J.O. 47 du 25 février 2005
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Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2005-171 du 24 février 2005 simplifiant les procédures de constitution et de réalisation des contrats de garantie financière
NOR : ECOX0400308P
Monsieur le Président,
Le Parlement a adopté la loi no 2004-1343 du 9 décembre 2004 habilitant le Gouvernement à simplifier le droit.
L'article 35 de cette loi prévoit notamment que le Gouvernement pourra procéder par ordonnance pour simplifier les procédures de constitution et de réalisation des contrats de garantie financière, et pour transposer la directive 2002/47 /CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juin 2002 concernant les contrats de garantie financière.
La présente ordonnance vise donc à prendre les mesures nécessaires à la transposition de cette directive en droit français ainsi que des mesures complémentaires de clarification et de simplification de certains types de garanties financières.
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Les contrats de garantie financière ont connu un fort développement ces dernières années, parallèlement à la très forte croissance des transactions financières dont ils assurent la sécurité et garantissent la bonne fin. Selon les estimations, le montant total des garanties constituées sur les marchés de produits dérivés est d'environ 1 000 milliards de dollars au début de l'année 2004. De son côté, l'Eurosystème détenait en décembre 2003 près de 300 milliards d'euros de contrats de garantie transfrontaliers.
Toutefois, au sein de l'Union européenne, les règles nationales concernant l'utilisation des garanties sont souvent complexes, discordantes, peu pratiques, voire obsolètes. Par l'insécurité juridique et le doute qu'elles peuvent engendrer sur la validité de la protection offerte par les garanties, elles limitent sérieusement leur efficacité et réduisent inutilement le volume des transactions par un effet dissuasif. L'accès aux services financiers s'en trouve réduit et les coûts accrus. A l'inverse, l'acceptation mutuelle des garanties transfrontalières par les opérateurs et la bonne exécution de celles-ci sont essentielles à la stabilité du système financier européen ainsi qu'au développement d'un marché financier liquide, intégré et économiquement efficace.
La directive 2002/47 /CE sur les contrats de garantie financière vise à créer un régime commun minimal en Europe pour favoriser l'intégration des marchés financiers européens et renforcer la stabilité du système financier communautaire. Elle prévoit ainsi que :
- les Etats membres reconnaissent deux régimes de garantie, l'un avec transfert de propriété, l'autre avec constitution de sûreté sans transfert de propriété (nantissement) ;
- le champ d'application des garanties financières doit être élargi pour permettre de couvrir tout contrat comportant un règlement en espèces ou la livraison d'instruments financiers, ce qui, dans la pratique, couvre tout type de contrat ;
- le formalisme attaché à la constitution et à la mise en oeuvre de ces garanties soit réduit ;
- les Etats membres prévoient la faculté de réutilisation des titres nantis par le créancier-bénéficiaire du nantissement en contrepartie d'une obligation de restitution ;
- les Etats membres se dotent de mécanismes simplifiés de mise en oeuvre des garanties, qui étendent la possibilité de compenser les obligations réciproques des parties ;
- les garanties financières constituées sous ce régime sont opposables aux procédures collectives ainsi qu'aux procédures civiles d'exécution ;
- les Etats membres doivent appliquer une règle de conflit de lois qui précise le droit applicable aux garanties constituées sur des instruments financiers en fonction du lieu de localisation du compte auquel ils sont crédités.
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Traditionnellement, le droit français permet le recours à des garanties sous la forme de sûretés réelles sans transfert de propriété (nantissement) principalement sous la forme d'un gage. Le mécanisme du gage présente toutefois un formalisme assez lourd pour sa constitution, nécessitant un acte écrit et une dépossession réelle du débiteur, ainsi qu'une certaine lourdeur dans la mise en oeuvre (enchère, intervention du juge). Dans le secteur financier, ces exigences sont rédhibitoires notamment lorsqu'il s'agit de garantir des transactions opérées sur les marchés financiers.
Depuis plusieurs années, le droit français a donc évolué pour s'adapter aux besoins du secteur financier. D'une part, des mécanismes reposant sur un transfert de propriété et offrant ainsi une garantie plus forte que le gage ont été admis, d'autre part, le gage de compte d'instruments financiers, introduit par la loi de modernisation des activités financières de 1996, permet une constitution plus souple du nantissement et offre une plus grande protection au créancier.
Néanmoins, la transposition de la directive nécessite certains aménagements :
- un élargissement très important du champ matériel d'application du régime des garanties financières : l'éventail des contrats susceptibles d'être couverts par ces garanties est aujourd'hui limité aux seules opérations sur instruments financiers, la directive prévoit son extension à tous les types de contrats qui comporte un règlement en espèces ou la livraison d'instruments financiers ce qui, dans la pratique, couvre tout type de contrat ;
- un allégement des formalités attachées à la constitution comme à la réalisation de ces garanties, notamment par l'abandon de l'obligation de se référer aux conventions-cadres de place ; le recours aux conventions-cadres reste possible mais devient optionnel ;
- l'introduction d'un droit de « ré-utilisation » des titres nantis, qui est totalement impossible dans le cadre juridique actuel du nantissement.
Ces adaptations vont contribuer à renforcer la sécurité juridique des preneurs de garanties et à réduire les coûts pour le constituant. Elles sont particulièrement utiles aux professionnels français qui font valoir que le droit anglo-saxon, qui repose non pas sur le concept de propriété mais sur celui de titularité (les investisseurs ne sont pas propriétaires des titres, mais titulaires d'un droit de créance à l'égard de l'intermédiaire qui tient le compte) offre beaucoup plus de souplesse dans la constitution de garanties et pour la réutilisation des titres mis en garantie.
Le champ d'application de la directive ne repose pas sur une définition des créances couvertes mais uniquement des parties qui peuvent les mettre en oeuvre en distinguant, d'une part, les personnes publiques et les personnes dites « réglementées » du secteur financier (établissements de crédit, entreprises d'investissement, entreprises d'assurance...) et, d'autre part, les entreprises commerciales « non réglementées » qui ne sont pas soumises à un agrément ou à une réglementation prudentielle.
La directive permet aux Etats qui le souhaitent d'exclure ces dernières du champ de la transposition qui serait ainsi limitée aux seules obligations nées entre deux personnes publiques ou réglementées. L'ordonnance retient une solution intermédiaire qui permet de ne pas remettre en cause les mécanismes déjà mis en place dans le droit français sans pour autant réduire, pour les entreprises commerciales non réglementées, le champ du droit commun des procédures collectives.
Enfin, l'ordonnance prévoit une clarification du régime du gage de compte d'instruments financiers. D'une part, elle rappelle que bénéficient du régime du gage non seulement les titres initialement inscrits dans le compte gagé mais également ceux qui y ont été inscrits postérieurement, en garantie de la créance initiale. Ce mécanisme est au coeur du gage de compte d'instruments financiers mais il avait été contesté sur la base d'une interprétation erronée de la lettre de la loi. L'ordonnance précise ainsi l'interprétation qu'il faut donner à la loi, sans en changer le sens. D'autre part, le projet d'ordonnance prévoit le régime des fruits et produits des instruments financiers gagés lorsqu'ils sont en forme nominative et conservés par l'émetteur.
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L'article 1er précise le régime juridique du gage de compte d'instruments financiers. D'une part, le projet d'ordonnance rappelle que bénéficient du régime du gage non seulement les titres initialement inscrits dans le compte gagé mais également ceux qui y ont été inscrits postérieurement, en garantie de la créance initiale. Ce mécanisme est au coeur du gage de compte d'instruments financiers, dont il assure la souplesse mais il avait été contesté sur la base d'une interprétation erronée de la lettre de la loi. L'ordonnance précise ainsi l'interprétation qu'il faut donner à la loi, sans en changer le sens. D'autre part, l'article 1er prévoit l'ajout d'un paragraphe à l'article L. 431-4 pour organiser le régime des fruits et produits des instruments financiers gagés lorsqu'ils sont en forme nominative et conservés par l'émetteur.
L'article 2 assure la transposition de la directive 2002/47 sur les contrats de garantie financière. Il opère une profonde modification de l'article L. 431-7 du code monétaire et financier qui est abrogé et remplacé par six nouveaux articles couvrant un champ plus large que l'actuel article L. 431-7.
Le nouvel article L. 431-7 redéfinit le domaine d'application des garanties financières offrant ainsi de plus larges possibilités aux entités publiques ou réglementées concluant des contrats entre elles. Pour celles-ci en effet, les obligations financières issues de tout contrat peuvent bénéficier des mécanismes prévus aux nouveaux articles L. 431-7 à L. 431-7-5. En revanche, les entreprises commerciales non réglementées ne bénéficient pas de cette extension mais conservent les prérogatives dont elles disposent actuellement dans l'article L. 431-7 pour les seules obligations financières résultant d'opérations sur instruments financiers réalisées avec une entité publique ou une personne réglementée.
La condition tenant à la conformité des conventions passées entre les parties, quelle que soit leur qualité, aux principes généraux de conventions-cadres de place, nationales ou internationales est supprimée, conformément aux dispositions de la directive.
Les dispositions relatives aux mécanismes de la résiliation-compensation ou de la compensation globale de leurs obligations réciproques prévues par l'actuel article L. 431-7 sont reprises, adaptées au nouveau champ d'application et regroupées aux II et III du nouvel article L. 431-7.
L'article précise enfin que les modalités de résiliation, d'évaluation et de compensation des opérations susmentionnées sont opposables aux tiers, notamment aux créanciers, et sont opposables aux procédures d'exécution.
Le nouvel article L. 431-7-1 reprend les dispositions de l'actuel cinquième alinéa de l'article L. 431-7, qui prévoit déjà la cession de créances relatives aux obligations financières susmentionnées, mais en l'élargissant aux contrats issus de ces obligations et en simplifiant encore le mécanisme en n'exigeant plus, pour les cessions de créance, que le débiteur cédé ait donné par écrit son accord à cette cession, mais qu'elle lui soit seulement notifiée.
Le nouvel article L. 431-7-2 étend la neutralisation du droit interne des procédures collectives opérée par le sixième alinéa de l'actuel article L. 431-7, aux « procédures judiciaires ou amiables équivalentes ouvertes sur le fondement de droits étrangers », conformément à la directive.
Le nouvel article L. 431-7-3 reprend, à son I, le cinquième alinéa de l'actuel article L. 431-7, qui prévoit déjà que des garanties puissent être constituées sous forme de remises en pleine propriété ou de nantissement, sur des espèces, instruments financiers, valeurs, effets ou créances. Afin de se conformer à la directive, il est proposé de préciser que ces garanties peuvent être constituées sur toute obligation présente ou future découlant des obligations mentionnées au I de l'article L. 431-7 nouveau, et qu'elles sont réalisables même si l'une des parties fait l'objet d'une procédure collective ou d'une procédure d'exécution.
Les autres paragraphes introduisent en revanche des dispositions tout à fait nouvelles pour le droit français. Le II prévoit, pour les garanties constituées entre des parties publiques ou régulées, un dispositif totalement dérogatoire au droit commun, réduisant au maximum les formalités de constitution, ne prévoyant pas d'autre formalité que la possibilité d'une attestation par écrit qui pourra être faite dans un format électronique et exonérant leur réalisation de tout formalisme.
Le III introduit le droit de réutilisation par le bénéficiaire des biens et droits nantis. Ce droit doit avoir été prévu conventionnellement par les parties, et est subordonné à la restitution par le bénéficiaire de biens et droits équivalents. Ce droit de réutilisation est l'une des principales innovations du projet d'ordonnance. Il donnera une plus grande souplesse aux contrats de garanties sans transfert de propriété permettant d'en abaisser le coût pour le constituant et d'en accroître l'intérêt économique pour le créancier. Le droit de réutilisation devra être mis en oeuvre dans le respect des réglementations garantissant le principe de ségrégation des actifs et la réglementation prudentielle.
Le IV assure la validité des opérations de réalisation des garanties face aux procédures d'exécution concernant les biens et droits donnés en garantie.
Le nouvel article L. 431-7-4 prévoit une règle de conflit de loi conforme à celle de la directive. La règle prévoit que le lieu de localisation du compte sur lequel sont inscrits les titres remis en garantie détermine le droit applicable au contrat de garantie.
Le nouvel article L. 431-7-5, symétrique à l'article L. 431-7-2, qui prévoit l'opposabilité des garanties non seulement aux procédures collectives du droit français, mais aux procédures équivalentes ouvertes sur le fondement de droits étrangers.
Au-delà des modifications apportées à l'article L. 431-7, le projet d'ordonnance prévoit des modifications apportées à d'autres articles du code monétaire et financier, afin de compléter et d'assurer la cohérence du nouveau dispositif mis en place.
Ainsi, l'article L. 141-4, relatif aux garanties constituées au profit des banques centrales nationales membres du système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne dans le cadre des systèmes de paiement, est modifié, à l'article 3, afin de rendre ces garanties opposables non seulement, comme c'est actuellement le cas, en cas d'ouverture d'une procédure collective d'une de leurs contreparties, mais aussi en cas d'ouverture de procédures d'exécution à l'encontre de ces dernières.
L'article 4 modifie l'article L. 330-2 afin de clarifier et de préciser sa rédaction en tenant compte notamment des modifications de l'article L. 431-7 et des nouveaux articles L. 431-7-1 à L. 431-7-5. Les modifications apportées à l'article L. 330-2 renforcent les garanties conclues dans le cadre des systèmes de règlements interbancaires et de règlement-livraison de titres.
L'article 5 abroge l'article L. 311-4 pour tenir compte de ce que le nouveau champ d'application des articles L. 431-7 à L. 431-7-5 permet de couvrir également le cas des dettes et créances afférentes aux crédits et dépôts de fonds.
L'article 6 permet l'application à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna des dispositions de cette ordonnance.
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Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.