J.O. 11 du 14 janvier 2004
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Texte paru au JORF/LD page 01062
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Décision du 30 octobre 2003 se prononçant sur un différend qui oppose la SARL Cogé de Kerverzet à Electricité de France concernant le prix du raccordement d'une installation de production d'électricité
NOR : CREX0306939S
La Commission de régulation de l'énergie,
Vu la demande de règlement de différend, enregistrée le 5 septembre 2003 sous le numéro 03-38-08, présentée par la SARL Cogé de Kerverzet, sise à Kerverzet, 29490 Guipavas, inscrite au RCS de Brest sous le numéro B 449 929 850, représentée par ses gérants, MM. Philippe Daré et Jean-Pierre Daré ;
La société Cogé de Kerverzet soutient qu'Electricité de France, gestionnaire de réseau public de distribution, n'a pas respecté la procédure de traitement des demandes de raccordement des installations de production d'électricité. Elle indique que la proposition technique et financière lui a été transmise avec un retard d'environ trois semaines par rapport au délai normal pour instruire sa demande, qui est de trois mois, et que le montant de cette proposition technique et financière, de 317 262 EUR HT, est en contradiction avec l'étude exploratoire, qui mentionnait un montant de 21 300 EUR. La société Cogé de Kerverzet conteste, pour ces raisons, le montant de la proposition technique et financière en date du 14 août 2003, qui est incompatible avec la rentabilité de son projet ;
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Vu les observations en défense, enregistrées le 22 septembre 2003, présentées par Electricité de France, établissement public à caractère industriel et commercial, inscrit au RCS de Paris sous le numéro B 552 081 317, dont le siège social est situé 22-30, avenue de Wagram, 75008 Paris, représenté par M. Robert Durdilly, directeur d'EDF-GDF Services ;
Electricité de France estime, en premier lieu, avoir respecté les délais de la procédure de traitement des demandes de raccordement des installations de production décentralisées, puisqu'il a adressé sa proposition technique et financière le 14 août 2003, soit dans le délai de trois mois qu'il avait indiqué dans son courrier du 14 mai 2003. Electricité de France relève, qu'en tout état de cause, la société Cogé de Kerverzet ne se prévaut d'aucun préjudice qui serait lié à un éventuel retard de transmission de la proposition technique et financière.
Electricité de France soutient, en deuxième lieu, que le montant figurant dans l'étude exploratoire ne peut, en aucun cas, constituer un devis. Il précise que mention a été faite à la société Cogé de Kerverzet, dès le 17 avril 2003, lors de sa demande d'étude exploratoire, que le montant de l'étude exploratoire n'engage pas le gestionnaire de réseau. Cette information a été réitérée dans le courrier du 26 mai 2003, qui accompagnait l'étude exploratoire elle-même.
Electricité de France affirme, en troisième lieu, que la société Cogé de Kerverzet ne pouvait ignorer que l'étude exploratoire ne prenait pas en compte les contraintes de puissance de court-circuit. Electricité de France indique, à cet égard, que les études relatives à la puissance de court-circuit ne peuvent, du fait de leur complexité, être réalisées au stade de l'étude exploratoire.
Electricité de France rappelle, en outre, qu'en vertu de l'article 4 du décret no 2003-229 du 13 mars 2003 relatif aux prescriptions techniques générales de conception et de fonctionnement auxquelles doivent satisfaire les installations en vue de leur raccordement aux réseaux publics de distribution, il revient au gestionnaire de réseau de s'assurer que la conception des installations à raccorder et leur schéma de raccordement permettent de respecter, en situation de défaut, le pouvoir de coupure des disjoncteurs, la tenue thermique et la tenue aux efforts électrodynamiques des ouvrages du réseau public de distribution et des postes de livraison des installations.
Electricité de France rappelle, également, qu'en vertu de l'article 5 de l'arrêté du 17 mars 2003 relatif aux prescriptions techniques de conception et de fonctionnement pour le raccordement au réseau public de distribution d'une installation de production d'énergie électrique, le raccordement d'une installation de production ne doit pas entraîner, en situation de défaut, un dépassement du courant de court-circuit au-delà de la limite des postes ou du réseau, pour les matériels HTA ou BT.
Electricité de France considère, par conséquent, que la société Cogé de Kerverzet ne pouvait ignorer l'incidence financière du calcul de puissance de court-circuit sur le prix du raccordement.
Electricité de France demande donc à la Commission de régulation de l'énergie de rejeter la demande de la société Cogé de Kerverzet ;
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Vu les observations en réplique, enregistrées le 7 octobre 2003, présentées par la société Cogé de Kerverzet ;
La société Cogé de Kerverzet maintient qu'Electricité de France n'a pas respecté le délai de production de la proposition technique et financière prévu pour la procédure de traitement des demandes de raccordement, puisque sa demande a été adressée le 24 avril 2003, et qu'Electricité de France a mis vingt jours pour en accuser réception. La société requérante affirme subir, du fait de ce retard, un préjudice égal au montant des intérêts sur les frais déjà engagés (études, acomptes versés), si le projet n'est que décalé dans le temps, ou au montant de l'intégralité de ces frais (soit 84 572 EUR), si le projet ne se réalise pas du fait du maintien du montant de la proposition technique et financière.
La société Cogé de Kerverzet considère, en outre, que l'étude exploratoire détermine bien un « ordre de grandeur du coût de raccordement », selon les termes utilisés par Electricité de France lui-même, et indique que, le montant mentionné dans l'étude exploratoire lui ayant donné satisfaction, elle a décidé d'engager son projet plus avant sur la base de cette information.
Par ailleurs, la société Cogé de Kerverzet estime qu'Electricité de France, en sa qualité de professionnel averti, aurait, en tout état de cause, dû indiquer le montant estimatif des contraintes d'intensité de court-circuit, dès l'établissement de l'étude exploratoire. Elle affirme, également, qu'une étude réalisée en 1999 pour une demande de raccordement d'une installation similaire installée à Kerverzet n'avait pas révélé de contrainte d'intensité de court-circuit.
La société Cogé de Kerverzet fait observer qu'elle n'a pas reçu d'explication sur ces contraintes de puissance de court-circuit, malgré ses demandes répétées et en dépit de l'obligation de transparence qui pèse sur Electricité de France. Elle souligne que la proposition technique et financière ne justifie pas suffisamment la somme de 308 987 EUR apparaissant à la rubrique « adaptation de 5 993 m de conducteurs HTA sur départ du producteur et sur les autres départs du poste source ». Elle ajoute qu'Electricité de France n'a pas apporté de réponse à la proposition de modification du projet, côté producteur, de manière à limiter les problèmes de puissance de court-circuit.
La société Cogé de Kerverzet demande donc à la Commission de régulation de l'énergie :
- à titre principal, d'enjoindre à Electricité de France de présenter une proposition technique et financière dont le montant soit du même ordre de grandeur que l'étude exploratoire ;
- et, à titre subsidiaire, en cas de confirmation du montant de la proposition technique et financière déjà formulée par Electricité de France, de réparer le préjudice financier qu'elle subit, constitué des frais qu'elle a engagés jusqu'à présent ;
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Vu les observations en réplique, enregistrées le 17 octobre 2003, présentées par Electricité de France ;
Electricité de France soutient, à titre principal, que la demande d'indemnisation du préjudice, présentée par la société Cogé de Kerverzet, est irrecevable, car la Commission de régulation de l'énergie n'a compétence que pour fixer les conditions d'ordre technique et financier dans lesquelles l'accès ou l'utilisation des réseaux est assurée, et n'est pas habilitée à condamner à des dommages-intérêts.
Electricité de France affirme, à titre subsidiaire, que la demande de la société Cogé de Kerverzet doit être rejetée sur le fond.
Il persiste dans ses précédentes écritures et indique qu'il a respecté le délai de trois mois pour la réalisation d'une proposition technique et financière annoncé par son courrier du 14 mai 2003. Il relève, également, que la société Cogé de Kerverzet n'a subi aucun préjudice du fait d'un éventuel retard d'envoi de la proposition technique et financière. Il rappelle qu'il a indiqué, dans chaque courrier relatif à cette étude, que le montant de l'étude exploratoire n'avait pas valeur de devis et, qu'en tout état de cause, la société Cogé de Kerverzet n'apporte pas la preuve que les dépenses, dont elle demande le remboursement, ont été engagées sur la base du résultat de l'étude exploratoire.
Electricité de France indique, également, que les études sur les contraintes de puissance de court-circuit sont longues et complexes et que, les paramètres du réseau ayant évolué du fait du raccordement d'un nouveau producteur et de l'augmentation de la puissance de l'installation d'un autre producteur, la comparaison avec les résultats de l'étude de raccordement réalisée en 1999 n'est pas pertinente.
Electricité de France indique qu'une solution alternative, consistant à créer un départ dédié et à installer un transformateur HTA/HTB pour lever la contrainte de puissance de court-circuit, aurait été plus onéreuse. Il soutient qu'il a donc bien recherché la solution de raccordement de moindre coût, tant pour le gestionnaire de réseau que pour le producteur.
Electricité de France réitère donc sa demande de rejet de la demande de la société Cogé de Kerverzet ;
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Vu les observations en réplique, enregistrées le 27 octobre 2003, présentées par la société Cogé de Kerverzet ;
La société Cogé de Kerverzet persiste dans ses écritures. Elle indique que le raccordement d'un producteur n'a pas dû changer les caractéristiques du réseau par rapport à l'étude de 1999, dont elle a fait mention dans son mémoire précédent. Par ailleurs, elle souligne qu'Electricité de France, qui n'a pas répondu à ses questions relatives à la proposition technique et financière du 14 août 2003, a eu une démarche qui n'était pas transparente.
La société Cogé de Kerverzet maintient donc ses conclusions et demande que le montant de la proposition technique et financière soit ramené à une somme, qui corresponde à l'ordre de grandeur de celui indiqué dans l'étude exploratoire ;
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Vu l'ensemble des dossiers remis par les parties ;
Vu la loi no 2000-108 du 10 février 2000, modifiée, relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ;
Vu le décret no 2000-894 du 11 septembre 2000, modifié, relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu la décision du 15 février 2001 relative au règlement intérieur de la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu la décision du 6 septembre 2003 du président de la Commission de régulation de l'énergie relative à la désignation d'un rapporteur et d'un rapporteur adjoint pour l'instruction de la présente demande de règlement de différend ;
Vu le décret du 23 décembre 1994 approuvant le cahier des charges de la concession à Electricité de France du réseau d'alimentation générale en énergie électrique ;
Vu le décret no 2003-229 du 13 mars 2003 relatif aux prescriptions techniques générales de conception et de fonctionnement auxquelles doivent satisfaire les installations en vue de leur raccordement aux réseaux publics de distribution ;
Vu l'arrêté du 17 mars 2003 relatif aux prescriptions techniques de conception et de fonctionnement pour le raccordement à un réseau public de distribution d'une installation de production d'énergie électrique ;
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Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique devant la commission ;
Après avoir entendu, le 30 octobre 2003, lors de la séance publique devant la commission, en présence de :
M. Jean Syrota, président, Mme Jacqueline Benassayag et MM. Bruno Léchevin, François Morin et Jacques-André Troesch, commissaires ;
M. Olivier Challand Belval, directeur général, Mme Gisèle Avoie, directrice juridique ;
M. Marc Chevrel, rapporteur ;
MM. Daré et Orvoen, représentant la société Cogé de Kerverzet ;
MM. Jean-Claude Millien et Philippe Alaux et Mme Bénédicte Magherini, représentant Electricité de France :
- le rapport de M. Marc Chevrel, exposant les moyens et les conclusions des parties ;
- les observations de M. Orvoen, pour la société Cogé de Kerverzet : la société Cogé de Kerverzet persiste dans ses conclusions. Elle rappelle que le délai de 20 jours pour accuser réception de la demande de proposition technique et financière est trop long, et indique que le montant de l'étude exploratoire doit donner un ordre de grandeur du montant de la proposition technique et financière, ce qui n'a pas été le cas pour le raccordement en cause. Elle affirme avoir demandé des explications sur le montant de la proposition technique et financière et avoir reçu une réponse négative de la part d'Electricité de France ;
- les observations de M. Jean-Claude Millien, pour Electricité de France : Electricité de France estime que la Commission de régulation de l'énergie n'a pas respecté l'article 13 de son règlement intérieur en lui communiquant le 27 octobre 2003 les observations de la société Cogé de Kerverzet, alors que l'envoi des convocations, le 22 octobre 2003, pour la séance de la commission, s'opposait à cette communication. Il observe, toutefois, que le document communiqué n'apporte pas d'élément nouveau et ne le met pas en difficulté. Electricité de France persiste dans ses conclusions et indique que, l'étude exploratoire n'étant pas obligatoire et les limites de calcul et de validité de l'étude étant clairement précisées, la société Cogé de Kerverzet ne peut se fonder sur le montant indiqué pour déterminer le coût réel du raccordement. Il considère qu'il a respecté ses obligations de transparence, mais que les obligations qui lui incombent en matière de confidentialité vis-à-vis des informations commercialement sensibles font obstacle à ce qu'il communique l'ensemble des données, constituées de valeurs individuelles relatives à des consommateurs et à des producteurs, qui permettent de faite fonctionner le logiciel de calcul qu'il utilise pour déterminer sa proposition technique et financière.
La commission en ayant délibéré le 30 octobre 2003, après que les parties, le rapporteur, le public et les agents de la Commission de régulation de l'énergie se sont retirés.
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Les faits :
En vue de raccorder au réseau public d'électricité l'installation de production d'électricité par cogénération qu'elle envisage de construire, la société Cogé de Kerverzet a demandé à Electricité de France, gestionnaire de réseau public de distribution, de procéder à une étude exploratoire, afin de connaître le prix de son raccordement. Electricité de France a accusé réception de cette demande le 17 avril 2003 et a effectué une étude exploratoire consistant en un examen des seules contraintes de transit et de tension.
Electricité de France a transmis, le 26 mai 2003, à la société Cogé de Kerverzet les résultats de cette étude exploratoire en indiquant expressément que le chiffrage de cette étude (21 300 EUR) n'avait pas valeur de devis de raccordement.
Electricité de France a également reçu, le 24 avril 2003, le complément du dossier de demande de raccordement et en a accusé réception le 14 mai 2003, en précisant que la proposition technique et financière parviendrait au producteur dans un délai de trois mois.
Le 30 juillet 2003, la société Cogé de Kerverzet a envoyé un courrier à Electricité de France indiquant qu'elle estimait qu'elle aurait dû être en possession de la proposition technique et financière depuis le 24 juillet 2003. Elle y a joint un chèque correspondant à la moitié du montant de l'étude exploratoire. Electricité de France a répondu, le 8 août 2003, que l'étude exploratoire ne constituait pas un devis et a retourné le chèque à son émetteur.
Le 14 août 2003, Electricité de France a transmis une proposition technique et financière à la société Cogé de Kerverzet, mentionnant un prix de 317 762 EUR pour le raccordement de l'installation de production qu'elle projette de construire, soit près de 15 fois le montant de l'étude exploratoire.
Le 5 septembre 2003, la société Cogé de Kerverzet a déposé, auprès de la Commission de régulation de l'énergie, une demande de règlement de différend concernant le prix ainsi fixé pour le raccordement de son installation.
Sur le respect du contradictoire :
Si Electricité de France soutient que les dernières observations de la société Cogé de Kerverzet lui ont été communiquées en méconnaissance de l'article 13 du règlement intérieur de la Commission de régulation de l'énergie, toutefois, la transmission de ces observations ayant été effectuée par télécopie le 27 octobre 2003, Electricité de France disposait du temps nécessaire pour répondre, notamment au cours de la séance publique de la commission, à ces observations qui, au demeurant, ne comportaient aucun élément nouveau. Il en résulte que le principe du contradictoire n'a pas été méconnu.
Sur la portée de l'étude exploratoire :
Il ressort des pièces du dossier qu'Electricité de France a informé la société Cogé de Kerverzet à plusieurs reprises que le résultat de l'étude exploratoire n'engageait pas le gestionnaire de réseau de distribution. En effet, des réserves sur le montant indiqué dans l'étude exploratoire figuraient aussi bien dans le courrier d'Electricité de France du 17 avril 2003, accusant réception de la demande d'étude exploratoire, que dans celui du 26 mai 2003, transmettant les résultats de cette étude. Ces deux courriers portaient, en effet, la mention selon laquelle « ce chiffrage [...] n'a pas valeur de devis de raccordement ».
La procédure de traitement des demandes de raccordement des installations de production décentralisées, publiée par Electricité de France sur son site Internet, indique, d'ailleurs, explicitement que le résultat de l'étude exploratoire donne un ordre de grandeur du coût de raccordement et que ce document n'engage pas le gestionnaire de réseau.
Electricité de France avait, donc, clairement indiqué que le montant mentionné dans son étude exploratoire ne l'engageait pas, et la société Cogé de Kerverzet ne peut soutenir qu'elle n'en a pas été informée.
Sur les conditions de réalisation de l'étude exploratoire :
Le courrier d'Electricité de France du 17 avril 2003 précisait que l'étude « consiste uniquement en l'examen des contraintes de transit et de tension sans autre prise en compte des autres impacts du raccordement du site de production sur le réseau (plan de protection, qualité...) » et le courrier du 26 mai 2003 mentionnait que « un devis ne pourra être établi qu'après étude détaillée ».
Il est clair, dans ces conditions, qu'Electricité de France n'avait pas pris en compte, ni étudié les contraintes de puissance de court-circuit dans son étude exploratoire, ce qu'il ne conteste pas, d'ailleurs, dans ses écritures devant la Commission de régulation de l'énergie.
Or, Electricité de France indique, dans ses observations en réplique devant la commission, qu'en novembre 2001, un nouveau producteur avait été raccordé et qu'un autre avait augmenté la puissance de son installation. Dans le cadre de l'instruction de ces demandes, Electricité de France avait nécessairement réalisé, à des dates peu éloignées de celle à laquelle est intervenue la demande de raccordement de la société Cogé de Kerverzet, des études détaillées de réseau, y compris sur la puissance de court-circuit.
Electricité de France avait donc nécessairement connaissance, à la date de la réalisation de l'étude exploratoire demandée par la société Cogé de Kerverzet, du fait que le réseau était susceptible d'être insuffisamment dimensionné au regard des contraintes de puissance de court-circuit. Dès lors, Electricité de France avait la possibilité d'informer la société Cogé de Kerverzet, sans avoir besoin de réaliser une étude longue et complexe, des problèmes de puissance de court-circuit que pouvait susciter sa demande de raccordement. Une telle information, à ce stade, aurait indéniablement aidé le producteur à connaître les contraintes qui pesaient sur son raccordement, à en évaluer les caractéristiques techniques et financières, et à proposer, le cas échéant, des modifications techniques de son installation de production.
Par suite, en taisant les contraintes de puissance de court-circuit qu'il ne pouvait pas ignorer, Electricité de France a établi une étude exploratoire incomplète eu égard aux informations qu'il détenait.
Sur le retard dans la transmission de la proposition technique et financière :
Il ressort des pièces du dossier que la société Cogé de Kerverzet a transmis, le 24 avril 2003, les documents nécessaires à l'instruction de sa demande d'établissement d'une étude détaillée et d'une proposition technique et financière. Toutefois, en l'espèce, le fait qu'Electricité de France ait accusé réception de cette demande seulement le 14 mai 2003, bien que constituant une anomalie de fonctionnement de la part du gestionnaire de réseau, n'est néanmoins pas la cause du retard pris pour la réalisation du projet de la société. Il ressort, en effet, des pièces du dossier que ce retard est, en réalité, dû aux discussions qui se sont engagées entre Electricité de France et la société Cogé de Kerverzet pour l'établissement de la proposition technique et financière.
La société Cogé de Kerverzet ne saurait, dès lors, soutenir que la proposition technique et financière ne peut pas être prise en compte du seul fait du retard, au demeurant de 20 jours, pris par Electricité de France pour la lui transmettre.
Sur le montant de la proposition technique et financière :
Electricité de France, en tant que gestionnaire de réseau public de distribution, doit raccorder les utilisateurs en conciliant le respect des règles régissant l'exploitation du réseau et le respect des règles relatives à l'accès des tiers avec un objectif de recherche du meilleur coût, tant pour le gestionnaire que pour le tiers se prévalant d'un droit d'accès. Les contraintes de puissance de court-circuit font partie de celles qu'il doit analyser, en application du décret du 13 mars 2003 relatif aux prescriptions techniques générales de conception et de fonctionnement auxquelles doivent satisfaire les installations en vue de leur raccordement aux réseaux publics de distribution, et de l'arrêté du 17 mars 2003 relatif aux prescriptions techniques de conception et de fonctionnement pour le raccordement à un réseau public de distribution d'une installation de production d'énergie électrique.
Il s'ensuit que, lorsqu'il a été saisi de la demande de raccordement au réseau public de l'installation de production formulée par la société requérante, Electricité de France, gestionnaire du réseau public de distribution, avait l'obligation d'instruire la demande, en vue de rechercher quel raccordement constituait la solution technique la plus économique, tant pour le gestionnaire de réseau que pour le demandeur. Le cas échéant, cette recherche devait être faite en collaboration avec le demandeur du raccordement, puisque les contraintes peuvent être levées, selon le cas, soit par des modifications sur le réseau électrique, soit par des modifications sur l'installation de production elle-même.
Par ailleurs, en application de l'article 5 du décret du 13 mars 2003, qui dispose que « l'étude de raccordement est menée dans un cadre transparent et non discriminatoire. Les méthodes générales et les hypothèses utilisées sont rendues publiques par le gestionnaire du réseau public de distribution. Les résultats sont communiqués à l'utilisateur par le gestionnaire de réseau sous réserve du respect des règles de confidentialité auxquelles il est tenu », le gestionnaire du réseau public de distribution est assujetti à une obligation de transparence. A ce titre, il doit apporter au demandeur du raccordement les éléments lui permettant d'apprécier les raisons pour lesquelles le raccordement doit être réalisé dans les conditions techniques et financières proposées. Cette obligation se justifie d'autant plus que le gestionnaire du réseau public de distribution se trouve en situation de monopole vis-à-vis des utilisateurs de réseau qui demandent à être raccordés.
Par suite, Electricité de France, gestionnaire de réseau public de distribution aurait dû, lorsqu'il a communiqué la proposition technique et financière, fournir également toutes les informations permettant à la société Cogé de Kerverzet de vérifier que la solution technique qui lui avait été proposée correspondait bien à un objectif de recherche du meilleur coût, et que les travaux figurant dans cette étude étaient bien nécessaires pour le raccordement de sa seule installation.
En l'absence de publication préalable des « méthodes générales et des hypothèses utilisées », prévue par le décret du 13 mars 2003, Electricité de France, gestionnaire de réseau public de distribution, avait, à tout le moins, l'obligation de transmettre l'ensemble de ces informations au demandeur du raccordement au plus tard au moment de la communication de la proposition technique et financière.
Si Electricité de France soutient avoir procédé à l'étude de solutions alternatives, il ressort des pièces du dossier qu'il n'a transmis les informations requises à la société Cogé de Kerverzet ni lors de l'envoi de la proposition technique et financière, le 14 août 2003, ni lorsque la société Cogé de Kerverzet en a fait la demande par télécopie le 19 août 2003, puis par courrier le 30 août.
Le fait qu'Electricité de France, gestionnaire du réseau public de distribution, soit tenu à la confidentialité vis-à-vis des informations commercialement sensibles, en vertu de l'article 20 de la loi du 10 février 2000, ne saurait le conduire, contrairement à ce qu'il soutient en séance, à refuser toute information sur la façon dont le résultat de l'étude a été obtenu. Une telle pratique reviendrait, en effet, à vider de sa substance son obligation de transparence, alors que, par exemple, la modélisation du réseau nécessaire à l'étude en question peut être présentée, le cas échéant, avec des éléments agrégés et, qu'en tout état de cause, ni les résultats de l'étude portant sur les puissances de court-circuit ni les données de coût des équipements qu'Electricité de France doit mettre en place pour raccorder le demandeur ne peuvent être considérés comme des informations commercialement sensibles.
Electricité de France n'a donc pas respecté l'obligation de transparence qui lui incombe à l'égard du demandeur de raccordement au réseau public de distribution.
Dans ses écritures produites devant la Commission de régulation de l'énergie dans le cadre du présent règlement de différend, Electricité de France n'apporte aucun élément permettant de vérifier que la proposition technique et financière établie par ses soins est bien la solution la plus économique et que les travaux mis à la charge de la société Cogé de Kerverzet correspondent bien au raccordement de sa seule installation de production. Il n'a fait, du reste, aucune référence dans ces écritures à des difficultés, pour assurer la transparence à laquelle il est tenu par les textes, tenant au risque de divulgation d'informations commercialement sensibles.
Electricité de France n'ayant ainsi toujours pas justifié le bien-fondé de la solution technique retenue ni le coût dû aux contraintes de puissance de court-circuit, le poste « travaux d'adaptation du réseau HTA », motivé par ces contraintes, qui s'élève à 289 378 EUR (hors taxes) dans la proposition technique et financière établie par Electricité de France, ne peut, en conséquence, être valablement retenu par la Commission de régulation de l'énergie.
Sur la demande de réparation du préjudice :
La société Cogé de Kerverzet demande à la Commission de régulation de l'énergie de fixer le montant de l'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de la différence entre le montant de l'étude exploratoire et le montant de la proposition technique et financière qu'Electricité de France lui a transmises.
Ces conclusions présentées, à titre subsidiaire, sont, en tout état de cause, devenues sans objet dès lors que la présente décision fixe le coût du raccordement à un montant de même ordre de grandeur que celui prévu dans l'étude exploratoire,
Décide :
Article 1
Le montant de la proposition technique et financière établie par Electricité de France, gestionnaire du réseau public de distribution, est diminué de la somme de 289 378 EUR (hors taxes) correspondant au poste « travaux d'adaptation du réseau HTA ».Article 2
Le surplus des conclusions de la société Cogé de Kerverzet est rejeté.Article 3
La présente décision sera notifiée à la société Cogé de Kerverzet et à Electricité de France et sera publiée au Journal officiel de la République française.
Fait à Paris, le 30 octobre 2003.
Pour la commission :
Le président,
J. Syrota