J.O. 177 du 2 août 2003       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet

Texte paru au JORF/LD page 13318

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Saisine du Conseil constitutionnel en date du 24 juillet 2003 présentée par plus de soixante députés, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision n° 2003-481 DC


NOR : CSCL0306780X




LOI RELATIVE À L'ORGANISATION ET À LA PROMOTION

DES ACTIVITÉS PHYSIQUES ET SPORTIVES


Monsieur le président, mesdames et messieurs les conseillers, nous avons l'honneur de vous déférer conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, la loi relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives telle qu'adoptée par le Parlement, et plus particulièrement son article 9.


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L'article 9 permet de valider les actes pris en application des articles L. 162-17 et L. 162-16-4 du code de la sécurité sociale avant le 1er juillet 2003, dans la mesure où leur légalité serait contestée pour un motif tiré de l'irrégularité des avis rendus par la commission de transparence de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Il permet également de valider, sous les mêmes réserves des décisions de justice en force de chose jugée, les mesures prises sur le fondement de ces actes, dans la mesure où elles seraient contestées pour les mêmes motifs.

Cet article résulte d'un amendement du Gouvernement déposé sous le numéro 27 à l'Assemblée nationale le 16 juillet 2003 au texte adopté en première lecture par le Sénat le 16 juin 2003.

Cet article s'avère avoir été adopté en méconnaissance du premier alinéa de l'article 39 de la Constitution et du premier alinéa de l'article 44 de la Constitution. Il ne peut être que censuré conformément à votre jurisprudence applicable aux adjonctions ou modifications sans lien avec l'objet du texte au cours de la discussion.

En l'occurrence, le lien avec le projet de loi initial est totalement inexistant.

Le projet de loi porte sur l'organisation et la prévention des activités physiques et sportives. Il modifie l'organisation du sport en France pour tenir compte des évolutions économiques. Il comprend des dispositions relatives aux statuts des fédérations sportives, au sport professionnel et à la formation.

L'article 9 valide des décisions d'ordre réglementaire annulées par le Conseil d'Etat sur le niveau de remboursement de médicaments.

Les dispositions de cet article sont dépourvues de tout lien avec le projet de loi initial déposé en première lecture au Sénat. Le projet de loi initial ne comportait aucune disposition relative à la santé. Les dispositions relatives à la lutte contre le dopage, auxquelles le Gouvernement joint l'article 9, ont par ailleurs été introduites en cours de discussion par amendement au Sénat. Elles ne figuraient pas non plus dans le projet soumis en première lecture au Sénat.

Le ministre, en présentant l'amendement devant l'Assemblée nationale, a précisé simplement qu'il s'agissait de « prévenir des risques dommageables pour les finances publiques et pour la politique engagée dans le domaine du médicament » (compte rendu analytique des débats de la deuxième séance du mercredi 16 juillet 2003). Il a invoqué devant le Sénat, lors de l'examen en deuxième lecture le 22 juillet 2003, l'urgence qu'il y aurait à adopter cette disposition.

La référence à la défense de la politique du médicament engagée par l'actuel Gouvernement suffit à démontrer l'absence de lien entre l'article 9 et la loi. Le lien exprimé, notamment par le rapporteur de la commission du Sénat en séance publique le 22 juillet, entre la consommation de vasodilatateurs (médicaments explicitement visés par l'exposé des motifs de l'amendement) et les sportifs est pour le moins tenu, sauf à considérer que la politique du médicament du Gouvernement soit gravement menacée en raison de la consommation abusive pour raison de dopage de ces produits par quelques sportifs. Une telle argumentation ne vient en aucune façon justifier le lien de l'article 9 avec l'objet de la loi.

Le rajout dans l'intitulé d'un des chapitres du projet de loi des mots « et à la santé » après les mots « Dispositions relatives à la lutte contre le dopage » ne saurait servir de lien, et ce d'autant plus qu'en l'espèce le caractère dopant des vasodilatateurs mentionnés dans l'exposé des motifs de l'amendement du Gouvernement n'est pas avéré.

En deuxième lecture au Sénat, le rapporteur de la commission mentionne « le caractère très lâche des liens qui unissent l'article au reste du projet » (rapport Sénat no 414, page 15) et, en séance publique, reconnaît qu'il s'agit d'un cavalier législatif. S'il précise que son existence est « moins surprenante qu'à d'autres périodes », le Conseil constitutionnel ne saurait retenir une argumentation qui établit une sorte de hiérarchie entre les cavaliers législatifs.

Enfin, l'urgence pour la situation des finances publiques serait recevable si le Gouvernement était assuré de ne pas disposer dans un délai rapide d'un support législatif approprié pour agir. Tel n'est pas le cas. En effet, le projet de loi de financement de la sécurité sociale, cadre législatif qui s'impose pour un tel article , sera bien évidemment présenté et voté par le Parlement avant la fin de l'année 2003.

Un tel débat et un tel article relèvent à l'évidence d'un projet de loi sur l'assurance maladie et la sécurité sociale et non d'un projet sur l'organisation et la promotion des activités physiques et sportives.

Pour toutes ces raisons, l'absence de lien entre l'article 9 et la loi en discussion est évidente et la censure au titre de la méconnaissance des articles 39 et 44 de la Constitution est inévitable.


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Nous vous prions d'agréer, monsieur le président, mesdames et messieurs les conseillers, l'expression de notre haute considération.

(Liste des signataires : voir décision no 2003-481 DC.)