J.O. 42 du 19 février 2005       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Avis n° 2005-AC-1 du 17 février 2005 de la Commission des participations et des transferts relatif au transfert au secteur privé de la société Snecma


NOR : ECOX0508119V



La commission émet l'avis suivant :

I. - Par lettres en date du 28 octobre 2004, du 11 décembre 2004 et du 10 février 2005, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a saisi la commission, en application de l'article 4 de la loi no 86-912 du 6 août 1986 modifiée, en vue d'autoriser le transfert au secteur privé de la société Snecma par apport d'actions détenues par l'Etat à une offre publique d'échange et d'achat initiée par la société Sagem.

Aux termes des dispositions dudit article 4 et de l'article 1er (1°) du décret du 3 septembre 1993 modifié susvisé, l'opération étant prévue par un « accord de coopération industrielle, commerciale ou financière » qui « emporte restructuration d'une ou plusieurs entreprises intéressant directement la défense nationale », la commission est appelée à rendre un avis, dont la conformité est requise, sur le choix du ou des acquéreurs, sur la parité ou le rapport d'échange et sur l'ensemble des conditions de la cession. L'opération présente l'originalité d'être mise en oeuvre par une offre publique sur le marché.

Le décret du 26 novembre 2004 susvisé a autorisé le transfert du secteur public au secteur privé de la société Snecma.

En application de l'article 1er (1°) du décret du 3 septembre 1993 modifié susvisé, un avis a été publié au Journal officiel du 2 décembre 2004. La commission a été informée que cette publication n'a pas suscité de réaction.

Le rapprochement de Sagem et de Snecma est soumis à un accord de la Commission européenne, que celle-ci a donné le 22 décembre 2004.

Faisant usage de la faculté prévue au dernier alinéa de l'article 11 de la loi du 6 août 1986 modifiée susvisée, le ministre a indiqué à la commission son intention de mettre en oeuvre une offre réservée aux salariés.

II. - La société Snecma a été introduite en bourse en juin 2004 par la cession d'environ 35 % des actions sur le marché et aux salariés du groupe. L'Etat détient depuis lors un peu plus de 62 % du capital.

Le 29 octobre 2004, les sociétés Sagem et Snecma ont rendu public un projet, négocié pendant l'été, de rapprochement amical entre les deux groupes en vue de constituer un acteur important de l'industrie de l'aéronautique civile, de la défense, des télécommunications et de l'électronique.

Dans un communiqué du même jour, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et la ministre de la défense ont indiqué que l'Etat, en tant qu'actionnaire majoritaire de Snecma, examinerait avec intérêt les modalités du projet.

L'objectif du rapprochement est d'aboutir à la fusion de Sagem et de Snecma, dont la réalisation juridique est prévue au cours de l'année 2005.

Une première étape consiste en une offre publique initiée par Sagem sur la totalité des actions de Snecma. Les caractéristiques de l'offre sont décrites au point IV du présent avis. Le schéma prévu pour aboutir à la fusion évite que le secteur public ne devienne, à un quelconque moment, actionnaire majoritaire du nouvel ensemble.

Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a indiqué à la commission que l'Etat français, qui détient la majorité du capital de Snecma, se proposait d'apporter environ 54,5 % du capital de Snecma à l'offre.

L'Etat détiendrait in fine, après apport à l'offre publique, réalisation de l'opération réservée aux salariés et fusion de Sagem et Snecma, environ le tiers du capital du nouveau groupe et le secteur public dans son ensemble (Etat, Areva, CDC) posséderait 43 %. Le montant exact des participations publiques dépendra des réponses à l'offre publique et à l'offre aux salariés.

L'Etat étant susceptible de franchir, à l'issue de l'offre ou de la fusion, le seuil du tiers du capital de Sagem, l'Autorité des marchés financiers a accordé, par décision du 9 décembre 2004 susvisée, une dérogation à l'obligation de déposer une offre publique visant l'ensemble des actions Sagem. Elle a également estimé que la fusion projetée ne justifie pas la mise en oeuvre préalable d'une offre publique de retrait des actions de la société Snecma.

III. - L'opération de rapprochement repose sur deux actes essentiels susceptibles d'affecter les intérêts de l'Etat : un accord de coopération industrielle entre les deux groupes et une convention relative aux actifs et filiales stratégiques entre l'Etat, Sagem et Snecma.

L'accord de coopération industrielle, signé définitivement le 21 décembre 2004, comprend les objectifs de l'opération, l'organisation et les activités des deux groupes, les synergies détaillées qu'ils se proposent de mettre en oeuvre ainsi que les modalités du rapprochement. Les organes sociaux de Sagem (dont la dénomination sociale sera changée) comporteront à l'origine un directoire de 3 membres et un conseil de surveillance de 18 membres composé à parité ; sur les 9 membres présents au titre de Snecma, 5 d'entre eux représenteront l'Etat et seront désignés par celui-ci selon la réglementation en vigueur. Cette structure a été approuvée par l'assemblée générale extraordinaire de Sagem réunie le 20 décembre 2004, sous condition suspensive du succès de l'offre. Il est convenu que le président du directoire sera l'actuel président de Snecma et que le président du conseil de surveillance sera l'actuel président de celui de Sagem.

Comme indiqué au point I, les objectifs de cet accord industriel ont été publiés au Journal officiel et sont les suivants :

- « en priorité, tirer avantage de la forte croissance des besoins en électronique (spécialité de Sagem) pour le développement des produits de mécanique aéronautique civile et militaire de Snecma (systèmes de propulsion, d'atterrissage...) ;

- renforcer la compétitivité des deux groupes sur certains marchés aéronautiques grâce à une offre intégrée produits et services combinant leurs compétences technologiques respectives (par exemple, dans le domaine de la rénovation d'avions de combat ou de drones ainsi que dans celui de la maintenance) ;

- développer des synergies industrielles (mécanique, câbles pour câblages aéronautiques...) ;

- bénéficier d'un réseau commercial mondial densifié ;

- renforcer la stabilité financière et la récurrence des profits des deux groupes en assurant un meilleur équilibre des cycles d'exploitation différents de l'aéronautique civile, d'une part, et de la défense et des télécommunications, d'autre part, ainsi que réduire l'exposition nette au dollar de ces sociétés (Sagem ayant une position nette acheteuse et Snecma une position nette vendeuse). »

Sagem et Snecma oeuvrent toutes deux pour la défense nationale. Elles fournissent en particulier des éléments des missiles de la force de dissuasion nucléaire, de la propulsion spatiale et des moteurs d'avions d'armes. En vue de protéger les intérêts nationaux, l'Etat, Sagem et Snecma ont conclu une convention dont les principaux termes ont été publiés dans la note d'information de l'offre publique et visent à protéger les actifs identifiés comme stratégiques, sensibles ou de défense. Cette convention donne en particulier à l'Etat le droit d'être représenté sans droit de vote aux conseils d'administration des sociétés détentrices de ces actifs. L'Etat dispose d'un droit d'agrément préalable sur l'acquisition par un tiers de tels actifs, sur les cessions de titres de certaines filiales ou sur le franchissement des seuils de 33,33 % ou 50 % de leur capital. L'Etat aura le droit d'acquérir, à prix d'expert, les titres et les actifs de SPS et Microturbo en cas de franchissement par un tiers d'un multiple de 10 % du capital de Sagem ou Snecma.

En considération de ces dispositions, l'Etat n'a pas institué d'action spécifique au capital de Snecma.

IV. - Les modalités de l'offre publique initiée par Sagem sur l'intégralité du capital de Snecma sont détaillées dans la note d'information publique qui a été visée le 17 janvier 2005 par l'Autorité des marchés financiers. Les caractéristiques essentielles sont les suivantes :

L'offre comprend :

- une offre principale qui propose aux actionnaires de Snecma d'échanger leurs actions selon une parité de 15 actions Sagem à émettre pour 13 actions Snecma ;

- une offre subsidiaire qui propose aux actionnaires de Snecma l'acquisition de leurs actions au prix de 20 euros par action.

Les actionnaires de Snecma peuvent apporter leurs actions à l'une ou à l'autre des deux offres, ou en combinant les deux. Les rompus seront indemnisés en numéraire.

L'offre subsidiaire est limitée globalement à 62,5 millions d'actions de Snecma. Au cas où le nombre d'actions présentées serait plus élevé, une réduction proportionnelle serait opérée et les actions Snecma ne pouvant de ce fait être apportées à l'offre subsidiaire seraient réputées avoir été apportées à l'offre principale.

Il ne serait pas donné suite à l'offre dans l'hypothèse où le nombre total des actions Snecma apportées ne représenterait pas 50 % du capital et des droits de vote de Snecma plus une action.

L'offre publique s'est ouverte le 19 janvier 2005 et sa clôture interviendra le 23 février. Les délais pour un recours à l'encontre de la décision de recevabilité de l'offre et pour le dépôt d'une offre concurrente sur les titres de Snecma sont désormais expirés.

V. - Snecma est un groupe intégré qui exerce une activité de motoriste et d'équipementier sur les marchés de l'aéronautique civile et militaire ainsi que de l'industrie spatiale. La commission a décrit de façon détaillée l'activité de Snecma dans son avis du 8 juin 2004 susvisé.

Les comptes de l'exercice 2004 qui viennent d'être publiés font apparaître une progression du chiffre d'affaires de 6 % par rapport à 2003. D'un montant un peu supérieur à 6,8 milliards d'euros, il approche celui de 2001, antérieur à la crise du secteur. L'excédent brut d'exploitation (EBITDA) est en 2004 en hausse de 5 % à 836 millions tandis que le résultat d'exploitation (EBIT) progresse de 7 % pour atteindre 511 millions d'euros. Le résultat net, part du groupe, est de 234 millions, en hausse de 29 %.

Les deux branches d'activité du groupe ont évolué de la façon suivante :

- la branche propulsion a représenté 66 % du chiffre d'affaires consolidé du groupe en 2004. Elle regroupe les moteurs pour avions civils (plus de la moitié du chiffre d'affaires de la branche), pour avions militaires, pour les missiles et satellites et pour les hélicoptères. Grâce au redressement de la demande du secteur aéronautique, le chiffre d'affaires en 2004 (4,5 milliards d'euros) est en hausse de 8,7 % par rapport à 2003 tandis que le résultat d'exploitation (384 millions d'euros) progresse de 33 % ;

- la branche équipements a représenté 34 % du chiffre d'affaires consolidé du groupe. Elle rassemble principalement la fabrication des roues et freins (Messier-Bugatti), des trains d'atterrissage (Messier-Dowty), des nacelles et inverseurs de poussée (Hurel-Hispano), des systèmes de liaison électrique (Labinal), des systèmes de transmission de puissance (Hispano-Suiza), des connecteurs (Cinch) et des moteurs électriques miniaturisés (Globe Motors). Le chiffre d'affaires en 2004 (2,3 milliards d'euros) est en hausse de 1 % par rapport à 2003 tandis que le résultat d'exploitation (384 millions d'euros) diminue de 16 %, ces chiffres s'expliquant par la baisse de cadence prévue sur certains programmes et le poids plus élevé de la recherche développement liée au A 380.

Le résultat net du groupe a notamment bénéficié des nouvelles dispositions fiscales en faveur de la recherche développement.

Le bilan au 31 décembre 2004 fait apparaître des fonds propres consolidés de 1,4 milliard d'euros et une trésorerie nette positive.

VI. - La société Sagem a été créée en 1924 et rachetée en 1985 par ses salariés. Elle a procédé à une croissance externe par rachat de sociétés et de branches d'activités d'autres groupes.

Les actions de Sagem sont admises aux négociations sur le premier marché d'Euronext Paris et sont éligibles au règlement différé. L'action Sagem figure dans plusieurs indices notamment le SBF 120.

Le capital de Sagem est actuellement réparti de la façon suivante :

- public : 38,7 % (30,8 % des droits de vote) ;

- Areva : 17,4 % (23,3 % des droits de vote) ;

- Club Sagem : 15,9 % (14 % des droits de vote) ;

- actionnaires issus du personnel : 10,7 % (15,4 % des droits de vote) ;

- FCPE : 6,1 % (6,4 % des droits de vote) ;

- CDC : 4,1 % (4,5 % des droits de vote) ;

- BNP Paribas : 4,1 % (6,0 % des droits de vote) ;

- autocontrôle : 2,9 %.

Il existe un pacte sur la détention de leurs titres entre Club Sagem, Areva et BNP Paribas signé en décembre 2003 et alors porté à la connaissance du public.

Sagem est un groupe d'électronique qui fournit des produits et des services dans les télécommunications, la défense et la sécurité. Fortement innovatrice, la société poursuit une stratégie visant à profiter de ruptures technologiques dans ses secteurs d'activité, grâce notamment à l'association de technologies liées à des métiers différents. Elle intervient d'ordinaire sur des marchés déjà confirmés et signe des accords avec des distributeurs, limitant ainsi ses risques et ses coûts.

En 2004, la société a réalisé un chiffre d'affaires consolidé de 3,57 milliards d'euros contre 3,18 durant l'exercice précédent (+ 12,3 %). Le groupe est organisé en deux branches :

- la branche communication réalise environ les deux tiers du chiffre d'affaires du groupe, soit en 2004 un montant de 2,41 milliards d'euros (+ 14,9 % par rapport à 2003). Elle regroupe, approximativement à parts égales, les téléphones mobiles (Sagem est le premier constructeur en France et le sixième en Europe) et les terminaux résidentiels et de haut débit (fax, dont il est le premier constructeur européen, serveurs, imprimantes photos, décodeurs, télévisions à écran plat DLP, téléphones sans fil, compteurs électriques, dont il est le premier fournisseur en France) ;

- la branche défense et sécurité réalise un tiers du chiffre d'affaires, soit en 2004 un montant de 1,16 milliard d'euros (+ 7,2 %). Elle regroupe trois grands domaines d'activités, dont les deux premiers, l'optronique et les systèmes aéroterrestres, d'une part, la navigation et les systèmes aéronautiques, d'autre part, concernent la défense et représentent les deux tiers du chiffre d'affaires de la branche. Sagem y détient des positions de leader au niveau européen et parfois mondial (optique spatiale et commandes de vol d'hélicoptères). Le troisième domaine est la sécurité (systèmes biométriques, monétique, cryptologie, cartes à puce, radars routiers, contrôles d'accès et de flux).

Le groupe emploie près de 15 000 salariés dont la proportion de cadres et ingénieurs (29 %) est élevée. Environ 56 % du personnel est employé par la branche communication.

Les comptes de l'exercice 2004 qui viennent d'être publiés font apparaître un excédent brut d'exploitation de 369 millions d'euros (+ 21,4 %), un résultat d'exploitation de 206 millions (+ 22,1 %) et un résultat net part du groupe de 134 millions (+ 12,1 % par rapport à l'exercice 2003, qui avait enregistré une plus-value exceptionnelle).

La progression du résultat d'exploitation a été la plus forte dans la branche communications ( + 26,9 %) grâce à l'essor des terminaux résidentiels et haut débit ( + 50,6 %) tandis que la branche défense et sécurité voyait son résultat progresser de 16,5 %.

Le bilan de Sagem au 31 décembre 2004 fait apparaître des fonds propres de 1,2 milliard d'euros et une trésorerie nette positive de 407 millions d'euros.

VII. - L'article 3 de la loi du 6 août 1986 modifiée susvisée dispose qu'en cas de remise d'actifs l'évaluation à laquelle doit procéder la commission porte sur la parité ou le rapport d'échange.

Le projet d'arrêté soumis à la commission prévoit que les titres de Sagem qui seront apportés par l'Etat soient présentés à l'offre subsidiaire en espèces. Comme il est expliqué au point IV, cette offre comporte une limite maximale au-delà de laquelle les apporteurs sont réputés avoir apporté leurs titres excédentaires à l'offre principale d'échange. Les conditions de marché actuelles suggèrent que cette limite sera dépassée, le prix en espèces s'avérant à ce jour nettement supérieur à l'échange valorisé selon le cours de bourse de Sagem. En conséquence, la commission est conduite à apprécier non seulement l'offre en espèces proposée par Sagem mais la perspective que l'Etat reçoive, selon la réduction maximale indiquée par l'offre, des actions de Sagem. Elle doit donc examiner la valeur intrinsèque des deux sociétés Sagem et Snecma.

Conformément à la loi, la commission a procédé à ces évaluations en recourant à une analyse multicritères qui prend en compte les éléments boursiers, la valeur des actifs, les bénéfices réalisés, l'existence des filiales et les perspectives d'avenir.

VIII. - Pour son analyse, la commission a disposé des rapports des banques conseils de l'Etat, de Snecma et de Sagem. Ces trois rapports procèdent à l'évaluation de Snecma et de Sagem selon deux méthodes usuelles :

- l'actualisation des flux nets disponibles de trésorerie : le calcul se fonde sur les plans d'affaires des deux entreprises et sur une valeur résiduelle appréciée en fonction d'un taux de croissance à l'infini. Les banques ont également testé des hypothèses moins favorables que celles des plans d'affaires élaborés par les deux sociétés quant à la croissance attendue de l'activité ou quant à l'évolution de la parité de change entre l'euro et le dollar ;

- l'application des multiples boursiers de sociétés cotées comparables : les multiples résultant de la capitalisation des sociétés comparables ont été appliqués aux agrégats correspondants des deux sociétés, en distinguant suivant les différents secteurs d'activité. Les multiples qui ont été jugés significatifs par les banques sont ceux d'excédent brut d'exploitation et de résultat d'exploitation.

Les banques ont par ailleurs procédé à l'analyse des cours de bourse des deux sociétés, depuis l'introduction en bourse de Snecma et en distinguant la période antérieure à l'annonce de l'offre le 29 octobre 2004 de celle qui l'a suivie.

Sur la base de leurs travaux, les banques conseils concluent que tant le prix proposé dans l'offre d'achat à titre subsidiaire que les modalités de l'échange proposées dans l'offre à titre principal se traduisent par un avantage financier pour les actionnaires de Snecma.

Une attestation d'équité a par ailleurs été délivrée le 2 novembre 2004 au conseil d'administration de Snecma. Le texte de cette attestation figure dans la note d'information publiée. La commission a disposé du rapport de l'expert, qui se fonde sur la même approche méthodologique que les banques conseils.

IX. - Le bilan de l'opération pour l'Etat peut aussi être appréhendé de façon globale en appréciant la valeur potentielle des actifs qu'il reçoit, numéraire et actions de Sagem. Cette approche conduit à examiner le niveau et la faisabilité des synergies. Elle intègre ainsi les perspectives d'avenir que la commission doit prendre en compte aux termes de la loi.

Les synergies qui résulteront de la fusion de Sagem et de Snecma ont été déterminées en commun par des groupes de travail des deux entreprises. Dans la présentation aux analystes financiers du 29 octobre 2004, les deux groupes annonçaient un montant total de 160 à 190 millions d'euros de synergies annuelles avant impôt à partir de la troisième année, réparties entre synergies industrielles et commerciales (80 à 100 millions), synergies sur achats hors production (50 à 60 millions) et synergies administratives (30 millions). Certains analystes financiers ont dans un premier temps émis des réserves sur la possibilité de dégager un tel montant, ce qui explique en partie la baisse pendant le mois de novembre 2004 du cours de l'action Sagem.

Les parties ont décidé de recourir à un expert extérieur reconnu pour examiner la vraisemblance des synergies annoncées. Le rapport final de l'expert, daté du 10 décembre 2004, a été communiqué à la commission. Il conclut à un montant de synergies en ligne avec les premières annonces. En termes d'EBITA (résultat d'exploitation avant intérêts, impôts et amortissements), il les chiffre entre 162 et 212 millions d'euros par an : 89 à 120 millions de synergies industrielles et commerciales, 39 à 50 millions de synergies achats hors production et 34 à 42 millions de synergies administratives. Il estime que 55 % de ces synergies peuvent être réalisées fin 2006, la totalité intervenant en année pleine 2008. Sur le total, 85 % sont des synergies de coût et 15 % des synergies de croissance à horizon 2008.

A partir de ces analyses, les banques conseils ont cherché à apprécier la création de valeur dont les anciens actionnaires de Snecma sont susceptibles de bénéficier. Leur rapport conclut à un potentiel de valorisation boursière de l'ordre de 30 %, mais dont la concrétisation n'interviendra pleinement qu'à moyen terme.

X. - A partir de fin octobre 2004, la commission a été consultée par le ministre lors des différentes étapes menant au lancement de l'offre. Elle a procédé à l'examen de l'équilibre de l'opération selon les conditions prévalant à la veille et au lendemain de l'annonce du rapprochement ainsi qu'à la date du présent avis, en intégrant notamment les résultats qui viennent d'être publiés par les deux groupes.

L'évolution des cours de Sagem et de Snecma à partir du 29 octobre a fait apparaître :

- que le cours de Snecma se rapprochait rapidement du niveau de l'offre Sagem, comme il est habituellement constaté dans les opérations de ce type lorsque les investisseurs anticipent leur réalisation effective ;

- que dans un premier temps le cours de Sagem subissait une forte pression à la baisse, affichant en novembre des niveaux inférieurs de plus de 10 % à ceux d'avant l'annonce. Cette évolution aurait été due principalement à l'effet de surprise créé par le rapprochement de deux groupes aussi distincts et à l'incertitude sur la réalité des synergies ;

- que dans un second temps, grâce à une appréciation plus favorable de l'opération par le marché, les cours des deux groupes remontaient progressivement durant la deuxième quinzaine du mois de décembre pour se stabiliser depuis le début de l'année, affichant aujourd'hui pour Sagem une légère décote de l'ordre de 4 % par rapport aux cours d'avant l'annonce de l'opération et pour Snecma une hausse de l'ordre de 12 %. L'évolution favorable du marché, mesurée par l'indice CAC 40 (+ 8 % environ), a soutenu cette tendance.

Observé sur une plus longue période avant l'annonce du rapprochement, le cours de Snecma s'est inscrit sur une pente ascensionnelle modérée mais régulière, passant de 15,60 EUR lors de son introduction en bourse en juin 2004 à une moyenne de 16,50 EUR sur le mois précédant le 29 octobre.

Le cours de Sagem, qui avait subi de fin 1999 à l'été 2001 le gonflement puis l'éclatement de la bulle spéculative des valeurs de haute technologie, s'est depuis lors inscrit en reprise. Sur les douze derniers mois, il a toutefois affiché une baisse de l'ordre de 10 %.

Comme indiqué aux points V et VI, Sagem et Snecma viennent de publier des résultats qui se traduisent par une augmentation de leur activité globale, de leur résultat et de leur rentabilité. Ces éléments constituent un facteur favorable à la création du nouveau groupe dont la structure financière restera équilibrée en dépit de la sortie de numéraire chez Sagem résultant de l'offre publique.

La commission a comparé les conditions de l'offre initiée par Sagem (numéraire plus actions Sagem) et la valeur antérieure de la participation de l'Etat dans Snecma. Elle a retenu l'hypothèse d'un octroi maximal de titres Sagem selon la proportion de réduction de l'offre en numéraire. Elle a effectué cette comparaison à partir de l'évaluation des deux sociétés par leur valeur boursière ou par leur valeur intrinsèque d'après les méthodes de l'actualisation des flux ou des multiples de comparables boursiers.

Elle a conclu de cette analyse que l'apport par l'Etat de ses titres à l'offre n'est pas défavorable à ses intérêts patrimoniaux. La formule retenue pour le rapprochement étant une offre publique, elle n'entraîne pas l'octroi de garanties et donc de charges résiduelles pour l'Etat.

La commission a retenu qu'à l'avenir des synergies peuvent être dégagées entre les deux entreprises. Du point de vue industriel, l'apport des compétences électroniques de Sagem à l'aéronautique civile de Snecma et, du point de vue commercial, l'apport du réseau de Snecma à Sagem constituent, parmi d'autres, des facteurs positifs. Une réduction de l'exposition au risque de change sur la parité entre l'euro et le dollar d'une part, et de la dépendance par rapport au cycle très marqué de l'aéronautique civile d'autre part, sont des points qui, bien que difficiles à quantifier précisément, peuvent aussi être considérés comme favorables, en dépit des incertitudes sur certaines activités de Sagem.

Les synergies ont été évaluées à court et moyen terme et ne devraient se réaliser complètement qu'à partir de l'exercice 2008. Elles devraient entraîner une valorisation de la participation de l'Etat.

Compte tenu de tous ces éléments, la commission a finalement estimé que l'octroi par l'initiateur de l'offre d'une garantie de valeur sur les actions Sagem, qui apparaît souvent dans des opérations de cette nature où les synergies ne sont réalisées qu'à terme, ne s'imposait pas.

La commission a également noté que la structure prévisionnelle de l'actionnariat du nouveau groupe conserve au secteur public une place importante.

Enfin, la commission a pris en compte l'intérêt pour la défense nationale du rapprochement des deux groupes présents dans des secteurs stratégiques ou sensibles. Le ministère de la défense a exposé les motifs de son opinion favorable sur l'opération et les dispositions prises par voie d'une convention spécifique pour préserver les intérêts dont il a la charge.

XI. - En conclusion, la commission constate que les accords qui lui ont été présentés constituent un « accord de coopération industrielle, commerciale ou financière » au sens de l'article 1er du décret du 3 septembre 1993 susvisé, qu'ils préservent les intérêts nationaux, que les conditions de l'offre publique initiée par Sagem, ainsi que les droits et obligations des parties dans les accords conclus sont équilibrés et que les parités retenues ne sous-estiment pas la valeur de Snecma par rapport à celle de Sagem.

Pour tous ces motifs, et au vu de l'ensemble des éléments qui lui ont été transmis, la commission émet un avis favorable à l'opération qui lui a été présentée et au projet d'arrêté dont le texte est annexé au présent avis et fixant les modalités du transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société Snecma.