J.O. 225 du 28 septembre 2003       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet

Texte paru au JORF/LD page 16607

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Décision n° 2003-905 du 24 juillet 2003 se prononçant sur un différend opposant Free Télécom à France Télécom


NOR : ARTT0300054S



L'Autorité de régulation des télécommunications,

Vu le code des postes et télécommunications, notamment ses articles L. 34-8, L. 36-8 et R. 11-1 ;

Vu la décision no 99-528 de l'Autorité de régulation des télécommunications, en date du 18 juin 1999, portant règlement intérieur ;

Vu l'arrêté du 9 novembre 1999 modifié autorisant la société Free Télécom à établir et exploiter un réseau de télécommunications ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public ;

Vu l'arrêté du 12 mars 1998 modifié autorisant la société France Télécom à établir et exploiter un réseau de télécommunications ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public ;

Vu la décision no 2002-593 de l'Autorité de régulation des télécommunications, en date du 18 juillet 2002, établissant pour 2003 les listes des opérateurs exerçant une influence significative sur le marché du service téléphonique au public entre points fixes et sur le marché des liaisons louées ;

Vu la décision no 2002-1191 du 19 décembre 2002 complétant la décision susvisée ;

Vu la demande de règlement d'un différend accompagnée de mesures conservatoires, enregistrée le 28 mars 2003, présentée par la société Free SAS, RCS Paris no B 421 938 861, dont le siège social est situé 24, rue Emile-Ménier, 75116 Paris, représentée par M. Franck Brunel, directeur général ;

La demande de Free consiste à amender la convention d'interconnexion signée avec France Télécom afin de prévoir l'acheminement des blocs 08707 et 08717 dans les mêmes conditions que les blocs 0811 et la facturation de l'appelant au tarif local téléphonique général du catalogue des prix de France Télécom.

Free demande à titre principal à l'Autorité :

- de constater un échec des négociations entre Free et France Télécom ;

- de constater que France Télécom refuse l'interconnexion à Free ;

- de se prononcer sur le différend et

- d'ordonner à France Télécom de présenter à Free un avenant à la convention en vigueur respectant les principes suivants :

i) Ecoulement du trafic à destination des blocs 087B au tarif local de Free dans les mêmes conditions que les blocs 0811 au tarif local ;

ii) Tarification de la prestation de collecte assurée dans les mêmes conditions que celles prévues dans la section « offres de services et fonctionnalités complémentaires » du catalogue d'interconnexion décrivant l'accès aux services à coûts partagés des opérateurs tiers ;

iii) Tarification de la prestation de facturation dans les mêmes conditions que les principes exposés dans la convention en vigueur relative aux communications vers les blocs 081B.



I. - EXPOSÉ DES FAITS


Free a conclu le 14 février 2000 une convention d'interconnexion avec France Télécom. Le 24 octobre 2002, l'Autorité a ouvert dans le plan national de numérotation les tranches 08 70 et 08 71 pour servir de support à des services portables sur le territoire métropolitain à un tarif devant être inférieur à 0,12 euro/minute pour l'appelant. Elle a attribué, le 19 novembre 2002, les blocs 08707QMCDU et 08717QMCDU à Free.

Le 7 novembre 2002, Free a demandé à France Télécom de voir la convention en vigueur amendée afin de prévoir l'acheminement des blocs 08707 et 08717 dans les mêmes conditions que les blocs 0811 et la facturation de l'appelant au tarif local téléphonique général du catalogue des prix.

Le 29 novembre 2002, Free a adressé à France Télécom des bons de commande de création d'acheminement de ces blocs en novembre, mais n'a pas obtenu de réponse de la part de cette dernière. Le 20 décembre 2002, Free a soumis une proposition de création d'acheminement dans des conditions tarifaires transitoires, qui a reçu de la part de France Télécom une fin de non-recevoir. France Télécom a communiqué à Free le tarif susceptible d'être appliqué, compte tenu de la redevance de terminaison d'appel sur le réseau de Free en direction des numéros 087B proposée par Free le 7 janvier 2003, soit [...] euros HT/minute.

Le 15 janvier 2003, Free a proposé des conditions transitoires en vertu desquelles les communications à destination des blocs 087B de Free pourraient être écoulées et le trafic facturé à Free dans l'attente d'un accord définitif, ce qu'a refusé France Télécom.

Free précise que lors d'une réunion bilatérale, France Télécom a indiqué qu'un tarif de détail supérieur au tarif local téléphonique pouvait être envisagé, générant une recette moyenne de [...] euros HT/minute.

Le 7 mars 2003, Free a soumis une nouvelle proposition de [...] euros HT/minute à France Télécom, qui n'a pas donné suite. Face à ce silence, Free a décidé de saisir l'Autorité le 28 mars 2003.


II. - EXPOSÉ DES MOYENS


1. Sur la compétence d'attribution :

En vertu des articles L. 36-8, L. 34-8 et L. 32 (9°) du code des postes et télécommunications, Free souligne que sa demande d'interconnexion est justifiée au regard des besoins visant à écouler le trafic émis par les abonnés raccordés au réseau de France Télécom à destination des blocs servant de support à des numéros personnels et universels que Free fournira à ses abonnés.

Free demande à l'Autorité de définir les principes généraux devant être couverts par l'avenant demandé par Free et de fixer les conditions spécifiques devant être respectées.

2. Sur l'échec des négociations :

Free indique qu'il y a bien échec de négociations car, trois mois après avoir fait des offres à France Télécom, cette dernière n'a fait aucune proposition constructive et concrète permettant la mise en oeuvre de l'interconnexion.

Free constate que France Télécom a en outre opposé une fin de non-recevoir à la proposition de dispositions transitoires offrant la possibilité de mettre en oeuvre l'interconnexion dans l'attente d'un accord définitif, retardant l'ouverture des services prévus.

3. Sur la demande d'interconnexion indirecte :

Free souhaite se placer sous le régime de l'interconnexion indirecte. Free estime, d'une part, que sa demande est justifiée car elle est le meilleur moyen de garantir l'essor d'une concurrence sur ces numéros, inéligibles à la sélection du transporteur, et, d'autre part, qu'elle est raisonnable dans la mesure où France Télécom dispose des capacités à satisfaire cette demande sans charge excessive.

La demande de Free est justifiée :

Free indique que sa demande visant à acheminer et facturer les appels d'abonnés raccordés au réseau de France Télécom à destination de ses abonnés accessibles via un numéro non géographique, non éligible à la sélection du transporteur, est sans incidence sur la nature des prestations incombant à France Télécom, qui achemine déjà à travers une interconnexion indirecte le trafic issu de ses abonnés à destination de correspondants accessibles via un numéro non géographique, ou sur le niveau de sa propre rémunération dans la mesure où les tarifs d'interconnexion indirecte garantissent à France Télécom une rémunération orientée vers ses coûts.

Free rappelle que, dans le cadre des travaux du comité consultatif de la numérotation, les opérateurs nouveaux entrants avaient estimé que le service « numéros personnels universels » (UPN) devait se placer sous le régime de l'interconnexion indirecte.

Free considère que France Télécom ne peut sans contradiction accepter de fournir une prestation d'interconnexion indirecte lorsqu'il s'agit d'acheminer les communications issues de ses abonnées rentrant en contact avec une entreprise accessible au moyen d'un numéro non géographique de la série 0811 au tarif local et refuser de l'assurer si l'appelé est un abonné de Free accessible via un numéro non géographique de la série 087 au tarif local.

Free rappelle que la cour d'appel de Paris, dans un arrêt en date du 28 mai 2002, a rejeté le recours formé par France Télécom contre la décision no 2001-1055 de l'Autorité en soulignant que France Télécom pouvait être tentée de contrarier l'action d'un nouvel opérateur en mesure de présenter une offre concurrentielle sur le marché.

Or, le refus de France Télécom de faire droit à la demande d'interconnexion indirecte de Free et la volonté de lui imposer un schéma d'interconnexion directe place celle-ci dans une situation de dépendance car les numéros non géographiques ne sont pas éligibles à la sélection du transporteur. France Télécom a ainsi la possibilité de fixer un tarif de détail pour l'appelant qui, trop élevé, pourrait empêcher le développement de l'offre de Free.

Enfin, cette situation pourrait être contraire à l'article L. 442-5 du code de commerce.

Sur les capacités de France Télécom à satisfaire la demande de Free :

Free estime que sa demande peut être satisfaite par France Télécom car il s'agit de procéder simplement à la mise en oeuvre :

- d'acheminements de blocs vers des ressources réseaux existantes dont les caractéristiques sont similaires aux numéros de type 081B ;

- des mécanismes de facturation des clients finals pour les appels émis vers les services de Free sur un palier tarifaire existant.

Ces deux opérations constituent des opérations de routine pour France Télécom qui les met en oeuvre régulièrement.

En outre, aucune distinction d'un point de vue opérationnel ou technique ne peut être faite par France Télécom entre l'acheminement et la facturation des appels de ses abonnés à destination d'un numéro non géographique 081B exploité par France Télécom ou par un opérateur tiers et l'acheminement et la facturation des ou d'un numéro non géographique 087B.

En effet, la prestation de reroutage de la communication vers l'abonné est du ressort de l'opérateur exploitant le numéro non géographique, qui en supporte les coûts, et non France Télécom qui est rémunérée en fonction de ses coûts.

4. Sur l'interconnexion directe :

Free rappelle que le trafic d'interconnexion de la responsabilité de France Télécom est écoulé sur des ressources d'interconnexion (BPN et supports de transmission) qui relèvent de la responsabilité de Free dans des conditions acceptées par France Télécom dans le cadre de l'offre d'interconnexion faite par Free qui a donné lieu à un avenant.

Free considère que cette architecture est efficace car elle mutualise les ressources réseaux pour assurer l'écoulement de tout type de trafic à l'interface entre deux exploitants. Free précise que son offre ne prévoit pas l'écoulement de trafic à destination de numéros non géographiques.

Sur la proposition de Free :

Free indique qu'en réponse à la demande de France Télécom tendant à amender l'offre d'interconnexion de Free, elle a proposé une redevance de terminaison d'appel déterminés selon les principes de la formule Number Translation System (NTS) retenue par l'OFTEL.

Free souligne que la formule NTS décrit la redevance de terminaison d'appel d'un opérateur d'arrivée comme le chiffre d'affaires moyen de détail, diminué des coûts commerciaux et des coûts d'acheminement de trafic, depuis les points de terminaison de l'opérateur de boucle locale (OBL) départ vers les points d'interconnexion de l'OBL d'arrivée.

Free précise que pour évaluer les coûts d'acheminement de trafic depuis les points de terminaison de l'OBL départ vers les points d'interconnexion de l'OBL d'arrivée, elle s'est fondée sur l'offre d'interconnexion de France Télécom pour l'écoulement du trafic téléphonique « sélection du transporteur » grâce aux fichiers de détails de facturation annexés aux factures d'interconnexion émises par France Télécom. Pour le chiffre d'affaires moyen de détail, Free a appliqué les principes de tarification du catalogue des prix sur le trafic téléphonique « sélection du transporteur » pour la même période. Pour le calcul des coûts commerciaux, Free a appliqué un pourcentage « de peines et soins » au chiffre d'affaires moyen de détail.

Free indique que ces valeurs sont provisoires et seront ajustées lorsqu'elle bénéficiera de recul sur la nature du trafic 087B.

En outre, Free souligne que dans le cadre de l'offre d'interconnexion directe proposée par Free à France Télécom, Free [...].

Enfin, Free constate que France Télécom n'a répondu à aucune de ses propositions à la date du 26 mars 2003.

France Télécom dispose des moyens pour satisfaire la demande de Free :

Free estime que sa demande peut être satisfaite par France Télécom s'agissant simplement de mettre en oeuvre l'acheminement de blocs vers des ressources réseaux existantes et des mécanismes de facturation des clients finals pour les appels émis vers les services de Free sur un palier tarifaire existant, opérations que France Télécom met régulièrement en oeuvre dans son réseau.

Sur les principes de tarification pour l'appelant :

Free souhaite un tarif pour l'appelant unique, quelle que soit la localisation de l'abonné appelant en France métropolitaine.

Free indique que, compte tenu de la nature élastique au prix de détail de la demande, le tarif appliqué à l'appelant doit être le tarif local téléphonique traditionnel, afin de permettre le développement d'un service innovant et de répondre aux attentes des consommateurs en matière de visibilité des tarifs.

Free souligne, d'une part, qu'un tarif supérieur au tarif local téléphonique ne permettrait pas au service envisagé de se développer et, d'autre part, que le palier retenu par Free est conforme à l'avis du Comité consultatif de la numérotation, qui définissait un plafond de 0,04 euro/minute.

Vu la lettre du chef du service juridique de l'Autorité, en date du 3 avril 2003, communiquant aux parties le calendrier prévisionnel de dépôt des mémoires et le nom des rapporteurs ;

Vu le courrier de la société France Télécom enregistré à l'Autorité le 30 avril 2003 demandant un délai supplémentaire pour transmettre ses observations en défense ;

Vu les observations en défense enregistrées le 7 mai 2003 présentées par la société France Télécom, RCS Paris no 380.129.866 Paris, dont le siège social est situé 6, place d'Alleray, 75505 Paris Cedex 15, représentée par M. Jacques Champeaux, secrétaire général ;


I. - Sur l'exposé des faits de Free Télécom


France Télécom rappelle que la convention d'interconnexion conclue avec Free le 14 février 2000 précise que les blocs et les numéros pouvant prétendre aux modalités d'interconnexion indirecte sont limités aux services gratuits pour l'appelant, aux services à coûts partagés et aux services à revenus partagés.

Par ailleurs, France Télécom indique que l'ouverture de blocs de numéros selon les conditions prévues par la convention pour les services spéciaux est subordonnée à la présentation par Free d'une demande qualifiée de manière bilatérale et accompagnée d'une décision d'attribution de l'Autorité. Or, France Télécom considère que Free a formulé dans un courrier en date du 24 octobre 2002, une demande qui était unilatérale, ne respectait pas les termes de la convention et ne pouvait donc donner lieu à un avis favorable de la part de France Télécom.

France Télécom indique que Free, malgré l'absence de décision d'attribution des ressources concernées, a renouvelé sa demande par courrier du 7 novembre 2002 souhaitant, d'une part, l'acheminement depuis le réseau de France Télécom, des communications téléphoniques vers les blocs 08707QMCDU et 08717QMCDU dans les même conditions que celles applicables aux blocs 0811 et, d'autre part, la facturation de l'appelant au tarif local téléphonique défini dans le catalogue des prix de France Télécom.

France Télécom s'est interrogée sur la demande présentée par Free tendant à l'ouverture de blocs dans la tranche 087B qui étaient, depuis la décision no 1998-1046 de l'Autorité, marquée d'un statut « en réserve ».

France Télécom rappelle qu'aucune certitude sur les conditions de mise en oeuvre des services de numéros universels n'a été établie par l'Autorité depuis cette décision et que la demande de Free n'était pas étayée même si l'Autorité, le 24 octobre 2002, a publié une décision no 2002-958 consacrant l'ouverture de cette tranche.

France Télécom indique que la demande de Free du 7 novembre 2002 posait en outre des problèmes de cohérence et de compatibilité avec le plan de numérotation en vigueur car elle se référait à des conditions d'interconnexion accordées par France Télécom pour les blocs 0811 dédiés à des services à coûts partagés.

France Télécom précise que le 2 décembre 2002 Free n'a donné qu'une simple confirmation que les numéros 087B seront employés pour des services de type « Universal Personnal Number » (UPN).

Le 9 décembre 2002, France Télécom indique à Free qu'elle ne peut ouvrir ces acheminements dans les conditions contractuelles exigées par Free « qui ne sont pas adaptées compte tenu du type de service que Free veut commercialiser auprès de ses clients ».

France Télécom rappelle que les modalités d'interconnexion figurant au catalogue sont justifiées par le fait que les numéros spéciaux Z = 8 comprennent notamment des services d'assistance technique, de contenu, d'accueil qui justifient de considérer l'appelant comme le client de l'opérateur qui fournit le service. Par contre, dans le cas des UPN, le service rendu à l'appelant correspond au service téléphonique. La demande de Free revient donc à mettre en place un mécanisme qui lui permettrait de prendre en charge l'acheminement des appels du service téléphonique des clients de France Télécom sans leur consentement.

France Télécom a rappelé à Free que sa demande était similaire à celle de SFR concernant l'acheminement des numéros 06APBQMCDU au titre de l'interconnexion indirecte dont l'Autorité avait contesté le bien-fondé et demandé que SFR propose à France Télécom une prestation de terminaison d'appel sur son réseau.

Dans ces conditions, France Télécom ne pouvait s'engager à fournir la prestation demandée et a invité Free, à plusieurs reprises, à définir les conditions contractuelles d'interconnexion pour l'acheminement de ses numéros de la forme 087B. Par conséquent, Free ne peut affirmer « n'avoir pas reçu d'accusé de réception de sa demande ».

Par ailleurs, France Télécom relève le caractère exorbitant de la demande de Free, tendant à découpler la création des acheminements des conditions techniques et tarifaires, dans la mesure où elle suppose des travaux de la part de France Télécom en dehors du cadre contractuel et qu'elle engage de façon définitive le mode d'interconnexion alors même qu'il représente le principal point d'achoppement de la négociation.

France Télécom considère donc qu'en l'absence de conditions contractuelles, l'ouverture d'acheminement revendiquée par Free ne pouvait faire l'objet d'une transaction car elle anticipait de façon explicite les modalités d'interconnexion à l'origine des discussions entre les parties et aurait engagé définitivement la solution de ces dernières sans qu'il y ait eu consensus en la matière. France Télécom estime, d'une part, qu'une telle ouverture n'a de sens que si un tarif de détail est associé aux numéros 087BPQMCU et, d'autre part, qu'elle ne peut fixer un nouveau tarif de détail sans respecter la procédure fixée dans son cahier des charges. Donner suite à la demande de Free ne pouvait donc s'envisager que si France Télécom considérait qu'il s'agissait d'un service de Free auquel pouvait être appliqué un schéma d'interconnexion indirecte.

France Télécom indique que le tarif de détail souhaité par Free est en outre incompatible avec le tarif de terminaison d'appel demandé. L'ouverture des numéros ne pouvait donc être envisagée sans que la question du tarif de détail soit réglée au préalable.

France Télécom souligne que Free a reformulé sa proposition le 7 janvier 2003, qui, hormis la responsabilité des BPN, correspond à une interconnexion directe ; Free assurant la terminaison d'appel en demandant une redevance prévisionnelle de terminaison d'appel de [...] euros HT/minutes. France Télécom a pris note de cette nouvelle proposition et s'est engagée dans un courrier du 14 janvier 2003 à communiquer dans les meilleurs délais sa position quant à cette redevance et au tarif de détail qu'elle envisage de pratiquer.

France Télécom note que, dans ses courriers du 20 décembre 2002 et du 7 janvier 2003, Free a infléchi sa position pour reconnaître la validité d'une interconnexion directe, mais ni sa demande au fond, ni les mesures conservatoires ne reflètent les négociations entreprises en ce sens, lesquelles ont conduit Free à proposer un tarif de terminaison d'appel sur lequel France Télécom s'est appuyée pour transmettre son tarif de détail comme elle s'y était engagée.

France Télécom, dans un courrier du 27 janvier 2003, a répondu au courrier de Free du 15 janvier 2003, dans lequel celle-ci demandait une interconnexion indirecte, en rappelant l'incompatibilité des conditions d'acheminement réclamées par Free au regard de l'usage des numéros 08717QMCDU et 08707QMCU.

Free a fait parvenir le 6 mars 2003 une nouvelle proposition de terminaison d'appel à [...] centimes d'euro HT/minutes facturée à la seconde.

France Télécom considère que, malgré les écrits de Free, celle-ci a bien reçu une proposition de tarif de détail selon les échéances qu'elle avait indiquées. Free ne peut donc prétendre que France Télécom a opposé un silence à ses demandes. En effet, France Télécom, comme elle s'y était engagée le 21 mars 2003, a bien communiqué en semaine 13 par courrier du 28 mars 2003 le tarif qu'elle était en mesure d'appliquer à destination des numéros 087BPQMCDU de Free, soit 22 jours après communication par Free du tarif à prendre en compte.

France Télécom précise que Free a modifié ses positions à plusieurs reprises lors des négociations et qu'il ne peut être tenu rigueur à France Télécom de n'avoir produit dans des délais raisonnables ses propositions. Ainsi, les actions diligentées par France Télécom pour produire un tarif conforme aux exigences de son cahier des charges et des autorités de tutelle ne sauraient être qualifiées de manoeuvre dilatoire ou d'enlisement des négociations. La saisine de Free apparaît par conséquent comme factice en ce qu'elle tend à se substituer aux négociations commerciales.


II. - La demande de Free est irrecevable

au regard de l'absence d'échec des négociations


France Télécom considère que l'échec des négociations soulevé par Free est purement rhétorique. En effet, d'une part, France Télécom a communiqué une proposition tarifaire selon le calendrier auquel elle s'était engagée. D'autre part, Free n'ayant communiqué son tarif de terminaison d'appel que le 6 mars 2003, elle ne peut prétendre à un traitement inefficace de sa demande dans la mesure où France Télécom a transmis à la date indiquée ce tarif.

France Télécom indique qu'il est manifeste que Free a continué à négocier les conditions de l'interconnexion en proposant le 6 mars 2003 un tarif de terminaison d'appel. Elle ne peut donc prétendre à faire constater un échec de négociations et un refus d'interconnexion à la date de sa saisine dès lors que France Télécom a produit les tarifs de détail pour les communications à destination des numéros 087B de Free.

La demande de Free est donc irrecevable car elle n'a pas fait l'objet d'un refus de France Télécom lors de la négociation, puisque Free négociait sur des bases différentes à la présente saisine, et qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les négociations aient échoué à la date de la demande.


III. - La demande d'acheminement en interconnexion indirecte

des appels vers les blocs 087B est illégitime


A titre liminaire, France Télécom souligne qu'il ressort des négociations entre les parties que Free n'a pas de position de principe sur les modalités d'interconnexion. Elle a ainsi reconnu, dans un courrier du 7 janvier 2003, que l'interconnexion indirecte était seulement sa préférence.

France Télécom constate que la demande de Free vise cependant à prévoir l'ouverture de l'acheminement, depuis le réseau de France Télécom, des communications vers les blocs 08707QMCDU et 08717QMCDU dans les mêmes conditions que celles qui sont applicables aux blocs 0811.

France Télécom considère que la demande de Free est exorbitante au regard du droit commun de la réglementation, des règles de gestion de la numérotation, mais aussi des mécanismes d'interconnexion pertinents approuvés par l'Autorité dans le catalogue d'interconnexion.

1. Free revendique un usage détourné des règles de gestion de numérotation :

L'usage des blocs 0811 pour les services UPN méconnaît les règles de gestion de la numérotation :

France Télécom indique que Free reconnaît dans son courrier du 7 janvier 2003 que les services fournis dans le cadre des numéros Vert, Azur et Indigo ou des services UPN sont du service téléphonique.

France Télécom ne nie pas l'existence de véritables services à coûts partagés accessibles sur certains numéros de type 0811 attribués à Free ; elle déplore cependant que ces numéros fassent l'objet d'un usage qui excède celui arrêté par le plan de numérotation aux seuls numéros à coûts partagés. Si ceci était avéré, Free bénéficierait de conditions financières indues en matière d'interconnexion.

En outre, France Télécom indique que les décisions de l'Autorité d'attribution des blocs de numéros de la forme 0811 à Free sont sans ambiguïté sur leur destination d'usage pour les services à coûts partagés. France Télécom s'étonne que Free revendique l'usage illicite des numéros 0811 pour des services UPN afin d'obtenir des conditions équivalentes pour les blocs 087B qui lui ont été attribués.

France Télécom observe que l'usage inapproprié des numéros 0811 pour des services UPN permet d'expliquer que Free revendique une identité des conditions pour les numéros 087 alors qu'au regard des règles applicables, aucune raison objective ne permet une telle comparaison.

France Télécom rappelle que les services UPN accessibles par les numéros 0811 étaient nominativement visés par les documents supports de l'offre « Freebox » que Free délivrait à ses clients jusqu'au 3 mars 2003.

France Télécom observe que ce que Free qualifie de services UPN utilisant des numéros 0811 consiste à offrir « deux lignes téléphoniques » fixes à des clients dont la ligne dégroupée partiellement supporte un accès haut débit « Freebox » et de permettre ainsi d'offrir des communications téléphoniques interpersonnelles sur le marché du grand public.

Par ailleurs, France Télécom indique que la notion de service de communication personnelle recouvre des services de gestion de présence, mais que les décisions no 2002-958 et no 2002-1066 de l'Autorité visent exclusivement des services de portabilité pour des abonnés. France Télécom s'interroge donc sur la compatibilité de la demande de Free concernant les blocs 087B avec les règles du plan de numérotation, l'utilisation qu'elle semble vouloir faire de ses numéros pourrait être un nouveau détournement d'usage. Ceci est confirmé par la version du 12 février 2003 donnant la structure du plan de numérotation qui prévoit que la série 0878 correspond au service de communications personnelles tout en indiquant que ce service n'est pas encore opérationnel.

Free n'est pas légitime à réclamer des conditions équivalentes aux blocs 0811 pour ses numéros 087B :

La référence aux conditions accordées par France Télécom sur les numéros 081B ne peut être recevable puisqu'elle démontre le manque de bonne foi de Free et le détournement manifeste des règles de numérotation.

France Télécom indique en outre qu'elle n'a jamais accepté d'appliquer l'interconnexion indirecte pour que ses abonnés puissent joindre les clients du service UPN 081B de Free car elle ne connaissait pas la nature réelle de l'utilisation de ces numéros. France Télécom rappelle que les conditions d'interconnexion applicables aux services à coûts partagés accessibles aux numéros 081B figurent à son catalogue d'interconnexion et que sa position est conforme à celle des autres pays européens où les services à numéros personnels sont matures. Par conséquent, l'interconnexion indirecte ne peut être légitimement appliquée aux services UPN.

Par ailleurs, Free fait une comparaison insidieuse entre une communication à destination d'un numéro non géographique attribué à une entreprise et un appel à destination d'un de ses clients UPN. En effet, l'entreprise concernée n'utilise pas la ressource de numérotation non géographique pour appeler alors que Free associe à chaque numéro non géographique une ligne fixe d'accès dont ce dernier est l'unique identifiant, cette ligne fixe permettant de passer des appels à prix avantageux.

France Télécom ne peut souscrire à l'analyse de Free qui revient :

- soit à entériner un usage manifestement illicite des blocs 0811 ;

- soit à considérer légitime la mise en oeuvre de modalités d'interconnexion similaires pour des conditions d'usage manifestement incompatibles.

2. Le schéma d'interconnexion directe est le seul applicable au trafic entrant vers les numéros 087B de Free :

Free estime ignorer les réalités couvertes par les expressions « interconnexion directe » et « interconnexion indirecte », alors que ces deux termes sont définis en page 2 du catalogue d'interconnexion de France Télécom approuvé par l'Autorité. Free ne peut donc ignorer la portée réelle du mécanisme d'interconnexion indirecte dont elle entend bénéficier.

France Télécom constate que Free revendique le mode d'interconnexion indirecte après avoir ouvert la possibilité à un acheminement en interconnexion directe lors des négociations avec France Télécom.

Une incompatibilité avec le mode d'interconnexion des services spéciaux :

A titre liminaire, France Télécom indique que les dispositions d'interconnexion indirecte particulières sont prévues dans le catalogue d'interconnexion en section II - Services spéciaux et que si ces dispositions s'appliquent à des services accessibles à partir de numéros Z = 8, la totalité de cette série n'en bénéficie pas pour autant ; il n'y a que certaines catégories de services pour lesquelles elles sont justifiées.

Ces catégories sont précisées dans la décision no 98-1046 de l'Autorité et font référence à des services à coûts partagés ou à revenus partagés. D'autres catégories de la série Z = 8 ne sont pas incluses dans ce cadre ; c'est le cas des « services de mobilité généralisée ». Les « services de réseau privé virtuel » ou les « séries de numéros dédiés pour l'accès à des services internet » bénéficient de conditions d'interconnexion indirecte avec des modalités particulières.

Par conséquent, les modalités d'interconnexion indirecte ne sont pas justifiées par le seul fait que le numéro appelé appartient à la série Z = 8, mais par la nature même des services rendus à l'appelant et donc par la catégorie du service.

Cette position a déjà été défendue par France Télécom qui a rappelé lors du Comité consultatif sur la numérotation, le 29 février 2000, la légitimité du mode d'interconnexion directe. Free ne peut revendiquer un droit à un acheminement en interconnexion indirecte dès lors que les consultations menées par le régulateur n'ont à ce jour abouti à aucun consensus des différents acteurs concernés.

Eu égard aux définitions données par l'IUT, l'ETSI ou le Sénat pour ce type de services, France Télécom estime que le marché des services UPN adresse premièrement les clients qui souscrivent auprès d'un opérateur à un numéro personnel. Les clients appelant un numéro « Universel et Personnel » ne sont pas des clients du service « Universel et Personnel » ; ils restent clients du service téléphonique offert par leur opérateur de télécommunication et non par l'« UPT service provider ».

France Télécom précise que ces références théoriques sont confirmées par la pratique en Allemagne ou au Royaume-Uni. Ainsi, l'OFTEL a publié en 1998 un examen complet du marché de services universels de téléphonie en Grande-Bretagne et des modalités réglementaires s'y appliquant. La lecture de ce rapport démontre que la circonstance qu'un abonné téléphone à un client du service UPN n'en fait pour autant pas un client du fournisseur du service UPN, car son abonné n'achète rien au fournisseur de service UPN. Ceci ne signifie pas que le fournisseur de service UPN n'intervient pas dans la prestation de service que France Télécom rend à son client : il assure en effet une terminaison d'appel vers le destinataire avec la perspective d'avoir une opportunité plus grande de joindre le destinataire grâce à sa fonction de routage. Cette perspective explique pourquoi le client appelant serait prêt à payer en principe un tarif de détail plus élevé à son opérateur.

L'OFTEL rappelle que l'appelant reste le client de son opérateur mais bénéficie, au travers d'une terminaison d'appel adaptée, d'une prestation pour laquelle il est prêt à payer plus cher auprès de son opérateur. Ceci est en contradiction avec les affirmations de Free à qui il faut rappeler que les communications à destination de numéros géographiques ne sont pas toutes facturées au tarif local.

Enfin, la position de France Télécom est aussi confirmée par le régulateur français. En effet, la demande de Free est à rapprocher de celle de règlement de litiges entre SFR et France Télécom en 1998 sur le mode d'interconnexion applicable aux appels fixe vers mobile. La comparaison des deux affaires démontre de nombreux points identiques ; par conséquent, l'adoption d'une décision similaire se justifie.

Un service de communication interpersonnel qui ne modifie pas la relation client entre l'appelant et l'opérateur d'accès :

France Télécom indique que les demandes de Free consistant à créer une concomitance entre les services à coûts partagés et les services UPN en s'appuyant sur le seul facteur commun Z = 8 ne peuvent être retenues du fait de la seule proximité de numérotation non géographique qui existe entre ces différents services. Il pourrait être imaginé que les numéros personnels s'inscrivent dans une autre série comme le 0700.

France Télécom précise que le fait que la série Z = 8 soit le seul gisement de numéros non géographiques en dehors des numéros réservés aux mobiles, en préservant la série Z = 7 ou 9 pour d'autres usages ultérieurs, ne préjuge pas de l'existence de liens entre les services qui en font l'utilisation et des modalités relatives à l'interconnexion ou à l'accès qui s'y appliquent à chacun d'entre eux.

France Télécom estime que les appels à destination des numéros UPN relèvent de l'offre de détail de l'opérateur transporteur de l'appelant. Ainsi, lorsqu'un appel téléphonique doit être acheminé entre deux opérateurs d'accès, l'appelant reste le client de son opérateur d'accès. Tout le modèle économique de la téléphonie interpersonnelle est bâti sur un principe contractuel et économique suivant : c'est l'opérateur au départ de l'appel qui détermine le tarif et qui est responsable du service. Or, les services UPN ne font pas exception à ce principe ; les parties ont reconnu qu'ils n'étaient ni plus ni moins qu'un service téléphonique.

France Télécom souligne que la spécificité de l'usage des numéros dans une tranche non géographique et portable est une facilité que le fournisseur de service de téléphonie personnelle offre à son client. Ce service est indissociablement lié à la notion de portabilité généralisée au-delà de la dichotomie fixe/mobile.

Pour ces raisons, le mode d'interconnexion directe s'impose. Ce régime est en vigueur dans d'autres pays européens, notamment en Grande-Bretagne où le service est plus développé qu'en France et où l'OFTEL a attribué une série de 0700 à cet usage.

Le document précité de l'OFTEL confirme que les appels à destination des numéros UPN 0700 relèvent de la politique tarifaire de chaque opérateur au départ de l'appel, avec une concurrence manifeste entre ces opérateurs, ce que soutient France Télécom.

Ceci ne remet pas en question la fourniture d'une prestation de terminaison d'appel par Free, ni que son tarif doit d'une certaine manière refléter la prestation que le fournisseur de service UPN rend à l'opérateur transporteur au départ de l'appel.

France Télécom relève l'attitude contradictoire de Free concernant les conditions générales de vente de son service de téléphonie Freebox à cet égard.

Par conséquent, Free ne peut se prévaloir de l'interconnexion indirecte et se doit au contraire d'offrir à France Télécom une interconnexion directe lui permettant de joindre les clients du service UPN de Free Télécom.

3. L'acheminement demandé par Free n'est pas économiquement justifié :

Un modèle économique différent des services spéciaux :

France Télécom indique que la comparaison européenne confirme le principe applicable aux communications téléphoniques en vertu duquel, lorsqu'un appel téléphonique interpersonnel doit être acheminé entre deux opérateurs, l'appelant reste le client de son opérateur propre, et c'est cet opérateur qui rend le service à l'appelant car il a formellement souscrit auprès de lui ce service. Ce principe s'applique de plein droit aux communications interpersonnelles à destination d'un client du service UPN.

France Télécom précise qu'il y a une différence entre le modèle UPN et le service que souhaite rendre Free. Le fournisseur de service UPN ne peut recevoir de revenus sur le trafic sortant car il n'y a pas de trafic sortant de sa responsabilité. Par conséquent, dans les pays européens où le service est développé, les fournisseurs de service UPN ne se rémunèrent que sur leur terminaison d'appel et sur les abonnements du service auquel ses clients ont souscrit.

Or, Free offre à ses clients UPN des lignes téléphoniques fixes avec lesquelles ils peuvent appeler à un prix avantageux. Free est donc en mesure de dégager une marge commerciale sur les appels sortants pour lesquels il bénéficie en ce qui concerne France Télécom de la terminaison d'appel en interconnexion directe à tarif orienté vers les coûts. Dès lors que les tarifs sont avantageux, le client du service UPN de Free est donc générateur d'autant d'appels qu'il en reçoit. Cette caractéristique est la différence fondamentale entre le service UPN de Free et les services spéciaux à coûts et à revenus partagés, lesquels ne peuvent générer d'appel sortant et ne procurent pas d'autre revenu au fournisseur de service que celui des appels entrants et des abonnements au service.

France Télécom indique que les numéros de la forme 08AB permettent d'accéder au marché des services de télécommunications avancés, dont les principales caractéristiques sont l'unicité du numéro accessible depuis l'ensemble du territoire métropolitain, l'acheminement « intelligent » des appels jusqu'à l'appelé et un tarif pour l'appelant indépendant de sa localisation géographique.

Ainsi, le caractère non géographique d'un numéro est défini par opposition à la numérotation géographique, mais aussi au regard du prix payé par l'appelant.

France Télécom rappelle, que dans les hypothèses de l'accès commuté à internet ou des numéros spéciaux, le client accède à un service à valeur ajoutée complémentaire au service téléphonique de base fourni par son opérateur. Ce service est proposé par un fournisseur de services via un numéro non géographique de la forme 08AB dont ce fournisseur est lui-même attributaire ou détenteur.

Le modèle d'interconnexion pour l'accès à ces services spéciaux depuis le réseau téléphonique commuté repose sur une chaîne de valeur faisant intervenir trois types d'acteurs économiques distincts :

- l'opérateur de boucle locale de l'appelant, le plus souvent France Télécom, qui assure une prestation d'acheminement en origine d'appel ;

- un opérateur de réseau alternatif, interconnecté au réseau de l'opérateur de boucle locale, qui assure une prestation technique de collecte et de transport du trafic jusqu'au fournisseur de service raccordé à son réseau (opérateur d'arrivée) ;

- le fournisseur de service (l'appelé) qui fournit un service de valeur ajoutée à son client final (l'appelant).

France Télécom indique que les modalités du partage du revenu net tiré des communications émises par le client final entre le fournisseur du service à valeur ajoutée et l'opérateur en charge de la collecte et du transport du trafic émis depuis la boucle locale de l'opérateur de départ et à destination du service commercialisé par ce fournisseur sont fixées dans le cadre d'un contrat passé entre ces deux acteurs.

Les conditions de rémunération du fournisseur pour la prestation qu'il rend à l'appelant seront conditionnées par les modalités tarifaires applicables aux communications téléphoniques émises vers son service.

Dans cette hypothèse, le schéma d'interconnexion indirecte est le mécanisme le mieux approprié pour garantir les conditions de rémunération de l'activité de ces acteurs qui porte uniquement sur du trafic entrant.

Dans ce schéma, l'opérateur de boucle locale départ est rémunéré à hauteur des coûts supportés pour fournir la prestation d'origine d'appel sur son réseau. En outre, comme l'opérateur d'arrivée et le fournisseur du service à valeur ajoutée n'ont pas nécessairement de lien commercial direct avec le client final, contrairement à l'opérateur de boucle locale départ, celui-ci se retrouve en charge d'assurer une facturation pour compte de tiers.

Ainsi, le mécanisme de l'interconnexion indirecte avec facturation pour compte de tiers s'applique aux services spéciaux à coûts partagés, à revenus partagés et aux services de collecte du trafic internet depuis la boucle locale de France Télécom.

En ce qui concerne l'offre Freebox de Free, Free propose à ses clients l'accès à un « service de téléphonie vocale », qui repose sur une technologie « voix sur IP ».

France Télécom souligne que lorsqu'il intervient comme fournisseur de téléphonie vocale vis-à-vis de ses propres clients finals, Free est maître de sa politique tarifaire. La saisine de Free porte en revanche sur le mécanisme d'interconnexion à appliquer au trafic entrant, lorsque les appels sont émis à partir d'un réseau tiers à destination des clients du service de téléphonie Freebox.

France Télécom déplore l'attitude de Free qui tend à confondre le traitement réservé aux services d'accès commuté à internet et aux services spéciaux pour s'approprier la maîtrise de la politique tarifaire vis-à-vis du trafic entrant sur son réseau pour extraire la marge associée à la tarification de ces appels, alors qu'il n'est pas le fournisseur du service de téléphonie.

Or, dans le cadre de l'offre Freebox, vu de l'appelant, une communication à destination d'un abonné de Free n'apportera en pratique aucune utilité au-delà de celle procurée par une communication téléphonique ordinaire. Il ne s'agit en aucune façon d'une situation équivalente à celle où un client final consomme un service à valeur ajoutée fourni par un fournisseur de services.

Par conséquent, France Télécom considère qu'un appel d'un de ses abonnés à destination des numéros 087B attribués à Free doit être traité de la même façon qu'un appel émis depuis sa boucle locale par un client de son service de téléphonie vocale à destination d'un numéro géographique fixe ou d'un numéro non géographique mobile attribué chez un opérateur de réseau tiers. Concernant les services UPN, le seul mode d'interconnexion pour le service de Free est l'interconnexion directe. La politique tarifaire vis-à-vis de l'appelant est donc du ressort de l'opérateur fournisseur du service de téléphonie vocale. France Télécom fournissant le service téléphonique, elle demande à Free une prestation de terminaison d'appel sur son réseau.

Le présent différend s'inscrit dans un contexte d'interconnexion entre deux opérateurs d'accès offrant de la téléphonie à leur clientèle grand public ou professionnelle. Free ne peut soutenir que les clients de France Télécom deviendraient des clients de Free lorsqu'ils appellent un de ses abonnés.

En effet, c'est France Télécom qui rend un service à son client et le prix de la communication doit être payé à France Télécom par son client. La situation s'interprète de façon exactement symétrique pour les appels sortants du réseau de Free. France Télécom et Free doivent ainsi s'échanger les prestations de terminaison d'appel réciproques nécessaires afin de permettre à leurs clients de communiquer librement entre eux.

Par conséquent, faire droit à la demande de Free reviendrait à mettre en place un mécanisme lui permettant de prendre en charge l'acheminement des appels du service téléphonique des clients de France Télécom sans leur consentement.

L'application de l'interconnexion indirecte porterait préjudice à France Télécom :

France Télécom rappelle qu'en fonction du panier d'interconnexion donné par Free dans son courrier du 7 janvier 2003, qui estime ces coûts à [...] euros HT/min sans modulation horaire auquel il faut ajouter une « majoration services spéciaux » et quelques pourcentages contre la prestation de facturation pour compte de tiers pour aboutir à moins de [...] centimes d'euro par minute sans modulation horaire, tandis que Free conserverait environ [...] fois plus, en prenant comme hypothèse que le tarif facturé par France Télécom reste dans la limite du tarif local.

Par ailleurs, pour le trafic sortant, Free considère bénéficier de l'interconnexion directe, ce qui dans l'hypothèse où les trafics sont symétriques entre Free et France Télécom et où Free facture à son client l'appel national à un tarif équivalent au tarif local de France Télécom, le bilan financier par minute sera environ 3 fois plus important pour Free que pour France Télécom.

En réclamant l'interconnexion indirecte, Free s'attribue indûment une prestation pour laquelle elle ne fournit qu'une valeur ajoutée, pour laquelle elle pourrait être rémunérée par un prix de terminaison d'appel convenablement calculé.

Un tel schéma aurait pour conséquence de priver France Télécom de tout moyen lui permettant de recouvrer ses coûts commerciaux, ses coûts indivisibles, ou de générer une marge commerciale pour les appels entrants, ce qui lui causerait un préjudice.

France Télécom soutient que le trafic entrant est un trafic de sa responsabilité et qu'il revient à Free de lui proposer la prestation de terminaison d'appel. France Télécom est prête à accepter une interconnexion directe offerte par Free Télécom.

Dans ce contexte, France Télécom précise que le tarif d'appel pour une communication de France Télécom vers Free sera déterminé par France Télécom alors que Free percevra la terminaison d'appel correspondant à sa prestation et dont le tarif sera fixé par ses soins. Si Free s'engage à assurer la terminaison d'appel pour [...] centimes d'euro par minute [...] comme précisé dans un courrier du 6 mars 2003, les revenus de Free par minute sont indifférenciés avec le mode d'interconnexion indirecte. En revanche, le tarif d'appel depuis ses clients aura été déterminé par France Télécom, sous réserve de la procédure d'homologation tarifaire.

France Télécom souligne que cette approche n'altère pas le bilan financier de Free, qui peut rester le même que celui qu'elle espérait en réclamant l'interconnexion indirecte, et ne lui cause par conséquent aucun préjudice.

L'interconnexion indirecte ne garantit pas des conditions concurrentielles équilibrées pour les services UPN :

France Télécom rappelle que la recommandation de la Commission concernant les marchés pertinents de produits et de services dans le secteur des communications électroniques souligne que les clients des opérateurs mobiles sont peu sensibles au tarif que paient les appelants pour les joindre. France Télécom estime que ce constat est applicable pour les clients du service de téléphonie universelle et personnelle, ce dernier étant substituable au service de téléphonie mobile.

France Télécom constate que si l'Autorité accordait la demande d'interconnexion indirecte à Free, il n'y aurait plus incitation à ce que les tarifs d'appels vers les clients du service UPN entrent dans une boucle d'amélioration concurrentielle. France Télécom indique que l'OFTEL, dans son analyse du marché UPN, constatait que les clients du service UPN étaient peu sensibles au prix payé par les appelants et préféraient que les charges de « renvoi d'appel » soient pris en charge par les appelants. Ainsi, en augmentant les prix payés par les appelants, un fournisseur de services UPN bénéficiant de l'interconnexion indirecte ne se met pas en péril sur son propre marché des services UPN.

France Télécom estime que dès lors qu'il n'y a plus d'incitation à réduire le prix payé par les appelants, ni de contrôle possible, l'interconnexion indirecte peut être source de graves distorsions de concurrence sur le marché de la téléphonie et pourra causer un préjudice au consommateur.

France Télécom ajoute qu'il ne peut y avoir de concurrence sur des numéros, mais sur des services et qu'elle n'a jamais écrit que la sélection du transporteur à destination des numéros 087B était impossible.

En effet, la sélection du transporteur en appel par appel et présélection étant liée à la nature du service et pas uniquement à la tranche de numérotation, il est possible dans le cadre d'une interconnexion directe avec Free d'appliquer les mécanismes de la sélection du transporteur avec l'ensemble des transporteurs pour les appels au départ du réseau de France Télécom vers les numéros 08707QMCDU et 08717QMCDU. Lorsque les appels sont acheminés par France Télécom, il lui revient de déterminer le prix applicable aux communications à destination des numéros 087BPQMCDU, le tarif de terminaison d'appel de Free étant un des éléments permettant de déterminer ce tarif.

La démonstration de Free sur le tarif d'appel est sans portée :

France Télécom conteste l'affirmation de Free selon laquelle, s'agissant d'un service qui relève d'une ligne téléphonique « classique », un opérateur commercialisant une offre d'accès téléphonique ne saurait être viable si le tarif auquel ses clients pouvaient être joints était supérieur au tarif local de France Télécom.

France Télécom constate qu'en Allemagne, les services UPN peuvent être joints depuis le réseau de DTAG au tarif de détail de 6,2 centimes d'euros par minute et le marché des services UPN d'outre-Rhin connaît pourtant un fort développement.

France Télécom estime qu'en fait, Free souhaite obtenir le contrôle sur le tarif d'un service dont elle ne peut se prévaloir. Free cherche seulement à obtenir des conditions concurrentielles déséquilibrées en sa faveur. Les modalités d'interconnexion réclamées par Free pourraient conduire à s'appuyer sur les tarifs d'appel à destination des clients de la Freebox pour améliorer l'attractivité du tarif des appels au départ de ces mêmes clients et, par conséquent, l'attractivité de sa Freebox.

Pour l'ensemble de ces motifs, France Télécom demande à l'Autorité de :

- constater l'irrecevabilité de la saisine de Free ;

- de rejeter la demande de Free visant à ordonner à France Télécom de respecter les principes suivants :

i) L'écoulement du trafic à destination des blocs 087B au tarif local de Free dans les mêmes conditions que les blocs 0811 au tarif local ;

ii) Tarification de la prestation de collecte assurée dans les mêmes conditions que celles prévues dans la section « offres de services et fonctionnalités complémentaires » du catalogue d'interconnexion décrivant l'accès aux services à coûts partagés des opérateurs tiers ;

iii) Tarification de la prestation dans les mêmes conditions que les principes exposés dans la convention en vigueur relative aux communications vers les blocs 081B.

Vu le courrier de la société Free SAS, enregistré le 12 mai 2003, demandant une traduction en français d'une partie des observations en défense transmises par France Télécom le 7 mai 2003 ;

Vu le courrier de la société Free SAS enregistré le 22 mai 2003 demandant un délai supplémentaire pour transmettre ses observations en réplique ;

Vu les observations en réplique enregistrées le 26 mai 2003 présentées par la société Free SAS ;


I. - Les différents schémas d'interconnexion applicables

à l'acheminement des communications à écouler entre exploitants


1. L'interconnexion « directe » et « indirecte » sont des conventions sémantiques :

Free rappelle que les vocables « interconnexion directe » et « interconnexion indirecte » ne sont que des conventions proposées par France Télécom dans son catalogue d'interconnexion n'ayant aucune portée normative en droit national. La seule définition normative de l'interconnexion est celle fournie par l'article L. 32 (9)° du code.

Free se réfère donc aux notions de « collecte » et de « terminaison » qui décrivent de manière neutre les flux de trafic entre deux exploitants de réseaux ouverts au public. Free souligne que la Commission se réfère aussi à ces deux notions. C'est pourquoi Free utilisera donc ces définitions en lieu et place des conventions sémantiques utilisées par France Télécom dans son offre commerciale.

2. Sur la connaissance par l'opérateur départ de la localisation géographique du numéro appelé :

Free indique que lorsque l'exploitant qui achemine une communication au départ de son réseau a la connaissance de la localisation géographique de l'utilisateur appelé, il peut acheminer cette communication au plus près de l'utilisateur appelé. Free précise que la connaissance de la localisation de l'utilisateur appelé est apportée par l'analyse de la structure du numéro appelé pouvant contenir une indication sur cette localisation.

Free rappelle que le service fourni par l'exploitant raccordant l'utilisateur appelé est un service de terminaison d'appels utilisé par :

- les opérateurs de boucle locale fixe (ou les opérateurs mobiles) désirant écouler le trafic émis par leurs abonnés à destination des abonnés raccordés à d'autres réseaux ;

- des opérateurs ne raccordant pas directement des utilisateurs mais exerçant une activité sur le segment de l'acheminement des communications.

3. Sur l'absence de connaissance par l'opérateur départ de la location géographique du numéro appelé :

Free rappelle que les numéros de la tranche Z = 8 ne contiennent pas d'indication sur la localisation de l'utilisateur appelé. En conséquence, l'acheminement des communications jusqu'au point de terminaison fait appel à des règles complexes de routage. Lorsque l'exploitant qui achemine une communication au départ de son réseau n'a pas la connaissance de la localisation géographique de l'utilisateur appelé, il achemine cette communication à l'interface d'interconnexion entre son réseau et celui raccordant l'appelé au plus près de l'abonné appelant.

Pour exemple, Free rappelle que son offre de collecte d'appels stipule qu'elle livre les communications ayant pour origine une zone de transit donnée sur des faisceaux d'interconnexion entre ses commutateurs et des centres de transit situés dans la même zone de transit.


II. - La demande de Free est recevable


1. La demande de Free porte sur l'acheminement des communications à destination des numéros 087B :

La tranche 087B n'a été ouverte qu'en automne 2002 :

Free indique que les dispositions de la convention d'interconnexion la liant à France Télécom ne prévoient pas le cas des numéros 087B qui n'ont été ouverts par l'Autorité que le 24 octobre 2002. Free souligne qu'elle a saisi l'Autorité dès la fin de l'été 2002 pour qu'une décision ouvre la tranche 087B dans le plan de numérotation afin de servir de support à ses services UPN, conformément à la décision no 98-1046 de l'Autorité en date du 23 décembre 1998.

En parallèle, Free indique qu'elle a déposé une demande d'attribution décrivant l'utilisation envisagée de la ressource (service UPN), le tarif applicable pour l'appelant ainsi que la date d'utilisation de la ressource (décembre 2002). Dans sa décision no 2002-1066, l'Autorité a décrit d'une manière générique les services qu'entend offrir Free à travers les numéros 0870 et 0871.

Concernant le tableau synthétique cité par France Télécom dans ses observations, Free observe, d'une part, que ce tableau n'est pas annexé à une décision prise en application de l'article L. 34-10 du code et n'a donc aucune portée juridique. D'autre part, il indique que les observations de France Télécom ne reposent sur aucun fondement juridique. Par conséquent, Free ne souhaite pas apporter de développement supplémentaire.

Free souligne que les services qu'elle entend développer sont conformes aux décisions de l'Autorité en matière d'organisation du plan national de numérotation.

Free a sollicité France Télécom dès l'ouverture de la tranche 087B par l'Autorité :

Free précise que dès l'ouverture des blocs 087B, elle a sollicité France Télécom pour exposer ses besoins en matière de prestations techniques et tarifaires et de tarif pour l'appelant, compte tenu de l'absence de sélection du transporteur applicable pour la série Z = 8.

Free rappelle que la convention dont se prévaut France Télécom concerne l'ouverture d'indicatifs, ce qui ne peut avoir lieu que si la convention le prévoit expressément. Free indique que la convention avec France Télécom ne prévoyait pas le traitement des demandes portant sur l'acheminement des 087B. Elle a donc sollicité France Télécom sur ce point.

Free rappelle que tant la convention que ses avenants ne sont pas immuables et figés dans le temps et peuvent faire l'objet d'adaptations par le biais d'avenants pour tenir compte de l'évolution du contexte technique et réglementaire ou en vue de fournir un cadre précisant les modalités opérationnelles, techniques et financières de mise en oeuvre des demandes d'interconnexion des opérateurs, dès lors qu'elles sont justifiées. Free souligne que, tant l'article 1134 du code civil, que l'article 10 de la convention d'interconnexion signée avec France Télécom, lui permettent de demander une adaptation de la convention au nouveau cadre réglementaire.

2. Free a clairement exprimé ses besoins et a fait preuve d'ouverture et de pragmatisme :

Free a présenté à France Télécom les deux possibilités d'interconnexion (collecte d'appels de France Télécom ou terminaison offerte par Free), tout en exprimant clairement sa préférence pour un mode particulier :

Free souligne que, contrairement à ce que prétend France Télécom, les échanges démontrent qu'elle a eu une attitude ouverte en présentant et analysant les deux alternatives. Free indique que ces deux mécanismes résultent d'une réelle volonté de négocier en explorant toutes les voies permettant de parvenir à un objectif qui est l'ouverture d'un service UPN répondant aux attentes des consommateurs.

Free rappelle que tout au long des négociations, elle s'est efforcée d'exprimer clairement sa préférence pour le mode de collecte d'appels en exposant ses arguments à France Télécom dans ses courriers en date du 24 octobre 2002, 7 novembre 2002 et 7 janvier 2003.

Sur l'attitude dilatoire de France Télécom au cours des négociations :

Free rappelle le déroulement des négociations et notamment qu'elle a toujours exposé à France Télécom que les 087B serviront de support à des services de type UPN répondant à l'objectif de portabilité du numéro pour l'abonné découlant des prescriptions légales réglementaires.

Free estime que les interrogations de France Télécom sur la notion de « services » et de « compatibilité » sont factices puisque l'Autorité a admis en matière de services que la frontière entre le revenu partagé et le coût partagé se situait au niveau du palier tarifaire 0,15 euro TTC/minute. Free considère ainsi qu'un 32PQ facturé à l'appelant au tarif téléphonique est traité par France Télécom dans le cadre du mécanisme de facturation pour compte de tiers alors qu'un 32PQ facturé à l'appelant 0,34 euro TTC sera traité par France Télécom dans le cadre du contrat de facturation pour compte de tiers mis en place dans le prolongement de la décision de règlement de litiges no 2001-474 de l'Autorité opposant 9 Télécom Réseau à France Télécom.

Free considère que le tarif souhaité, tarif local traditionnel, est compatible avec les usages établis pour le traitement des services à coûts partagés facturés au tarif local téléphonique.

Free estime qu'elle a proposé plusieurs alternatives à France Télécom, l'une d'entre elles consistant à acheminer en interconnexion directe avec terminaison d'appel sur son propre réseau transitoirement nulle dans le cadre de l'offre d'interconnexion de Free acceptée par France Télécom. Les propositions de Free ont été refusées par France Télécom qui a renouvelé son engagement, sans le tenir, de communication d'un tarif de détail « dans les meilleurs délais ».

3. L'échec des négociations existait au jour de la saisine :

Free rappelle qu'elle avait sollicité France Télécom dès le 24 octobre 2002, soit cinq mois avant sa saisine devant l'Autorité. Il y a donc eu plusieurs mois de négociations qui n'ont pas abouti et France Télécom ne peut prétendre qu'il n'y a pas eu échec des négociations.

Sur le refus opposé par France Télécom à la demande de Free :

Free rappelle que tout au long des négociations, France Télécom a opposé un refus de principe à la demande nominale de Free visant à acheminer sur la base du mécanisme de collecte d'appels existant pour les numéros spéciaux en 08 les appels à destination d'abonnés Free accessibles au moyen d'un 087B.

Free estime que les échanges entre les parties démontrent un désaccord sur le fond entre les parties sur le mécanisme d'interconnexion et la mise en place d'un tarif de détail au sens de l'article L. 36-8 du CPT.

La solution proposée par France Télécom ne répond pas aux attentes de Free :

Bien que Free privilégiait la prestation de collecte d'appel, elle n'a pas fermé la porte à une alternative souhaitée par France Télécom consistant à acheminer les communications à destination des abonnés de Free accessibles au moyen d'un numéro 087B à travers une prestation de terminaison d'appel.

Free s'étonne de la transmission par France Télécom, le 23 avril 2003, d'une décision tarifaire inscrivant dans son catalogue des prix les principes de facturation des communications émises par les abonnés raccordés au réseau de France Télécom vers les services UPN de Free.

En vertu de cette décision tarifaire, le tarif moyen proposé par France Télécom à destination des UPN de Free est de [...] centimes d'euros HT par minute. Free évalue le tarif général téléphonique local à environ 3,28 centimes d'euros HT/minute, valeur cohérente avec l'évaluation faite par l'Autorité dans son avis no 2003-64 du 14 janvier 2003.

S'agissant du marché des communications nationales, Free évalue le tarif moyen à environ 5,2 centimes d'euros HT/minute ; cette valeur est cohérente avec le tarif de l'offre Option Plus que Free évalue à environ 5,5 centimes d'euros HT/minute et à l'avis susvisé de l'Autorité.

Free estime donc que la décision tarifaire implique un tarif de détail deux fois supérieur au tarif moyen local et plus élevé que le tarif moyen national de la grille de France Télécom. La solution proposée par France Télécom ne correspond ainsi pas au marché des communications nationales et locales sur le segment résidentiel et ne convient pas à Free.

En outre, la décision tarifaire fait apparaître que Free devrait proposer une terminaison d'appel d'un montant négatif de [...] centimes d'euro/minute pour que le tarif de détail converge vers le tarif moyen local.

Free constate que le tarif net moyen fait apparaître une prestation de facturation, recouvrement et impayés dont la redevance représente environ 11 % du tarif moyen de détail. France Télécom reconnaît donc explicitement effectuer une prestation de facturation pour compte de tiers en agissant comme mandataire transparent à l'égard du client.

Dès lors que France Télécom avoue effectuer une prestation de facturation, Free doit pouvoir choisir la référence du tarif. Free souhaite un tarif de détail cohérent avec le tarif général du marché des communications locales de la grille de France Télécom sur un « mix marché » 70 % R / 30 % P et considère que France Télécom conserve ainsi une certaine souplesse et une certaine liberté dans la construction du tarif applicable à ses clients.

La décision tarifaire de France Télécom ne peut donc être considérée comme une réponse appropriée à la demande de Free. Elle pose aussi un problème concurrentiel car elle conditionne l'arrivée sur le marché de services nouveaux, pas encore commercialisés par France Télécom.


III. - Le désaccord entre les parties

émane du contexte régissant les numéros 08


1. La concurrence par les prix ne peut pas jouer pour le consommateur :

Comme les numéros Z = 8 sont inéligibles à la sélection du transporteur, le consommateur ne peut que s'en remettre à France Télécom pour la collecte et la facturation des appels à destination des numéros de cette série.

Free considère qu'opter pour un mécanisme de terminaison d'appel dans lequel France Télécom fixe souverainement le tarif pour l'appelant d'une communication inéligible à la sélection du transporteur vers un service ou correspondant d'un opérateur tiers conduit à confier un monopole de fait à France Télécom qui priverait le consommateur de la possibilité de faire jouer la concurrence. Free rappelle que l'inéligibilité à la sélection du transporteur des appels à destination des numéros non géographiques de la série Z = 8 ne permet pas de faire jouer la concurrence pour déterminer librement les prix, en violation de l'article L. 410-2 du code de commerce.

2. En mettant en oeuvre un schéma de terminaison d'appel, les opérateurs seraient dépendants de France Télécom :

Free indique qu'en l'absence d'ouverture des numéros 08 à la sélection du transporteur, un schéma de terminaison d'appel placerait les opérateurs exploitant des services de type UPN dans une situation de dépendance vis-à-vis de France Télécom puisque la fixation du tarif pour le consommateur serait du ressort exclusif de France Télécom. Les opérateurs alternatifs devront donc suivre la politique commerciale de France Télécom et aucune concurrence par les prix ne pourra jouer.

3. Conséquences de l'absence de sélection du transporteur pour les appels émis vers les services UPN de Free :

Free rappelle que France Télécom exerce une influence significative sur le marché du service téléphonique au public entre points fixes pour l'année 2003. Free relève qu'il n'existe à ce jour aucun service de terminaison d'appel offert par un exploitant pour lequel la sélection du transporteur au départ du réseau de France Télécom ne peut s'exercer.

Free estime que si un mécanisme de terminaison d'appel devait être mis en place pour l'accès aux services UPN de Free en l'absence de sélection du transporteur applicable au départ du réseau de France Télécom, cette situation serait dérogatoire au regard du droit communautaire et national et exorbitante au regard des règles régissant l'interconnexion. Elle placerait France Télécom en position de monopole absolu.

Dès lors que la sélection de transporteur pour ces numéros n'est pas ouverte, la prestation fournie par France Télécom doit être une prestation de collecte d'appels dont les conditions techniques sont décrites dans la section II de son catalogue. Le client final ne pouvant contractualiser avec l'opérateur de son choix, il revient à France Télécom d'assumer certaines obligations comme la facturation. Dans le cas des UPN, France Télécom doit agir en tant qu'intermédiaire transparent pour le client (comme pour la facturation des services à revenus partagés).


IV. - La demande de Free est raisonnable et justifiée


1. L'opérateur doit disposer de la liberté de choix quant au mode d'interconnexion :

Free précise qu'un opérateur sollicitant l'interconnexion doit disposer d'une certaine latitude quant au choix du mode d'interconnexion.

Free rappelle, d'une part, qu'un tel principe a été reconnu et rappelé par l'Autorité. Ainsi, l'Autorité a décidé que la liberté du choix du mode d'interconnexion devait être garantie pour que l'opérateur tiers puisse être en mesure d'opter pour le schéma répondant le mieux à ses attentes et à celles des consommateurs (cf. décisions no 2000-489 du 26 mai 2000, no 2000-603 du 30 juin 2000, no 2000-723 du 12 juillet 2000 ou no 2001-474 du 18 mai 2001).

D'autre part, Free n'a jamais exclu une prestation de terminaison d'appel, mais s'est juste contentée d'émettre sa préférence pour la collecte d'appels. Free rappelle qu'elle a fait des propositions concrètes à France Télécom qu'elle a fait évoluer en fonction des remarques de cette dernière.

Par ailleurs, Free précise qu'elle est prête à adopter, le cas échéant, un mécanisme de terminaison d'appel dès lors que la tranche 08 sera ouverte à la sélection du transporteur. Dans cette hypothèse, son offre d'interconnexion à France Télécom sera une offre de terminaison d'appel et chaque opérateur sera libre de construire son offre de détail vers les services UPN de Free. Selon Free, cette situation est semblable au trafic fixe vers mobile dont Free rappelle l'historique.

Enfin, Free rappelle la position de l'Autorité sur la sélection du transporteur pour les appels via les numéros spéciaux. Free estime qu'un numéro spécial contient de facto dans sa structure le transporteur chargé d'acheminer efficacement la communication jusqu'au fournisseur de services. Ainsi, la prestation fournie au client final pourrait s'analyser comme une certaine forme de présélection dont l'assiette porterait sur les communications émises vers un bloc 08ABPQ entier.


2. La collecte d'appels, vecteur idéal d'essor de la concurrence sur un segment inéligible à la sélection du transporteur :

Free indique qu'en l'absence de sélection du transporteur, la collecte d'appels couplée avec un mécanisme de facturation pour compte de tiers est à même de garantir l'essor d'une concurrence sur les services de type UPN.

Free estime notamment qu'un tarif attractif pour l'appelant est une condition nécessaire au développement de l'offre. Elle ne partage pas la position de France Télécom selon laquelle le tarif pourrait se placer jusqu'au niveau de celui observé pour le fixe vers le mobile puisqu'il suscite un rejet de la part des clients.

Free tient à rappeler que la Freebox est le premier système d'accès multiservice à l'information qu'un opérateur de télécommunications aura déployé sur une boucle locale en cuivre en France, lequel permettra notamment la traduction des numéros appelés, ou la gestion des renvois. Les clients pourront choisir leurs numéros et former des combinaisons pratiques ou mnémotechniques.

Free indique que ses services UPN permettront aussi de répondre aux prescriptions du CPT qui prévoient que les utilisateurs peuvent obtenir de leur opérateur un numéro leur permettant de changer d'implantation géographique en conservant le même numéro.

Free considère en outre que l'opérateur proposant le service supporte l'essentiel des charges liées au service alors que l'opérateur raccordant l'utilisateur appelant n'a qu'un rôle de collecteur d'appels et, le cas échéant, de facturation. Par conséquent, Free considère que France Télécom n'est pas fondée à estimer qu'elle supporterait seule les charges liées à ce service puisque l'essentiel des charges sera supporté par Free.

Enfin, Free estime qu'elle s'est toujours efforcée de proposer au consommateur une offre la plus claire possible notamment dans la mesure où l'UPN est un service souscrit par l'appelé qui rémunère l'opérateur pour cette prestation. Free considère qu'il est illégitime de pénaliser l'appelant en lui faisant payer une majoration. Selon Free, le lancement de services innovants et nouveaux n'implique pas obligatoirement des tarifs de détail exorbitants et il ne faut pas décourager l'appelant d'appeler un correspondant disposant d'un service UPN.

Par ailleurs, Free indique que dans le schéma de collecte d'appels, l'opérateur tiers interconnecté à France Télécom maîtrise les paramètres économiques, choisit les points d'interconnexion et les capacités des liens d'interconnexion et possède une marge de manoeuvre pour élaborer ses offres commerciales. L'opérateur tiers est ainsi responsable du trafic et a une meilleure maîtrise des paramètres techniques et tarifaires de son offre, comme l'a déjà reconnu l'Autorité.

En outre, Free estime qu'en l'absence d'éligibilité à la sélection du transporteur des indicatifs de la série Z = 8, la facturation pour compte de tiers permet à l'opérateur de disposer d'une certaine indépendance par rapport à France Télécom. Il est ainsi possible d'établir un prix pour l'appelant qui permet de faire jouer la concurrence.

Free indique ensuite que dans ce schéma, France Télécom doit appliquer des tarifs répondant aux objectifs de transparence, d'objectivité, de non-discrimination et d'orientation vers les coûts.

Free estime qu'il faut s'assurer que France Télécom puisse recouvrer les coûts qu'elle sera amenée à supporter afin de traiter les demandes d'interconnexion tout en veillant à ce que les prestations mises en oeuvre ne conduisent pas à imposer de charges excessives, tant à France Télécom qu'aux opérateurs sollicitant l'interconnexion, pour que ces derniers puissent bâtir des offres innovantes et pérennes.

Enfin, Free indique que France Télécom ne peut prétendre qu'elle subirait un préjudice financier. Free rappelle, qu'en application des articles L. 34-8 III, D. 99-11 et D. 99-20 du code des postes et télécommunications, l'offre de collecte faite aux opérateurs par France Télécom et approuvée par l'Autorité permet à l'exploitant de recouvrer les coûts du réseau général, mais aussi les coûts spécifiques et les coûts pertinents, ces coûts intégrant une rémunération du capital. Par conséquent, sauf à considérer que les tarifs d'interconnexion ne rémunèrent pas les coûts encourus, France Télécom ne peut se prévaloir d'aucun préjudice financier.

Par ailleurs, Free rappelle que le mode de collecte d'appel répond le mieux à sa demande puisqu'il lui donne une meilleure maîtrise des paramètres économiques, le choix des points d'interconnexion et des capacités des liens d'interconnexion et, enfin, qu'il lui laisse une marge de manoeuvre plus importante. C'est pour ces raisons que les opérateurs ont exprimé leur souhait d'utiliser le mode de collecte d'appels pour les services UPN.

En outre, Free indique que sa proposition est à l'avantage du consommateur. Free estime que l'adoption du mécanisme d'interconnexion envisagé par France Télécom peut se révéler défavorable au consommateur dans la mesure où le tarif pour l'appelant est deux fois supérieur à la proposition de Free, où aucune concurrence par les prix ne peut jouer sous l'effet conjugué de l'inéligibilité des indicatifs de la série Z = 8 à la sélection du transporteur et de l'absence de liberté de fixation du tarif pour l'opérateur.

Free évalue à [...] centime d'euro/minute les recettes d'interconnexion de France Télécom, hors BNP et supports de transmission. La majoration des services spéciaux peut être évaluée à [...] centime d'euro/minute sur le fondement du panier de consommation de services de collecte et de terminaison que fait Free.

En application de la rubrique A3400 du catalogue des prix, Free évalue à environ 3,28 centimes d'euro/minute le chiffre d'affaires moyen facturé au client final. Les coûts de « peines et soins » peuvent être évalués à environ 0,013 centime d'euro.

3. France Télécom dispose des capacités à satisfaire la demande de Free :

Free rappelle qu'elle demande simplement, concernant l'acheminement des communications à destination de ses abonnés accessibles au moyen d'un numéro non géographique, l'application des dispositions existantes, lesquelles n'imposeront pas de charges excessives à France Télécom.

La demande de Free consiste à étendre aux indicatifs 087B le mécanisme actuellement en vigueur pour l'acheminement des indicatifs 081B. Les numéros 081B et 087B sont très similaires d'un point de vue technique, ils répondent au même besoin et la seule distinction ne peut être que purement commerciale. C'est pourquoi Free demande l'application du même cadre.

Free souligne que cette proposition n'affecte pas les revenus de France Télécom. En outre, elle n'entraîne pas la mise en oeuvre de travaux complexes puisque l'écoulement des communications s'effectuera via les ressources déjà déployées au titre de l'acheminement des indicatifs 08 ; ce que France Télécom ne conteste pas.

Le tarif qu'elle demande consiste en l'application aux numéros 087B du palier tarifaire actuellement en vigueur pour les communications à destination des numéros 0810/0811, lui-même fixé en référence à un tarif homologué. Par conséquent, le tarif de Free, correspondant au tarif téléphonique local applicable en heures creuses pour l'abonnement principal, n'implique pas le recours à une procédure d'homologation tarifaire car il ne s'agit pas de créer un nouveau tarif de détail de France Télécom. Ainsi, dans le cadre de l'ouverture des numéros 0860 par d'autres opérateurs que France Télécom dont le tarif initial était le tarif de détail, la procédure d'homologation n'a pas eu à s'appliquer.

Conformément à l'article D. 99-10 du code des postes et télécommunications, la demande de Free n'imposera aucune charge excessive à France Télécom.

Enfin, Free souhaite que la mise en place effective de l'interconnexion nécessaire à la commercialisation du nouveau service UPN soit effectuée promptement dès lors que la solution du litige aura été trouvée.

4. L'offre d'interconnexion de Free :

Free précise que la convention prévoit que :

- le trafic de collecte de Free est acheminé par Free depuis les points de terminaison de son réseau vers le plus proche point d'interface et s'écoule sur les BPN d'interconnexion mis en place dans le cadre de l'offre d'interconnexion de France Télécom ;

- le trafic terminal de Free est acheminé depuis les différents points d'interface jusqu'aux points de terminaison du réseau de Free. Ce trafic s'écoule à l'interface sur les BPN d'interconnexion mis en place dans le cadre de l'offre d'interconnexion de France Télécom.

Free indique que dans la pratique, il existe entre les réseaux de Free et de France Télécom des ressources d'interconnexion banalisées écoulant tout type de trafic. Free souligne que le trafic s'écoule essentiellement par des supports de transmission de Free et que le réseau de Free offre la même qualité que celle de France Télécom.

Free précise que la mise en place de ressources dédiées n'est pas prévue par la convention et qu'elle conduirait à d'évidentes déséconomies d'échelle préjudiciables pour chacune des parties. Free relève qu'à aucun moment au cours des négociations, France Télécom n'a manifesté l'exigence de construire des ressources spécifiques pour le trafic UPN de Free.

Si l'Autorité devait rejeter la demande principale de Free, Free indique que le trafic entrant dans le réseau de Free fera l'objet d'une redevance de terminaison d'appel, ce que ne conteste pas France Télécom car, dans ce cas, Free lui offre une prestation d'interconnexion. Free souligne que son offre de terminaison répond aux besoins de France Télécom. Free indique que France Télécom n'a jamais revendiqué la construction de BPN spécifiques et dédiés. En outre, l'offre de Free répond aux besoins d'acheminement efficaces au départ du réseau de France Télécom puisqu'elle minimise de facto le nombre d'éléments de réseau à traverser. Elle fait porter à la charge de Free le dimensionnement des supports de transmission ainsi que des ressources de commutation. Par conséquent, l'offre de Free ne fait pas peser sur France Télécom des charges excessives.

Free considère que l'offre de détail que fera France Télécom à ses clients ne devra pas présenter un caractère excessif au regard des coûts encourus par cet exploitant :

Un caractère excessif au regard du prix de marché des communications locales/voisinage pourrait s'analyser comme une volonté de France Télécom de restreindre l'entrée sur le marché des services UPN d'un exploitant en situation de dépendance sur le tarif de la terminaison d'appel.

Free rappelle qu'elle évalue à [...] centime d'euro par minute HT l'utilisation qu'elle fait du service de terminaison d'appel de France Télécom. Free indique que le catalogue d'interconnexion de France Télécom prévoit l'application « d'une majoration services spéciaux » destinée à rémunérer des coûts vaguement identifiés. Free précise que pour l'offre de terminaison d'appel de France Télécom, la majoration représente environ [...] centime d'euros/minute. France Télécom exerçant une activité de monopole pour l'acheminement des services UPN, l'exposition marketing du tarif de détail vers ces services devrait être limitée, voire nulle. Ainsi, les coûts commerciaux devraient être limités aux coûts de facturation, d'encaissement et d'impayés, valorisés à 2 % du tarif de détail dans la convention.

Free indique que le panier qu'elle a retenu (durée de connexion moyenne de 4,5 minutes) conduit à minorer la recette moyenne des communications locales, compte tenu de l'effet du crédit temps. Si le trafic émis par les clients de France Télécom à destination des services UPN de Free devait respecter ce panier et si le tarif de détail devait être ceux figurant à la rubrique A3400 du catalogue, France Télécom retirerait un chiffre d'affaires moyen de 3,28 centimes d'euro HT/minute.

France Télécom retirerait, d'une part, avec une terminaison d'appel nulle pour Free une marge brute de 2,490 4 centimes d'euro HT/minute.

D'autre part, Free a évalué la marge nette que retirerait France Télécom si la terminaison d'appel de Free devait être de [...] centimes d'euro HT/minute à 1,02 centime d'euro HT/minute, soit 31 % du chiffre d'affaires. Cette marge est double de celle de son segment de référence « fixe France ». Ainsi, le développement de l'usage de nouveaux services innovants de télécommunications au départ du réseau fixe de France Télécom (les services UPN) va profiter directement et très favorablement à France Télécom.

Free souligne que cette terminaison d'appel, non excessive pour France Télécom, lui permet de recouvrer ses coûts directs et indirects, tout en prenant en compte la rémunération du capital conforme aux attentes des investisseurs.

Enfin, Free précise qu'avec un tarif de détail à destination des services UPN de Free de [...] centimes d'euro HT par minute, la marge nette de France Télécom serait de [...] %. Elle souligne qu'en aucun cas elle ne commercialisera des services UPN dont le tarif de détail ne respecte pas certains critères, le niveau moyen de prix étant l'un de ces critères.

Free considère que les communications vers des services UPN de Free entrent dans le cadre de la fourniture du service universel dont le législateur a souhaité associer le caractère abordable du tarif de détail ; caractère qui s'analyse au regard des coûts encourus par l'exploitant fournissant le service universel, comme le précise la directive 96/19 /CE du 13 mars 1996. Free s'interroge par conséquent sur la compatibilité de la décision tarifaire de France Télécom avec ces obligations, ainsi qu'avec celles d'orientation vers les coûts.

En conclusion, Free souligne que dans l'hypothèse où l'Autorité ne ferait pas droit à la demande de Free, elle est disposée à offrir une prestation de terminaison d'appel à France Télécom et souhaite alors que le tarif moyen de détail perçu par le client final soit semblable au prix de marché des communications locales.

Free suggère que les appels vers ses services UPN décrémentent les Heures France pour ne pas introduire d'incompréhension parmi cette clientèle. S'agissant des autres clients, Free considère qu'il doit être possible pour France Télécom d'imaginer de nouvelles formules.

Free compte proposer à France Télécom, comme base de départ de discussion, dans l'hypothèse où l'Autorité rejetterait la demande de Free, une redevance de terminaison d'appel de [...] centimes d'euros HT/minute, facturé à la seconde dès la première seconde dans les conditions techniques désignées sous le terme « d'architecture alternative » par la convention, telle qu'amendée par l'avenant no 9. Free souhaite qu'une valeur soit contractualisée avant le 30 octobre 2003 sur des critères objectifs et transparents et qu'à défaut d'accord, l'Autorité intervienne de sa propre initiative sur le fondement de l'article L. 34-8 (VI) du code des postes et télécommunications.

Free demande à l'Autorité :

- de constater un échec des négociations entre Free et France Télécom ;

- de constater que France Télécom refuse l'interconnexion à Free ;

- de se prononcer sur le différend et de dire :

i) A titre principal :

1. Que jusqu'à ce qu'une décision réglementaire appropriée permette la sélection du transporteur pour l'acheminement des communications à destination de la série Z = 8 dont relèvent les numéros de la forme 087B attribués à Free, France Télécom devra mettre en oeuvre dans les trente jours suivant le prononcé de la décision, les acheminements nécessaires à l'écoulement du trafic à destination des numéros de la forme 087B attribués à Free selon les principes techniques et tarifaires décrits dans la section II du catalogue d'interconnexion en vigueur ;

2. Que France Télécom devra facturer les communications émises par ses abonnés selon les principes décrits à la rubrique A3400 du catalogue de prix.

ii) A titre subsidiaire :

1. Que Free est fondée de présenter à France Télécom une prestation de terminaison d'appel pour l'écoulement du trafic à destination des numéros de la forme 087B attribués à Free en offrant à l'interconnexion les points d'interfaces existant entre son réseau et celui de France Télécom ;

2. Que l'offre d'interconnexion de Free répond aux besoins de France Télécom ;

3. Que les parties ne construiront pas des ressources dédiées pour l'écoulement du trafic de terminaison de Free ;

4. Que France Télécom devra procéder dans les quinze jours ouvrables suivant le prononcé de la décision des acheminements nécessaires à la prestation de terminaison d'appel qu'offre Free à France Télécom en respectant les principes suivants :

a) Lorsque l'abonné appelant est desservi par un commutateur d'abonnés disposant d'une relation existante d'interconnexion avec un (ou des) commutateurs de Free, France Télécom acheminera le trafic sur cette relation d'interconnexion ;

b) Lorsque l'abonné appelant est desservi par un commutateur d'abonnés ne disposant pas d'une relation d'interconnexion avec un commutateur de Free, France Télécom acheminera le trafic sur la relation existante entre un commutateur de hiérarchie immédiatement supérieure et un commutateur de Free, sans traversée de plus d'un commutateur de hiérarchie supérieure ;

5. Que France Télécom devra offrir une prestation de transit aux opérateurs de boucle locale tiers et mobiles permettant aux clients de ces opérateurs de communiquer avec les utilisateurs des services UPN de Free ;

6. Qu'accessoirement, un expert indépendant soit désigné aux frais de France Télécom dans le cas où l'Autorité rencontrerait des difficultés pour apprécier l'adéquation de l'offre d'interconnexion de Free aux besoins de France Télécom.

Vu le courrier de la société France Télécom enregistré le 11 juin 2003, demandant un délai supplémentaire pour transmettre ses nouvelles observations en défense ;

Vu la décision no 2003-717 du 12 juin 2003, prorogeant le délai dans lequel l'Autorité doit se prononcer ;

Vu les nouvelles observations en défense enregistrées le 13 juin 2003, présentées par la société France Télécom ;


I. - Sur l'irrecevabilité de la demande de Free


1. L'Autorité n'a pas défini les conditions d'acheminement des numéros 087B :

France Télécom conteste les observations de Free concernant la décision no 2002-598 d'ouverture de la tranche 087B. France Télécom rappelle que les modalités d'utilisation des ressources en numérotation n'ont pas été menées à leur terme avec l'ensemble des acteurs. France Télécom considère que Free ne peut opposer les échanges bilatéraux qu'elle aurait eus avec le régulateur pour définir les conditions d'utilisation d'une ressource qui s'imposeront à l'ensemble du secteur.

2. Le refus d'interconnexion n'est pas caractérisé :

France Télécom souligne qu'à plusieurs reprises, elle a réaffirmé qu'elle était disposée à définir avec Free les conditions d'acheminement des appels à destination des numéros 087B en interconnexion directe. France Télécom indique qu'il ne peut lui être reproché d'avoir rejeté la demande d'interconnexion de Free puisqu'elle a répondu positivement à l'une des alternatives débattues par les parties, et que Free n'a pas entendu exclure définitivement cette alternative des débats.

3. L'échec des négociations n'est pas corroboré par les faits :

France Télécom indique que Free ne peut soutenir qu'un échec de négociations existait à la date de sa saisine du 28 mars 2003. France Télécom considère qu'il revient à Free d'avoir retardé la proposition de tarif de France Télécom envoyée le 28 mars 2003.

France Télécom conteste la présentation des faits effectuée par Free. Elle souligne notamment qu'elle n'a opposé aucun refus sur le tarif de terminaison d'appel soumis par Free le 6 mars 2003, mais qu'elle a au contraire établi, dans des délais raisonnables, un tarif de détail cohérent avec la terminaison d'appel qui lui a été imposée par Free.

France Télécom indique que cette saisine est irrecevable en vertu de la jurisprudence selon laquelle l'absence d'échec des négociations à la date de la saisine ou de désaccord formel entache d'irrecevabilité toute demande de règlement de différend.

France Télécom constate que, dans ses observations du 26 mai 2003, Free propose un nouveau tarif de terminaison d'appel de [...] euros HT/minute. France Télécom indique que cette proposition confirme une nouvelle fois la légitimité du mode d'interconnexion directe selon lequel France Télécom reste maître de son tarif. C'est pourquoi la référence de Free aux articles L. 410-2 et L. 442-5 du code de commerce n'est pas pertinente puisque, dans le cadre d'une interconnexion directe, France Télécom ne peut être accusée d'imposer à Free un prix minimal pour les services de cette dernière, le mode d'interconnexion directe caractérisant en pratique un service que France Télécom rend à ses abonnés.

France Télécom indique que l'ouverture du bloc de numéro 087B dans le plan de numérotation, puis l'attribution de ressources de la forme 0871 et 0870 à Free représentent une évolution de l'environnement réglementaire dont France Télécom a pris acte en ouvrant des négociations sur les conditions d'acheminement des appels vers ces numéros. France Télécom souligne qu'aucune disposition réglementaire n'a précisé les modalités d'interconnexion applicables pour l'usage de telles ressources, renvoyant les parties aux usages définis par le droit sectoriel pour l'acheminement des communications interpersonnelles.

France Télécom conteste la démarche visant à obtenir des conditions équivalentes à celles consenties pour les services à coûts partagés et qui s'avèrent au cas d'espèce exorbitantes au regard du droit commun pour des services UPN qui permettent aux clients de Free d'appeler et d'être appelés (communications interpersonnelles).

4. Les demandes subsidiaires de Free n'ont pas de légitimité réglementaire :

France Télécom constate que Free formule à titre subsidiaire plusieurs demandes qui n'ont pas fait l'objet d'une négociation entre les deux parties et qui contreviennent aux dispositions réglementaires et aux engagements pris entre les parties dans le cadre de la convention d'interconnexion.

France Télécom indique que Free tente de définir de façon contradictoire une prestation de terminaison d'appel selon les modalités techniques qui n'ont pas été exposées jusqu'alors et sur lesquelles elle n'apporte pas de justifications.

France Télécom souhaite que l'Autorité déclare irrecevable l'ensemble des demandes subsidiaires formulées par Free.


II. - Sur la validité des schémas d'interconnexion applicables

à l'acheminement des communications entre exploitants


1. Free ne peut contester la portée de la distinction interconnexion directe/indirecte :

France Télécom souligne qu'en application des articles L. 34-8 et D. 99-22 du CPT, les opérateurs exerçant une influence significative sur un marché pertinent du service téléphonique au public entre points fixes sont tenus, dans les conditions prévues par leur cahier des charges, de publier une offre technique et tarifaire d'interconnexion, préalablement approuvée par l'Autorité.

France Télécom indique que, dans sa dernière décision d'approbation, l'Autorité a rappelé que le catalogue d'interconnexion, et notamment ses définitions, a vocation à s'imposer de façon univoque à l'ensemble des opérateurs et donc à limiter toutes démarches interprétatives de ces derniers, et par conséquent les litiges. France Télécom souligne que l'Autorité s'est par ailleurs prononcée à plusieurs reprises sur la portée de cette distinction (décision no 2000-603 du 30 juin 2000 Linx et France Télécom).

France Télécom considère qu'en substituant aux vocables d'interconnexion directe et indirecte les concepts fonctionnels de « collecte d'appel » et de « terminaison d'appel », Free tente d'éluder toute notion de relation contractuelle entre le client et son opérateur téléphonique.

2. La position de Free en faveur d'un mode d'interconnexion indirecte :

France Télécom souligne que Free ne peut prétendre que l'interconnexion indirecte serait réputée s'appliquer dès lors que l'opérateur de départ ne connaît pas la localisation géographique de l'appelé, le schéma d'interconnexion des appels vers les mobiles contredisant une telle affirmation.

France Télécom considère que l'interconnexion indirecte présente de nombreux avantages pour l'exploitant qui en bénéficie et des contraintes pour l'opérateur qui la fournit avec certaines obligations. France Télécom indique que si l'opérateur souhaitant s'interconnecter avec France Télécom devait avoir « la liberté de choix », il opterait pour l'interconnexion indirecte car elle lui donnerait un avantage économique considérable.


III. - La demande de Free n'est pas justifiée


1. La sélection du transporteur ne constitue pas un obstacle au schéma d'interconnexion directe :

France Télécom rappelle, d'une part, que la sélection du transporteur est possible pour les numéros 087BPQMCDU sous certaines conditions : traitements alignés sur celui des appels nationaux fixes ou mobiles, sélection du transporteur applicable à l'ensemble des transporteurs dans les mêmes conditions que les autres trafics éligibles à la sélection et traitement en sélection identique à celui en sélection du transporteur appel par appel.

France Télécom précise que pour tous les systèmes de commutation les appels vers les numéros 087B invoqués en sélection du transporteur seraient traités dans le réseau à l'identique des appels au format national : suivant un format de numérotation de type national avec transporteur de type XY87BPQMCDU.

France Télécom considère ainsi que toute demande d'interconnexion indirecte pour les appels vers les numéros 087B de Free serait non justifiée au regard des besoins de cette dernière.

France Télécom ne peut que relever les incohérences de la démonstration et l'absence d'arguments de Free sur la sélection du transporteur.

En outre, France Télécom précise que la concurrence sera effective car d'autres transporteurs que France Télécom collectent des indicatifs de Free ; ils pourront faire des offres concurrentielles aux clients pour acheminer les appels vers les numéros 08707QMCDU et 08717QMCDU de Free.

Sur la possibilité d'utiliser un opérateur de transit, France Télécom indique qu'elle intégrera les numéros 087BPQMCU de Free dans son offre de transit dès qu'ils seront ouverts dans son réseau.

D'autre part, France Télécom précise que l'interconnexion directe ne saurait être subordonnée à la sélection du transporteur. France Télécom rappelle que l'interconnexion directe doit être reconnue comme étant seule compatible avec le service proposé par Free, en vertu de la préservation de conditions équitables de concurrence sur la téléphonie interpersonnelle entre opérateurs d'accès. France Télécom souligne que l'éligibilité à la sélection du transporteur n'est pas une alternative à l'interconnexion indirecte, et doit être examinée en tant que telle.

France Télécom rappelle qu'il s'agit d'un service proposé au client de France Télécom et non à celui de Free. Elle indique que, dans l'hypothèse où Free pourrait bénéficier de l'interconnexion indirecte pour son offre de téléphonie, elle serait seule souveraine du tarif auquel les clients de France Télécom appelleraient un numéro 087B, alors que les clients d'un service sont très peu sensibles au tarif auquel ils peuvent être appelés, ce qui peut donner lieu à des excès.

France Télécom précise que pour développer une concurrence équitable et pour préserver les intérêts du consommateur, l'interconnexion indirecte est un mécanisme définitivement incompatible avec cette catégorie de service. France Télécom considère qu'il n'appartient pas à Free de subordonner l'interconnexion directe à la sélection du transporteur ; seule l'interconnexion directe est justifiée, raisonnable et ne porte pas de préjudice à Free.

France Télécom indique que la sélection du transporteur n'est pas une nécessité à la terminaison d'appel ; il s'agit d'un mécanisme permettant à la concurrence de s'établir au sein d'un même réseau d'accès. Elle n'est pas justifiée au regard des besoins de Free.

France Télécom précise que dans la mesure où Free maintient son offre d'interconnexion directe, France Télécom ne voit aucune raison de lui refuser cette demande. France Télécom considère que Free doit entamer les aménagements techniques permettant cette ouverture ultérieure.

2. Le schéma technique proposé par Free méconnaît les termes de la convention d'interconnexion :

France Télécom confirme les propos de Free selon lesquels : que la prestation nécessaire à l'acheminement des appels vers les numéros 087BPQMCDU soit une prestation de collecte assurée par France Télécom ou une prestation de terminaison d'appel assurée par Free, les mêmes ressources techniques sont utilisées et les deux solutions sont équivalentes.

Néanmoins, elle signale que l'offre d'interconnexion de Free permet à France Télécom de demander le changement de l'architecture d'interconnexion entre les deux réseaux lorsqu'elle le souhaite. France Télécom rappelle que dans l'architecture classique définie dans l'offre d'interconnexion de Free, elle utilise ses propres infrastructures de transmission jusque dans les points d'interconnexion définis par Free. Cette possibilité permet à France Télécom de changer d'architecture dans l'hypothèse où il lui serait plus avantageux d'utiliser ses propres infrastructures plutôt que de rémunérer l'utilisation de celles de Free.

France Télécom précise qu'un changement d'architecture nécessiterait des investissements significatifs qui ne seront lancés que dans l'hypothèse où ce changement et la structure tarifaire qui lui est associée permettraient à France Télécom de les rentabiliser. Cela ne pourrait être le cas que dans l'hypothèse où le trafic augmenterait de façon très importante par rapport à la situation actuelle et où les tarifs d'interconnexion de Free ne traduiraient pas les économies d'échelle évoquées par Free dans ses observations en réplique.

3. Free réclame des modalités d'interconnexion réservées aux services spéciaux :

France Télécom souligne, d'une part, que Free fait une référence abusive aux numéros 0811 et que sa demande vise à imposer l'interconnexion indirecte, à France Télécom seule, et marque une préférence pour le schéma d'interconnexion indirecte, mais n'ignore pas le schéma légitime de l'interconnexion directe.

France Télécom rappelle qu'elle a déjà exposé les différences entre le modèle économique des services à coûts partagés et celui du service UPN de Free.

France Télécom indique que pour qu'une demande d'interconnexion puisse être accordée, il faut qu'elle soit justifiée au regard des besoins du demandeur. Or, en premier lieu, France Télécom estime que Free n'est pas légitime à fixer le tarif d'une communication téléphonique interpersonnelle au départ du réseau de France Télécom pour un client qui n'est pas le sien. En second lieu, France Télécom indique que la proximité tarifaire est une justification spécieuse pour se prévaloir des conditions financières de l'interconnexion indirecte. Enfin, la série non géographique Z = 8 regroupe des catégories de services très diverses et les règles applicables à l'interconnexion ne dérivent pas d'une similarité de la numérotation.

France Télécom rappelle, d'autre part, que les services UPN de Free sont des appels d'abonnés d'une boucle locale vers des abonnés d'une autre boucle locale ; l'accessibilité de ses numéros souhaitée par Free indique qu'il s'agit d'un service de téléphonie offert à un abonné de boucle locale et non pas d'un service spécial.

France Télécom indique que rien ne sépare fonctionnellement le service UPN d'un service de téléphonie mobile et que les différences avec un service de téléphonie fixe sont minimes, mais qu'en revanche, les différences avec un service à coûts partagés sont fortes.

Pour un service à coût partagé, le tarif des appels au départ est imposé par le client du service (entreprise appelée). Dans un marché de concurrence, l'opérateur prestataire du numéro accueil ne peut équilibrer son compte d'exploitation que sur les seuls revenus des communications entrantes et sur les frais d'abonnement au service. Le marché régule par l'offre toute tentative du prestataire d'augmenter le tarif, car ce dernier s'exposerait à être contesté par l'offre du concurrent.

En revanche, le service de téléphonie « Freebox » et le service UPN de Free sont indissociables. Free peut donc tarifer la prestation de réception d'appels téléphoniques indépendamment de ses concurrents fournisseurs d'un service UPN, car ils ne peuvent contester son offre. Elle se substitue ainsi à l'offre d'accès et de téléphonie fixe interpersonnelle de France Télécom ou de tout autre opérateur d'accès.

Accorder à Free une offre d'interconnexion indirecte serait susceptible d'altérer la concurrence entre opérateurs d'accès par une subvention croisée : en s'attribuant l'ensemble des recettes sur le trafic entrant, Free pourra rendre son service sortant plus attractif et avantageux et anéantira les marges de manoeuvre de ses concurrents. France Télécom considère qu'elle est en présence d'une concurrence déloyale et discriminatoire puisqu'elle est le seul exploitant qui fasse l'objet des revendications de Free.

Enfin, France Télécom estime que l'interconnexion indirecte lui causerait un préjudice indéniable. France Télécom rappelle que ses tarifs d'interconnexion sont orientés vers les coûts pertinents au titre de l'interconnexion et seulement sur ces coûts pertinents. France Télécom estime que l'interconnexion indirecte lui cause un préjudice dès lors que l'opérateur qui en bénéficie s'attribue un service qui revenait à France Télécom et que les recettes injustifiées qu'il en perçoit lui permettent de construire un mécanisme de distorsion de concurrence.

France Télécom souligne que le client Freebox, pour avoir le bénéfice de l'offre d'appel sortant à tarifs avantageux, est obligé de souscrire à l'offre d'appel entrant dite « UPN ». Cette vente liée par la technique est voulue par Free car c'est l'offre d'appel entrant qui permet de subventionner l'offre d'appel sortant.


IV. - L'offre de détail de France Télécom


1. Un tarif cohérent avec les offres du marché en matière de communications téléphoniques :

France Télécom précise que la présentation faite par Free ne tient pas compte de la distinction entre tarif national et postalisé qui recouvrent des réalités différentes en matière d'appel :

- le tarif national s'applique aux communications interurbaines hors zone locale élargie ;

- le tarif postalisé ou toute France est unique quelle que soit la distance ; il est identique en local et en interurbain.

France Télécom souligne que le tarif proposé à Free, unique quelle que soit la distance, valable 24 h/24 h, est défini dans le cadre des communications fixe à fixe en tenant compte des tarifs existants sur ces directions d'appels et non sur des niveaux de prix qui sont ceux du fixe vers mobiles.

France Télécom rappelle que les options tarifaires telles que l'Option Plus sont payantes 1,50 euro par mois. France Télécom indique qu'il est normal que le revenu par minute interurbain soit plus élevé que le revenu par minute d'une offre « postalisé », dans la mesure où celle-ci intègre une partie des communications locales moins chères que l'interurbain.

France Télécom précise que le tarif vers Free proposé par France Télécom tient compte de la terminaison d'appel de [...] centimes d'euros par minute demandée par Free. Il apparaît dans la norme tarifaire des appels à destination d'abonnés fixes.

En revanche, Free n'hésite pas à faire peser sur l'appelant le prix d'une terminaison d'appel qui est de [...] supérieure à une terminaison d'appel en double transit national.

2. Une présentation inexacte du tarif de détail proposé par France Télécom :

En premier lieu, France Télécom réfute l'appréciation par Free du courrier accompagnant sa décision tarifaire. Elle indique que le complément de facturation (soit [...] centimes HT/minute) traduit le supplément de rémunération nécessaire pour France Télécom, compte tenu des conditions économiques imposées à France Télécom du fait de la terminaison des appels sur le réseau de Free. France Télécom rappelle qu'il lui appartient de tenir compte de l'ensemble des coûts qu'elle supporte dans la formation des tarifs des communications téléphoniques qu'elle offre à ses abonnés, dont la terminaison. Enfin, ce complément prend aussi en compte un surcoût pour le recouvrement et les impayés, les télécommunications téléphoniques payantes vers des numéros non géographiques occasionnant en pratique un risque plus élevé d'impayés.

Par ailleurs, France Télécom note l'absence de démonstration de la part de Free concernant l'existence d'une prestation de facturation pour compte de tiers.

En second lieu, France Télécom souligne que Free a effectué une présentation erronée de la prise en compte par France Télécom de ses coûts.

En ce qui concerne la valorisation de l'écoulement de trafic, des coûts communs pertinents et des coûts spécifiques, France Télécom précise que s'agissant d'une situation où France Télécom est le demandeur de l'interconnexion, France Télécom est fondée à recouvrer l'ensemble de ses coûts communs auprès de ses clients via la tarification de ses offres de détail.

France Télécom rappelle que c'est l'Autorité qui fixe chaque année le taux de rémunération du capital employé par France Télécom pour ses activités d'interconnexion, selon les dispositions prévues à l'article D. 99-22 du CPT. France Télécom souligne qu'il s'agit en l'espèce du taux de rémunération appliqué au patrimoine net employé par France Télécom pour ses activités réglementées, lesquelles sont réputées économiquement moins risquées, car moins concurrentielles que les autres activités de France Télécom.

Concernant la valorisation des « coûts commerciaux », France Télécom conteste les affirmations de Free et indique que ces coûts prennent en compte les coûts liés à la gestion d'un client par opérateur. France Télécom souligne qu'on ne peut prétendre que la convention d'interconnexion valorise ces coûts à 2 % car il s'agit d'un tarif et non d'un coût, d'une facturation pour le compte d'un tiers.

Pour l'ensemble de ces motifs, France Télécom demande à l'Autorité :

- de constater l'irrecevabilité de la saisine de Free ;

- de rejeter l'ensemble des demandes de Free formulées à titre principal et subsidiaire.

Vu la lettre de l'adjoint au chef du service juridique, en date du 2 juillet 2003, adressant un questionnaire aux parties et fixant au 15 juillet 2003 la date de clôture de remise des réponses ;

Vu la lettre du chef du service juridique, en date du 8 juillet 2003, convoquant les parties à une audience devant le collège le 17 juillet 2003 ;

Vu le courrier de la société France Télécom enregistré le 11 juillet 2003, souhaitant que l'audience devant le collège ne soit pas publique ;

Vu les réponses de Free SAS et de France Télécom au questionnaire du rapporteur, enregistrées le 15 juillet 2003 ;

Vu le courrier de la société Free SAS, enregistré le 15 juillet 2003 souhaitant que l'audience devant le collège ne soit pas publique ;

Après avoir entendu le 17 juillet 2003, lors de l'audience devant le collège :

- le rapport de M. Gweltas Quentrec, rapporteur présentant les conclusions et les moyens des parties ;

- les observations de MM. Franck Brunel et Alexandre Archambault, pour la société Free SAS ;

- les observations de M. Jean-Daniel Lallemand, pour la société France Télécom ;

En présence de :

- MM. Franck Brunel et Alexandre Archambault, pour la société Free SAS ;

- MM. Jean-Daniel Lallemand, Philippe Trimborn, Gabriel Lluch, Christian Gacon, pour la société France Télécom ;

- MM. Jean Marimbert, directeur général, Philippe Distler, François Lions, Gweltas Quentrec, Eliès Chitour, Mmes Elisabeth Rolin, Aurélie Doutriaux, Christine Galliard, agents de l'Autorité ;

Le collège en ayant délibéré le 24 juillet 2003, hors la présence du rapporteur, du rapporteur adjoint et des agents de l'Autorité ;

Adopte la présente décision fondée sur les faits et moyens exposés ci-après :

Sur la recevabilité de la demande de règlement de litiges de Free :

En vertu de l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications, l'Autorité peut être saisie d'un règlement de litiges :

« I. - En cas de refus d'interconnexion, d'échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l'exécution d'une convention d'interconnexion ou d'accès à un réseau de télécommunications [...]. L'Autorité se prononce, dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat, après avoir mis les parties à même de présenter leurs observations. Sa décision est motivée et précise les conditions équitables, d'ordre technique et financier, dans lesquelles l'interconnexion ou l'accès spécial doivent être assurés. »

Il ressort des pièces du dossier que les sociétés France Télécom et Free Télécom ont signé une convention d'interconnexion le 14 février 2000. Free demande la modification de cette convention afin de prévoir l'acheminement des blocs 08707 et 08717 dans les mêmes conditions que les blocs 0811, dédiés aux services spéciaux, et la facturation de l'appelant à un tarif unique national correspondant au tarif local téléphonique général du catalogue des prix.

Free a adressé sa demande à France Télécom dès le 24 octobre 2002 puis, une fois les numéros 087B attribués par l'Autorité à son profit, elle a réitéré sa demande le 7 novembre 2002.

Elle a fait parvenir à France Télécom des bons de commande de création d'acheminement de ses blocs en interconnexion indirecte le 29 novembre 2002. Après s'être interrogée sur la nature des services que Free entendait offrir, France Télécom a, dans un courrier en date du 9 décembre 2002, considéré que « la demande de Free Télécom revient à mettre en place un mécanisme qui lui permettrait de prendre en charge l'acheminement des appels du service téléphonique des clients de France Télécom sans leur consentement » et de conclure qu'« en première analyse France Télécom considère que les modalités d'interconnexion demandées par Free Télécom ne sont pas adaptées compte tenu du type de service que Free Télécom veut commercialiser auprès de ses clients ». France Télécom a ensuite annoncé par un mél en date du 12 décembre 2002 qu'elle ne pourrait faire droit à la demande de Free tant que « des avenants n'auront pas été signés ».

Free a alors adressé plusieurs propositions à France Télécom dans des courriers électroniques en date des 13 et 20 décembre 2002 afin que « soit découplée la création de l'acheminement des négociations autour de l'avenant destiné à éclaircir certains points » et que France Télécom applique aux communications émises par ses abonnés vers les blocs de numéros de Free le tarif local téléphonique et facture à Free le trafic écoulé sur la base des tarifs du catalogue avec application de la majoration services spéciaux sans que cette dernière ne lui facture rien, tant qu'un avenant n'aura pas été signé entre les parties.

Free a ensuite proposé à titre « transitoire », comme le souligne un courrier du 15 janvier 2003, un tarif de terminaison d'appel. D'autres échanges ont suivi, et notamment un courrier en date du 23 janvier 2003 de Free dans lequel celle-ci réitère sa demande d'une interconnexion indirecte et précise que la solution de l'interconnexion directe est une alternative « dans laquelle Free Télécom ne souhaite pas se placer » mais que dans cette hypothèse elle souhaiterait que France Télécom conserve « un prix facial identique à celui du tarif téléphonique local ».

France Télécom a considéré le 27 janvier 2003 que cette proposition alternative de Free ne pouvait être appliquée car « les appels issus de ses clients et à destination des numéros 08707QMCDU et 08717QMCDU ne sont pas des communications vers un service fourni par Free Télécom mais rentrent dans le cadre du service téléphonique fourni par France Télécom à ses clients. [...] Par conséquent, [...] ils ne peuvent pas être insérés dans le catalogue des prix de France Télécom sans respecter les dispositions inscrites dans son cahier des charges ». Dans un courrier en date du 30 janvier 2003, France Télécom précise « que le système proposé par Free Télécom n'est pas acceptable dans la mesure où Free Télécom entend : d'une part fixer la rémunération de France Télécom pour les communications issues de ses abonnés ; d'autre part priver France Télécom de sa capacité de fixer les tarifs applicables aux communications issues de ses abonnés ».

Le 6 mars 2003, Free a proposé de nouvelles modalités (terminaison à [...] centimes d'euro, pas de frais fixes pour France Télécom et les BPN et supports de transmission à la charge de Free) pour « permettre à France Télécom de placer nos blocs 087 sur le palier "communications locales ». Elle a ensuite estimé que le délai de réponse de France Télécom était trop long et a saisi l'Autorité le 28 mars 2003.

Il ressort de l'ensemble de ces échanges qu'au jour du dépôt par Free de sa demande de règlement de litiges, les parties n'avaient pas réussi à se mettre d'accord quant au schéma d'interconnexion et aux modalités tarifaires applicables à l'acheminement des appels vers les numéros 087B de Free. Dans ces conditions, il peut être considéré qu'il existe un échec des négociations et que, par conséquent, la demande de Free est recevable au sens de l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications.

Sur le cadre juridique applicable aux conditions d'interconnexion entre les parties :

En vertu de l'article L. 34-8 du code des postes et télécommunications, « les exploitants de réseaux ouverts au public font droit, dans des conditions objectives et transparentes, aux demandes d'interconnexion des titulaires d'une autorisation délivrée en application des articles L. 33-1 et L. 34-1.

La demande d'interconnexion ne peut être refusée si elle est justifiée au regard, d'une part, des besoins du demandeur, d'autre part, des capacités de l'exploitant à la satisfaire. Tout refus d'interconnexion opposé par l'exploitant est motivé. L'Autorité de régulation des télécommunications peut, au cas par cas, dans les conditions fixées à l'article L. 36-8, limiter à titre temporaire l'obligation prévue au premier alinéa lorsque l'interconnexion demandée peut être remplacée par des solutions techniquement et économiquement viables et que les ressources disponibles sont inadéquates pour répondre à la demande. »

Il ressort des dispositions précédentes que l'interconnexion demandée par Free Télécom, qui possède la qualité d'exploitant de réseau ouvert au public autorisé au titre des articles L. 33-1 et L. 34-1, ne peut être refusée par France Télécom si la demande présentée par Free Télécom est justifiée au regard des besoins de cet opérateur et si France Télécom à la capacité de satisfaire à cette demande.

Sur le besoin d'une interconnexion entre France Télécom et Free Télécom relatif aux numéros 087 de Free Télécom :

La société Free Télécom indique qu'elle souhaite lancer un service de téléphonie innovant de Numéros Personnels et Universel (ci-après « UPN »). Ce service consiste à attribuer à un utilisateur du service téléphonique un numéro de téléphone non géographique de type 087BPQMCDU (ci-après les « 087 ») du plan national de numérotation qui lui permette d'être appelé par d'autres utilisateurs du service téléphonique sur la ligne téléphonique de son choix.

Selon Free Télécom, le service UPN qu'il souhaite commercialiser permettra à un client résidentiel d'être joint sur la ligne téléphonique accessible sur le terminal « Freebox » (installé par Free chez ce client pour la fourniture des services d'accès à Internet à haut débit), ou sur la ligne professionnelle de ce client, ou sur son terminal mobile ou sur toute autre ligne de son choix, cela en fonction des accords que Free aura conclus avec les différents opérateurs concernés.

Selon Free Télécom, le lancement de son service UPN nécessite que les numéros 087 associés à ce service soient accessibles pour les utilisateurs raccordés au réseau de France Télécom. Dès lors, il est nécessaire de prévoir l'interconnexion entre son réseau et celui de France Télécom pour permettre l'acheminement des appels au départ des utilisateurs de France Télécom vers les 087 de Free Télécom.

Au vu des échanges entre les parties, l'Autorité constate que France Télécom ne conteste pas, sur le principe, la demande d'interconnexion présentée par Free, et que son refus des demandes présentées par Free Télécom dans le cadre du présent règlement de différend est motivé par le désaccord persistant entre les parties sur les modalités de cette interconnexion.

Sur les modalités d'interconnexion demandées par Free Télécom :

Free Télécom demande à France Télécom de bénéficier à titre transitoire des modalités d'interconnexion qui lui sont actuellement fournies par France Télécom ainsi qu'à d'autres opérateurs pour l'acheminement des services à coûts partagés du type 0811 pour les « numéros Azur » de France Télécom, conformément au catalogue d'interconnexion de France Télécom.

Free Télécom a fait valoir que sa demande était motivée par le fait que l'échec des négociations avec France Télécom sur les conditions tarifaires qui seront appliquées par cette dernière pour les appels vers les 087 de Free Télécom avait pour effet de retarder le lancement de son service UPN.

Le service d'interconnexion pour l'acheminement des services spéciaux consiste en la fourniture par France Télécom d'un service d'acheminement au départ des utilisateurs raccordés à son réseau des appels vers les numéros non géographiques des opérateurs interconnectés conjointement avec l'application par France Télécom à ses utilisateurs d'un tarif choisi par l'opérateur interconnecté parmi ceux existants de France Télécom.

Ce service est qualifié de service d'interconnexion « indirecte » car c'est l'opérateur tiers qui achète à France Télécom une prestation d'interconnexion, dite de collecte d'appels, pour assurer l'acheminement des appels émis par les abonnés de France Télécom à destination des services ou des abonnés de cet opérateur. Ce terme d'interconnexion indirecte est utilisé en opposition au schéma d'interconnexion « directe » dans lequel c'est France Télécom qui achète à l'opérateur tiers une prestation dite de « terminaison d'appel » pour assurer l'acheminement des appels émis par ses abonnés à destination des services ou des abonnés de cet autre opérateur.

Les modalités techniques et financières qui découlent de ces deux schémas d'interconnexion sont très différentes.

Dans le cas de l'interconnexion indirecte, l'opérateur tiers paye à France Télécom une rémunération qui dépend de la nature des prestations d'interconnexion qu'il achète dont les tarifs sont préalablement définis dans son catalogue d'interconnexion. S'agissant des services spéciaux, l'opérateur tiers perçoit de la part de France Télécom une rémunération proportionnelle au tarif appliqué par celle-ci auprès de ses abonnés, ce tarif étant choisi par l'opérateur tiers parmi la gamme des tarifs de France Télécom. Ainsi, la rémunération de l'opérateur tiers est fixée par celui-ci en fonction du tarif qu'il a choisi.

Dans le cas de l'interconnexion directe, l'opérateur tiers fixe préalablement la rémunération de la prestation de terminaison d'appel qui lui est achetée par France Télécom, et cette dernière définit sa propre rémunération par le tarif qu'elle décide d'appliquer à ses abonnés en fonction de cette charge de terminaison d'appel.

France Télécom considère que la fourniture du service d'interconnexion indirecte pour les services spéciaux n'est pas légitime au cas d'espèce des appels vers les 087 de Free Télécom et qu'il convient de prévoir la mise en oeuvre du schéma d'interconnexion directe entre les parties.

En effet, France Télécom estime qu'elle doit disposer de la liberté de fixer les tarifs pour les appels vers les 087 de Free Télécom, et donc sa rémunération, car ces appels relèvent non pas des communications vers les services spéciaux, qui justifient que les conditions tarifaires appliquées par les opérateurs de boucle locale fixe ou mobile puissent être choisies par les fournisseurs de services, mais des communications interpersonnelles pour lesquelles France Télécom dispose de la liberté de fixation de ses tarifs, sous réserve d'homologation tarifaire préalable. La mise en oeuvre pour les appels vers les 087 de Free Télécom du service d'interconnexion réservé aux services spéciaux serait illégitime car elle conduirait à permettre à un opérateur de boucle locale de fixer lui-même les tarifs de son concurrent vers ses propres abonnés.

Selon France Télécom, seule la mise en oeuvre du schéma d'interconnexion directe, dans lequel Free Télécom fixe préalablement un tarif de terminaison d'appel, est cohérente avec la nécessité de promouvoir la concurrence entre opérateurs pour les tarifs des appels interpersonnels.

L'Autorité considère à cet égard que l'argumentation de France Télécom est fondée dans son principe en ce que la généralisation d'une situation où les opérateurs concurrents de l'opérateur historique disposeraient de la faculté de fixer les tarifs de ce dernier des appels vers leurs propres abonnés serait contraire aux objectifs poursuivis par la régulation des télécommunications tendant à promouvoir une concurrence effective, notamment par les prix, entre opérateurs sur le marché des communications interpersonnelles.

L'Autorité estime ainsi qu'un schéma d'interconnexion directe, du type de celui qui est mis aujourd'hui en oeuvre pour l'ensemble des relations d'interconnexion entre les opérateurs de boucle locale fixe ainsi qu'entre les opérateurs fixes et les opérateurs mobiles pour la fourniture du service téléphonique, est davantage adapté que l'interconnexion indirecte dès lors que les conditions d'une concurrence effective sont réunies sur le marché des communications interpersonnelles, notamment par la mise en oeuvre pour ces appels du mécanisme de sélection du transporteur.

L'Autorité considère toutefois que le cas d'espèce peut justifier la mise en oeuvre d'une interconnexion indirecte à titre transitoire, dans la phase d'ouverture du service de Free Télécom.

En effet, bien que prenant la forme d'une communication interpersonnelle, le service de Free Télécom présente la spécificité de reposer sur la faculté offerte à des clients résidentiels du service téléphonique d'être appelés via des numéros non géographiques.

Or, les communications vers les numéros non géographiques ne font aujourd'hui pas l'objet d'une concurrence équivalente à celle existante pour les appels téléphoniques vers les numéros géographiques, compte tenu de l'absence actuelle de possibilité de sélection du transporteur ou de présélection sur ces appels ainsi que de la très faible concurrence offerte sur ces appels par les autres opérateurs de boucle locale fixes qui n'occupent aujourd'hui qu'une position très limitée de ce marché en terme d'utilisateurs raccordés sur le territoire français.

En outre, la tarification des appels vers ces numéros nécessite la définition d'un tarif indépendant de la localisation géographique, au contraire des appels interpersonnels à destination de numéros géographiques, qui font l'objet d'une tarification en fonction de la distance entre l'appelant et l'appelé. Ainsi, la propension des clients à opter pour le service de Free Télécom est étroitement liée au niveau du tarif qui sera appliqué pour les appels vers ces numéros, et de la perception qu'auront ces clients du coût de ce tarif au regard des tarifs habituellement pratiqués pour des appels téléphoniques vers les numéros géographiques.

Dès lors, France Télécom, qui est puissante sur le marché de la téléphonie fixe, pourrait définir le tarif des appels vers les numéros non géographiques de Free Télécom à un niveau tel qu'il aurait pour effet de dissuader les clients du service téléphonique d'opter pour le service de Free Télécom.

Enfin, Free Télécom ne demande pas, dans le cadre de ce différend, de disposer du droit de fixer à son gré les tarifs de détail appliqués par France Télécom vers ses propres numéros 087. Elle demande la mise en oeuvre, à titre transitoire, des modalités d'interconnexion indirecte définies pour les services spéciaux qui permettent à l'opérateur de rattacher ses prestations à l'un des paliers tarifaires en vigueur de France Télécom pour les appels vers des numéros non géographiques, cela afin de régler le litige actuel qui a pour effet de retarder le lancement de son service.

Au vu des éléments qui précèdent, l'Autorité considère que la mise en oeuvre entre les parties, à titre transitoire, des conditions d'interconnexion indirecte actuellement prévues pour l'acheminement des services spéciaux des opérateurs tiers est justifiée au regard des besoins de Free Télécom dans le cadre de l'ouverture de son service.

L'Autorité considère toutefois qu'un schéma d'interconnexion directe devra être mis en oeuvre, ainsi que l'a admis Free Télécom, à l'issue de cette période transitoire.

A cet égard, l'Autorité estime équitable de fixer comme terme du dispositif d'interconnexion indirecte transitoirement applicable la date du 30 juin 2004, sauf si les parties s'accordent sur une date antérieure.

Sur la capacité dont dispose France Télécom de fournir l'interconnexion indirecte dans les conditions demandées par Free :

Il ressort des pièces du dossier que France Télécom ne conteste pas qu'elle dispose de la capacité technique de mettre en oeuvre l'interconnexion demandée par Free en y associant l'application de conditions tarifaires existantes, cela y compris dans les délais demandés par Free Télécom.

En revanche, il ressort des mêmes pièces que France Télécom conteste la légitimité des modalités d'interconnexion demandées pour les motifs suivants :

- que l'application du « tarif local » demandée par Free conduirait France Télécom à appliquer un niveau tarifaire excessivement bas de la valeur du service rendu aux utilisateurs ;

- que les modalités financières propres aux services spéciaux ne permettraient pas de la rémunérer de façon équitable ;

- qu'il serait nécessaire pour elle de conserver la possibilité de modifier l'architecture d'interconnexion dans certains cas par rapport à celle qui est appliquée pour les services spéciaux.

Sur le niveau du tarif de détail :

Free Télécom demande l'application du tarif des appels vers les numéros « Azur » de France Télécom qui correspond au tarif de base des communications locales vers des numéros géographiques de cette dernière.

Free estime en effet que l'application par France Télécom d'un tarif supérieur au niveau local aurait pour effet de dissuader les utilisateurs résidentiels de souscrire à son service dans la mesure où un tel niveau de tarif renchérirait la charge supportée par les personnes souhaitant joindre les clients de Free Télécom se situant dans la même zone locale par rapport à la charge qu'ils supporteraient s'ils pouvaient joindre cet utilisateur via des numéros géographiques.

France Télécom estime pour sa part qu'un tel niveau tarifaire serait excessivement bas par rapport à la valeur du service rendu aux appelants dans la mesure où ces appels seront également composés de communications interurbaines.

Tenant compte du fait que le tarif appliqué par France Télécom serait nécessairement un tarif indépendant de la nature, locale ou interurbaine, des appels vers les clients de Free Télécom, l'Autorité a cherché à comparer le niveau du tarif « Azur » à la « valeur » des appels qui seront passés à destination des clients de Free Télécom, au regard de la structure prévisionnelle des appels passés ainsi que du prix de marché des communications correspondantes.

S'agissant de la structure des appels, l'Autorité estime qu'il est raisonnable de prévoir que les appels passés par les abonnés de France Télécom vers les numéros non géographiques des clients résidentiels de Free Télécom présenteront une structure similaire à celle constatée actuellement pour les appels interpersonnels entre les utilisateurs du service téléphonique fixe.

Les chiffres de l'Observatoire des marchés publiés par l'Autorité indiquent que les appels nationaux passés entre les lignes fixes pendant l'année 2002 présentaient une structure d'appels composée, en volume, d'environ 70 % de communications locales et d'environ 30 % de communications interurbaines.

Par ailleurs, l'écart entre les prix de marché des communications locales et interurbaines est nettement moins élevé que les prix à la minute des tarifs de base : dans son rapport d'activité 2001, l'Autorité indiquait que le prix de marché des communications locales pour la clientèle résidentielle à la fin de l'année 2001 s'établissait autour de 3,4 centimes d'euro HT (3,34 centimes d'euro HT, soit 4 centimes d'euro TTC la minute pour les opérateurs concurrents de France Télécom et 3,51 centimes d'euro HT, soit 4,2 centimes d'euro TTC la minute pour France Télécom), tandis que le prix de marché des communications interurbaines s'établit entre 4,6 centimes d'euro HT (5,5 centimes d'euro TTC) pour les opérateurs concurrents de France Télécom et 5,01 centimes d'euro HT (6 centimes d'euro TTC) pour France Télécom, avec l'option Primaliste. De même, les recettes moyennes procurées par les appels locaux et interurbains, telles qu'elles peuvent être déduites des chiffres de l'Observatoire des marchés pour l'année 2002, respectivement de 4,04 centimes d'euro HT la minute pour les communications locales (toutes clientèles confondues) et de 5,54 centimes d'euro la minute HT pour les communications interurbaines (toutes clientèles confondues), présentent un écart inférieur à celui du prix à la minute des tarifs de base.

Par ailleurs, l'Autorité a estimé la recette moyenne d'un appel vers les numéros Azur (part versée par l'appelant à France Télécom) à 4,3 centimes d'euro HT la minute dans l'avis 2003-64 en date du 14 janvier 2003 rendu à la demande du Conseil de la concurrence.

Au vu de ces éléments, l'Autorité estime qu'en appliquant la pondération précédente de la structure des communications locales et nationales prévisionnelles des appels vers les clients de Free Télécom aux prix de marché des communications locales et interurbaines, le prix moyen qui en résulte demeure proche des prix moyens du tarif des appels vers les « numéros Azur ».

De plus, une telle modalité tarifaire n'est appliquée que durant une période transitoire avant que France Télécom choisisse son tarif de détail sous réserve d'homologation préalable. Par ailleurs, dans cette période, le volume des communications vers le service de Free Télécom sera vraisemblablement limité. Enfin, France Télécom ne subira pas de préjudice sur le plan tarifaire du fait de la rémunération qu'il obtient par ailleurs.

Dès lors, il y a lieu de considérer que l'application par France Télécom du tarif des « numéros Azur » aux appels à destination des clients de Free Télécom ne conduit pas à définir un prix excessivement bas par rapport à la valeur moyenne prévisionnelle des appels qui auraient été passés vers ces clients via des numéros géographiques.

Sur la rémunération résultant de la fourniture par France Télécom du service d'interconnexion demandé par Free :

France Télécom considère que les modalités financières attachées à la fourniture du service d'interconnexion vers les services spéciaux ne lui garantiraient pas une rémunération équitable en ce qui concerne, d'une part, la rémunération de ses coûts commerciaux pour lesquels elle indique que ces conditions financières seraient insuffisantes pour garantir le recouvrement de ces coûts dans le cas des appels vers les 087 de Free, et, d'autre part, la marge qu'elle estime pouvoir dégager au titre d'une activité portant sur la facturation de communications interpersonnelles.

S'agissant de la rémunération des coûts commerciaux de France Télécom, France Télécom n'a pas apporté d'estimation du niveau de ces coûts, en vue de permettre à l'Autorité de vérifier ses assertions quant à l'existence de tels « coûts supérieurs ».

Dès lors, rien ne permet de présumer que les modalités financières attachées à la fourniture du service d'interconnexion vers les services spéciaux seraient insuffisantes pour permettre à France Télécom de recouvrer les coûts pour l'acheminement des appels vers les 087 de Free Télécom.

S'agissant de la marge réalisée par France Télécom sur ces appels, l'Autorité souligne que les modalités financières attachées à la fourniture du service d'interconnexion vers les services spéciaux prennent déjà en compte, au titre des tarifs de ses prestations de base en intra-CA et en simple transit, une marge « normale » tenant compte de la rémunération des capitaux investis par France Télécom au titre de ses activités d'interconnexion.

Au-delà de cette marge « normale », l'Autorité constate que France Télécom n'a formulé aucune proposition, ni sur les principes selon lesquels une marge supplémentaire devrait lui être réservée, ni même sur le niveau d'une telle marge.

Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de considérer que l'application, pour l'acheminement des appels vers les 087 de Free sur le réseau de France Télécom, de la rémunération prévue pour le service d'interconnexion indirecte vers les services spéciaux, définie par le catalogue d'interconnexion en vigueur, serait inéquitable pour France Télécom.

Sur les modalités techniques d'interconnexion :

Au regard des observations formulées par France Télécom dans le cadre de l'instruction écrite, confirmée par l'éclairage apporté au cours de l'audience du 17 juillet 2003, il apparaît que France Télécom ne rejette pas la demande formulée par Free Télécom que la mise en oeuvre de l'interconnexion entre les réseaux pour l'acheminement du trafic à destination des 087 de Free Télécom repose sur l'utilisation des liaisons d'interconnexion déjà mises en oeuvre pour les autres trafics actuellement échangés entre les parties.

La société France Télécom a toutefois indiqué qu'elle souhaitait conserver la possibilité de mettre en oeuvre une architecture d'interconnexion différente si elle l'estime nécessaire, comme le prévoit actuellement la convention d'interconnexion entre les parties, ce que Free Télécom ne conteste pas dans son principe.

En conséquence, l'Autorité estime qu'il n'y a pas lieu, dans le cadre de sa décision, de fixer de conditions techniques d'interconnexion spécifiques entre les parties, tout en relevant qu'elles s'accordent sur l'utilité, d'un point de vue d'efficacité économique, vu les volumes de trafic d'interconnexion, de s'appuyer sur les ressources d'interconnexion existantes. L'Autorité sera particulièrement attentive aux conditions dans lesquelles France Télécom choisirait de mettre en oeuvre une architecture d'interconnexion ne mutualisant pas les liens d'interconnexion,

Décide :


Article 1


Les parties mettront en oeuvre au plus tard au 1er juillet 2004 un schéma d'interconnexion directe pour les appels issus des abonnés de France Télécom vers les numéros du bloc 087 attribués à Free Télécom.

Article 2


Pour une phase transitoire s'achevant au plus tard au 30 juin 2004, sauf pour les parties à convenir d'une date antérieure, France Télécom doit mettre en oeuvre, dans les trente jours suivant la notification de la présente décision, les acheminements nécessaires à l'écoulement du trafic à destination des numéros de la forme 087B attribués à Free Télécom selon les modalités techniques et tarifaires décrites pour l'acheminement des services spéciaux à coûts partagés des opérateurs tiers, tels que décrits dans son catalogue d'interconnexion en vigueur.

Article 3


Dans le cadre du service d'interconnexion à Free Télécom décrit à l'article 2, France Télécom appliquera le palier tarifaire défini dans la rubrique A3400 du catalogue général de ses prix.

Article 4


Les parties devront mettre leur convention d'interconnexion en conformité avec les dispositions de la présente décision dans un délai de quatre semaines à compter de sa notification.

Article 5


Le surplus des demandes présentées par les sociétés Free Télécom et France Télécom est rejeté.

Article 6


Le chef du service juridique ou son adjoint est chargé de notifier aux sociétés Free Télécom et France Télécom la présente décision, qui sera rendue publique sous réserve des secrets protégés par la loi.


Fait à Paris, le 24 juillet 2003.


Le président,

P. Champsaur


[...] Passages relevant des secrets protégés par la loi.