrent fortement d'un site à l'autre. De plus, les modalités de cohabitation des équipements et les coûts afférents peuvent avoir un impact fort sur le déploiement des opérateurs.
Dans ces conditions, et au regard de l'historique du dégroupage, il apparaît nécessaire pour assurer la proportionnalité de l'obligation que l'offre de référence prévoit plusieurs types de cohabitation adaptés aux différents types de sites existant sur le terrain.
Les salles de cohabitation et les espaces dédiés sont adaptés aux plus grands sites. En outre, les espaces dédiés correspondent à une solution plus efficace économiquement, en limitant les investissements consentis exclusivement pour le dégroupage.
Ces solutions apparaissent cependant comme inadaptées pour la plupart des petits sites de France Télécom, typiquement les répartiteurs de moins de 5 000 lignes et les sous-répartiteurs, pour lesquels seules des solutions permettant une plus grande mutualisation de l'espace et des ressources disponibles entre les différents opérateurs, y compris France Télécom, peuvent être mises en place.
France Télécom doit rechercher pour chaque type de site la solution de cohabitation qui tient compte des contraintes et spécificités techniques du site.
Au regard des éléments mentionnés à l'article L. 38 V, notamment aux a, b, c et d, et conformément aux objectifs imposés par l'article L. 32-1 (II) du code, et en particulier les 2°, 3° et 4°, et en l'absence de mesures moins contraignantes qui permettraient d'atteindre le même but, l'Autorité considère comme proportionné que France Télécom propose une offre de cohabitation physique des équipements des opérateurs alternatifs, adaptée à chaque type de site, comprenant a minima :
- une offre d'emplacements en salles de cohabitation ;
- une offre d'emplacements en espaces dédiés dans les bâtiments de France Télécom ;
- une offre de cohabitation physique adaptée aux sites de moins de 5 000 lignes et permettant un degré satisfaisant de mutualisation ;
- une offre de cohabitation physique adaptée aux sous-répartiteurs, lorsqu'une telle offre est possible, dans des conditions non discriminatoires par rapport à ce que France Télécom utilise pour elle-même. Dans le cas contraire, une offre de colocalisation distante sera proposée.
II-A-2-g-(ii). Equipements et fonctions autorisés
France Télécom est tenue de proposer des solutions de cohabitation dans ses sites en tant que prestation connexe au dégroupage. Dans ces conditions, l'offre de dégroupage doit préciser quels équipements et fonctionnalités sont autorisés dans ces solutions de cohabitation.
Du fait de l'obligation de non-discrimination à laquelle France Télécom est soumise par ailleurs (cf. paragraphe II-B de la présente décision), elle devra notamment autoriser l'installation des équipements et fonctionnalités indispensables aux opérateurs alternatifs pour pouvoir répliquer, dans des conditions non discriminatoires, les offres que France Télécom propose sur les marchés aval.
De façon plus générale, les demandes d'autorisation d'équipements ou fonctionnalités dans les différentes solutions de cohabitation devront être évalués au regard des critères de l'article L. 38-V et des objectifs de régulation imposés par l'article L. 32-1 (II) du code, en veillant notamment au respect de l'obligation de non discrimination, à la recherche de l'efficacité économique et au développement de l'innovation.
Notamment, dans une perspective d'efficacité, la mutualisation des ressources déployées sur un site, au titre du dégroupage, des offres de gros d'accès large bande et des prestations d'interconnexion ou de dégroupage, doit être favorisée afin de ne pas dupliquer inutilement les ressources.
En effet, cette mutualisation est source d'économie de ses ressources pour France Télécom. Elle améliore l'efficacité économique du dispositif mis en place pour l'ensemble des opérateurs.
De même, il est souhaitable pour favoriser l'efficacité des investissements dans les infrastructures de permettre la mutualisation d'équipements entre différents opérateurs. Cette mutualisation minimise les ressources mobilisées par France Télécom pour le compte des opérateurs alternatifs et permet une réduction des coûts au bénéfice de l'ensemble des acteurs, y compris France Télécom.
Au regard tant des critères énumérés à l'article L. 38-V, notamment aux b et d, que des objectifs de régulation imposés par l'article L. 32-1 (II) du code et en particulier celui de veiller à l'investissement efficace dans les infrastructures, l'autorité considère comme proportionné que France Télécom fasse droit aux demandes raisonnables des opérateurs d'hébergement des équipements et fonctionnalités, dans le respect notamment de l'obligation de non-discrimination (cf. partie II-B). Elle constitue, au regard de la contrainte imposée à France Télécom et des objectifs poursuivis, le minimum nécessaire pour rendre effective l'obligation de fournir une prestation connexe au dégroupage de colocalisation des équipements.
II-A-2-g-(iii). Offre de localisation distante
L'offre de localisation distante, consistant au renvoi des câbles vers un espace qui n'est plus géré par France Télécom, permet aux opérateurs alternatifs de bénéficier d'une indépendance totale vis-à-vis de l'opérateur historique pour l'hébergement des équipements, l'alimentation en énergie, les conditions environnementales et l'accès aux sites.
Cette offre peut en outre constituer une solution alternative aux offres de cohabitation physique précédemment citées quand le recours à ces dernières n'est pas techniquement ou économiquement envisageable pour l'opérateur alternatif.
Elle minimise les contraintes pesant sur France Télécom, puisque l'opérateur alternatif est dans cette situation totalement indépendant de France Télécom pour l'hébergement des équipements. Elle apparaît comme complémentaire aux offres de cohabitation physique, dans les sites particulièrement petits ou pour les opérateurs souhaitant avoir une grande liberté quant aux équipements hébergés en bout de ligne.
Au regard tant des critères énumérés à l'article L. 38-V, notamment aux b, c et d, que des objectifs de régulation imposés par l'article L. 32-1 (II) du code et en particulier celui de veiller à l'investissement efficace dans les infrastructures, l'autorité considère comme proportionné que France Télécom propose aux opérateurs une offre de localisation distante de leurs équipements de dégroupage dans des conditions techniques et économiques leur permettant la formulation d'offres de détail viables.
II-A-2-h. Offres de raccordement des répartiteurs dégroupés
II-A-2-h-(i). Obligation générique
Les coûts que doivent supporter les opérateurs alternatifs pour dégrouper la boucle locale afin de fournir des services haut débit aux clients finals se composent de deux principaux postes :
- le coût d'installation des équipements haut débit dans les sites de France Télécom. Ce poste comprend des reversements à France Télécom pour l'hébergement des équipements ainsi que le coût des matériels installés par les opérateurs ; le coût initial est d'environ 50 000 par site, auquel s'ajoute un coût mensuel de l'ordre de 1 000 ;
- le coût de raccordement du site au réseau fibre de l'opérateur, qui dépend de la distance et des contraintes locales ; en milieu urbain et périurbain, ce coût est de l'ordre de 200 000 par site ; il peut être inférieur quand plusieurs opérateurs partagent l'investissement.
Entre 2001 et fin 2004, les opérateurs alternatifs ont équipé environ 900 répartiteurs (1) en haut débit, dont la majorité est raccordée à leur réseau fibre. Cette couverture permet d'atteindre un peu plus de la moitié des ménages et des entreprises. Les opérateurs alternatifs ont suivi une stratégie de déploiement en débutant par les sites raccordant un grand nombre de lignes, typiquement plus de 50 000, puis ont raccordé progressivement des sites moins importants. Les derniers sites raccordés fin 2004 comptaient moins de 10 000 lignes principales.
Ce mouvement d'extension géographique progressive du dégroupage est de plus en plus difficile. En effet, dans les petits sites, les coûts fixes d'équipement, qu'ils soient initiaux ou récurrents, sont amortis sur un nombre réduit de clients. La rentabilité du dégroupage est alors plus faible et l'incitation à l'investissement moindre.
Si l'on ne considère que le premier poste de coûts cité ci-dessus, c'est-à-dire le coût d'équipement des répartiteurs en haut débit, hors coûts d'extension du réseau, il apparaît selon les modélisations réalisées par l'ART (2) qu'à fin 2004, environ 1 500 répartiteurs auraient pu être équipés par un opérateur alternatif disposant de 15 % de part de marché, étant donné que pour ces répartiteurs, le coût du dégroupage ramené à la ligne est en effet inférieur au tarif de l'accès des offres de gros de France Télécom livrées au niveau régional. Ce nombre de 1 500 pourrait augmenter progressivement, car l'augmentation tendancielle du taux de souscription des ménages au haut débit génère des économies d'échelle et les prix des équipements haut débit tendent à diminuer.
S'agissant du raccordement en fibre des petits sites, il apparaît en revanche être un facteur bloquant pour l'extension géographique du dégroupage dans les prochaines années. Sur les sites importants déjà raccordés, le coût du tirage de la fibre était amorti sur un grand nombre de clients. Par ailleurs, l'attractivité des grands sites est telle que plusieurs opérateurs alternatifs pouvaient être intéressés et ainsi partager les coûts de raccordement. Finalement, les plus grands répartiteurs étaient situés dans les grandes villes et préfectures, c'est à dire souvent proches des réseaux longue distance ou régionaux existants. A l'inverse, les petits sites tendent à être distants des réseaux existants, le coût de raccordement par client final potentiel est rédhibitoire, et peu d'acteurs sont susceptibles de dégrouper ces répartiteurs, diminuant donc la possibilité de co-investissement.
Ces considérations peuvent être résumées par le tableau suivant, issu de modélisations développées par l'ART (3). Il précise la longueur de réseau à déployer pour aller raccorder des répartiteurs supplémentaires par rapport à ceux actuellement touchés par le dégroupage. Les répartiteurs considérés dans cette modélisation sont les plus proches du déploiement actuel du dégroupage, et sont donc situés à quelques kilomètres des réseaux des opérateurs tiers. Ce tableau met en évidence que la longueur et donc le coût de réseau pour aller toucher un répartiteur supplémentaire croît de façon très marquée.
(1) Source : modèle de coût de l'accès dégroupé, publié sur le site www.art-telecom.fr. (2) Source : modèle de coût de l'acccès dégroupé, publié sur le site www.art-telecom.fr. (3) Source : tableau issu d'un modèle topologique de réseau, non public, développé dans un cadre multilatéral.
Vous pouvez consulter le tableau dans le JO
n° 143 du 21/06/2005 texte numéro 54
L'ensemble de ces facteurs amène l'Autorité à considérer que l'extension géographique du dégroupage sur la période couverte par la présente analyse de marché dépendra en grande partie de l'existence, de la qualité technique et du tarif de l'offre de France Télécom permettant aux opérateurs alternatifs de raccorder les répartiteurs distants des réseaux de collecte déjà déployés.
Ces sites distants, intéressant les opérateurs au titre du dégroupage, et rentables selon le premier critère évoqué ci-dessus, mais dont l'équipement est freiné par les coûts liés à l'extension du réseau de collecte des opérateurs, sont typiquement ceux nécessaires pour compléter la couverture d'un opérateur dans une agglomération donnée : ils sont situés dans ou proche d'une agglomération dans laquelle le dégroupage est déjà partiellement présent.
L'Autorité note qu'une prestation permettant aux opérateurs alternatifs de raccorder les répartiteurs distants de leur réseau de dégroupage, dénommée POP-NRA (4), figure d'ores et déjà à l'offre de référence dégroupage publiée par France Télécom en tant que prestation associée à l'accès. Une autre offre poursuivant le même objectif, Multi-NRA, est fournie par France Télécom à un opérateur pour raccorder les répartiteurs distants de son réseau de collecte.
L'Autorité estime nécessaire d'imposer à France Télécom de formuler une offre de raccordement des sites distants au point de présence de l'opérateur alternatif dans le cadre de l'offre de référence dégroupage pour la période couverte par la présente analyse de marché. France Télécom pourra limiter techniquement la longueur de raccordements proposés, de manière cohérente aux besoins tels qu'identifiés dans le tableau ci-avant. France Télécom pourra en outre limiter la disponibilité du service suivant les caractéristiques des répartiteurs concernés, par exemple en fonction du nombre de lignes du répartiteur.
Il convient de noter que cette obligation poursuit le même but que l'obligation de donner un accès dégroupé à la boucle locale, et est nécessaire pour permettre à l'opérateur de mettre en oeuvre effectivement le droit à l'accès dégroupé à la boucle locale prévu par la présente décision.
A cet égard, la Commission européenne précise, dans sa recommandation sur les marchés pertinents susvisée, qu'en l'absence de concurrence effective sur un marché recensé, « il peut être nécessaire d'imposer plusieurs obligations pour parvenir à une solution globale du problème. [...] Si on estime que des mesures correctrices particulières s'imposent pour un segment technique donné, il n'est ni nécessaire ni opportun, pour y imposer des obligations, de recenser chaque segment technique comme étant un marché pertinent. On peut citer, par exemple, le cas où une obligation de fournir un accès dégroupé à la boucle locale est complétée par des obligations connexes concernant l'accès aux installations de colocalisation. (5) »
Une telle obligation apparaît en effet comme une condition nécessaire de l'extension du dégroupage au-delà des zones denses où il est présent aujourd'hui. Elle répond ainsi aux objectifs d'exercice d'une concurrence effective et loyale entre opérateurs, tout en prenant en compte l'intérêt des territoires et utilisateurs, objectifs cités dans l'article L. 32-1 du code. En outre, en l'absence de mesures moins contraignantes permettant d'atteindre le même objectif, l'obligation imposée à France Télécom n'est pas disproportionnée.
Par ailleurs, les critères évoqués par l'article L. 38-V du code sont également respectés par cette obligation : elle ne contraint pas France Télécom à investir spécifiquement et de façon risquée pour les opérateurs, puisqu'il s'agit au contraire de leur donner accès aux ressources existantes. En outre, sur une grande majorité des répartiteurs, la mise en place de ressources concurrentes au réseau de France Télécom n'est pas viable économiquement, comme cela a été mis en évidence ci-dessus ; si l'intervention des collectivités peut répondre à cette problématique sur certaines zones du territoire, elle reste à ce jour circonscrite et le réseau de France Télécom reste dans la majorité des cas incontournable. Enfin, le dégroupage de la boucle locale est l'offre permettant le plus aux concurrents de France Télécom de se différencier et d'innover ; ainsi, permettre l'extension géographique du dégroupage est nécessaire pour préserver la concurrence à long terme.
Par conséquent, il est justifié et proportionné d'imposer une telle obligation de raccordement au titre de la présente décision portant sur le dégroupage de la boucle locale cuivre, en tant que ressource associée à l'accès et non sur un marché spécifique.
(4) POP : point de présence de l'opérateur client ; NRA : noeud de raccordement d'abonné, site du répartiteur de France Télécom. (5) Page 13 de l'exposé des motifs de la recommandation « marchés pertinents » susvisée.
II-A-2-h-(ii). Précision de l'obligation
Une offre de raccordement de site distant peut, en théorie, être active ou passive. Une offre active, telle que celle actuellement décrite dans l'offre de référence dégroupage, consiste en une offre de bande passante livrée sous une certaine interface technique dont les plus courantes sont : liaisons louées, SDH, ATM et Ethernet. Une offre de raccordement passive serait constituée d'une offre de location de fourreau ou de fibre.
Les offres de raccordement actives répondent mal aux besoins des opérateurs dégroupeurs, contrairement aux offres passives :
- les tarifs des offres passives sont indépendants du débit ; l'opérateur les utilisant est donc incité à proposer à ses clients des offres innovantes et utilisant beaucoup de bande passante, satisfaisant ainsi la demande en n'augmentant que marginalement ses coûts de collecte ;
- les offres passives sont classiquement proposées sous forme d'IRU (6) de longue durée. Ils permettent une bonne visibilité des coûts à long terme. L'opérateur dégroupeur utilisant une telle offre est moins dépendant des stratégies tarifaires de court terme de ses concurrents, et notamment de l'opérateur exerçant une influence significative sur les marchés du haut débit, en ayant moins de coûts récurrents et plus de coûts fixes. Ainsi, les offres sous forme d'IRU permettent de fonder une concurrence pérenne ;
- finalement, les offres passives sont très neutres d'un point de vue technologique ; l'opérateur louant un fourreau ou une fibre reste complètement maître de son architecture technique sur les équipements actifs et de transmission, et peut donc choisir les technologies les mieux adaptées à ses besoins et à ses projets.
Les offres actives présentent en général des caractéristiques inverses : une sensibilité du tarif au débit qui tend à décourager l'innovation, des coûts récurrents élevés permettant à l'opérateur historique de pratiquer une grille tarifaire induisant un espace économique faible sur le segment de la collecte et sur les seuls coûts variables, une dépendance de l'opérateur client aux choix technologiques de l'opérateur historique. A titre d'exemple, l'offre active de raccordement prévue par l'offre de référence dégroupage est incompatible avec la fourniture d'un service de diffusion audiovisuelle dans des conditions économiques viables et les opérateurs alternatifs estiment que son coût au mégabit par seconde est trop élevé pour laisser un espace économique permettant l'extension géographique du dégroupage.
L'ensemble de ces éléments conduit l'Autorité à estimer que l'offre de raccordement la mieux adaptée aux besoins des opérateurs dégroupeurs, au développement du marché du haut débit et à l'aménagement du territoire serait une offre de raccordement passif, constituée d'une offre de location de longue durée de fourreau ou de fibre. L'article D. 310 (6°) du code des postes et des communications électroniques prévoit ainsi que l'Autorité peut imposer à France Télécom de fournir la possibilité de « partage des gaines ». France Télécom ne saurait cependant être tenue de fournir une telle offre sur les segments où elle ne disposerait ni de fourreau ni de fibre en nombre suffisant.
L'Autorité invite France Télécom et les opérateurs alternatifs à engager des négociations de bonne foi en ce sens, portant à la fois sur la fourniture d'informations préalables - la disponibilité et la localisation des ressources -, les modalités techniques de commande et de livraison et finalement le tarif d'une offre de raccordement des sites distants.
Compte tenu des objectifs poursuivis précités, de la marge laissée à France Télécom pour élaborer la solution qu'elle proposera et de l'absence de risque du point de vue de l'investissement pris par France Télécom, cette obligation est proportionnée. Dans l'éventualité où les négociations échoueraient ou n'auraient pas avancé dans un délai raisonnable, typiquement à l'automne 2005, l'Autorité pourrait être amenée à faire évoluer l'offre de référence sur ce point.
(6) IRU (Indefeasible Right of Use), location imprescriptible de longue durée.
II-A-2-i. Informations préalables
Afin de réaliser des choix pertinents en matière de déploiement et d'offre commerciale, les opérateurs clients des offres de dégroupage doivent avoir accès à différentes informations préalables. L'accès à ces informations est primordial, puisqu'il est nécessaire pour garantir l'effectivité des différentes prestations d'accès proposées par France Télécom sur le présent marché ; c'est un moyen associé à l'accès dégroupé au réseau proprement dit.
Ces informations peuvent être scindées en deux catégories.
Une première catégorie d'informations permet aux acteurs intéressés par l'offre de gros de France Télécom d'identifier les investissements qu'ils devront consentir pour pouvoir utiliser l'offre de France Télécom ainsi que la clientèle à laquelle ils auront accès selon leur architecture de raccordement. Cette catégorie d'informations doit être mentionnée à l'offre de référence publique, sauf si la publicité de ces données porte atteinte à la sécurité du réseau ; ce point sera traité au paragraphe II.C-1 sous la rubrique « publication d'informations préalables ».
Dans un deuxième temps, les opérateurs déjà clients de l'offre ont besoin d'informations plus fines, notamment pour adapter, en fonction des caractéristiques de la ligne du client final, l'offre technique et tarifaire qu'ils peuvent lui proposer. A ce titre, la fourniture, à tout opérateur ayant signé la convention d'accès à la boucle locale de France Télécom, a minima des informations suivantes, par accès unitaire, apparaît nécessaire :
- les codes du répartiteur et du sous-répartiteur ;
- les caractéristiques techniques de la ligne (longueur et calibre des tronçons, du répartiteur jusqu'au point de concentration) ;
- l'éligibilité au dégroupage en cas de demande d'activation d'un accès préexistant par tronçons.
A ce titre, France Télécom a mis en oeuvre un serveur d'éligibilité, commun avec ses propres offres de gros d'accès large bande.
Par ailleurs, les opérateurs ont aussi besoin d'informations liées à la cohabitation physique des équipements sur les différents sites (disponibilité de solutions de cohabitation sur un site donné, saturation d'un équipement sur un site donné...).
Une obligation de fourniture des informations préalables, notamment celles citées ci-dessus, apparaît comme proportionnée aux objectifs du code des postes et des communications électroniques ; notamment, elle est une condition sine qua non de l'effectivité des offres d'accès, et apparaît donc comme nécessaire pour préserver la concurrence à long terme, répondant ainsi notamment au critère de l'article L. 38-V c du code, et représente un investissement spécifique faible pour France Télécom. Elle est également proportionnée aux objectifs fixés à l'article L. 32-1 (II) du code des postes et des communications électroniques, en particulier les 2°, 3° et 4°. Enfin, elle constitue, au regard de la contrainte imposée à France Télécom au regard des objectifs poursuivis, le minimum nécessaire.
Au regard de ce qui précède, et sur le fondement de l'article L. 38-I (3°) du code qui permet à l'Autorité d'imposer à l'opérateur puissant l'obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'accès à des moyens associés, France Télécom devra donner accès sur le marché de gros de l'accès dégroupé aux informations préalables nécessaires à la mise en oeuvre effective de l'offre, en tant que ressource associée au dégroupage.
II-B. - Obligation de fournir l'accès dans des conditions non discriminatoires
II-B-1. Obligation générique
L'article L. 38-I (2°) du code des postes et des communications électroniques prévoit la possibilité d'imposer une obligation de non-discrimination à un opérateur réputé exercer une influence significative.
L'article D. 309 du code précise que les obligations de non-discrimination font notamment en sorte que « les opérateurs appliquent des conditions équivalentes dans des circonstances équivalentes aux autres opérateurs fournissant des services équivalents, et qu'ils fournissent aux autres des services et informations dans les mêmes conditions et avec la même qualité que ceux qu'ils assurent pour leurs propres services, ou pour ceux de leurs filiales ou partenaires ».
Le principe de non-discrimination s'oppose ainsi notamment à ce que, au plan tarifaire, France Télécom valorise différemment les mêmes éléments de son réseau, ou utilise des règles d'allocation des coûts distincts, pour les prestations utilisées en interne et celles proposées sur les marchés de gros. Il s'oppose en particulier à ce que les offres de gros de France Télécom soient dimensionnées de sorte qu'elles ne soient accessibles aux conditions les plus avantageuses que pour ses propres services ou filiales. Au plan technique, il porte notamment sur la qualité de service des offres, leur richesse fonctionnelle, ainsi que la fourniture d'informations préalables à l'utilisation de ces offres d'accès.
De la même façon, un traitement discriminatoire d'opérateurs situés dans des situations équivalentes aurait pour conséquence d'affaiblir la dynamique concurrentielle sur le marché de détail, en favorisant artificiellement telle ou telle situation ou choix stratégique.
France Télécom est un opérateur verticalement intégré, actif sur les marchés du dégroupage et sur les marchés de gros aval des offres régionales et nationales d'accès large bande. Il est aussi présent à travers sa filiale Transpac, notamment, sur le marché de détail de l'accès large bande pour le segment « entreprises », et à travers les marques France Télécom et Wanadoo sur le segment « grand public ».
La réintégration de Wanadoo au sein de France Télécom en 2004 est venue renforcer ce phénomène d'intégration verticale, en changeant notamment le mode d'approvisionnement de Wanadoo, qui auparavant utilisait les mêmes contrats de gros que les fournisseurs d'accès à Internet (FAI) alternatifs et utilise désormais des prestations internes à France Télécom.
Or, en tant qu'opérateur verticalement intégré, France Télécom utilise les mêmes ressources amont pour produire, d'une part, ses propres offres de détail et, d'autre part, les offres de gros destinées à ses concurrents pour construire leurs offres de détail.
Dans ces conditions et en l'absence d'une obligation de non-discrimination, France Télécom pourrait être incitée à offrir à ses concurrents des conditions techniques ou tarifaires moins avantageuses que celles qu'elle s'accorde à elle-même, à ses filiales ou à ses partenaires, afin de renforcer sa position sur les marchés de détail, ce qui aurait pour effet de limiter artificiellement le développement de la concurrence sur ces marchés.
Il apparaît en conséquence nécessaire, sur le fondement de l'article D. 309 précité du code, d'imposer à France Télécom de fournir l'accès sur le marché du dégroupage de la boucle cuivre et sous boucle cuivre dans des conditions non discriminatoires.
Cette obligation ne saurait être considérée comme disproportionnée dans la mesure où elle constitue le minimum nécessaire permettant d'atteindre les objectifs visés à l'article L. 32-1 (II) du code et en particulier à ceux visant à garantir « l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques » et « l'absence de discrimination, dans des circonstances analogues, dans le traitement des opérateurs ».
II-B-2. Précision de l'obligation
II-B-2-a. Processus opérationnels liés au dégroupage
Afin de garantir le bon fonctionnement du dégroupage, France Télécom doit veiller à ce que les processus opérationnels mis en place dans le cadre du dégroupage ne fassent pas peser sur les opérateurs des charges ou des contraintes indues qui les pénaliseraient par rapport aux autres offres de gros et de détail de France Télécom.
Au regard de l'article D. 309 du code, l'Autorité considère comme proportionné que France Télécom mutualise au maximum les prestations vendues aux opérateurs dans le cadre du dégroupage avec celles qu'elle utilise pour ses autres offres, de gros et de détail, et proscrive les processus faisant peser des contraintes indues sur les opérateurs, notamment au regard des processus existant pour ses offres aval.
Le mandat de dégroupage, notamment, devra adopter une forme aussi peu contraignante que possible tout en assurant la protection du consommateur.
A ce titre, il convient de rappeler que le Conseil de la concurrence, dans un avis no 2004-A-01 du 8 janvier 2004 relatif à une demande d'avis de l'AFORS sur les principes généraux des relations contractuelles entre les utilisateurs et les différents acteurs du dégroupage, avait précisé que ce mandat doit en particulier être rédigé de façon à ne pas comprendre des conditions de transfert d'un abonné de l'opérateur historique à un opérateur concurrent, rendues plus difficile que celles d'un retour à l'opérateur historique, ni imposer d'obligations indues aux abonnés au regard des conditions de la ligne et ne contenir que des dispositions strictement nécessaires à l'information des acteurs concernés (cf. § 47 et suivants de l'avis du Conseil de la concurrence).
II-B-2-b. Introduction de nouvelles technologies
L'introduction de nouvelles technologies à la boucle locale ou à la sous-boucle peut venir perturber le fonctionnement des systèmes déjà en place, voire restreindre le développement de futures technologies, en cours de normalisation, qui semblent prometteuses.
Suite à la décision no 2002-752 de l'Autorité du 19 septembre 2002 portant constitution d'un comité d'experts pour l'introduction de nouvelles techniques sur la boucle locale, un comité d'experts, composé de France Télécom, des opérateurs alternatifs ayant signé la convention de dégroupage et d'industriels du secteur, est chargé d'émettre un avis sur les questions techniques relatives à l'introduction de nouvelles technologies à la boucle locale et à la sous-boucle. Il procède successivement à des simulations théoriques, à des tests en réseau captif puis éventuellement à des expérimentations sur le terrain.
Au regard de l'article D. 309 du code des postes et des communications électroniques, l'Autorité considère comme justifié et proportionné, au regard de l'objectif d'égalité des conditions de concurrence, de ne pas permettre à France Télécom d'utiliser pour son compte propre, dans un objectif commercial et hors expérimentation, des technologies à la boucle locale ou à la sous-boucle dont elle interdirait l'usage aux opérateurs ayant recours au dégroupage.
A ce titre, il convient de rappeler que le Conseil de la concurrence, dans un avis no 2004-A-01 du 8 janvier 2004 susmentionné, avait précisé que « toutefois, compte tenu du caractère évolutif des services rendus dans le cadre du dégroupage de la boucle locale et dans l'hypothèse où ces services nécessiteraient la mise en place d'équipements dans des emplacements situés dans une relative proximité des utilisateurs finaux, il est utile de préciser que l'offre de référence ne devrait pas permettre à France Télécom de refuser aux opérateurs l'installation d'équipements qu'il s'autorise à lui-même ou à ses filiales, afin que les utilisateurs finaux puissent disposer du libre choix de leurs prestataires ».
II-C. - Obligation de publication d'informations concernant l'accès
Conformément au 1° de l'article L. 38-I du code des postes et des communications électroniques, les opérateurs réputés exercer une influence significative sur le marché peuvent se voir imposer l'obligation de « rendre publiques des informations concernant l'interconnexion ou l'accès, notamment publier une offre technique et tarifaire détaillée d'interconnexion ou d'accès lorsqu'ils sont soumis à des obligations de non-discrimination ; l'Autorité de régulation des télécommunications peut imposer, à tout moment, des modifications à une telle offre pour la mettre en conformité avec les dispositions du présent code. L'opérateur communique à cette fin à l'Autorité de régulation des télécommunications toute information nécessaire ».
II-C-1. Publication d'informations préalables
Afin de réaliser des choix pertinents en matière de déploiement et d'offre commerciale, les acteurs, notamment les opérateurs ou les investisseurs, intéressés par l'offre de dégroupage de France Télécom, doivent être informés des investissements qu'ils devront consentir pour pouvoir utiliser cette offre, des points de raccordement au réseau de France Télécom correspondant et des zones de clientèle auxquelles ils auront accès grâce à cette offre.
Ce type d'informations est nécessaire pour tout acteur souhaitant établir un plan d'affaires et élaborer une stratégie reposant sur l'utilisation d'une offre de gros d'accès large bande de France Télécom.
Dès lors que ces renseignements ne révèlent pas de données stratégiques et que leur mise à disposition ne porte pas atteinte à la sécurité des réseaux, la publicité de ces informations permet d'améliorer la visibilité de l'offre à l'attention d'un plus grand nombre d'opérateurs et d'investisseurs.
Il apparaît d'ores et déjà indispensable à ce titre que France Télécom publie dans son offre de référence la liste des répartiteurs, avec leur nombre de lignes et leur commune de rattachement, dont la publicité ne porte pas atteinte à la sécurité des réseaux.
L'adresse des répartiteurs, dont la diffusion peut porter atteinte à la sécurité et à l'intégrité du réseau de France Télécom, pourra quant à elle ne pas être publique et n'être communiquée qu'au cas par cas aux opérateurs intéressés.
Dans ces conditions, sur le fondement de l'article D. 307-I du code et notamment des dispositions qui prévoient la publication des « spécifications techniques des prestations (...) d'accès » et des « caractéristiques du réseau », il est nécessaire d'imposer à France Télécom l'obligation de publier les informations préalables susmentionnées. Au regard des objectifs visant à permettre le développement d'une concurrence effective et loyale, la proportionnalité de cette obligation est vérifiée en ce qu'elle constitue le minimum nécessaire qui doive être imposé à France Télécom pour les atteindre.
II-C-2. Publication d'une offre technique et tarifaire d'accès
II-C-2-a. Obligation générique
Conformément à l'article D. 308 du code des postes et des communications électroniques, « lorsqu'un opérateur est tenu de faire droit aux demandes raisonnables d'accès à la boucle locale à paire torsadée métallique en application de l'article D. 310, il publie une offre technique et tarifaire pour l'accès à la boucle locale. Cette offre contient une description des prestations liées à l'accès à la boucle locale ainsi que des modalités, conditions et prix qui y sont associés. Elle inclut en outre les prestations associées à l'accès à la boucle locale, notamment la fourniture des informations nécessaires à sa mise en oeuvre, une offre de colocalisation des équipements ».
L'existence et la publication d'une offre de référence répond à plusieurs objectifs : elle pallie la faiblesse du pouvoir de négociation bilatérale des opérateurs clients de l'offre avec France Télécom, elle permet d'assurer la non-discrimination dans le traitement des opérateurs alternatifs, elle apporte de la visibilité et de la stabilité aux opérateurs dans l'élaboration de leurs plans de développement, enfin elle permet de découpler les prestations de sorte qu'un opérateur n'a à payer que ce dont il a besoin.
Sur le marché de l'accès dégroupé à la boucle locale, la conjonction de la puissance de France Télécom, de l'absence de réplicabilité de la boucle locale cuivre, de l'intégration verticale de l'opérateur historique et de son rôle sur les marchés en aval rend peu probable le fait que les opérateurs dégroupeurs, concurrents de France Télécom sur les marchés en aval, disposent d'un pouvoir de négociation suffisant pour obtenir une offre adaptée sur ce marché. L'existence d'une offre de référence que l'Autorité a le pouvoir de modifier facilite les négociations bilatérales et limite les litiges entre les opérateurs et France Télécom.
Par ailleurs, pour les opérateurs ayant recours au dégroupage, les reversements directs à France Télécom représentent une proportion importante de leur chiffre d'affaires, et apparaissent donc comme déterminants dans leur budget. Les opérateurs alternatifs ont donc besoin, lors de l'élaboration de leurs plans d'affaires et de leurs stratégies techniques et commerciales, de disposer d'une bonne visibilité sur les conditions techniques et tarifaires proposées par France Télécom.
Enfin, le recours à une offre de référence publique permet d'assurer un traitement non discriminatoire entre les différents opérateurs clients de l'offre.
Ainsi, en application des dispositions de l'article D. 308 du code des postes et des communications électroniques, la société France Télécom doit publier une offre de référence technique et tarifaire détaillant les offres relevant du marché de gros de l'accès dégroupé à la boucle et à la sous-boucle locale.
L'Autorité considère que cette obligation constitue une garantie en vue d'assurer, notamment, l'égalité des conditions de la concurrence sur le marché considéré. Elle est proportionnée aux objectifs de l'article L. 32-1 II du code et en particulier aux 3°, 4° et 9°, en ce qu'elle constitue le minimum nécessaire qui doive être imposé à France Télécom pour les atteindre.
II-C-2-b. Eléments de l'offre de référence
Conformément à l'article D. 308 précité, cette offre doit contenir « une description des prestations liées à l'accès à la boucle locale ainsi que des modalités, conditions et prix qui y sont associés. Elle inclut en outre les prestations associées à l'accès à la boucle locale, notamment la fourniture des informations nécessaires à sa mise en oeuvre, une offre de colocalisation des équipements. » Elle doit notamment comporter au minimum les éléments listés à ce même article .
A la suite de l'analyse menée dans la présente décision, et conformément à la liste prévue à l'article D. 308 du code, l'annexe à la présente décision recense les éléments que devra comporter a minima l'offre de référence. Cette liste recense les prestations que l'offre de référence devra proposer, ainsi que les éléments qu'elle devra préciser pour donner aux opérateurs une visibilité suffisante : les modalités financières, techniques et opérationnelles de recours à l'offre de dégroupage et aux ressources connexes. Outre les conditions contractuelles type relatives aux tarifs, aux conditions de souscription, aux modalités d'accès à l'offre, l'offre de référence de France Télécom devra ainsi inclure au minimum les prestations d'accès détaillées ainsi que les informations répondant à l'obligation de transparence et de non-discrimination définies dans la présente décision.
Il incombe ainsi notamment à France Télécom de préciser l'ensemble des tarifs, en vertu de l'article D. 308 du code. Par conséquent, tous les tarifs doivent être effectivement inscrits dans l'offre de référence et non uniquement dans la convention de dégroupage conclue entre l'opérateur et France Télécom. En outre, il importe que les tarifs « sur devis » ne soient envisagés qu'à titre exceptionnel. Le cas échéant, il reviendra à France Télécom de justifier des contraintes l'empêchant d'établir un tarif fixé à l'avance dans l'offre de référence.
II-C-2-c. Evolution de l'offre de référence
France Télécom est amenée à faire évoluer au cours du temps son offre de référence pour le dégroupage. Une évolution unilatérale sans concertation préalable risque cependant de s'avérer préjudiciable pour le secteur. Elle peut en effet, sur le plan tarifaire, remettre en question la politique commerciale d'un opérateur ou, sur le plan technique, impacter le plan de déploiement d'un opérateur et nécessiter des adaptations techniques longues à mettre en oeuvre. Il est donc nécessaire que France Télécom publie avec un préavis suffisant toute évolution de l'offre de référence.
Ce préavis doit permettre à l'Autorité de s'assurer, le cas échéant, du respect des obligations portant sur les conditions tarifaires et techniques de l'offre. Il a aussi pour fin de permettre à l'ensemble du secteur de répercuter ces évolutions sur les prix de détail dès leur application, de mettre en oeuvre les solutions techniques correspondantes et, le cas échéant, d'adapter leurs processus opérationnels. Au regard des délais de mise en oeuvre des politiques de marketing, et des délais de commande et de mise en place d'équipements techniques, un préavis de trois mois paraît adapté pour que les opérateurs soient en mesure d'utiliser effectivement les nouvelles modalités d'une offre de gros.
Ainsi, sur le fondement des dispositions de l'article D. 307-III du code des postes et des communications électroniques, l'Autorité considère qu'au regard du fonctionnement actuel du marché une durée de trois mois de préavis est adaptée au respect des objectifs d'égalité des conditions de la concurrence, sans pour autant représenter une charge excessive pour France Télécom.
Lorsque ces évolutions contraignent l'opérateur alternatif à modifier ou à adapter ses propres installations, France Télécom devra respecter un délai de un an conformément aux dispositions de l'article D. 99-7 du code des postes et des communications électroniques.
L'obligation de publication avec préavis s'entend sauf décision contraire de l'Autorité. Certains cas particuliers peuvent en effet nécessiter une mise en oeuvre immédiate des évolutions de l'offre. Ce cas peut notamment se rencontrer à la suite d'une décision de règlement de litige ou d'une décision de modification de l'offre de référence.
Notamment, s'agissant de la première offre de référence publiée conformément à la présente décision, il n'y a pas lieu d'observer le préavis de trois mois susmentionné entre sa publication et son entrée en vigueur, et ce afin d'assurer au secteur une mise en oeuvre des obligations telles que détaillées dans la présente décision aussi rapide que possible.
Il apparaît cependant raisonnable de laisser à France Télécom un délai d'un mois à compter de l'entrée en vigueur de la présente décision pour publier une offre de référence qui y soit conforme. Ce délai d'un mois apparaît suffisant au regard du fait qu'une offre pré-existait dans l'ancien cadre, et que France Télécom a pris connaissance des obligations qu'il était envisagé de lui appliquer durant le processus d'analyse des marchés et de consultation du secteur, en amont de l'entrée en vigueur de la présente décision.
II-C-2-d. Transmission des conventions
En vertu de l'article D. 307-I du code, l'Autorité peut imposer, au titre de l'obligation de transparence, à tout opérateur exerçant une influence significative sur un marché pertinent la communication, dès leur conclusion, des conventions d'interconnexion et d'accès.
La publication d'une offre de référence ne s'oppose pas à ce que France Télécom négocie des conditions d'accès qui n'auraient pas été prévues initialement par l'offre, lesquelles doivent être signalées en tant que telles dans la convention.
Toutefois, par référence aux objectifs posés par l'article L. 32-1 du code, l'Autorité doit être en mesure de vérifier qu'aucun opérateur ne fait l'objet d'un traitement discriminatoire tout en veillant parallèlement à ce que le contenu de l'offre de référence réponde de manière satisfaisante aux besoins des opérateurs et à la réalité du marché. En outre, l'obligation de transmission des conventions, à compter de leur signature, est un outil qui permet à l'Autorité d'accroître au cas d'espèce l'efficacité de son action pour promouvoir le développement et l'équilibre des conditions de la concurrence.
Ainsi, eu égard aux spécificités du marché objet de la présente décision, et afin de permettre la réalisation des objectifs de concurrence effective et loyale dans des conditions de non-discrimination, l'Autorité impose à France Télécom de lui transmettre, dans le délai de dix jours suivant leur signature, les conventions d'accès à la boucle locale et les avenants y afférant.
Par ailleurs, conformément à l'article D. 99-6 du code des postes et des communications électroniques, l'Autorité pourra décider de communiquer à la demande d'un tiers intéressé, tout ou partie du texte de la convention, sous réserve des informations couvertes par le secret des affaires.
II-D. - Qualité de service du dégroupage
Conformément à ses missions qui résultent des objectifs fixés dans les dispositions de l'article L. 32-1 du code, l'Autorité est particulièrement attachée à ce que le développement de la concurrence sur les marchés de gros du haut débit améliore l'attractivité des offres de détail, en maintenant notamment une qualité de service élevée dans l'intérêt des consommateurs.
La capacité qu'ont les opérateurs alternatifs de proposer à leurs clients des niveaux de qualité de service satisfaisants (délai de livraison, délai de réparation en cas de panne...) est un paramètre déterminant pour l'établissement d'une concurrence durable sur les marchés de détail, dans le respect des intérêts du consommateur.
Notamment, la bonne qualité de service des offres influe fortement sur la réputation des opérateurs. Sur le marché résidentiel, la réputation du FAI est le deuxième critère cité comme étant déterminant dans le choix des consommateurs (c'est le premier critère de choix pour 25 % des consommateurs) (7) ; cet effet « réputation » joue aussi à travers le conseil des proches, qui est déterminant pour 16 % des consommateurs (8).
Sur le marché professionnel, la qualité de service et la réputation de l'opérateur sont les premiers critères lors du choix d'un opérateur (9), avant toute considération tarifaire. En outre, les offres de détail proposées sur ce marché prévoient généralement des engagements explicites en termes de qualité de service, tels que des délais maximum de temps de rétablissement.
Si la qualité de service des offres aval commercialisées par les opérateurs alternatifs dépend de la qualité de leurs propres prestations, elle est également fonction de la qualité des offres de gros achetées auprès de France Télécom à partir desquelles elles sont construites.
Dans ces circonstances, les opérateurs alternatifs ont des besoins légitimes en termes de qualité de service qui peuvent être résumés par les deux points suivants :
- les niveaux de qualité de service (délais de livraison, de réparation, taux de panne, délai de fourniture d'informations, etc.) annoncés dans les offres de gros doivent être compatibles avec les niveaux de qualité pratiqués, en particulier par France Télécom, sur les marchés de détail - cet objectif correspond notamment à l'obligation de non-discrimination à laquelle est soumise France Télécom ;
- les niveaux de qualité annoncés dans les offres de gros doivent être respectés par France Télécom, afin que les opérateurs alternatifs aient suffisamment de visibilité et puissent s'engager eux-mêmes sur des niveaux de service auprès de leurs clients.
Or, l'historique des marchés de gros du haut débit a mis en évidence que ces deux conditions au développement de la concurrence sur les marchés aval n'étaient pas remplies sans la mise en place de mécanismes spécifiques. Notamment, l'exemple du dégroupage a montré que la simple inscription à l'offre de référence de délais maximaux pour la livraison ou le rétablissement des paires n'était pas suffisant pour garantir leur respect. De plus, comme l'Autorité l'a rappelé dans différents avis (10), la qualité de service du dégroupage n'est toujours pas alignée sur les niveaux de qualité prévalant pour d'autres offres de France Télécom.
Dans ces conditions, l'Autorité estime qu'un dispositif de régulation en deux volets est nécessaire pour assurer que les conditions, en termes de qualité de service, du développement d'une concurrence loyale soient réunies.
(7) Selon l'étude Data Nova 2004. (8) Selon l'étude Data Nova 2004. (9) Selon l'étude Data Nova 2004. (10) Avis no 2003-1298 du 9 décembre 2003 sur les décisions tarifaires de France Télécom no 2003144 et no 2003145 relatives à l'évolution de la tarification de l'offre « Collecte IP/ADSL » et de l'offre « Accès IP/ADSL » et no 2004-162 en date du 10 février 2004 sur les décisions tarifaires no 2003160 et no 2003161 de France Télécom relatives à l'évolution de l'offre « Turbo DSL » et à l'option « Livraison Express ».
II-D-1. Mise en place d'un engagement de niveau de service
En premier lieu, France Télécom doit proposer aux opérateurs un « engagement de niveau de service », i.e. un mécanisme qui l'incite au respect des niveaux de qualité de service annoncés dans l'offre de référence afin que ces niveaux soient garantis pour les opérateurs. Ce mécanisme pourra notamment reposer sur un système de pénalités incitatives ou sur la reconnaissance par France Télécom de sa responsabilité commerciale.
Cette obligation se rattache au régime juridique en vigueur en matière d'accès, dans la mesure où la livraison ou la réparation des accès en fonction d'un délai précis constitue une modalité de mise en oeuvre concrète de l'obligation de faire droit aux demandes d'accès raisonnables. Ainsi, l'article D. 310 du code des postes et des communications électroniques prévoit que l'Autorité « définit en tant que de besoin les conditions de mise en oeuvre des obligations [...] de façon à assurer leur exécution dans des conditions équitables et raisonnables ».
En outre, cette obligation d'engagement de France Télécom au respect des niveaux de qualité de service annoncés peut se prévaloir des dispositions relatives à la non-discrimination dans la mesure où elle permet aux opérateurs alternatifs d'obtenir des conditions sur le marché de gros comparables à celles que France Télécom offre à ses services, filiales ou partenaires : cette obligation leur permet, à l'instar de France Télécom, de s'engager auprès des consommateurs sur les marchés de détail.
Enfin, cette modalité de mise en oeuvre des obligations d'accès fait peser sur France Télécom une contrainte limitée. Ce type d'engagement correspond en effet à des pratiques commerciales courantes sur les marchés concurrentiels et s'avère nécessaire pour pallier les éventuelles réticences de France Télécom dans la fourniture à ses concurrents d'une offre satisfaisante en termes de qualité de service. Au demeurant, il est laissé à l'opérateur toute latitude quant à la forme et aux modalités que peut prendre le mécanisme contraignant, à condition cependant qu'il reste suffisamment incitatif.
Cette mesure apparaît donc comme justifiée au regard de l'objectif d'égalité des conditions de concurrence et proportionnée en ce qu'elle constitue la mesure la moins contraignante pour France Télécom, le choix lui étant laissé de la modalité de mise en oeuvre, de remplir l'objectif d'engagement sur des niveaux de qualité de service.
Enfin, elle est conforme à l'article D. 308 du code qui précise que doivent être inclus dans l'offre de référence d'accès à la boucle locale, au titre des conditions de fourniture, notamment :
- les « délais de réponse aux demandes de fourniture de services et de ressources ; accords sur le niveau du service, résolution des problèmes, procédure de retour au service normal et paramètres de qualité des services ;
- les conditions contractuelles types, y compris, le cas échéant, les indemnités prévues en cas de non-respect des délais ; [...] ».
II-D-2. Publication d'indicateurs de qualité de service
En second lieu, afin de s'assurer de l'effectivité du système d'incitation mis en place par France Télécom et de vérifier que les niveaux de qualité de service de l'offre de gros sont non-discriminatoires par rapport à ce que France Télécom propose à ses propres services sur les marchés aval, l'Autorité estime nécessaire que l'opérateur mesure et publie mensuellement des indicateurs de qualité de service pour l'offre de gros, ainsi que pour les offres aval correspondantes.
En application de l'article D. 307 du code, l'Autorité peut en effet imposer à France Télécom de publier des informations concernant les conditions de fourniture des prestations d'accès.
De plus, la publication des indicateurs de qualité de service est un moyen efficace pour s'assurer, en application des dispositions relatives à la non-discrimination prévues à l'article D. 309 du code des postes et des communications électroniques, que la société France Télécom fournit aux autres opérateurs des services et des informations dans les mêmes conditions et avec la même qualité que ceux qu'elle offre à ses propres services, filiales ou partenaires.
La publication d'indicateurs de niveau de service s'analyse comme une obligation non disproportionnée pour France Télécom. La réalisation de mesures et la publication périodique de plusieurs indicateurs de suivi constitue en effet une pratique très courante et constitue la mesure la moins contraignante pour France Télécom permettant à l'Autorité de s'assurer de l'absence de pratiques discriminatoires et au client final notamment d'apprécier les responsabilités de France Télécom d'une part et de l'opérateur alternatif d'autre part dans la qualité de service de l'offre de détail.
Enfin, France Télécom réalise et transmet déjà aujourd'hui à l'Autorité la mesure de certains indicateurs de qualité de service pour le dégroupage ; cette obligation ne devrait donc pas constituer une contrainte importante pour France Télécom.
Une liste d'indicateurs pertinents sera établie par l'Autorité, après consultation de France Télécom et des opérateurs du dégroupage, au regard notamment des indicateurs que France Télécom élabore déjà pour son propre suivi.
Eu égard aux buts qu'elles poursuivent et compte tenu de ce qui précède, ces obligations de qualité de service répondent d'une façon proportionnée aux objectifs de régulation fixés à l'article L. 32-1 (II) du code et en particulier « à l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques », au développement de « l'investissement efficace dans les infrastructures, de l'innovation et de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques » ou encore à « l'égalité des conditions de concurrence ».
II-E. - Obligation de contrôle tarifaire
L'article L. 38-I (4°) du code des postes et des communications électroniques prévoit que l'Autorité peut imposer un contrôle tarifaire aux opérateurs disposant d'une influence significative, en particulier sous la forme d'une obligation que les tarifs reflètent les coûts correspondants.
France Télécom, en position quasi-monopolistique sur le marché de l'accès à la boucle locale, pourrait fixer les tarifs d'accès ainsi que les tarifs des prestations connexes indépendamment de toute pression concurrentielle au désavantage de ses concurrents sur les marchés aval et, in fine, des consommateurs.
L'Autorité note en effet que l'absence d'obligation que les tarifs reflètent les coûts permettrait à France Télécom de bénéficier d'une rente liée à son monopole sur l'accès cuivre. Une telle rente fausserait les conditions de développement d'une concurrence équitable sur les marchés du haut débit. Par ailleurs, un renchérissement artificiel du coût de la paire de cuivre pour les opérateurs du dégroupage serait mécaniquement répercuté sur les marchés aval, notamment de détail, et ralentirait le développement de la Société de l'information.
L'Autorité estime donc que les tarifs de cette prestation ainsi que des ressources connexes doivent refléter les coûts. En l'absence de mesure moins contraignante qui permettrait de prévenir toute distorsion de concurrence, cette obligation est proportionnée aux objectifs de l'article L. 32-1 (II) du code et en particulier à l'exercice « d'une concurrence effective et loyale », au développement de la compétitivité ou encore à « l'égalité des conditions de concurrence ».
Au demeurant, l'article 3 du règlement européen no 2887/2000 précise que « sans préjudice de l'article 4, paragraphe 4, les opérateurs notifiés orientent les tarifs de l'accès dégroupé à la boucle locale et aux ressources connexes en fonction des coûts ».
II-E-1. Principes généraux
L'article D. 311-II du code des postes et des communications électroniques dispose que, pour la mise en oeuvre de l'obligation de contrôle tarifaire, l'autorité peut, le cas échéant, notamment préciser les méthodes de tarification ou de comptabilisation des coûts. Elle peut également « prendre en compte les prix en vigueur sur les marchés comparables en France ou à l'étranger ». Enfin, elle doit veiller « à ce que les méthodes retenues promeuvent l'efficacité économique, favorisent une concurrence durable et optimisent les avantages pour le consommateur. Elle veille également à assurer une rémunération raisonnable des capitaux employés, compte tenu du risque encouru ».
Pour répondre à ces objectifs, il convient de prendre en compte dans l'exercice d'évaluation des coûts aux fins de tarification de l'accès dégroupé et des ressources connexes, les principes suivants, conformes également aux objectifs qui lui sont fixés dans l'article L. 32-1 (II) du code :
- le principe d'efficacité des investissements ;
- le principe de non-discrimination ;
- le principe de concurrence effective et loyale.
II-E-1-a. Sur le principe d'efficacité des investissements
Les coûts pris en compte doivent correspondre à ceux encourus par un opérateur efficace ; à cet égard, les coûts exposés par l'opérateur seront comparés, dans la mesure du possible et au moins sur la base des tarifs correspondants, à ceux d'autres opérateurs fournissant des prestations comparables. Des modélisations seront également développées.
II-E-1-b. Sur le principe de non-discrimination
France Télécom est soumise à une obligation de non-discrimination au titre de la présente décision.
Par conséquent, les tarifs unitaires applicables pour l'accès à la boucle locale devront être équivalents pour les opérateurs tiers et les propres services ou filiales de France Télécom. Ainsi, lorsque les prestations d'accès à la boucle locale sont utilisées par une filiale ou un service de France Télécom dans des conditions équivalentes à celles qui sont offertes aux opérateurs tiers, cette utilisation doit être valorisée selon des règles elles-mêmes équivalentes à celles utilisées à l'égard des opérateurs tiers. Ce principe s'applique tant à l'accès à la boucle locale, dans ses deux acceptions, accès totalement dégroupé et accès partagé, qu'aux prestations qui y sont associées.
II-E-1-c. Sur le principe de concurrence effective et loyale
Les règles de tarification doivent promouvoir une concurrence loyale et durable ; ceci implique notamment que les tarifs ne créent pas d'obstacle à l'entrée sur le marché. En particulier, ils doivent être établis de manière à éviter la survenance d'effets de ciseau tarifaire entre les prix de l'accès à la boucle locale et les prix pratiqués par France Télécom pour ses services de détail.
II-E-2. Cas du dégroupage total
L'autorité va procéder à une consultation publique visant à définir la méthode pertinente de comptabilisation des coûts à retenir dans le cadre du dégroupage total. Cette méthode sera ensuite notifiée à la Commission européenne conformément à l'article L. 37-3 du code des postes et des communications électroniques avant d'être adoptée.
II-E-3. Cas du dégroupage partiel
Le dégroupage partiel n'est possible que si le client final souscrit par ailleurs un abonnement auprès de France Télécom, celui-ci recouvrant notamment les coûts d'entretien, d'amortissement et de gestion de la paire de cuivre.
L'usage de la bande passante haute dans le cadre d'un accès partagé sur une ligne n'engendre en soi pas de coûts récurrents supplémentaires pour l'opérateur historique, qui continue par ailleurs d'assurer un service téléphonique et perçoit un abonnement dans les mêmes conditions que pour une ligne non dégroupée.
L'équilibre de l'accès téléphonique pour France Télécom n'est ainsi pas modifié par la présence d'un accès partagé, sous la seule réserve des coûts spécifiques.
Dès lors, seule une tarification incrémentale de l'accès partagé apparaît compatible avec l'obligation de reflet des coûts, la paire de cuivre étant elle-même déjà rémunérée au travers de l'abonnement téléphonique. Il en résulte que le tarif de la paire de cuivre alloué à un accès partagé doit correspondre aux coûts incrémentaux de l'accès partagé, c'est-à-dire à ses coûts spécifiques.
Enfin, en vertu du principe de non-discrimination, la valorisation de la bande haute retenue au titre du dégroupage a vocation à être retenue de la même manière pour les autres offres de gros et de détail proposées par France Télécom sur les marché du DSL.
II-F. - Obligation de séparation comptable
L'article L. 38-I (5°) du code des postes et des communications électroniques prévoit que l'Autorité peut imposer aux opérateurs disposant d'une influence significative d'isoler sur le plan comptable certaines activités.
L'obligation de séparation comptable repose sur la mise en oeuvre d'un système de comptabilisation et consiste en un dispositif comptable qui permet notamment, conformément aux dispositions de l'article 11 de la directive « accès » susvisée, d'une part, d'assurer la transparence des prix des offres de gros et des prix de transferts internes à l'entreprise verticalement intégrée, et, de ce fait, de garantir le respect de l'obligation de non-discrimination lorsqu'elle s'applique, et, d'autre part, de prévenir les subventions croisées abusives.
La réintégration de Wanadoo au sein de France Télécom a pour conséquence de renforcer sa structure verticale intégrée et d'accroître les risques concurrentiels, notamment les effets de leviers horizontaux et verticaux, les risques de pratiques prédatrices ou de subventions croisées, ou encore les pratiques de ciseau tarifaire. L'avis du Conseil de la concurrence no 2005-A-03 indique que ce mouvement d'intégration « pourrait faciliter la mise en oeuvre des pratiques décrites ci-dessus dans la mesure où elle pourrait réduire la transparence des flux financiers entre les différents marchés concernés par les activités de France Télécom ».
Par ailleurs, la caractéristique d'infrastructure essentielle de la boucle locale cuivre de France Télécom donne à l'opérateur un pouvoir de marché sur l'ensemble des marchés avals, dont la situation concurrentielle est conditionnée par l'accès des opérateurs alternatifs à cette infrastructure essentielle. France Télécom pourrait être tentée d'abuser de cette position en amont pour tenter d'évincer des marchés avals ses concurrents par le biais de subventions croisées ou de pratiques de ciseau tarifaire et, par voie de conséquence, limiter l'exercice d'une concurrence effective à la fois sur les marchés de gros et sur les marchés de détail.
Ce double aspect de la position concurrentielle de France Télécom sur les marchés du haut débit peut se traduire par des distorsions discriminatoires sur les marchés de gros et les marchés de détail, qui peuvent être mises sous surveillance grâce notamment à l'imposition d'une obligation de séparation comptable.
En effet, comme le mentionne l'avis du Conseil de la concurrence, « dans le cadre de l'ouverture à la concurrence de secteurs auparavant dominés par une entreprise en situation de monopole, la séparation comptable des différentes activités de ces entreprises constitue une condition nécessaire pour s'assurer que le jeu concurrentiel n'est pas faussé. [...] Cette séparation comptable n'apparaît pas toujours suffisante. Elle doit parfois être complétée par une véritable séparation fonctionnelle. A cet égard, il appartient au régulateur sectoriel, conformément aux pouvoirs qui lui ont été donnés par le législateur, de déterminer les mesures ou modalités qui pourraient être imposées à un opérateur verticalement intégré, disposant d'un monopole de fait sur la boucle locale, pour assurer ex ante une égalité des opérateurs, notamment dans les conditions d'accès à la boucle locale ou pour prévenir d'éventuels abus, tant sur les marchés en "amont que sur les marchés "aval ».
Ainsi, compte tenu, d'une part, du caractère verticalement intégré de France Télécom et de la réintégration de Wanadoo au sein de sa société mère, d'autre part, du caractère d'infrastructure essentielle de la boucle locale et, enfin, de la dynamique concurrentielle des marchés amont et aval, il apparaît justifié et proportionné d'imposer à France Télécom une obligation de séparation comptable, au regard notamment des objectifs de « concurrence effective et loyale », d'« égalité des conditions de concurrence » et d'« absence de discrimination » fixés à l'article L. 32-1 (II) du code. Cette obligation constitue le minimum nécessaire pour s'assurer notamment de l'absence de subventions croisées et de pratiques de ciseau tarifaire destinées à évincer des concurrents.
Dans un souci de cohérence et d'homogénéité des obligations imposées à la suite des analyses de marché menées dans le nouveau cadre, cette obligation de séparation comptable sera précisée dans une décision ultérieure, conformément à l'article D. 312 du code des postes et des communications électroniques, et après consultation publique et notification à la Commission européenne.
III. - COMMENTAIRES DES AUTORITÉS RÉGLEMENTAIRES NATIONALES
ET DE LA COMMISSION EUROPÉENNE
La Commission européenne a indiqué qu'elle n'avait pas d'observation à formuler s'agissant de l'analyse du marché de gros de l'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre menée par l'Autorité et de ses conclusions.
Décide :
Article 1
France Télécom doit faire droit à toute demande raisonnable d'accès à des éléments de réseau, ou à des moyens qui y sont associés portant sur le marché de l'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre. Elle doit a minima offrir les prestations d'accès suivantes :
- accès total et partagé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre ;
- offre d'accès totalement dégroupé aux paires inactives et offre de création de ligne par aboutement de tronçons préexistants ;
- options adaptées aux clientèles professionnelle et résidentielle ;
- offre de migration des accès, y compris le délai de coupure maximum correspondant ;
- offre de synchronisation entre dégroupage total et portabilité du numéro, y compris le délai de coupure maximum correspondant ;
- prestations connexes de colocalisation des équipements, y compris les conditions de mutualisation des ressources ;
- prestations connexes de raccordement des équipements au réseau des opérateurs tiers, y compris les conditions de mutualisation des ressources ;
- offre d'accès aux informations préalables.Article 2
Les prestations de gros afférentes à l'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre et aux prestations connexes proposées actuellement par France Télécom sont maintenues et inscrites à l'offre technique et tarifaire détaillée d'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre.Article 3
France Télécom doit fournir toute prestation relative aux offres de gros d'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre dans des conditions non discriminatoires. A ce titre, elle doit notamment veiller à ce que les processus opérationnels et l'introduction de nouvelles technologies ne soient pas discriminatoires.Article 4
France Télécom est soumise à une obligation de transparence. A ce titre, elle devra en particulier transmettre à l'Autorité les conventions d'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre et les avenants correspondants dans les dix jours suivant leur conclusion.Article 5
France Télécom doit publier une offre technique et tarifaire détaillée d'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre.
Cette offre décrit les prestations d'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre et leurs modalités de façon détaillée en précisant au minimum les éléments listés en annexe à la présente décision.Article 6
Toute évolution de l'offre technique et tarifaire d'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre décidée par France Télécom devra faire l'objet d'un préavis de trois mois, sauf décision contraire de l'Autorité, sous réserve des dispositions de l'article D. 99-7 du code des postes et des communications électroniques.Article 7
France Télécom doit, au titre de l'obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'accès, inscrire à l'offre technique et tarifaire d'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre un engagement de niveau de service et un mécanisme incitatif à son respect.Article 8
Au titre des obligations de transparence et de non-discrimination, France Télécom doit mesurer et publier des indicateurs de qualité de service pertinents pour les offres de gros d'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre et les offres aval correspondantes du groupe France Télécom.
Cette obligation sera précisée par une décision complémentaire ultérieure.Article 9
France Télécom doit offrir les prestations d'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre ainsi que les prestations associées à des tarifs reflétant les coûts correspondants, en respectant en particulier les principes d'efficacité, de non-discrimination et de concurrence effective et loyale.
Le tarif d'un accès partagé doit correspondre aux coûts incrémentaux de l'accès partagé, c'est-à-dire à ses coûts spécifiques.
S'agissant du tarif du dégroupage total, cette obligation fera l'objet d'une décision complémentaire ultérieure.Article 10
France Télécom est soumise à une obligation de séparation comptable et une obligation relative à la comptabilisation des coûts des prestations d'accès concernant les offres de gros d'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre.
Cette obligation fera l'objet d'une décision complémentaire ultérieure.Article 11
Les obligations définies aux articles 1er, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9 et 10 de la présente décision sont imposées à France Télécom à compter de la date de notification à France Télécom de la présente décision. Toutefois, s'agissant de la publication d'une offre de référence conforme à ces obligations, France Télécom devra publier cette offre au plus tard un mois à compter de cette notification.
Ces obligations sont imposées à France Télécom jusqu'au 1er mai 2008, sans préjudice d'un éventuel réexamen anticipé dans les conditions fixées par les dispositions de l'article D. 303 du code des postes et des communications électroniques.Article 12
Le directeur général de l'Autorité est chargé de l'application de la présente décision. Il notifiera à France Télécom cette décision et son annexe, qui seront publiées au Journal officiel de la République française.
Fait à Paris, le 19 mai 2005.
Le président,
P. Champsaur
A N N E X E
L'offre de référence comprendra a minima les prestations suivantes :
1. Offres d'accès :
- offre d'accès totalement dégroupé et partiellement dégroupé ;
- offre d'accès à la boucle locale et à la sous-boucle locale ;
- offre d'accès totalement dégroupé aux paires inactives et offre de création de ligne par aboutement de tronçons préexistant ;
- options adaptées aux clientèles professionnelle et résidentielle ;
- offre de migration des accès ;
- offre de synchronisation entre dégroupage total et portabilité du numéro ;
- prestations connexes de colocalisation des équipements y compris les conditions de mutualisation des ressources :
- offre d'emplacements en salles de cohabitation ;
- offre d'emplacements en espaces dédiés dans les bâtiments de France Télécom ;
- offre de cohabitation physique adaptée aux sites de moins de 5 000 lignes et permettant un degré satisfaisant de mutualisation ;
- offre adaptée aux sous-répartiteurs ;
- offre de colocalisation distante ;
- prestations connexes de raccordement des équipements au réseau des opérateurs tiers y compris les conditions de mutualisation des ressources.
2. Les modalités d'accès à ces prestations seront détaillées en précisant notamment les éléments suivants :
a) Items généraux :
- l'intégralité des conditions de souscription de l'offre, notamment statutaires et financières ;
- les obligations financières et contractuelles des parties ;
b) Informations préalables :
- la liste des répartiteurs, leur nombre de ligne et leur commune de rattachement ;
- les modalités d'accès aux informations préalables plus détaillées concernant les répartiteurs et sous-répartiteurs, notamment leur zone d'emprise, leur adresse et les modalités de colocalisation correspondantes ;
- les modalités d'accès aux informations préalables plus détaillées concernant les lignes, notamment les informations d'éligibilité ;
c) Caractéristiques techniques des services d'accès et des prestations connexes :
- la description complète des interfaces d'accès ;
d) Modalités d'accès à l'offre :
- les processus de commande et de résiliation des accès et des ressources connexes ;
- les processus de signalisation et de rétablissement des dysfonctionnements constatés ;
- les conditions de partage des installations liées à la colocalisation des équipements et au raccordement physique des réseaux ;
- la liste des équipements autorisés pour les différents modes de colocalisation ;
- la liste des technologies autorisées au répartiteur et au sous-répartiteur ;
e) Qualité de service :
- la qualité de service standard des prestations fournies et les options de qualité de service renforcées qui peuvent être souscrites ;
- l'engagement de niveau de service associé, et le mécanisme incitatif à son respect ;
f) Grille tarifaire :
- l'intégralité des tarifs relatifs à des prestations d'accès dégroupé et aux prestations connexes, et notamment :
- les tarifs du dégroupage total et partiel, à la boucle et à la sous-boucle ;
- les tarifs des options de qualité de service ;
- les tarifs des informations préalables ;
- tous les tarifs liés à la colocalisation des équipements ;
- tous les tarifs liés à l'environnement de la colocalisation ;
- tous les tarifs liés au raccordement des sites de dégroupage par les opérateurs.