J.O. 274 du 27 novembre 2003       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet

Texte paru au JORF/LD page 20183

Ce document peut également être consulté sur le site officiel Legifrance


Mémoire en réplique des députés signataires du recours dirigé contre la loi relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité


NOR : CSCL0306957X



Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Conseil constitutionnel, les observations du Gouvernement formulées sur les griefs développés par la saisine vous déférant la loi relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité appellent de notre part les répliques suivantes.


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I. - Sur l'article 7 de la loi


Le Gouvernement feint de ne pas comprendre la portée des griefs développés contre cet article .

I-1. S'agissant, en premier lieu, de l'engagement de l'hébergeant de pourvoir aux frais de séjour et de rapatriement de l'étranger accueilli, le Gouvernement, conscient de l'inconstitutionnalité du dispositif, tente d'en donner une interprétation neutralisante en soutenant que ce mécanisme a pour seul but de « responsabiliser » le demandeur du certificat et de « s'assurer de la réalité de son consentement », et qu'enfin cet engagement sur les moyens financiers d'accueillir l'étranger n'est assortie d'aucune sanction.

En battant en retraite de la sorte, le Gouvernement ne sauvera toutefois pas la disposition critiquée.

D'une part, il suffira d'observer que la réalité du consentement se vérifie classiquement par la signature des documents par l'hébergeant, lequel, en application de l'article 2-1 du décret no 82-442 du 27 mai 1982, doit se présenter personnellement devant les autorités compétentes muni d'un document d'identité. Cette procédure assez contraignante devrait, en elle-même, suffire à établir la réalité du consentement de l'hébergeant.

D'autre part, la responsabilisation de l'hébergeant est, là aussi, garantie par la procédure établie par le décret du 27 mai 1982 précité qui l'oblige à satisfaire plusieurs obligations administratives et, encore une fois, à se déplacer personnellement pour réaliser les formalités imposées.

En réalité, les arguties du Gouvernement ne peuvent pas tromper.

D'abord, le Gouvernement s'abstient de répondre sur toute une partie de l'argumentation des saisissants qui insiste sur la rupture d'égalité entre les hébergeants. En effet, à la différence des dispositions du décret du 27 mai 1982 précité, c'est bien, ici, la personne qui accueille l'étranger qui doit faire la preuve de ses capacités financières et de ses ressources suffisantes pour accueillir sa famille ou un ami.

Les hébergeants peuvent, à cet égard, être autant des étrangers que des Français.

Or, on ne voit pas très bien ce qui justifie que les personnes ayant des revenus différents soient traitées de façon distincte lorsqu'elles entendent accueillir un étranger chez elles.

Ensuite, et cela ne peut manquer d'être relevé, cette obligation fait doublon avec les dispositions de ce même décret du 27 mai 1982 aux termes duquel l'étranger souhaitant venir en France demeure astreint à la démonstration de ses moyens de nature à lui permettre de financer son séjour et son rapatriement. Dès lors, l'obligation pesant sur l'hébergeant se cumule avec celle imposée à l'étranger, laquelle reste en vigueur comme le précise le Gouvernement.

Dès lors, cette mesure qui fait peser une contrainte évidente sur la vie privée et familiale des hébergeants est, quoi qu'il en soit de la rupture caractérisée du principe d'égalité, totalement disproportionnée au regard du but recherché et ne peut qu'encourir la censure.

Enfin, la lecture inoffensive de la disposition critiquée proposée par le Gouvernement ne peut tromper. A supposer, pour suivre le Gouvernement, qu'elle n'a pas de conséquences juridiques, il reste qu'elle entre dans le cadre de la procédure de validation de l'attestation d'accueil par le maire. Or, comme cela a été amplement montré, sans que le Gouvernement y réponde dans ses observations en défense, le maire exerce, à cet égard, un pouvoir discrétionnaire. C'est dire qu'il pourra refuser la validation au motif de l'insuffisance des ressources de l'hébergeant. Bien sûr, et nul ne sera dupe, ce motif pourra être dissimulé afin d'échapper à la critique de l'autorité préfectorale voire du juge administratif. Pourtant, il s'agit bien d'un élément d'appréciation figurant au dossier et, comme tel, de nature à conditionner l'obtention ou non du certificat d'hébergement. La réécriture tardive de cet article par le Gouvernement ne peut rien au vice d'inconstitutionnalité en cause.

Pour toutes ces raisons, il est certain que le fait d'exiger la preuve des moyens financiers dont disposent les hébergeants, alors que demeure la même contrainte pour les étrangers hébergés, viole le principe d'égalité entre hébergeants, qu'ils soient étrangers ou nationaux, et, ensemble, le droit de mener une vie privée et familiale normale.

De ces chefs, la censure est certaine.

I-2. S'agissant, en second lieu, des pouvoirs du maire et de la constitution de fichiers à son initiative et sous son contrôle, le Gouvernement ne répond pas davantage aux griefs articulés.

Certes, comme les saisissants l'ont relevé eux-mêmes dans leurs écritures, vous avez déjà admis que le maire soit l'autorité compétente pour valider le certificat, car opérant alors en qualité d'agent de l'Etat, et vous avez considéré qu'un traitement automatique de certificats d'hébergement pourrait n'être pas inconstitutionnel (décisions du 13 août 1993 et du 22 avril 1997).

Il se trouve, cependant, que les rédactions des textes constitutionnellement admises dans ces deux hypothèses ne sont pas réunies en l'espèce.

D'une part, le pouvoir du maire tel que validé en 1993 était davantage encadré puisque le refus d'un certificat devait reposer sur le caractère manifestement anormal des conditions de logement. Or, au cas présent, aucune précision de ce genre n'est posée. Bien au contraire, le champ des conditions prescrites pour remplir le dossier de certificat d'hébergement est considérablement élargi, y compris jusqu'aux conditions de ressources dont dispose l'hébergeant. C'est dire que le maire peut désormais fonder son refus de validation sur un ensemble de paramètres qui finissent de soumettre la vie privée et familiale des gens, leur vie personnelle, à un contrôle administratif très lourd et intrusif.

L'exemple tiré des fraudes à la loi que le Gouvernement donne pour justifier son dispositif ne peut emporter l'adhésion. Les réseaux de « marchands de sommeil » trouveront malheureusement des opportunités pour contourner ce type de règles. En revanche, les individus seulement soucieux de recevoir un proche ou un ami verront leur vie privée et familiale scrutée dans des proportions que notre charte des droits et libertés fondamentaux ne peut admettre. L'objectif de maintien de l'ordre public ne peut, dans ces conditions, justifier un tel dispositif conférant aux maires des pouvoirs qui s'avèrent manifestement disproportionnés.

D'autant plus disproportionnés que le maire pourra faire le choix d'exercer son pouvoir discrétionnaire en recourant à un fichier des demandes de validation, et non des certificats obtenus, sous son contrôle exclusif.

D'autre part, le fichier prévu en l'espèce n'est pas celui qui a été seulement évoqué dans la décision du 22 avril 1997.

Dans cette décision était en cause « un traitement informatique des certificats d'hébergement ». Mais, en l'occurrence, il s'agit d'un fichier des demandes de validation. Le champ d'application est donc beaucoup plus large que ce qui avait été évoqué en 1997 et, de surcroît, les éléments nécessaires à la constitution du dossier de certificat d'hébergement sont désormais très nombreux, y compris donc les conditions de ressources des hébergeants.

Or, comme vous l'avez récemment rappelé, la mise en place d'un traitement automatique des données personnelles ne peut pas avoir un caractère excessif de nature à porter atteinte aux droits et intérêts légitimes des personnes concernées (décision du 13 mars 2003, considérant 32).

En l'espèce, il ne peut faire de doute qu'au regard du droit à mener une vie familiale et privée normale un tel fichier constitue une atteinte excessive dès lors qu'il portera sur le choix libre qu'a chacun d'inviter chez lui qui il veut. D'autant plus excessive que ce sont les demandes de validation et non les certificats accordés qui nourriront ledit fichier.

Il faut ajouter que du propre aveu du Gouvernement, ce fichier servira à la poursuite d'infractions : à savoir, l'aide à l'immigration irrégulière que sanctionne, notamment, l'article 21 de l'ordonnance de 1945 (voir les observations du Gouvernement, page 6, point 4, § 2).

Dans ces conditions, il est certain que la constitution d'un fichier placé sous la seule initiative des maires et sous leur seul contrôle, et contenant des informations personnelles aux fins de servir à la répression d'infractions pénales, ne peut être admis car portant une atteinte flagrante et disporportionnée au droit à mener une vie familiale et privée normale ainsi qu'à la liberté individuelle.

En tout état de cause, la circonstance que le but de ce traitement informatique soit la poursuite d'infractions et la répression pénale aurait dû conduire le législateur à prévoir davantage de précisions, sauf à méconnaître l'article 34 de la Constitution applicable en matière de libertés publiques.

Ce dernier point permet une nouvelle fois de s'interroger sur le pouvoir ainsi accordé aux maires. Si la validation des certificats d'hébergement constitue une compétence de l'Etat, il est pour le moins étonnant de voir que ses modalités d'application, dont le traitement des informations utiles à son exercice, se trouvent placées sous l'autorité des seuls maires et donc pourraient ne pas être également assurées sur l'ensemble du territoire. Jusqu'à présent, le droit des étrangers était une compétence régalienne. Désormais, elle devient une compétence dont les conditions de mise en oeuvre varient selon les territoires et les climats...

A l'heure des choix, les risques de climats nauséabonds, tels ceux portés par l'extrême droite qui gère directement des collectivités territoriales en France, ne peuvent être écartés lorsqu'il s'agit de s'attacher à la protection des droits et libertés fondamentaux que vous avez pour mission de sauvegarder.

De tous ces chefs, la censure ne pourra qu'intervenir.


II. - Sur les articles 8 et 21 de la loi


Le Gouvernement se fonde sur une distinction entre le droit au séjour et le statut de résident de longue durée pour justifier les restrictions apportées aux conditions de délivrance de la carte de résident. Ce faisant, il contourne les difficultés constitutionnelles en cause.

Certes, en portant de trois à cinq ans la durée de résidence, le Gouvernement anticipe l'adoption de la directive européenne concernant le droit des étrangers sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne.

Ce qui pose problème, en l'occurrence, réside moins dans la transposition anticipée d'un texte européen que dans l'ajout de conditions manifestement excessives et qui sont de nature à méconnaître le principe d'égalité entre étrangers admis au séjour de longue durée sur le territoire de l'Union européenne.

Car, à suivre le raisonnement du Gouvernement, il s'agit d'harmoniser les droits des Etats membres pour mieux contrôler les flux migratoires dans l'ensemble de l'Union européenne.

Pourtant, la loi critiquée ajoute des conditions qui ne figurent pas dans la proposition de directive, telles les conditions de connaissance de la langue et des institutions françaises. Autrement dit, les étrangers pourront être soumis à des conditions d'obtention d'un titre de longue durée différentes selon qu'ils en demandent le bénéfice en France ou dans un autre Etat membre. Par exemple, dans tel pays un étranger sera titulaire de ce titre au bénéfice de la durée de cinq ans de résidence, alors qu'en France un étranger ayant la même durée de résidence se verra refuser ce droit dès lors que sa connaissance du français, notamment, sera jugée insuffisante au regard, pourquoi pas, de l'avis du maire d'Orange ou de Marignane...

Alors que, jusqu'à présent, le régime de délivrance de la carte de résident permettait de stabiliser la situation des étrangers les mieux intégrés, l'article critiqué risque de créer les conditions futures de leur précarisation et de la différenciation des situations juridiques selon les Etats membres où ils présentent leur demande.

Vous avez admis, dans votre décision du 13 août 1993, que des conditions puissent être posées en vue de l'obtention de cette carte de résident, mais au prix d'une limite : que ces conditions ne soient pas excessives au regard de la liberté individuelle. A l'aune de votre jurisprudence la plus récente, on est tenté d'ajouter que la disproportion se mesure aussi au regard du droit à la vie privée et familiale.

Au cas présent, cette limite est manifestement atteinte dès lors que le nouveau régime s'écarte des conditions objectives et rationnelles qui commandaient jusqu'alors la matière pour donner place à un mécanisme où le pouvoir discrétionnaire de l'administration et des maires sera prépondérant.

Le contrat d'intégration que les étrangers sont invités à conclure lors de leur entrée sur le territoire permet d'ores et déjà de tendre vers l'objectif d'intégration. En revanche, en faisant de cette démarche une condition restrictive à l'obtention d'un titre de séjour de longue durée, le législateur, paradoxalement, dessert cette vision.

Dès lors, indépendamment de la durée de résidence de 5 ans, le surplus des conditions posées par l'article 8 pour l'obtention du titre prévu par l'article 21 de la loi est manifestement excessive au regard du but recherché et porte atteinte à la liberté individuelle et au droit à la vie privée et familiale.

La censure est encourue.


III. - Sur l'article 28 de la loi


Le Gouvernement prétend que la disposition critiquée est conforme à l'article 8 de la Déclaration de 1789 et qu'elle respecte le principe selon lequel il n'y a point de crime ou délit sans intention de le commettre. Ce faisant, il s'abstient de répondre à la critique précise formulée à l'encontre de cet article .

Car ce qui pose problème ne tient pas à l'existence de l'élément intentionnel, qu'il revient au juge d'apprécier, mais à l'un des éléments de définition de l'infraction en tant que telle.

Ainsi, au cas particulier, l'infraction d'aide à l'entrée et au séjour sera constituée au regard de la définition donnée par une législation étrangère. Une telle hypothèse est on ne peut plus contraire à l'article 8 de la Déclaration de 1789.

La référence à l'article 113-6 du code pénal est, à cet égard, sans aucune pertinence dans la mesure où cette disposition précise que la loi pénale française est applicable pour tout délit commis par des Français hors du territoire de la République si les faits sont punis par la législation du pays où ils ont été commis. Il s'agit de la règle de la double incrimination. C'est-à-dire l'inverse de celle critiquée puisqu'ici la personne poursuivie pourra être punie pour avoir méconnu la loi française sur le droit des étrangers ou bien celle d'un autre Etat. Quand l'article 113-6 du code pénal est construit sur le « et », l'article critiqué est basé sur le « ou ».

La censure est inévitable.


IV. - Sur l'article 31


Cet article crée une nouvelle infraction tendant à réprimer le fait de se marier dans le seul but d'obtenir ou de faire obtenir un titre de séjour.

Cette disposition méconnaît l'article 8 de la Déclaration de 1789 dont le principe de légalité des délits et des peines.

La définition donnée pour cette infraction manque de la précision suffisante afin d'éviter le risque d'arbitraire. En effet, il reviendra à la juridiction répressive d'apprécier l'intention de se marier « aux seules fins d'obtenir un titre de séjour ». C'est-à-dire qu'il lui faudra s'immiscer dans le for intérieur des personnes qui contractent un mariage.

Autant la répression des filières organisées dans ce but de fraude à la loi mérite une répression sans faille, autant l'appréciation de la motivation profonde de l'individu qui choisit de se marier se révèle un exercice délicat.

Il importe, à cet égard, de souligner que les faits concernés peuvent être poursuivis sur le terrain de l'aide à l'entrée et au séjour des étrangers tels que définis par l'article 21 de l'ordonnance de 1945. Il s'ensuit que cette nouvelle infraction n'est pas nécessaire afin de satisfaire l'ordre public et, d'autre part, qu'existe un risque de double sanction pénale pour un seul et même fait : l'aide au séjour d'un étranger en situation irrégulière.

L'imprécision de cette définition comme le risque de doublon avec l'infraction prévue à l'article 21 de l'ordonnance de 1945 constituent une violation de l'article 8 de la Déclaration de 1789.


V. - Sur l'article 49 de la loi


Le Gouvernement prétend que l'allongement de la durée cumulée pour la rétention administrative des étrangers répond aux exigences constitutionnelles dès lors qu'elle n'est possible que pour le temps nécessaire au départ sous le contrôle du juge judiciaire et que les droits de la défense sont garantis.

Cette argumentation ne pourra prospérer.

En premier lieu, vous avez censuré une disposition tendant à allonger la durée de rétention au motif qu'une telle mesure, « même placée sous le contrôle du juge, ne saurait être prolongée, sauf urgence absolue et menace de particulière gravité pour l'ordre public, sans porter atteinte à la liberté individuelle garantie par la Constitution » (décision no 86-216 DC du 3 septembre 1986, considérant 22).

Par ailleurs, l'hypothèse de réitération d'une période de rétention a été admise pour une seule fois (décision du 22 avril 1997 précitée). C'est dire que l'allongement de la durée de rétention doit rester limité pour respecter les exigences constitutionnelles.

Or, en l'occurrence, les critères définis pour allonger la durée possible de rétention ne sont ni objectifs ni rationnels et, en tout état de cause, échappent aux conditions que vous avez posées sans ambiguïté. Il en va particulièrement ainsi de l'allongement possible de 5 jours pour des circonstances étrangères au comportement de la personne retenue dans des locaux non pénitentiaires. A cet égard, une mesure d'exécution forcée d'une décision administrative ne peut conduire à une atteinte disproportionnée à la liberté individuelle. On doit, d'ailleurs, s'étonner de l'imprécision des termes utilisés pour que l'administration soit regardée comme ayant fait le nécessaire : elle devra faire la preuve de toutes les diligences assumées pour se procurer les documents de voyage à bref délai.

Quant aux délais successifs de quinze jours, ils autorisent plusieurs longues périodes de privation de liberté, hors de toute condamnation pénale, sans intervention du juge judiciaire.

La comparaison avec les autres Etats ne saurait convaincre davantage dès lors que c'est au regard des seules normes constitutionnelles applicables en France que la question se pose à cet instant.

En deuxième lieu, et s'agissant des audiences foraines et par voie de télécommunication audiovisuelle, les exemples donnés par le Gouvernement ne pourront emporter l'adhésion.

Dans un cas, celui de l'article 706-71 du code de procédure pénale et du décret no 2003-455 du 16 mai 2003, il s'agit de la procédure de l'enquête préliminaire et de la phase de l'instruction et des éventuels prolongements de garde à vue. Dans l'autre cas, celui de l'article L. 952-7-II, il s'agit de la situation géographique singulière de Saint-Pierre-et-Miquelon.

En aucun cas, notre procédure pénale ne connaît de règles autorisant les audiences de jugement dans des lieux ad hoc et, surtout, pas par voie de télécommunication audiovisuelle. C'est donc en contradiction avec le principe des droits de la défense et du droit à un procès équitable que la loi critiquée prévoit une procédure d'exception pour le jugement tendant à la prolongation ou non de la durée de rétention. Ce serait là un dangereux précédent.

En troisième lieu, il apparaît que le Gouvernement ne répond pas au grief sur la force majeure permettant d'exclure l'accès à l'avocat et sur le délai dans lequel l'étranger est informé sur ses droits. C'est donc dire qu'il acquiesce à la critique formée par les saisissants.

En dernier lieu, s'agissant de la procédure d'appel éventuellement suspensif, il reste que le mécanisme retenu par la loi critiquée n'est pas identique à celui que vous avez eu l'occasion d'admettre. Outre sa complexité et le fait qu'il donne pouvoir au procureur de différer les effets d'une décision de remise en liberté décidée par un juge du siège, ce dispositif est désormais calé sur une durée de rétention beaucoup plus longue que celle possible en 1997. En ajoutant une durée supplémentaire de rétention, au moins quatre heures plus le temps de la procédure, ce mécanisme, difficilement intelligible et lisible pour le justiciable non averti, contribue donc par lui-même à porter une atteinte disproportionnée à la liberté individuelle.

De tous ces chefs, la censure s'impose donc.


VI. - Sur l'article 76 de la loi


Le Gouvernement prétend que l'article en cause est entouré de garanties nouvelles et suffisantes pour satisfaire les exigences constitutionnelles relatives à la liberté du mariage.

Cette thèse ne peut prospérer sérieusement dès lors que le mécanisme critiqué est, en réalité, plus contraignant pour les personnes concernées.

En effet, contrairement au dispositif que vous aviez censuré en 1993, l'officier d'état civil informe le préfet de la situation. En sorte que l'autorité administrative compétente pourra, le cas échéant, procéder à la reconduite à la frontière de l'étranger, ou le placer en rétention administrative, pendant que le procureur de la République réfléchira aux suites à donner au dossier. Le calcul des délais permet de comprendre que cette disposition offre à l'administration la possibilité de faire échec à la liberté du mariage en éloignant l'étranger du territoire.

Le détournement de procédure est ici flagrant et ce au détriment des droits fondamentaux.

Dans ces conditions, la liberté du mariage se trouve bien plus atteinte que dans le dispositif que vous aviez pris soin d'invalider à l'époque.


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Les auteurs de la saisine persistent donc de plus fort dans leurs demandes.

Nous vous prions de croire, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Conseil constitutionnel, en l'expression de notre haute considération.