J.O. 187 du 14 août 2003
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Texte paru au JORF/LD page 14072
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Avis n° 2003-1 du 28 janvier 2003 relatif au projet de décret modifiant le décret n° 2002-140 du 4 février 2002 pris pour l'application des articles 33, 33-1, 33-2 et 71 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 et fixant le régime applicable aux différentes catégories de services de radiodiffusion sonore et de télévision distribués par câble ou diffusés par satellite
NOR : CSAX0302001V
Saisi pour avis, en application de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication, d'un projet de décret modifiant le décret no 2002-140 du 4 février 2002 fixant le régime applicable aux différentes catégories de services de radiodiffusion sonore et de télévision distribués par câble ou diffusés par satellite, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, après en avoir délibéré, formule l'avis suivant :
I. - Observations générales
En préalable à l'examen des dispositions proposées, le conseil tient à formuler les observations suivantes :
1. Le conseil se déclare favorable à l'économie générale du texte qui allège les obligations pesant sur les chaînes distribuées par câble ou diffusées par satellite.
Il salue la meilleure prise en compte de la particularité des secteurs du câble et du satellite et des difficultés économiques actuellement rencontrées par les éditeurs de services.
2. Néanmoins, il rappelle qu'à l'occasion de ses avis no 2001-4, 2001-8 et 2001-10 il avait estimé que « l'harmonisation des différents régimes juridiques doit s'accompagner d'une simplification de ces régimes, devenus rigides, lourds et complexes ».
Il regrette donc que le projet de décret ne simplifie pas le dispositif en ayant à plusieurs reprises recours à des exceptions à la règle générale, multipliant ainsi le nombre de régimes applicables.
Il estime que cette complexité rendra plus difficile la mise en oeuvre et le contrôle de certaines des dispositions. De plus, elle risque de provoquer le développement de pratiques de contournement des obligations.
Il considère qu'une plus grande marge de négociation laissée à l'instance de régulation permettrait de mieux prendre en compte les particularités du secteur et de chaque entreprise sans rigidifier la réglementation pour autant. Il rappelle que, dans son avis no 2001-12, il préconisait que lui soit donnée la faculté de « négocier avec les éditeurs un engagement spécifique sur la production inédite d'oeuvres audiovisuelles européennes ou d'expression originale française en contrepartie d'une baisse des taux des obligations de production cinématographique et audiovisuelle ».
II. - Avis sur les dispositions proposées
Le conseil formule les remarques suivantes sur les différentes mesures proposées par le projet de décret modificatif :
1. Possibilité de valoriser des dépenses consacrées à la sauvegarde des oeuvres de patrimoine (art. 2).
Le conseil est favorable à l'esprit de cette mesure qui entraîne la disparition d'un régime spécifique aux seules chaînes de patrimoine.
Néanmoins, il rappelle que la définition des « dépenses de sauvegarde, de restauration et de mise en valeur des oeuvres du patrimoine audiovisuel et cinématographique », qui figure à l'alinéa 2 du II de l'article 11 du décret « câble », inclut les dépenses de financement d'émissions inédites réalisées en plateau consacrées aux oeuvres du patrimoine audiovisuel et cinématographique et à leur histoire.
Dès lors qu'elle s'appliquerait à toutes les chaînes du câble et du satellite sans exception, il s'interroge sur la conformité de cette conception extensive avec l'esprit du 6° de l'article 33 de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée. Il regrette en outre qu'elle permette aux chaînes de valoriser, au titre de leur quota de production, des programmes qui ne sont pas des oeuvres.
En conséquence, il souhaite que l'extension à toutes les chaînes de la possibilité de valoriser des dépenses consacrées à la sauvegarde des oeuvres du patrimoine soit assortie de la suppression du 2° du II de l'article 11.
2. Décompte majoré de la production inédite pendant la période de montée en charge (art. 4).
Soucieux de veiller à la diversité des programmes et au développement de la création audiovisuelle, le conseil avait souhaité, dans ses avis n°s 2001-4 et 2001-12, la mise en place d'une disposition permettant de garantir, pour toutes les chaînes, par voie conventionnelle, un volume annuel minimum de commandes d'oeuvres inédites.
L'article 13 du décret no 2002-140 confie au conseil le soin de fixer, dans les conventions, la part minimale de l'obligation que l'éditeur doit consacrer à des dépenses afférentes à la production d'oeuvres audiovisuelles inédites, et l'article 16 lui confie la fixation conventionnelle des modalités de la montée en charge.
Le projet de décret modificatif prévoit que les sommes investies dans ce type de production sont comptées pour le double de leur valeur pendant la période de montée en charge.
Le conseil comprend l'intention du pouvoir réglementaire qui souhaite inciter les chaînes à investir dans le coeur même de la production que constitue l'inédit. Toutefois, il s'interroge sur la pertinence de cette mesure par rapport à l'objectif poursuivi.
D'une part, les dispositions actuelles peuvent permettre d'aboutir au même résultat. En effet, à obligation constante, le total des investissements réels dans la production diminuera sans que la proportion d'inédits n'augmente, ces derniers étant comptabilisés pour le double de leur valeur. Le conseil estime que les dispositions actuelles, renvoyant aux conventions la fixation de la part des oeuvres inédites et le régime de montée en charge, lui permettent d'assurer un niveau satisfaisant d'investissement dans la production fraîche pendant la période de montée en charge, seule concernée par la modification.
D'autre part, il considère que cette modification conduirait à rendre plus opaque l'investissement effectivement réalisé par les chaînes présentes sur le câble et le satellite dans la production d'oeuvres audiovisuelles. Du fait du régime optionnel déjà prévu au III de l'article 11, il existerait désormais trois types de dépenses pour ces chaînes : l'une comptée pour la moitié de son montant, l'autre pour son montant nominal et la troisième pour le double. La conséquence en serait, pendant plusieurs années, une discordance totale entre le montant déclaré et le montant investi réellement par les chaînes dans la production.
Enfin, un phénomène brutal de discontinuité, contraire à l'idée même de montée en charge, apparaîtrait au terme de celle-ci lorsque les dépenses de production inédite seraient décomptées pour leur montant nominal.
Le conseil souhaite donc que cette mesure soit retirée du décret modificatif dès lors que l'assouplissement recherché peut être obtenu par la voie de convention négociée entre le conseil et l'éditeur de service.
3. Assouplissement des conditions de diffusion pour la définition de l'indépendance (art. 5).
Le conseil, dans son avis no 2001-12 relatif au projet de décret « câble », avait regretté la limitation du nombre de diffusions imposées à des chaînes dont l'économie repose bien souvent sur la rediffusion. Il redoutait que cette contrainte dissuade ces chaînes d'investir dans la production inédite et qu'elles remplissent leur obligation relative à la production indépendante uniquement par le biais d'achats de droits.
Il est donc favorable à cette augmentation du nombre de diffusions dans la définition de l'indépendance en cas de préachat et à l'élargissement de la notion de multidiffusion. Les chaînes du câble et du satellite seront ainsi incitées à diriger leurs investissements vers des préachats, c'est-à-dire vers de la production fraîche, ce qui correspond à son souci d'assurer la diversité des programmes et le développement de la création audiovisuelle.
Cependant, il s'interroge sur la pertinence de la distinction effectuée entre le régime des oeuvres de fiction et de documentaire qui rend le dispositif plus complexe en créant trois régimes distincts alors qu'il n'en existe actuellement que deux (animation d'une part, fiction et documentaire d'autre part).
4. Possibilité de bénéficier d'une montée en charge de cinq ans pour toutes les chaînes (art. 6 et 8).
Le conseil s'est toujours montré favorable à la possibilité conventionnelle d'accorder des montées en charge qui lui donnent une marge supplémentaire de négociation avec les chaînes.
Dès lors que la distinction qui existait auparavant entre les services signataires avant et après le 1er janvier 2000 ne correspond pas forcément à la réalité économique des chaînes du câble et du satellite, le conseil est favorable à la généralisation à toutes les chaînes de la possibilité de bénéficier d'une montée en charge de cinq ans.
Cependant, il constate une dissymétrie entre la production audiovisuelle et la production cinématographique. En effet, l'article 8 du projet de décret modifiant l'alinéa 1 de l'article 36 maintient à deux ans la montée en charge des services signataires d'une convention depuis plus de trois ans pour leur obligation de production en matière d'oeuvres cinématographiques.
Par ailleurs, le conseil constate que la nouvelle rédaction figurant à l'alinéa 2 de l'article 36 ne fixe plus le point de départ de la période de montée en charge pour les quotas de production audiovisuelle. Ce manque de précision lui apparaît susceptible de créer des difficultés d'interprétation.
C'est pourquoi il souhaite que le décret modificatif prévoie que la montée en charge ne puisse excéder cinq ans à compter de l'entrée en vigueur du décret (1er janvier 2003) pour les services existants, et à compter de la signature de leur convention pour les nouveaux services.
5. Application des quotas de diffusion à la seule partie du service diffusée dans une langue européenne (art. 7)
Le conseil est favorable à une modification qui permettrait aux services diffusés dans une langue non européenne d'échapper aux quotas de diffusion d'oeuvres européennes et d'expression originale française.
L'ajout d'un renvoi aux articles 7 et 13 du décret du 17 janvier 1990 dans l'article 22 ouvre cette possibilité.
Le conseil souhaite cependant que cet article fasse référence aux seules langues non européennes inscrites dans la convention du service. En effet, il craint que sa rédaction actuelle puisse être invoquée par des chaînes francophones lorsqu'elles diffusent des programmes en version originale.
Il estime donc préférable que cette disposition ne puisse être utilisée par les éditeurs de services que lorsque leur convention prévoit explicitement la présence à l'antenne de langues non européennes et pour des programmes ne faisant pas l'objet d'un sous-titrage ou d'un doublage spécifique.
III. - Observation finale
Enfin, le conseil appelle l'attention du Gouvernement sur le fait que certains services distribués par câble ou diffusés par satellite ne sont qu'en partie une retransmission simultanée d'un service hertzien analogique ou d'un futur service hertzien numérique. Il s'agit actuellement de La Cinquième et, au lancement de la télévision hertzienne numérique, des chaînes partageant le même canal.
Le conseil estime que ces éditeurs de services ne doivent être soumis qu'à un seul texte pour l'ensemble de leur programmation puisque l'articulation de régimes différents serait délicate pour certaines obligations comme les quotas de production.
Il lui semble donc utile que le décret modificatif comprenne des dispositions permettant d'exclure expressément de son champ d'application ces éditeurs de services pour soumettre l'intégralité de leur exploitation au régime hertzien analogique ou numérique.
Fait à Paris, le 28 janvier 2003.
Pour le Conseil supérieur de l'audiovisuel :
Le président,
D. Baudis