J.O. 172 du 27 juillet 2003       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet

Texte paru au JORF/LD page 12776

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Décision n° 2003-701 du 5 juin 2003 se prononçant sur un différend entre les sociétés France Télécom et Completel


NOR : ARTT0300041S



L'Autorité de régulation des télécommunications,

Vu le code des postes et télécommunications, notamment ses articles L. 34-8, L. 36-8 et R. 11-1 ;

Vu la décision no 1999-528 de l'Autorité de régulation des télécommunications, en date du 18 juin 1999, portant règlement intérieur ;

Vu l'arrêté du 12 mars 1998 autorisant la société France Télécom à établir et exploiter un réseau de télécommunications ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public ;

Vu l'arrêté du 17 novembre 1998 modifié autorisant la société Completel SAS à établir et exploiter un réseau de télécommunications ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public ;

Vu la décision no 2002-593 de l'Autorité de régulation des télécommunications, en date du 18 juillet 2002, établissant pour 2003 les listes des opérateurs exerçant une influence significative sur le marché du service téléphonique au public entre points fixes et sur le marché des liaisons louées ;

Vu la décision no 2001-750 de l'Autorité de régulation des télécommunications, en date du 25 juillet 2001, établissant pour 2002 la liste des opérateurs exerçant une influence significative sur le marché du service téléphonique fixe et celui des liaisons louées ;

Vu la demande de règlement d'un différend enregistrée à l'Autorité le 6 décembre 2002, présentée par la société France Télécom, RCS Paris no 380 129 866, dont le siège social est situé 6, place d'Alleray, 75505 Paris Cedex 15, représentée par M. Jean-Paul Cottet, directeur de la communication et des relations extérieures ;

La demande de règlement de différend de France Télécom porte sur la fixation des conditions tarifaires pour le trafic téléphonique entrant direct dans le réseau de Completel depuis le 1er janvier 2001.

Dans sa saisine, France Télécom demande à l'Autorité :

- de constater l'échec des négociations entre France Télécom et Completel ;

- de fixer, à partir du 1er janvier 2001, le tarif de l'interconnexion pour la terminaison des appels téléphoniques à destination des abonnés de Completel en pondérant les tarifs de terminaison en simple transit et en intra-CA du catalogue d'interconnexion de France Télécom de l'année en cours par des coefficients égaux aux pourcentages correspondants à l'utilisation que Completel fait de ces services pour le trafic sortant de son réseau vers celui de France Télécom pour joindre les abonnés des zones de transit où Completel est interconnectée. Pour ce calcul, France Télécom demande à l'Autorité de prendre comme référence le trafic des trois derniers mois de l'année précédente ;



I. - EXPOSÉ DES FAITS


1. Sur les conditions tarifaires applicables antérieurement :

France Télécom précise que le premier avenant à la convention d'interconnexion, signé le 4 août 1999 avec la société Completel, fixait les conditions tarifaires auxquelles devait être soumis le trafic téléphonique entrant direct dans le réseau de Completel jusqu'au 31 décembre 2000.

2. Sur l'échec des négociations :

Les conditions tarifaires de la convention ne s'appliquant que jusqu'au 31 décembre 2000, France Télécom a demandé à Completel des propositions pour le tarif de terminaison des appels entrants dans son réseau à partir du 1er janvier 2001, en lui précisant qu'elle souhaitait que la méthode de fixation des tarifs de terminaison d'appel s'inscrive dans la continuité du système actuel, résultant de la décision no 1999-539 de l'Autorité en date du 18 juin 1999.

Completel a proposé un tarif égal au tarif de simple transit de France Télécom pour l'année 2001, ce qui consiste à prendre comme référence la répartition entre les services Intra-CA - Simple transit correspondant au trafic de sélection du transporteur. France Télécom souligne que le trafic de sélection du transporteur n'est pas représentatif de l'activité de Completel et considère donc que la prise en compte du trafic de sélection du transporteur de Completel n'est pas équivalente à celle de son trafic sortant. Elle a donc contesté cette proposition, mais a néanmoins accepté de régler les factures de Completel sur la base d'un tarif provisoire.

Au regard de la décision no 2001-1235 de l'Autorité du 21 décembre 2001 se prononçant sur le niveau de terminaison d'appel vers le réseau d'UPC France qui confirme la décision Cegetel précitée, France Télécom a à nouveau demandé à Completel de lui faire une proposition.

A la suite de nombreux échanges, de l'échec du comité de pilotage, et du maintien de la position intransigeante de Completel, France Télécom a constaté l'échec des négociations.


II. - EXPOSÉ DES MOYENS


1. Sur la recevabilité de la demande de France Télécom :

France Télécom considère qu'il y a eu échec des négociations entre les deux parties sur la conclusion d'un accord concernant le tarif applicable au tarif téléphonique entrant dans le réseau de Completel à partir du 1er janvier 2001. France Télécom estime que ce désaccord ayant été constaté dans les formes prévues par la convention d'interconnexion, sa demande de règlement de différend est légitime au sens de l'article L. 36-8 (I) du code des postes et télécommunications.

2. Sur la méthodologie applicable à la terminaison d'appel sur le réseau de Completel :

Sur la nécessité de définir une méthode respectant les caractères de réciprocité et d'efficacité :

France Télécom considère qu'une absence de régulation permettant de favoriser la symétrie tarifaire conduirait à induire des niveaux de tarification économique peu acceptables.

France Télécom indique, en premier lieu, que tout opérateur de boucle locale est en situation de monopole sur les appels reçus par ses abonnés.

En second lieu, France Télécom rappelle que dans une communication téléphonique, c'est l'appelant qui paie l'appel et non l'appelé. France Télécom considère que le tarif de terminaison d'appel demandé par l'opérateur de boucle locale peut créer une situation d'asymétrie concurrentielle ou de distorsion de concurrence puisque l'opérateur n'a aucune incitation à réduire son tarif d'interconnexion, dans la mesure où ce montant est payé par des clients de ses concurrents sur lesquels il essaie de gagner des parts de marché.

France Télécom estime que le tarif d'interconnexion de l'opérateur a un impact sur la politique tarifaire des autres opérateurs présents sur le marché des télécommunications et sur la concurrence. Par conséquent, la tarification de terminaison d'appel des opérateurs alternatifs doit s'effectuer au regard de leur impact sur l'équilibre concurrentiel du marché des télécommunications.

Une méthode confortée par l'Autorité et le Conseil de la concurrence.

France Télécom demande l'application de la méthodologie définie par l'Autorité dans ses décisions no 99-539 du 18 juin 1999 Cegetel-France Télécom et no 2001-1235 du 21 décembre 2001 UPC-France Télécom pour calculer le tarif de terminaisons d'appel des opérateurs non puissants. En vertu de ces décisions, il convient de définir un tarif dérivé des tarifs offerts par France Télécom pour la fourniture de prestations équivalentes.

France Télécom indique que la situation avec Completel est comparable avec celle de Cegetel et que la méthodologie de calcul définie par l'Autorité dans la décision UPC-France lui est opposable, car elle est en tout point identique à la méthode de calcul instaurée dans la décision Cegetel.

France Télécom souligne aussi que la nécessité de réguler les tarifs de terminaison d'appel des opérateurs non puissants a été également reconnue par le Conseil de la concurrence dans un avis rendu le 16 mars 2001.

La méthode souscrite par Completel pour 1999 et 2000.

France Télécom souligne que la décision no 99-539 du 18 juin 1999 a été utilisée pour fixer le tarif d'interconnexion entrant de Completel dans la convention d'interconnexion pour les années 1999 et 2000.

France Télécom demande à l'Autorité que cette méthode, identique à celle que l'Autorité a définie dans sa décision no 2001-1235 UPC précitée, soit reconduite pour les années 2001 et 2002.

3. Sur l'irrecevabilité de la proposition de Completel :

Sur l'absence de corrélation entre les tarifs définis par Completel et la spécificité de son trafic :

Selon France Télécom, les éléments fournis par Completel confirment que ses propositions ne reflètent ni les spécificités de son trafic, ni son positionnement commercial. France Télécom relève ainsi que la possibilité d'accéder aux services de Completel via la sélection du transporteur n'est jamais mentionnée dans sa communication publique. Completel apparaît donc comme un opérateur de boucle locale qui oriente sa politique commerciale sur le raccordement direct de ses clients.

Le trafic de sélection du transporteur de Completel est cantonné à des zones secondaires sur lesquelles le volume de trafic est le plus souvent trop faible pour justifier un raccordement au niveau du commutateur d'abonnés et ne représente pas l'activité de Completel. Ainsi, le trafic à destination du 1666 ne représente que [...] % du volume du trafic sortant de Completel sur les mois de janvier à juillet 2002. La proposition de Completel n'a donc pour objet que de justifier une modification des paramètres de la méthode de calcul à son avantage.

Sur les autres paramètres pris en compte par Completel, France Télécom note que les caractéristiques revendiquées par Completel n'ont pas été prises en compte dans les décisions de l'Autorité no 2001-539 et no 2001-1235 précitées. France Télécom considère que la prise en compte d'une typologie de trafic différente de celle qui a été utilisée pour déterminer le tarif de terminaison d'appel UPC ne serait pas équitable pour France Télécom.

Sur la charge excessive qu'imposent les tarifs définis par Completel à France Télécom :

La décision de l'Autorité no 2001-1235 étant silencieuse sur ce point, France Télécom propose de prendre comme période de référence pour le calcul, le trafic des trois derniers mois de l'année précédente. Pour France Télécom, cette valeur permet de se rapprocher de la valeur qui sera ensuite constatée au cours de l'année d'application du tarif tout en assurant un lissage minimum des données du trafic.

En appliquant cette période à la méthode définie par l'Autorité, France Télécom obtient les chiffres suivants :

- année 2001, la proportion trafic sortant intra-CA = [...] %, soit [...] euros ;

- année 2002, la proportion trafic sortant intra-CA = [...] %, soit [...] euros.

Selon France Télécom, l'hypothèse de calcul réclamée par Completel aboutit à s'écarter de ces tarifs :

- année 2001, tarif de [...] euros ;

- année 2002, tarif de [...] euros.

France Télécom constate que les tarifs proposés par Completel sont supérieurs aux tarifs obtenus en application de la méthode de la décision no 2001-1235 de [...] % en 2001 et de [...] % en 2002. Ils ont un impact financier pour l'année 2001 chiffrable à [...] euros et pour 2002 à [...] euros sur les 8 premiers mois.

France Télécom déplore que les dispositions de Completel conduisent à une réévaluation substantielle des coûts supportés par France Télécom pour la terminaison d'appel sur le réseau de Completel et font peser su France Télécom une charge excessive en violation des décisions de l'Autorité et des dispostions de l'article D. 99-10 du code des postes et télécommunications ;

Vu la lettre du chef du service juridique de l'Autorité, en date du 17 décembre 2002, communiquant aux parties le calendrier prévisionnel de dépôt des mémoires et le nom des rapporteurs ;

Vu les observations en défense enregistrées le 15 janvier 2003, présentées par la société Completel, RCS Nanterre no 418 299 699, dont le siège social est situé Tour Egée, 9-11, allée de l'Arche, 92671 Courbevoie Cedex, représentée par Me Lucien Rappe, Cabinet Weil, Gotshal et Manges, 2, rue de la Baume, 75008 Paris ;

Completel souhaite revenir sur la saisine déposée par France Télécom.


I. - EXPOSÉ DES FAITS


Completel est un opérateur de boucle locale filaire.

Completel rappelle qu'elle est un opérateur spécialisé dans l'installation et l'exploitation de boucle locale métropolitaine à destination des entreprises et des administrations françaises. Completel précise, d'une part, qu'elle est le principal opérateur de réseaux métropolitains en France, avec un réseau de 1 500 kilomètres déployé dans les neuf plus grandes métropoles régionales de France et, d'autre part, qu'elle dessert plus de 1 100 clients et compte plus de 1 500 bâtiments raccordés par fibre optique à son réseau.

Completel souligne qu'elle propose à ses clients un service de téléphonie complet qui en fait un opérateur pouvant prendre en charge la totalité du trafic téléphonique de ses clients. Completel offre aussi un service de numéros spéciaux, un service d'accès au réseau internet, des services d'interconnexion de réseaux locaux, de réseaux privés virtuels IP, de liaisons spécialisées et des solutions d'hébergement de serveurs.

Completel indique qu'à ce jour elle a investi plus de 300 millions d'euros pour le déploiement de ses infrastructures, l'installation de ses plates-formes de services et le raccordement de ses clients à ses réseaux et services. Elle emploie environ 480 salariés en France et a réalisé au troisième trimestre 2002 un chiffre d'affaires de 23,4 millions d'euros, soit une augmentation de 18 % par rapport à celui du troisième trimestre 2001, et une perte d'exploitation de 4 millions d'euros.

Completel et France Télécom sont liées par une convention d'interconnexion, conclue le 4 août 1999.

Completel demande à l'Autorité de constater que ni la convention ni le tarif n'ont été véritablement négociés entre les parties. Completel précise qu'elle a dû adhérer aux propositions de France Télécom, mais qu'elle n'a pas l'intention d'en contester la validité, notamment du point de vue des tarifs d'interconnexion. Completel souligne que les tarifs prévus dans cette convention ont été appliqués jusqu'à la fin de l'année 2000 et qu'au mois de décembre 2000, les parties se sont rapprochées afin de déterminer le tarif de terminaison d'appel qui serait appliqué à compter du 1er janvier 2001.

Sur le refus de France Télécom :

Completel indique qu'à la suite de sa proposition du 29 décembre 2000, France Télécom a proposé un tarif uniformisé inférieur à celui proposé par Completel et reposant sur une structure tarifaire différente de celle de Completel, mais aussi de celle convenue dans la convention d'interconnexion.

Sur la suspension des discussions entre les parties :

Completel indique que France Télécom a suspendu les discussions pour 2001 en attendant la décision qui sera rendue par l'Autorité dans le différend l'opposant à UPC ; les discussions n'ont donc repris qu'au début de l'année 2002.

Sur le paiement des factures de Completel :

Completel souligne que tout au long de l'année 2001, comme en 2002, France Télécom n'a acquitté qu'un montant partiel des factures correspondant au niveau des tarifs d'interconnexion qu'elle estime applicable à Completel. Completel indique que ce n'est qu'à la fin du mois d'août 2002 que France Télécom a accepté de payer le solde des factures impayées.

Sur le principe d'une négociation ouverte entre les parties :

Completel indique que, lors d'une réunion le 14 janvier 2002, France Télécom a signifié à Completel les tarifs qu'elle entendait lui appliquer au cours des années 2001 et 2002 pour la prestation de terminaison des appels sortant de son réseau sur celui de Completel.

Completel a répondu à la proposition de France Télécom en lui faisant une nouvelle offre prenant en compte la spécificité de son trafic. Selon Completel, sa proposition était subordonnée, d'une part, à la nécessité pour les parties d'accepter un amendement de la « méthodologie Cegetel » pour tenir compte de la typologie du trafic « OBL » de Completel, d'autre part, à l'engagement des parties de trouver dans les meilleurs délais un compromis permettant de libérer les montants de factures impayées. Completel précise que France Télécom n'a pas donné suite à cette proposition, estimant que la décision UPC s'appliquait à tous les opérateurs de boucle locale.

Sur la réunion du comité de pilotage du 2 octobre 2002 :

Completel indique que France Télécom a réitéré son opposition à la proposition tarifaire de Completel, ce qui a caractérisé l'échec des négociations.


II. - EXPOSÉ DES MOYENS


Completel estime que sa proposition tarifaire est recevable et légitime.

Sur la liberté dont dispose Completel pour fixer ses tarifs :

Completel précise qu'elle est en droit de déterminer librement ses tarifs puisqu'elle bénéficie en tant que société commerciale évoluant sur un marché concurrentiel des dispositions de l'article L. 410-2 du code de commerce. Ceci a été confirmé par un avis du Conseil de la concurrence du 16 mars 2001 portant sur la tarification par France Télécom des communications téléphoniques au départ de son réseau vers des réseaux tiers.

Completel indique que pour les opérateurs entrants n'exerçant pas d'influence significative sur un marché pertinent de télécommunications, les seules obligations sont celles de l'article D. 99-10 du code des postes et télécommunications, qui ont été précisées par les décisions de l'Autorité relatives aux règlements de différends Cegetel et UPC.

Ainsi, dans sa décision no 2001-1235 du 21 décembre 2001 UPC, l'Autorité confirme que tout opérateur non puissant dispose d'une entière liberté pour déterminer les tarifs de ses prestations de terminaison d'appel sur son propre réseau dès lors qu'ils n'imposent pas des charges excessives pour France Télécom.

En outre, selon l'Autorité, la notion de charges excessives doit être comprise comme permettant « d'écarter les risques de distorsion concurrentielle ».

Enfin, la charge de la preuve du caractère excessif d'un tarif d'interconnexion incombe à l'opérateur qui s'en prévaut.

Sur la proposition de tarif de Completel qui ne fait peser aucune charge excessive sur France Télécom :

Completel indique que la saisine de France Télécom n'apporte pas la preuve que le trafic proposé par Completel lui impose une charge excessive.

Completel souligne que la charge excessive pour France Télécom opérateur longue distance (OLD) d'une prestation de terminaison fournie par Completel en qualité d'opérateur de boucle locale (OBL) doit s'apprécier à l'aune du poids de Completel dans la structure des approvisionnements auprès des OBL fixes français, de France Télécom.

Completel souligne que le marché pertinent est celui de la boucle locale filaire. Il convient donc de distinguer, ce que ne fait pas France Télécom, les activités d'un opérateur longue distance et celles des opérateurs de boucle locale, ainsi que l'activité longue distance de France Télécom et ses intérêts en tant qu'opérateur de boucle locale. Cette analyse des marchés est confirmée, selon Completel, par les avis du Conseil de la concurrence en date du 16 décembre 1998 sur les conditions des offres sur mesure de France Télécom et du 15 février 2001 sur une demande d'avis du Gouvernement visant à créer des forfaits de communication incluant l'abonnement à la ligne téléphonique.

Or, sur le marché de la boucle locale filaire, Completel ne représente qu'une part résiduelle, tant en volume qu'en valeur. En effet, au troisième trimestre 2002, cette part est de 0,21 % en volume et 0,46 % en valeur. Elle a été estimée en prenant successivement en compte le volume de trafic transporté par France Télécom et le volume de trafic sortant de son réseau, pour déterminer la part de marché de Completel en volume, puis son poids relatif après valorisation du trafic terminé par les opérateurs de boucle locale filaire sur le territoire français.

Ainsi, si l'on retient, comme base de valorisation du trafic sortant du réseau de France Télécom vers les OBL fixes France [...], les coûts unitaires moyens :

- de 0,6 centime d'euro pour France Télécom en sa qualité d'OBL terminant le trafic de France Télécom longue distance, soit le prix moyen d'interconnexion au CAA de 0,6 centime d'euro, et

- de 1,127 2 centime d'euro par minute pour les autres OBL fixes France, dont Completel, on obtient un poids de Completel de 0,46 % en parts de marché, en valeur sur le poste de coûts « OBL fixes france » de France Télécom.

Sur la légitimité d'une liberté tarifaire :

Completel rappelle que les marchés du secteur des télécommunications se divisent en marchés de la longue distance et en marchés de la boucle locale, chacun des acteurs étant interconnecté avec des opérateurs de boucle locale pour la terminaison de son trafic. Quant au marché de la boucle locale, il se divise en trois ensembles d'activités : boucle locale filaire ou fixe sur le territoire national, boucle locale mobile sur le territoire national et boucle locale sur des réseaux filaires ou mobiles situés hors de France.

Si les tarifs de France Télécom, opérateur de boucle locale, sont régulés par le catalogue d'interconnexion en raison de sa qualité d'opérateur puissant sur ce marché, en revanche, les tarifs de terminaison des opérateurs de boucle locale mobile sur leurs réseaux respectifs sont fixés par les opérateurs mobiles eux-mêmes. Le principe d'une équivalence des tarifs entre eux n'a jamais été proposé ni mis en oeuvre.

Completel souligne ainsi que Bouygues facture les appels entrants sur son réseau à un tarif supérieur à celui d'Orange et de SFR. En outre, d'une manière générale, les tarifs de terminaison pratiqués par les opérateurs de boucle locale mobile sont 30 fois supérieurs au tarif de terminaison de type CAA vers la boucle locale de France Télécom.

Or ces opérateurs de boucle locale mobile détiennent une part en valeur qui peut être déterminée à 80 % du marché de la terminaison d'appel vers la boucle locale. Par conséquent, Completel, qui ne détient qu'une part résiduelle de ce marché inférieure à 1 %, ne peut menacer la structure des coûts de France Télécom et faire peser sur celle-ci des charges excessives.

Completel demande donc qu'un traitement identique à celui des opérateurs mobiles soit réservé aux opérateurs de boucle locale filaire et que ces derniers puissent fixer librement leurs tarifs d'interconnexion sous réserve de ne pas faire peser de charges excessives sur les opérateurs utilisant l'interconnexion.

Completel souligne enfin que, si l'Autorité devait retenir la position de France Télécom, elle légitimerait le comportement d'un opérateur ayant une position dominante sur le marché qui cherche à fixer unilatéralement les tarifs de l'un de ses concurrents sur le marché de la boucle locale en France.

Completel demande à l'Autorité de :

- rejeter la demande de France Télécom, comme non fondée ;

- constater que les tarifs que Completel propose à France Télécom pour les années 2001 et 2002, s'agissant du trafic téléphonique entrant direct de France Télécom dans le réseau de Completel, ne conduisent pas à imposer indûment à France Télécom des charges excessives au regard du poids marginal de Completel dans les coûts d'approvisionnement de France Télécom auprès des opérateurs de boucles locales fixes, y compris France Télécom ;

- donner acte à Completel de ce que les tarifs proposés à France Télécom pour les années 2001 et 2002 « ne conduisent pas à imposer indûment aux opérateurs utilisant l'interconnexion des charges excessives » ;

- confirmer la liberté dont dispose Completel de fixer ses tarifs d'interconnexion ;

Vu le courrier de la société France Télécom enregistré le 21 janvier 2003, demandant un délai de deux jours supplémentaires pour transmettre ses observations en réplique ;

Vu les observations en réplique enregistrées le 3 février 2003, présentées par la société France Télécom représentée par M. Jacques Champeaux, secrétaire général ;


I. - EXPOSÉ DES FAITS


Sur le respect de la convention d'interconnexion :

France Télécom souligne qu'elle a souhaité limiter les conséquences du désaccord initial en proposant un tarif provisoire et qu'elle a, le 30 janvier 2001, adressé un courrier à l'ensemble des opérateurs pour établir le tarif de terminaison d'appel, ce qui apporte la preuve que France Télécom a entendu de façon pragmatique privilégier, au-delà du désaccord initial, une solution commercialement acceptable pour les parties.

France Télécom indique qu'elle a respecté les dispositions de l'article 2.3 de la convention du 4 avril 1999 et qu'il était donc légitime qu'elle n'acquitte qu'un paiement partiel des factures présentées par Completel. C'est en raison du rejet tardif des montants contestés de la part de Completel que le paiement du solde de ces factures a dû être reporté au mois d'août.

Sur les négociations :

France Télécom considère que la suspension des négociations en 2001 ne relève pas de sa responsabilité et que l'échec des négociations est dû à la position intransigeante de Completel. Elle conteste ainsi la présentation des faits exposée par Completel.

France Télécom estime notamment que Completel fait une confusion entre la volonté de France Télécom de voir appliquer la méthodologie définie par l'Autorité pour le calcul des tarifs de terminaison d'appel des opérateurs de boucle locale et la fixation arbitraire de ce tarif. France Télécom souligne que, contrairement aux affirmations de Completel, les résultats de la méthodologie de l'Autorité ne conduisent pas à définir un tarif uniformisé, mais des tarifs de « référence » hétérogènes entre les opérateurs et spécifiques à chacun d'entre eux dès lors que l'utilisation propre qu'ils font des services de simple transit et d'intra-CAA dans le réseau de France Télécom est prise en compte.


II. - EXPOSÉ DES MOYENS


1. Sur la légitimité de la méthodologie de la terminaison d'appel sur le réseau de Completel :

France Télécom précise qu'il ne ressort d'aucun des motifs de sa saisine que la liberté tarifaire dont dispose Completel soit remise en cause. France Télécom revendique, compte tenu des décisions de l'Autorité, l'application d'une méthodologie dont Completel avait contractuellement et librement accepté le principe pour les années 1999 et 2000.

2. Sur la démonstration de Completel :

La démonstration de Completel sur le marché de la boucle locale filaire est sans portée.

France Télécom considère que la référence à des avis de l'Autorité, du 16 décembre 1998, et du Conseil du 15 février 2001, pour affirmer que le marché pertinent sur lequel se situe son activité est celui de la boucle locale filaire, n'est pas pertinente.

En effet, France Télécom souligne qu'elle a introduit fin 2001 dans son catalogue la possibilité pour un opérateur tiers d'étendre son interconnexion à la collecte des appels intra zone locale de tri, ce qui permet de choisir d'acheminer sur son propre réseau le trafic local généré par ses clients, ce qui jusqu'à cette date était pris en charge par France Télécom. Cette évolution bénéficie à la concurrence pour l'ensemble du marché des télécommunications fixes nationales ou locales. Or, les avis précités reposaient sur un constat d'absence de mise en oeuvre effective de la concurrence sur le trafic local. Completel justifie donc sa position sur la base de références obsolètes.

Le marché des télécommunications locales est aujourd'hui totalement ouvert à la concurrence. Ainsi, l'avis no 2002-325 de l'Autorité du 18 avril 2002 relatif à la création des forfaits « France Plus », a constaté que le « principe d'un regroupement de communications locales et de longue distance au sein d'un même forfait ne pose pas de problème particulier dès lors que le marché des communications locales est ouvert à la concurrence ».

Le monopole de Completel sur la terminaison d'appel :

France Télécom souligne que Completel est en position dominante sur le marché des communications téléphoniques à destination des abonnés du réseau fixe de Completel, aucune autre terminaison d'appel sur le réseau d'un opérateur de boucle locale tiers ne pouvant se substituer à la prestation technique fournie par Completel.

France Télécom conteste la pertinence de l'argumentation basée sur les réseaux mobiles, pour deux raisons :

- il est difficile de substituer les communications mobiles à d'autres formes de communications telles que les appels vers un réseau fixe, ce qui a été confirmé par le Conseil de la concurrence dans une décision no 2002-D-69 du 26 novembre 2002 ;

- le monopole exercé par les opérateurs de boucle locale sur leur terminaison d'appel peut les conduire à déterminer des tarifs pour cette prestation susceptibles de fausser la concurrence.

Cette analyse est corroborée par la Commission européenne qui avait considéré, dans une enquête rendue publique en mars 2002 concernant l'opérateur KPN, qu'il existait un marché séparé pour la terminaison d'appel sur chaque réseau mobile et que KPN mobile exerçait une position dominante sur ce marché. Ainsi, la Commission avait estimé que la fourniture de services de terminaisons d'appel sur le réseau public de télécommunications mobiles de KPN mobile constituait un marché de produits/services distinct au niveau du marché de détail, du marché de gros et du côté de l'offre.

Si le raisonnement de la Commission est reproductible sur l'ensemble des réseaux, en l'absence de pouvoir de marché compensateur, Completel doit donc être considérée en position dominante sur le marché de la terminaison d'appel sur son réseau.

Il n'existe donc aucun mécanisme garantissant, conformément aux dispositions de l'article L. 410-2 du code de commerce, le jeu de la concurrence. La part de marché détenue par Completel sur le marché français de la boucle locale filaire ne peut donc être prise en compte pour apprécier le caractère excessif ou non du tarif de terminaison d'appel sur son réseau, dans la mesure où tout opérateur de boucle locale se trouve en situation de monopole sur les appels reçus par ses abonnés. Ceci crée un risque de distorsion concurrentielle sur le marché de détail des télécommunications.

France Télécom considère que le tarif de terminaison d'appel d'un opérateur de boucle locale conditionne donc la politique tarifaire des autres opérateurs présents sur le marché des télécommunications en dégradant leur compétitivité.

Sur la charge excessive que représente le tarif demandé par Completel :

France Télécom estime que le tarif de terminaison d'appel exigé par Completel constitue une charge excessive au sens de l'article D. 99-10 du CPT. France Télécom considère que Completel donne une interprétation contestable du caractère excessif d'une charge puisqu'elle l'examine à l'aune de la capacité financière de l'opérateur à pouvoir l'assumer : les charges qui découleraient du tarif demandé par Completel seraient négligeables au regard de l'ensemble des coûts supportés par France Télécom. Une telle interprétation a pour conséquence de justifier toute augmentation, même démesurée, de son tarif de terminaison d'appel par un opérateur de boucle locale puisque l'impact de cette augmentation sur le tarif final de France Télécom reste relativement faible, compte tenu du volume de trafic mis en jeu.

France Télécom estime qu'il faut définir le caractère excessif d'un tarif en s'appuyant sur des critères objectifs et confirmés par la jurisprudence où un prix est défini comme excessif par rapport à la valeur économique générée par le service.

France Télécom souligne que l'interconnexion de réseau accroît la valeur sociale collective en permettant aux usagers d'un réseau de communiquer avec ceux du réseau qui lui est interconnecté et génère aussi une valeur économique pour les opérateurs qui en retirent des intérêts réciproques.

En conséquence, France Télécom considère que le caractère excessif doit être estimé sur la base de la valeur économique générée par le trafic téléphonique provenant de France Télécom et terminé sur le réseau de Completel, tandis que celui d'équité doit êtrer examiné sur la base de la répartition globale de l'ensemble de la valeur économique générée par le trafic téléphonique dans les deux directions.

France Télécom souligne qu'il est raisonnable de supposer que le trafic se répartit statistiquement entre deux opérateurs interconnectés de façon égale, sans différence notable de profil d'appel.

L'interconnexion laisse ainsi à chaque opérateur un bilan économique, proportionnel au trafic, qui est le résultat de l'addition de deux éléments : un premier qui ne dépend que de l'efficacité propre d'un opérateur indépendamment de toute interconnexion et qui représente son revenu normal et un second qui n'est que la différence entre deux trafics de terminaison d'appel.

Le second élément est le résultat de l'annulation réciproque des termes relatifs aux coûts réels supportés et économisés par l'opérateur. Il permet de réaliser un transfert de la valeur économique d'un opérateur vers l'autre par le biais de la différence entre deux tarifs.

Par conséquent, lorsque les terminaisons d'appel sont régulées de façon asymétrique, comme en l'espèce, l'opérateur non régulé peut facilement utiliser ce calcul pour élaborer son tarif en maximisant son revenu, ce qui annulera nécessairement celui de l'opérateur régulé. Il s'attribue ainsi intégralement toute la valeur économique générée par l'interconnexion. Le tarif proposé par Completel s'inscrit dans cette logique et doit donc être considéré comme excessif.

France Télécom précise que cette analyse confirme la méthodologie adoptée par l'Autorité dans le cadre de précédents règlements de différends relatifs à la détermination du tarif de terminaison d'appel. Elle est la seule qui respecte les principes d'équité et d'objectivité.

Enfin, France Télécom développe un exemple concret afin de démontrer la distorsion de concurrence que produirait la mise en oeuvre du tarif souhaité par Completel. Celui-ci instituerait, selon les calculs de France Télécom, un différentiel de rémunération important au profit de Completel, ce qui lui permettrait de réduire de manière très significative ses tarifs de détails afin de concurrencer France Télécom sur le marché final. France Télécom souligne que cet effet pervers a été anticipé par le Conseil de la concurrence dans son avis du 16 mars 2001.

France Télécom conclut donc aux mêmes demandes que dans son premier mémoire ;

Vu le courrier de la société Completel, enregistré le 11 février 2003, demandant un délai supplémentaire pour transmettre ses nouvelles observations en défense ;

Vu la décision no 2003-263 de l'Autorité, en date du 18 février 2003, prorogeant le délai dans lequel l'Autorité doit se prononcer sur ce différend ;

Vu les nouvelles observations présentées par la société Completel enregistrées le 20 février 2003.


I. - EXPOSÉ DES FAITS


Completel souhaite apporter des précisions aux observations en réplique déposées par France Télécom le 3 février 2003.

Completel souligne tout d'abord que France Télécom ne peut se prévaloir de ce qu'elle a effectué des propositions spécifiques à chaque opérateur. Completel précise que France Télécom lui a proposé un tarif de 7,1 centimes de franc par minute calculé par référence à des estimations unilatérales de la part de France Télécom, relatives au trafic sortant d'une communauté d'opérateurs.

Completel indique ensuite que France Télécom n'a pas respecté les dispositions de l'article 2.3 de la convention d'interconnexion qui prévoient que « la partie qui conteste tout ou partie du montant d'une facture adresse à l'autre partie une réclamation, cette dernière devant fournir une réponse motivée, le demandeur ne peut saisir le comité de pilotage qu'après paiement des montants contestés ». Completel observe que France Télécom n'a à aucun moment respecté cette procédure et qu'elle a unilatéralement suspendu le paiement des montants demandés en refusant de saisir le comité de pilotage.

Completel précise en outre qu'elle a ouvert les négociations en faisant une proposition tarifaire à France Télécom à laquelle cette dernière n'a jamais répondu. Completel souligne qu'elle a jusqu'en juin 2002, facturé à France Télécom de façon provisionnelle les tarifs anciens de la convention d'interconnexion sur lesquels les parties étaient d'accord. Ce n'est qu'à partir de cette date et à l'appui de justifications fournies à France Télécom qu'elle a appliqué le nouveau tarif.

Completel considère que France Télécom ne pouvait saisir l'Autorité sur les fondements de l'article L. 36-8 du CPT tant que le comité de pilotage ne s'était pas réuni pour examiner les perspectives d'une poursuite des négociations. Selon Completel, France Télécom ne peut se prévaloir d'une attitude respectueuse de ses obligations contractuelles ou légales.

Par ailleurs, Completel souligne que France Télécom a adopté un comportement unilatéral tout au long des discussions entre les parties. Completel indique que France Télécom s'appuie sur des décisions rendues par l'Autorité dans les affaires Cegetel et UPC sans en justifier le mode de calcul appliqué et surtout sans proposer un mode de calcul tenant compte de la spécificité de Completel en tant qu'opérateur de fibre optique sur les services aux entreprises.

Completel souligne enfin que France Télécom l'a mise dans une situation d'incertitude économique dommageable à son équilibre financier. Elle dénonce le comportement abusif de France Télécom qui possède 90 % du marché amont de la vente de service d'accès et bénéficie des effets induits de sa position initiale d'opérateur monopolistique sur le marché de détail de l'accès et de détail du service de téléphonie. Completel précise qu'en tant qu'opérateur entrant et non puissant, elle doit investir lourdement pour conquérir des parts de marchés et subit des effets induits de la position initiale de France Télécom.

La dépendance économique de Completel vis-à-vis de France Télécom rend impossible toute négociation équilibrée entre les deux parties et ne peut déboucher que sur des conditions économiques défavorables à Completel comme aux autres opérateurs de boucle locale.

Completel souligne le caractère déloyal du refus de France Télécom de payer les factures émises en violation des dispositions de la convention. France Télécom crée en outre, en saisissant l'Autorité, une situation d'incertitude économique dommageable à Completel pour l'équilibre de ses comptes. Pour les années 2003 et 2004, Completel ne dispose d'aucune visibilité tarifaire lui permettant de bâtir une stratégie commerciale et d'investissement. Elle demande donc à l'Autorité de mettre un terme rapidement à cette situation en validant les tarifs qu'elle propose pour 2001 et 2002 et de fixer un cadre plus favorable au développement équilibré de ses prestations de terminaison d'appel.


II. - EXPOSÉ DES MOYENS


Completel réitère les arguments et conclusions développés dans son précédent mémoire.


1. Remarques préliminaires


En ce qui concerne les observations de France Télécom concernant la méthodologie utilisée par l'Autorité dans les décisions Cegetel et UPC, Completel souligne que cette méthodologie n'a pas pour conséquence, contrairement à ce que pense France Télécom, de fixer un tarif uniforme. Elle ne peut donc venir au soutien d'une procédure unilatérale et arbitraire de détermination des tarifs.

Completel souligne par ailleurs qu'en citant les décisions de l'Autorité et du Conseil de la concurrence dans son premier mémoire en défense, elle ne souhaitait pas transposer les solutions au cas d'espèce ; la démonstration de France Télécom est donc dépourvue de portée. Elle entendait seulement appuyer son argumentation tendant à définir le marché de référence comme étant celui de la terminaison d'appel.

Enfin, Completel considère que France Télécom confond boucle locale filaire et communications locales. La nature du différend porte sur le marché de la terminaison d'appel.


2. Structuration du marché de référence

et obligations de Completel


Completel souligne que le marché de référence est celui de la terminaison d'appel au sens de la communication sur les marchés pertinents de l'Autorité du 13 février 2003 et de la recommandation de la Commission européenne sur les marchés pertinents de produits et de services dans le secteur des communications électroniques publiée le 11 février 2003.

Le marché pertinent à prendre en compte est celui de la terminaison d'appel en combinaison avec celui de l'accès.

Completel estime que la configuration concurrentielle de l'espèce est celle d'un offreur unique (Completel) face à France Télécom en situation de monopole d'achat. Completel souhaite situer le litige qui l'oppose à France Télécom sur le terrain du marché pertinent de gros de la terminaison d'appel qui est lié au marché de détail de la vente de services d'accès et de prendre en compte quatre grands types de marchés correspondant à des prestations différentes.


Le marché de détail de la vente de services de téléphonie


Ce marché de détail fait intervenir un client constitué de l'ensemble des utilisateurs de services de téléphonie (grand public ou grands comptes) et un opérateur de services de téléphonie. Il s'agit sur ce marché de prendre en charge les appels sortants du client pour les acheminer ou faire acheminer quel que soit l'endroit à destination du numéro composé par le client appelant. Celui-ci peut être à nouveau décomposé en marchés pertinents par cible de clientèle et par destination d'appels.

Ce marché concerne à la fois les opérateurs longue distance et les opérateurs de boucle locale qui sont des opérateurs de services de téléphonie en concurrence pour satisfaire les mêmes besoins auprès des mêmes clients.

Completel souligne qu'elle est un opérateur de services de téléphonie sur le marché pertinent du service de téléphonie aux clients non résidentiels puisque son activité consiste à fournir à ses clients ce type de services sous la forme d'appels sortants vers tous types de numéros, en concurrence avec France Télécom, ou encore Colt et Cegetel.

Ouvert à la concurrence en 1998, France Télécom y occupe encore une position dominante en détenant 63 % de parts de marché sur le trafic national et 82 % sur le trafic local. Completel ne détient que 0,2 % de part de marché en volume de trafic.

Completel relève que la présence sur ce marché implique d'être titulaire d'une licence obtenue sur le fondement de l'article L. 34-1 du CPT et que les tarifs de France Télécom sont soumis à l'homologation du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la base d'avis de l'Autorité, tandis que ceux des autres opérateurs sont libres mais contraints d'un point de vue concurrentiel par les tarifs de France Télécom.


Le marché de détail de la vente

de services d'accès au réseau téléphonique


Marché distinct du précédent, sur lequel le client (entreprise ou grand public) demande à un opérateur d'être accessible ou d'être appelable, de gérer ses numéros, de les faire reconnaître par les autres opérateurs et d'acheminer les appels qui lui sont destinés.

Pour vendre un service d'accès, un opérateur doit nécessairement disposer d'un réseau physique pour raccorder chacun des clients par des moyens en propre et faire aboutir les appels via son réseau physique. Seuls les opérateurs de boucle locale sont actifs sur ce marché, tels que Completel, France Télécom, Colt, UPC et les opérateurs mobiles.

Ce marché est ouvert à la concurrence depuis 1998 et se caractérise par la position dominante de France Télécom qui détient une part de marché supérieure à 90 %.

Completel dispose aujourd'hui de moins de 2 000 clients. Completel précise que la répartition des ZABPQ fixes entre opérateurs permet une estimation approximative des parts de marché respectives des différents acteurs sur ce marché, même si elle conduit à une surestimation des parts des opérateurs alternatifs ; Completel détenant ainsi 0,42 % des ZAPBQ. Cette répartition fait apparaître une disproportion entre les offreurs en présence, tant sur le plan des moyens financiers que sur celui de leur part de marché respective.

Ce marché est soumis aux mêmes contraintes tarifaires que le précédent.


Le marché de gros de la vente de services

de terminaison d'appel


Le règlement de différend concerne plus particulièrement ce marché sur lequel Completel est l'unique prestataire habilité, dans des conditions très limitées, à fournir le service attendu par les opérateurs de service de téléphonie et les opérateurs de transit pour « terminer » leurs appels vers les clients de Completel. Ce marché de gros est une version symétrique du marché de détail de la vente de services d'accès. Seuls les opérateurs de boucle locale sont actifs sur ce marché.

Sur ce marché de gros, les acteurs sont le client (opérateur de service de téléphonie ou de transit) et le fournisseur (un opérateur de terminaison d'appel).

Completel indique qu'elle est un opérateur de terminaison d'appel comme les OBL fixes, tels que France Télécom, Colt et UPC ou les OBL mobiles, tels qu'Orange, SFR et Bouygues Télécom.

Le « micromarché » de la terminaison d'appel vers les clients de Completel ayant confié la gestion de leurs numéros représente en volume 0,24 % du marché de la terminaison d'appel vers les numéros fixes en France, avec moins de 2 000 clients concernés.

Completel rappelle que ce marché n'existe que grâce aux succès commerciaux rencontrés sur le marché de détail de la vente de services d'accès car chaque opérateur de terminaison d'appel est le fournisseur unique de terminaison d'appel vers les numéros dont il a la gestion. Les clients opérateurs n'ont pas d'alternative à l'utilisation des services de l'opérateur pour terminer les appels vers ces numéros.

Completel souligne que cette position de fournisseur obligé est cependant contestable car elle n'est que transitoire puisqu'il y a une compétition sur le marché de détail de l'accès. Ainsi, chaque client de Completel a été gagné par celui-ci contre France Télécom qui détenait 100 % des clients jusqu'en 1998.

A contrario, France Télécom est en position d'acheteur unique sur le marché de la terminaison d'appel vers les clients de Completel qui ont confié à celle-ci la gestion de leurs numéros. France Télécom est le seul opérateur à avoir signé un contrat de terminaison de trafic avec Completel.

Completel indique que la position de monopole de France Télécom vis-à-vis de la terminaison d'appel vers Completel est durable car non contestable à court et moyen termes. Aucun autre opérateur de service et de transit en France n'a de volumes suffisants pour justifier économiquement l'intérêt d'être interconnecté directement à Completel pour la terminaison des appels vers Completel. Ils font donc appel à France Télécom.

Pour agir sur ce marché, Completel rappelle qu'il faut être titulaire d'une licence L. 33-1 et/ou L. 34-1 du CPT et que pour les tarifs il faut distinguer :

- les tarifs pratiqués par les opérateurs puissants, dont France Télécom, dont les tarifs perçus au titre de l'interconnexion rémunèrent l'usage effectif du réseau de transport et de desserte et reflètent les coûts ;

- les tarifs pratiqués par les opérateurs alternatifs de boucle locale non puissants qui peuvent librement fixer leurs tarifs de terminaison d'appel conformément au principe de liberté tarifaire. Ils ont l'obligation de proposer des conditions d'interconnexion objectives, transparentes et non discriminatoires, conformément aux dispositions de l'article L. 34-8 du CPT. Leurs tarifs doivent pouvoir être justifiés sur demande de l'Autorité.


Le marché de gros de la vente de transit à un opérateur


Ce marché met en relation des clients, opérateurs de services de téléphonie ou opérateurs de transit et des fournisseurs, essentiellement des opérateurs de transit.

Completel est un opérateur de transit, en concurrence avec tous les opérateurs de transit dont France Télécom, Télécom Développement, LDCOM. France Télécom détient un quasi-monopole pour la partie du marché consistant à assurer le transit vers les OBL fixes alternatifs.

Completel souligne que l'objet de la demande d'arbitrage de France Télécom en tant qu'opérateur de transit est d'imposer à Completel, opérateur de terminaison, une mesure de symétrie des tarifs de Completel, opérateur non-puissant sur le marché, vis-à-vis de ceux de France Télécom opérateur puissant régulé de terminaison d'appel.

Completel considère qu'il en résulte une situation de déséquilibre à son détriment, marquée notamment par le monopole d'achat de France Télécom, en tant qu'opérateur de transit, et la position dominante de France Télécom qui détient plus de 90 % du marché des services d'accès.

Sur le micromarché de la terminaison d'appel vers les numéros dont la gestion a été confiée par ses clients à Completel :

Sur ce marché, Completel est le seul prestataire habilité à fournir une prestation de terminaison d'appel. Sa position sur ce marché est imputable à sa position d'opérateur assurant des services de terminaison des appels et présente deux caractéristiques :

- elle est instantanée et contestable au sens économique et ne décrit pas une situation durable qui lui permettrait d'abuser de sa position sur ce marché au détriment de n'importe lequel de ses clients ;

- elle est le résultat de succès commerciaux obtenus sur le marché amont de la fourniture de services d'accès.

Completel rappelle qu'elle ne détient sur le marché de l'accès qu'une part de marché résiduelle de 0,24 %. Il est donc paradoxal que la position de Completel soit dénoncée par France Télécom alors que cet opérateur est en position de monopole d'achat sur le marché aval de la vente de services de terminaison d'appel vers les clients de Completel et détient plus de 90 % du marché amont des services d'accès.

Sur les obligations qui incombent à Completel sur le marché de la terminaison d'appel :

Trois types d'obligations s'imposent à Completel. Tout d'abord, Completel doit pouvoir justifier que ces tarifs ne constituent pas une charge excessive pour l'opérateur utilisant l'interconnexion en vertu de l'article D. 99-10 du code.

Cette notion de « charges excessives » a été précisée par l'Autorité dans ses décisions Cegetel et UPC précitées ainsi que par la Cour de justice des Communautés européennes. Completel indique que, de manière générale, la notion de charges excessives n'est pas sans lien avec celle de prix excessifs dans le domaine du droit de la concurrence. Ainsi, Completel rappelle que la CJCE a considéré que le fait pour une entreprise d'imposer de façon directe ou indirecte des prix d'achat ou de vente non équitables constitue une pratique abusive condamnable au sens de l'article 82 du traité CE et qu'un tel abus peut consister dans la pratique d'un prix excessif « sans rapport raisonnable avec la valeur économique de la prestation fournie ».

Pour exercer son contrôle, la CJCE a retenu une méthode consistant à étudier les coûts de l'entreprise et à analyser si les marges appliquées à ces coûts sont excessives. Cette méthode des coûts a été transposée dans le secteur des télécommunications par une recommandation de la Commission du 8 janvier 1998 concernant l'interconnexion qui prévoit la mise en place d'une méthode des coûts différentiels prospectifs moyens de long terme.

Completel précise que, par la suite, la CJCE a proposé d'utiliser une méthode comparative selon laquelle un prix peut être considéré comme excessif par référence aux prix pratiqués par des concurrents d'une entreprise. Cette méthode a été reprise par la Commission pour mesurer l'orientation des prix vers les coûts. Toutefois, cette méthode comparative n'a été appliquée que pour les opérateurs puissants et comme un substitut provisoire à des calculs fondés sur les coûts. Elle semble depuis avoir été abandonnée.

Ensuite, concernant l'obligation imposée par l'article D. 99-10-3 de justifier des coûts à la demande de l'Autorité, Completel souhaite démontrer que ses tarifs reflètent ses coûts.

Enfin, en ce qui concerne la dernière obligation relative à l'interdiction qui lui est faite de ne pas profiter d'un effet de levier lié à sa position sur le marché amont de la vente du service d'accès, Completel observe qu'elle ne détient que 0,24 % du marché amont et qu'elle n'a pu bénéficier d'un avantage renforçant sa puissance momentanée sur le marché aval de la terminaison d'appel.

Sur la régulation spécifique dont devrait faire l'objet France Télécom sur les différents marchés précités :

Completel souligne, d'une part, que les tarifs qu'elle propose sont strictement conformes aux obligations prévues par l'article D. 99-10 du CPT, et d'autre part, que l'Autorité devrait être amenée à contraindre France Télécom à une transparence totale pour les quatre marchés en lui imposant de dévoiler ses coûts afin qu'elle ne bénéficie pas d'avantages liés à sa position dominante pour chacun d'entre eux.


3. Légitimité du tarif proposé par Completel


Sur le raisonnement de France Télécom relatif à une prétendue captation de valeur :

Completel estime ce raisonnement sans portée car il repose sur des hypothèses contestables.

Completel rappelle, d'une part, que les réseaux déployés par France Télécom et ceux exploités par Completel ne sont ni identiques ni symétriques, d'autre part, que le réseau de Completel, même s'il est aujourd'hui significatif, n'est pas de même nature, ni de même ampleur que celui déployé par France Télécom.

Completel précise aussi que les coûts d'exploitation des deux opérateurs ne sont pas comparables puisque les réseaux sont différents. La démonstration de France Télécom ne peut donc être retenue.

Enfin, les prestations fournies par chacun des deux opérateurs ne sont ni identiques ni comparables, notamment car Completel n'est pas présente sur tous les marchés, ce qui n'est pas le cas de France Télécom.

Sur les erreurs commises par France Télécom qui entachent son raisonnement :

Completel considère que le raisonnement proposé par France Télécom est sans portée car il comprend trois erreurs grossières qui affectent les calculs proposés aux pages 14 à 17 du mémoire ampliatif de France Télécom.

France Télécom pose pour hypothèse de sa démonstration dans son paragraphe 2.2.3 (c) le cas d'une entreprise ayant des trafics sortants et entrants équilibrés, tous deux acheminés par Completel. France Télécom entendait ainsi établir que le solde financier net de Completel entre le coût d'interconnexion sortante achetée à France Télécom et la rémunération entrante de terminaison d'appel perçue auprès de France Télécom serait positif.

Or, selon Completel, les hypothèses de trafic sortant prises par France Télécom ne reflètent pas la réalité de l'acheminement du trafic sortant de Completel. En outre, le solde net n'est pas de 10 800 EUR HT mais de 10 100 EUR HT par an, résultant de la différence entre les montants avancés de 31 800 et de 21 700 EUR HT par an. Enfin, Completel indique qu'elle ne pratique pas un tarif de 0,012 72 EUR par minute mais un tarif inférieur à 0,011 272 EUR par minute. Par conséquent, en supposant que la démonstration de France Télécom est recevable, le solde net est largement inférieur à la somme avancée par France Télécom puisqu'il est de 6 480 EUR HT et non de 10 000 EUR. La méthode de France Télécom est d'autant plus critiquable qu'elle confond l'ensemble des marchés définis prédemment.

Le tarif proposé par Completel reflète ses coûts.

Completel précise que pour calculer le coût de terminaison d'une minute sur un réseau donné, il faut isoler les coûts alloués aux services téléphoniques, notamment à la terminaison d'appel, pour en dégager le coût d'une minute de terminaison d'appel.

Completel indique que dans son cas, le calcul des coûts repose sur une modélisation de l'infrastructure de télécommunications déployée et que les différents éléments du réseau ont été identifiés afin d'isoler les postes de coûts. Chacun des postes de coûts identifiés a été valorisé, à partir des informations disponibles dans les bases de données comptables de Completel et de benchmarks issus du modèle CMILT appliqué à France Télécom.

Completel a calculé le montant des investissements consacrés à son réseau en isolant les coûts d'accès au client, les coûts de transmission sur ses réseaux métropolitains et les coûts de commutation. Les éléments de commutation et de transmission ont été décrits afin d'isoler les coûts dédiés à un client de ceux mutualisés entre plusieurs clients. Les coûts des infrastructures de transmission et de commutation ont ensuite été alloués aux différents services consommateurs de ressources : les services téléphoniques, d'accès au réseau Internet et de données.

La rémunération du capital a été prise en compte en appliquant aux investissements un coût de capital égal à 14 %.

Sur les tarifs et coûts de terminaison d'appel de son réseau, Completel rappelle que ses revenus associés à la terminaison de trafic couvrent les coûts associés à la terminaison de trafic sur son réseau. Les revenus associés à la terminaison de trafic proviennent de l'opérateur apportant le trafic à terminer et des clients qui paient des frais fixes récurrents qui couvrent une partie des coûts.

Completel a évalué le coût moyen d'un appel terminé par Completel vers l'un de ses clients lui ayant confié la gestion de ses numéros et appels entrants à 3,09 centimes d'euro pour l'année 2002, le tarif de terminaison d'appel étant pour cette année inférieur à ce coût.

Pour 2001, le coût moyen de l'année est supérieur à celui de 2002, mais le tarif de terminaison est en revanche très inférieur au coût de terminaison pour 2001.

Pour 2003, le tarif de terminaison d'appel est de 2,76 centimes d'euro par minute et le coût moyen d'un appel terminé par Completel est de 2,76 centimes d'euro par minute.

Pour l'année 2004, le tarif de terminaison d'appel est de 2,43 centimes d'euro par minute et le coût moyen d'un appel terminé par Completel est de 2,43 centimes d'euro par minute.

Completel rappelle que les tarifs 2003 et 2004 s'entendent hors taxe, sans aucune charge fixe mensuelle, ni modulation horaire journalière ou hebdomadaire, du fait de la quasi-indépendance des coûts aux pointes de trafic et que ces tarifs correspondent aux prestations définies dans la convention d'interconnexion liant Completel à France Télécom.

Completel considère que le tarif qu'elle propose n'induit aucune rente ou subvention croisée.

Completel comprend à la lecture du mémoire de France Télécom que celle-ci estime que les tarifs pratiqués par Completel lui permettent de dégager une rente.

Completel tient à rappeler que sur le plan économique, une rente désigne la différence entre la rémunération d'un facteur de production et sa productivité marginale et qu'elle est perçue par l'acteur qui dispose du droit économique de propriété sur le facteur de production concerné. Elle a pour conséquence une altération du processus concurrentiel. Une subvention croisée existe dès lors que, sur un marché donné, les coûts de production du bien offert par un offreur sont couverts par des transferts de rentes perçues par ce même offreur sur un autre marché. Une rente peut donc permettre de dégager les ressources nécessaires à la subvention d'un autre service, soumis à concurrence.

Selon Completel, l'identification d'une relation rente-subvention ne se pose pas dans les mêmes termes selon que l'avantage que détient la firme est absolu, comme pour France Télécom, ou simplement circonscrit sur un marché délimité, Completel.

Completel souligne que ses tarifs de terminaison d'appel reflètent strictement ses coûts réels : ils incluent une rémunération normale des capitaux employés pour les investissements utilisés. Il n'existe donc pas de rente ou de quasi-rente et par conséquent aucune subvention des autres services offerts sur le marché de détail, ni de subvention du marché de détail de l'accès, marché amont, par le marché de gros de la terminaison d'appel, marché aval, pas plus que pour le service de détail du service téléphonique par le marché de gros de terminaison d'appel.

Completel indique qu'il est plus difficile de démontrer que France Télécom en tant qu'OBL ne dispose pas de rentes, car sur le marché de l'accès elle détient 90 % de parts de marché depuis l'ouverture à la concurrence. Completel précise que France Télécom en tant qu'OBL ne supporte pas de coûts de conquête et réalise des efforts commerciaux réduits par rapport à ceux de ses concurrents. Il existe, en outre, une inertie très forte au changement de fournisseur qui profite à France Télécom.

4. Sur l'impossibilité de généraliser à tous les acteurs du marché non puissants la méthodologie utilisée par l'Autorité dans les arbitrages Cegetel et UPC

Completel précise, d'une part, que la méthodologie utilisée dans les arbitrages Cegetel et UPC, fondée sur une tarification symétrique, soulève des problèmes sur son applicabilité au cas d'espèce et, d'autre part, que c'est cette méthodologie que France Télécom cherche à généraliser à Completel et aux autres opérateurs de terminaison d'appel.

Sur l'inapplicabilité d'une méthodologie symétrique au cas d'espèce :

Completel précise tout d'abord que la méthodologie fondée sur la symétrie n'est pas applicable au cas d'espèce, car elle est contraire au principe de liberté tarifaire définie par l'article D. 99-10 du CPT et l'article L. 410-2 du code de commerce.

Completel indique ensuite que le principe de symétrie tarifaire suppose que l'opérateur entrant soit déjà solidement implanté sur le marché. Le principe de symétrie tarifaire repose sur l'élimination de toute référence à l'asymétrie des positions, ce qui conduit à des erreurs d'appréciation.

Completel considère que pour adhérer au principe de symétrie tarifaire, il faudrait :

- considérer que la concurrence dans la boucle locale est une concurrence entre parties égales ;

- négliger que l'inégalité des positions initiales ne résulte pas d'une sélection par les mérites, mais qu'elle est l'héritage d'une situation institutionnelle de monopole.

Completel estime que le principe de symétrie tarifaire favorise la persistance du monopole. En effet, il ne peut être économiquement juste et équitable qu'à la seule condition de reposer sur une symétrie des conditions d'accès des concurrents au marché, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Completel indique que les règles légales d'amortissement comptables impliquent que l'opérateur historique dispose, au sein de son réseau, de nombreux éléments de coût totalement amortis correspondant à des actifs pleinement utilisés car leur durée de vie technique dépasse leur durée de vie comptable. Un opérateur de boucle locale entrant supporte donc financièrement des coûts supérieurs en raison des distorsions entre durée comptable légale de l'amortissement et durée de vie technique des équipements.

Completel précise que, pour développer la concurrence, il faut protéger les entrants et les prémunir d'un risque d'éviction qu'accroît le principe de tarification symétrique.

Completel souligne en outre que le principe de symétrie tarifaire a pour conséquence de prédéterminer a priori les tarifs des opérateurs alternatifs de boucle locale.

Au surplus, il ignore les coûts de terminaison des OBL alternatifs alors que les coûts d'OBL de France Télécom sont pris en compte, car le tarif de terminaison du catalogue d'interconnexion de France Télécom est orienté vers les coûts.

Ce principe de symétrie implique pour Completel la fixation d'un tarif de terminaison inférieur aux coûts induits par la terminaison des appels.

Par ailleurs, Completel fait remarquer que ce principe de symétrie n'est pas appliqué aux opérateurs mobiles de boucle locale. En effet, les tarifs de terminaison vers les trois OBL mobiles ne sont pas identiques entre eux, le tarif de terminaison vers Bouygues Télécom étant supérieur à celui des deux autres OBL mobiles. Une solution contraire aurait été néfaste à Bouygues Télécom.

Completel souligne que cette méthodologie n'est pas appliquée en Belgique ou en Hollande, pays comparables, où pourtant il existe une même diversité de situations des opérateurs sur le marché.

Completel précise que le principe de symétrie tarifaire ignore les coûts de terminaison des OBL alternatifs et impose un tarif pour des prestations différentes :

- le tarif du catalogue d'interconnexion de France Télécom recouvre des coûts correspondant à un périmètre de prestation n'allant que jusqu'à l'unité de raccordement d'abonné, hors raccordement du client ;

- la prestation de Completel va jusqu'à l'accès du client, d'où des coûts supérieurs car le périmètre est plus grand ;

- la prestation de Completel débute à un point d'interconnexion au réseau de France Télécom unique par région, France Télécom refusant d'investir pour livrer son trafic à Completel au plus proche du réseau de transmission de Completel.

Completel indique ensuite que le principe de symétrie tarifaire permet à France Télécom, opérateur de transit, de réduire ses coûts d'achat quand Completel investit pour réduire ses coûts d'achat en se raccordant au niveau des CA de l'OBL France Télécom.

Enfin, le principe de symétrie tarifaire conduit à fixer un tarif de terminaison quasiment égal au tarif CA du catalogue d'interconnexion de France Télécom.

Completel considère qu'une transposition de la méthodologie utilisée dans les arbitrages UPC et Cegetel aurait pour conséquence une tarification inférieure au coût et donc l'obligation pour Completel de vendre à perte.

L'Autorité ne peut par conséquent appliquer à Completel une méthodologie fondée sur la doctrine de la symétrie.

Completel estime qu'un OBL fixe a besoin d'une visibilité pluriannuelle sur les revenus qu'il peut espérer tirer de la terminaison d'appel, cette visibilité devant lui permettre de planifier et poursuivre son développement.

Il est donc indispensable que soit déterminé un nouveau mode de fixation des tarifs de terminaison par les opérateurs alternatifs qui les garantissent contre la situation d'incertitude économique pour leur équilibre financier dans laquelle les place leur situation de dépendance économique à l'égard de France Télécom.

Completel demande à l'Autorité de confirmer les tarifs de terminaison proposés pour les années 2003 et 2004 et d'adopter une méthode mieux adaptée aux contraintes des opérateurs non puissants pouvant reposer sur les principes suivants :

- reconnaître la liberté tarifaire des opérateurs alternatifs de boucle locale, ceux-ci fixant leurs tarifs de terminaison d'appel dans les conditions qu'ils souhaitent ;

- contrôler ces tarifs en imposant que les opérateurs alternatifs justifient de leur légitimité par une démonstration d'après leurs coûts, selon la méthode des coûts moyens incrémentaux de long terme ;

- mettre en place un système de prix plafonds (price cap) par la définition d'un tarif maximum.

En ce qui concerne le principe de liberté tarifaire, Completel indique que conformément à l'article L. 410-2 du code de commerce, les opérateurs non puissants peuvent librement fixer leurs tarifs de terminaison d'appel, ce que l'Autorité a reconnu dans sa décision no 2001-1235. Les opérateurs non puissants sont libres de fixer leurs tarifs tout en n'imposant pas de charges excessives. Celles-ci devront être appréciées à l'aune du poids de l'opérateur non puissant dans les coûts d'approvisionnement de l'opérateur de transit et de services de téléphonie (France Télécom).

Completel rappelle que les opérateurs non puissants de terminaison d'appel ont l'obligation de proposer des conditions d'interconnexion objectives, transparentes et non discriminatoires, conformément à l'article L. 34-8 du CPT.

Pour ce qui est de la justification des coûts, Completel propose que le calcul des tarifs de terminaison d'appel repose sur les principes suivants :

Les tarifs doivent inclure une contribution équitable, conformément au principe de proportionnalité, aux coûts qui sont communs aux services de terminaison d'appel et aux autres services, et une rémunération normale des capitaux employés pour les investissements utilisés. Enfin, l'opérateur doit actualiser chaque année ses tarifs en fonction de la variation prévisible sur l'année considérée des principaux inducteurs de coûts préalablement déterminés.

S'agissant des coûts à prendre en compte, ils doivent être pertinents, liés par une forme de causalité directe ou indirecte au service rendu.

Enfin, Completel propose, afin d'éviter des dérives, d'encadrer les tarifs. Ainsi, le tarif de terminaison d'appel pourrait être « plafonné », par exemple par un multiple du tarif PRO du catalogue d'interconnexion de France Télécom de l'année en cours, ce plafond pouvant dépendre des structures de coûts des différents opérateurs de boucle locale, en fonction de la nature ou du type d'infrastructures qu'ils exploitent.

Outre les demandes déjà formulées dans son premier mémoire qu'elle réitère, Completel demande à l'Autorité, en complément, de :

- confirmer la liberté dont dispose Completel de fixer ses tarifs de terminaison d'appel ;

- constater que ce tarif reflète les coûts de Completel ;

- confirmer le tarif de terminaison d'appel de Completel pour les années 2001 et 2002 ;

- confirmer le tarif de 2,76 centimes d'euro par minute, qui sera appliqué par les parties, au cours de l'année 2003 ;

- confirmer le tarif de 2,43 centimes d'euro par minute, qui sera appliqué par les parties, au cours de l'année 2004 ;

- donner acte à Completel de ce que la méthode de la négociation bilatérale entre un opérateur puissant et un opérateur non puissant ne permet pas une gestion efficace du marché de terminaison d'appel et de ce que la régulation des tarifs de terminaison d'appel des opérateurs existants, non puissants, tels que Completel, ne peut reposer sur la généralisation à tous les acteurs du principe de symétrie tarifaire utilisé dans les arbitrages Cegetel et UPC ;

Vu la lettre de l'adjoint au chef du service juridique, en date du 3 avril 2003, adressant un questionnaire aux parties et fixant au 23 avril 2003 la date de clôture de remise des réponses ;

Vu la décision no 2003-485, en date du 3 avril 2003, prorogeant le délai dans lequel l'Autorité doit se prononcer sur ce différend ;

Vu les nouvelles observations présentées par la société France Télécom enregistrées le 11 avril 2003 ;

France Télécom n'entend pas revenir sur les éléments du contexte déjà débattus, mais souhaite fournir de nouveaux commentaires sur les éléments de coûts présentés dans le dernier mémoire en défense déposé par la société Completel le 20 février 2003.


I. - Sur le caractère factice de la présentation

de la situation économique de Completel


France Télécom indique que Completel renverse les rôles dans sa démonstration, mais que dans ce litige, c'est bien France Télécom qui a saisi l'Autorité afin de constater le caractère préjudiciable des tarifs d'interconnexion appliqués par Completel.

France Télécom considère, à la lecture d'un communiqué de presse du PDG de Completel, qu'il suffit de rapporter le chiffre de 1 million d'euros (correspondant à la tarification des années 2001 et 2002) à la trésorerie disponible de 60,2 millions d'euros, ainsi que l'absence totale de doute sur le fait que l'Ebitda ajusté devienne positif au premier trimestre 2003, pour constater que le litige en cours n'a pas d'influence significative sur l'équilibre financier de Completel.

France Télécom constate que Completel fait un usage circonstancié des difficultés économiques dans la présente procédure, alors que ses représentants expriment un point de vue différent.


II. - Sur les tarifs de terminaison d'appel

de Completel


France Télécom estime que Completel n'apporte aucun élément sérieux à l'appui des éléments de coûts censés justifier son tarif de terminaison d'appel. France Télécom demande à l'Autorité de constater le caractère inopérant des justifications de Completel, comme elle l'avait fait dans la décision no 2001-1235.


1. Completel invente de nouveaux principes « théoriques »


France Télécom souligne qu'elle n'a jamais contesté que le marché pertinent est celui de la terminaison d'appel, sur le réseau de Completel. Cependant France Télécom conteste l'argument de Completel selon lequel il faut circonscrire l'analyse à ce seul marché sans considérer l'impact des conditions tarifaires qu'elle pratique pour le marché d'interconnexion sur le fonctionnement d'autres marchés, notamment les conséquences potentielles de celles-ci en terme de distorsion de concurrence sur le marché de détail des communications téléphoniques.

France Télécom estime cette position contraire à celle de la Commission européenne dans sa recommandation relative à la définition des marchés pertinents du 11 février 2003. Elle indique que dans la mesure où un opérateur bénéficiant d'un large réseau a l'obligation réglementaire d'accéder à toute demande d'interconnexion, le déséquilibre en terme de puissance dont il bénéficierait en théorie s'efface au profit de l'opérateur interconnecté. Ce rééquilibrage peut conduire dans les faits un opérateur de boucle locale alternatif à faire peser son inefficacité sur ses concurrents interconnectés, ce que reconnaît la Commission.

France Télécom considère donc que l'argumentation de Completel revient à nier l'impact de la tarification d'interconnexion pratiquée pour terminer les appels en provenance de réseaux tiers et à destination des clients de sa boucle locale, sur la concurrence que sont amenés à se livrer Completel et les autres opérateurs, dont France Télécom sur le marché de détail des communications téléphoniques. France Télécom considère ainsi que la position de Completel tendant à déconnecter les marchés de gros de la terminaison d'appel et de détail de la vente de services téléphoniques n'est pas fondée et contraire à la pratique. Enfin, elle conteste l'argumentation de Completel, défendue dans son dernier mémoire, tendant à démontrer le caractère « contestable », au sens économique du terme, du marché de terminaison d'appels à destination des clients du réseau de Completel.

Sur l'absence de rente de position ou de subvention croisée illicite :

France Télécom indique que dans ses précédentes écritures, elle a rappelé ce qui lui apparaît comme un préalable indispensable pour une concurrence saine et loyale, mais souhaite apporter des observations aux réponses formulées par Completel.

En premier lieu, France Télécom constate que Completel ne l'autorise pas à jauger la matérialité des coûts, car elle n'a pas communiqué les données de coûts et les valeurs associées aux paramètres dimensionnant du réseau censées justifier ses nouvelles prétentions tarifaires.

Toutefois, France Télécom émet quelques réserves sur les éléments de méthodes qui lui ont été communiqués. France Télécom doute de l'interprétation de Completel quant aux principes méthodologiques retenus pour valoriser sa prestation de terminaison d'appel. France Télécom note que la plausibilité de l'exercice d'une rente de monopole pourrait être appréciée, comme le propose Completel, au moyen d'un benchmark des tarifs de terminaison d'appels pratiqués par des opérateurs pour des prestations similaires. Selon France Télécom, une approche comparative démontre que les prétentions de Completel ne correspondent pas à la réalité du marché. Par ailleurs, France Télécom a reçu de nouvelles propositions de tarifs d'interconnexion pour l'année 2003 de la part de plusieurs opérateurs dont la grande majorité des tarifs sont le résultat de la méthode de calcul retenue par l'Autorité (LDCOM MCI WorldCom, Tiscali ou Siris).

En second lieu, France Télécom estime que l'exposé par Completel des principes généraux de sa modélisation contredit les allégations concernant l'absence de subvention croisée illicite.

Il ressort des écrits de Completel que celle-ci inclut des coûts relatifs à son réseau d'accès dans l'assiette prise en compte pour valoriser la prestation de terminaison d'appel sur son réseau. France Télécom estime que ces coûts sont à la fois non pertinents au regard de la prestation technique fournie, et que leur prise en compte constitue une pratique discriminatoire tout autant qu'une distorsion de concurrence à l'encontre des autres opérateurs, dont France Télécom, qui pour terminer les appels à destination de Completel n'ont aucune autre alternative possible à l'utilisation de son service d'interconnexion. En effet, Completel ne s'applique pas à elle-même pour la tarification de ses clients une telle règle.

Sur la définition de la notion de prestation de terminaison d'appel :

En ce qui concerne les opérateurs puissants, France Télécom rappelle qu'en tant que tel, elle est soumise aux dispositions des articles D. 99-11 à D. 99-22 du CPT et que les tarifs de ses prestations d'interconnexion doivent, pour satisfaire à l'obligation d'orientation vers les coûts, respecter un certain nombre de principes, notamment celui de la pertinence des coûts.

L'élaboration des tarifs d'interconnexion de France Télécom exige le maintien d'une comptabilité séparée pour ses activités d'interconnexion. Ce système de comptabilisation des coûts est audité périodiquement par un organisme indépendant désigné par l'Autorité. L'audit permet de vérifier le respect des dispositions précitées du code et notamment que les niveaux des tarifs d'interconnexion de France Télécom sont effectivement proportionnés à la réalité des prestations techniques effectivement rendues aux opérateurs tiers.

France Télécom indique que, conformément au principe de pertinence des coûts, doivent être exclus de l'assiette des coûts d'interconnexion les coûts relatifs aux éléments du réseau d'accès qui assurent une fonction de raccordement et de gestion des lignes d'abonnés, et dont les coûts sont indépendants du volume de trafic à acheminer. Ainsi, le tarif d'interconnexion appliqué par France Télécom pour une prestation de terminaison d'appel sur son réseau assure le recouvrement des coûts liés à l'utilisation de son réseau pour l'acheminement du trafic en provenance d'un réseau tiers, depuis le commutateur d'interconnexion où est livré ce trafic jusqu'à l'unité de raccordement d'abonnés (URA) dont dépend l'abonné appelé. En ce qui concerne les éléments de commutation d'abonnés, seuls les coûts relatifs à la fonction d'écoulement du trafic sont pertinents. Enfin, les tarifs d'interconnexion qu'elle pratique incluent une composante de rémunération normale du capital immobilisé pour la fourniture de ces services conformément aux dispositions de l'article D. 99-17.

En ce qui concerne les opérateurs qui ne sont pas puissants au titre de l'article L. 36-7, France Télécom s'interroge sur la possibilité pour un tel opérateur non soumis aux dispositions des articles D. 99-11 à D. 99-22 du code de déterminer un tarif qui rémunérerait des éléments de réseau supplémentaires, autres que ceux effectivement mis en jeu pour rendre le service.

France Télécom rappelle ainsi la position de l'OFTEL qui définit le service de terminaison d'appel sur le réseau d'un opérateur alternatif de la même manière que le service de terminaison d'appel sur le réseau de BT. Ansi, cette prestation doit valoriser les coûts liés à l'acheminement depuis le point d'interconnexion du réseau de l'opérateur de terminaison d'appel auquel est livré l'appel jusqu'au client final, à l'exclusion des coûts relatifs au réseau d'accès.

France Télécom souligne que l'Autorité a retenu la même interprétation dans ses décisions no 99-539 du 18 juin 1999 et no 2001-1235 du 21 décembre 2001. Cette méthode dite de symétrie tarifaire permet selon France Télécom de récompenser les nouveaux entrants plus efficaces que l'opérateur historique et empêche le développement de stratégies tarifaires opportunistes.

Sur l'interprétation contestable du principe d'orientation vers les coûts par Completel :

France Télécom s'étonne de la position de Completel qui, dans ses dernières observations, formule de nouvelles exigences concernant le niveau des tarifs d'interconnexion à appliquer à la prestation d'appel sur son réseau, lesquelles sont à la fois démesurées, inédites, et ne sont appuyées sur aucune communication de coûts, ce qui va à l'encontre du principe du contradictoire.

Dès lors que Completel fonde ses tarifs en fonction du niveau des coûts prétendument atteints pour une prestation d'acheminement avec l'application d'un modèle développé par Completel sur la base de considérations technico-économiques, mais qu'elle ne fournit aucun de ces coûts, France Télécom considère qu'elle ne peut contester sa demande et que l'Autorité devra adopter le même raisonnement que dans sa décision no 2001-1235.

France Télécom estime en premier lieu que les règles de comptabilisation des coûts retenues par Completel méconnaissent le principe de pertinence des coûts. En effet, Completel prend en compte des coûts relatifs à son réseau d'accès pour valoriser la prestation de terminaison des appels téléphoniques sur son réseau : l'assiette des coûts pris en compte pour valoriser cette prestation inclut des coûts d'accès, depuis l'équipement terminal situé au niveau de l'installation intérieure sur le site du client jusqu'au port abonné sur le commutateur.

Elle intègre aussi dans l'assiette des coûts considérés comme pertinents des coûts liés aux ressources de numérotation et à la portabilité. La logique économique voudrait que Completel recouvre ces charges directement auprès des clients qui bénéficient de ces services et donc auprès de ses propres abonnés.

Enfin, France Télécom relève que le « coût » relatif à chaque minute de terminaison d'appel sur le réseau de Completel intègre aussi une partie des coûts supportés par cette dernière pour ses fonctions « support et commerciales » mais sans qu'il soit précisé le périmètre des coûts correspondants.

En second lieu, France Télécom considère que les résultats de Completel sont incohérents avec l'approche méthodologique qu'elle prétend appliquer. France Télécom estime que Completel ne fait pas une interprétation correcte du concept théorique des CMILT.

France Télécom s'interroge aussi notamment sur la cohérence entre la demande de Completel visant à obtenir des niveaux de rémunération sans commune mesure avec ceux pratiqués par celle-ci au cours des années passées, tout en justifiant cette exigence par l'orientation des tarifs vers les coûts d'un opérateur réputé efficace.

Par ailleurs, France Télécom souligne que les niveaux de tarifs de terminaison d'appel antérieurs étaient a priori suffisamment rémunérateurs au regard des coûts réellement encourus par Completel pour fournir la prestation correspondante, Completel y ayant librement souscrit.

France Télécom considère que les tarifs exigés par Completel représentent jusqu'à cinq fois le niveau du tarif d'interconnexion moyen pratiqué en 2003 par France Télécom pour une prestation technique équivalente sur son réseau, soit une prestation d'intra-CAA, alors que ce tarif est lui-même basé sur les CMILT.

France Télécom note que Completel n'utilise pas le même référentiel de coûts pour établir la tarification de son propre service de téléphonie sur le marché de détail.

France Télécom souligne que le niveau de rémunération exigé par Completel pour sa prestation de terminaison d'appel est ainsi disproportionné au regard du coût réellement supporté par cette dernière pour cette prestation d'interconnexion, imposant à France Télécom une charge excessive au sens de l'article D. 99-10 du CPT.

En troisième lieu, France Télécom indique que les coût présentés par Completel sont sans lien avec la réalité économique et que Completel entretient une distorsion de concurrence à son seul bénéfice.

France Télécom estime que Completel ne peut arguer de coûts structurellement supérieurs à ceux de France Télécom car son positionnement sur le marché de détails démontre au contraire sa compétitivité. Par conséquent, les niveaux de rémunération demandés par Completel sont sans lien avec la réalité économique.

Si les tarifs demandés par Completel étaient appliqués, ils imposeraient aux opérateurs concurrents de Completel des niveaux de coûts incompatibles avec l'équilibre économique actuel sur le marché de détails des communications téléphoniques. Ils impliqueraient pour France Télécom des pertes financières significatives sur les appels émis par ses clients à destination de ceux du réseau de Completel.

Sur la base de ses tarifs de détail en vigueur, la recette totale par minute tirée par France Télécom des communications téléphoniques sur le marché des clients résidentiel s'établit actuellement à environ [...] centimes d'euro hors taxe par minute.

En prenant compte les coûts propres de France Télécom déterminés sur la base de ses coûts prévisionnels 2003, le coût d'une communication téléphonique au départ d'un client de France Télécom et à destination d'un client de Completel supporté par France Télécom pour la prestation de terminaison d'appel est valorisé au tarif de 2,76 centimes d'euro par minute dans l'hypothèse où est appliqué le dernier niveau de rémunération demandé par Completel dans son mémoire du 20 février 2003. Le coût moyen de la terminaison d'appel d'une communication établie de bout en bout sur le réseau de France Télécom s'établit quant à lui à [...] centimes d'euro par minute.

Par conséquent, pour 2003, France Télécom supportera en moyenne un coût complet de l'ordre de [...] centimes d'euro hors taxe par minute dans le cas où cet appel est à destination d'un client de Completel.

Dans l'hypothèse où la recette moyenne par marché se maintenait au cours de l'année à son niveau actuel, France Télécom subirait donc en 2003 une perte financière moyenne de [...] centimes d'euro par minute de communication sur l'ensemble des appels émis par ses clients à destination de ceux de Completel. Sur le segment des communications locales de clients résidentiels, la perte financière de France Télécom s'élèverait à près de [...] centimes d'euro par minute de communication.

Ainsi, les conditions tarifaires exigées par Completel constituent une charge excessive pour France Télécom en ce qu'elles sont disproportionnées au regard de la valeur économique de la prestation demandée et de la réalité économique du marché des télécommunications téléphoniques.


2. Le principe de symétrie tarifaire

est économiquement légitime


France Télécom estime que Completel fait une lecture partielle et partiale de la démonstration de France Télécom sur l'existence d'une captation de la valeur.

France Télécom estime que le mécanisme d'interconnexion réciproque permet de favoriser l'interconnexion entre les opérateurs historiques et les nouveaux entrants et est donc avantageux pour les travaux entrants sans pour autant que cet avantage soit valorisé. Il procède en réalité d'une politique de développement de la concurrence.

Le fonctionnement économique du mécanisme d'interconnexion réciproque permet d'assurer par le jeu des tarifs de terminaison d'appel un transfert de la valeur générée par l'interconnexion. France Télécom estime que le mécanisme de réciprocité a de nombreux avantages puisqu'il fonctionne indifféremment lorsque les deux réseaux interconnectés sont différents et surtout lorsque les deux opérateurs concernés ne choisissent pas de façon symétrique le point d'interconnexion où ils livrent le trafic à destination de l'autre opérateur.

Si France Télécom a supposé la symétrie c'était dans un but de simplicité de l'exposé, mais a indiqué que dans le cas général les corrections à apporter étaient immédiates et aboutissent à un rééquilibrage des terminaisons d'appel de façon à compenser la dissymétrie. Ainsi, pour le trafic entrant, chaque opérateur facture sa terminaison de base additionnée de la quote-part d'acheminement de transit local ou national que l'autre opérateur ne lui fait pas éviter en assurant le transport de son trafic sortant. Par conséquent, France Télécom estime que, même dans une situation de deux opérateurs très différents, le mécanisme de réciprocité reste totalement opérant.


III. - Une distorsion de concurrence

confirmée par les faits


France Télécom ne peut que dénoncer l'approximation juridique établie par Completel entre la jurisprudence de la CJCE sur l'abus de position dominante et le principe de charges excessives, tel que défini à l'article D. 99-10 du CPT. France Télécom considère ainsi que la jurisprudence United Brandt n'est pas applicable car elle vise la notion de « prix non équitable » et non celle de « charges excessives ».

France Télécom précise ensuite que si une erreur matérielle a été effectivement commise concernant la valeur du tarif de terminaison d'appel de Completel, ce point ne peut remettre en cause l'impact des tarifs de Completel : celle-ci bénéficie en 2002, après correction, d'un différentiel de rémunération de 0,26 centimes d'euro HT par minute qui représente environ [...] % de la recette moyenne que réalise France Télécom sur le trafic issu des entreprises.

France Télécom précise que ce différentiel est susceptible d'augmenter d'un facteur 8 entre 2002 et 2003. En prenant en considération 2003 avec les hypothèses suivantes :

- la référence est un client générant 2,5 millions de minute de trafic départ par an (hors appel vers mobiles, l'international ou d'autres boucles fixes que celle de France Télécom) ;

- les trafics départ et arrivée sont équilibrés ;

- le tarif de terminaison d'appel de Completel est de 2,76 centimes d'euro HT par minute comme demandé par Completel dans ses nouvelles observations en défense ;

- Completel livre [...] % du trafic sortant de son réseau au tarif Intra CAA.

Completel paye à France Télécom [...] euros HT/an et France Télécom paye à Completel 69 000 euros HT/an. Completel bénéficie donc d'un solde net de [...] euros HT/an sur le client considéré (soit [...] centimes d'euro HT par minute).

France Télécom constate que ce différentiel de rémunération représente environ [...] % de la recette moyenne que réalise France Télécom sur le trafic issu des entreprises. France Télécom indique que la dissymétrie des tarifs de terminaison d'appel génère donc bien une rente que Completel peut ensuite utiliser pour réduire de manière très significative ses tarifs de détail afin de concurrencer France Télécom sur le marché final.

France Télécom considère par ailleurs que les tarifs de détail de Completel ne sont pas compatibles avec le tarif de terminaison d'appel qu'elle souhaite pratiquer. Completel doit donc appliquer un taux de rémunération du capital très différent dans les deux cas. Selon France Télécom, Completel la fait contribuer, et par la même fait contribuer les clients de France Télécom, à la rentabilisation de ses infrastructures plus que ses propres clients.

France Télécom constate par conséquent que Completel profite de sa position de monopole de fait pour la terminaison d'appel sur son réseau pour financer ses activités en concurrence et pratique une subvention croisée entre une activité en monopole et une activité en concurrence.


IV. - Une différenciation des tarifs au regard

de l'exemple fourni par le régulateur belge


France Télécom rappelle le caractère inédit des solutions des régulateurs belges et hollandais au regard des usages adoptés par la plupart des pays européens, et notamment par l'OFTEL, de même que les conséquences de tels choix quant aux tarifs de détail vers les abonnés des réseaux des opérateurs de boucle locale concernés. France Télécom relève que cette décision, comme le reconnaît Completel, n'a fait l'objet d'aucune communication officielle détaillant l'étendue et les conditions de cet examen.

France Télécom indique que les tarifs de détail pratiqués par Belgacom étaient les mêmes indépendamment de l'opérateur de terminaison d'appel. La décision de l'Institut belge des services postaux et des télécommunications d'autoriser la hausse du tarif de terminaison d'appel demandée par Telenet a eu comme conséquence directe de contraindre l'opérateur historique à introduire une tarification différenciée sur le marché de détail en fonction du réseau de terminaison d'appel.

France Télécom souligne que Completel, en invitant l'Autorité à suivre l'exemple de son homologue belge, ne peut ignorer les conséquences d'une telle évolution, le régulateur belge ayant reconnu l'impact « inévitable » de la hausse substantielle de la terminaison d'appel sur le réseau de Telenet tout comme l'avait fait le Conseil de la concurrence.


V. - Sur l'irrecevabilité

des demandes de Completel


France Télécom souligne l'incohérence de la position de Completel, qui récuse au nom de la liberté tarifaire la légitimité de France Télécom à saisir l'Autorité en vue d'établir un tarif de terminaison d'appel sur son réseau conforme à ses différentes décisions, mais qui sollicite dans le même temps de nouvelles conditions plus favorables pour 2003 et 2004.

France Télécom demande à l'Autorité de constater l'irrecevabilité des demandes de Completel visant à définir une méthodologie nouvelle destinée à « encadrer les tarifs pour éviter leur dérive » en ce qu'elle excède le cadre du présent litige et parce qu'elle n'a fait l'objet d'aucune discussion, ni négociation entre les parties au jour de la saisine de France Télécom et doit être rejetée eu égard au principe réaffirmé en la matière avec la constance par l'Autorité.

France Télécom tient à dénoncer l'instrumentalisation de la présente procédure dans le cadre de ses relations contractuelles avec France Télécom en méconnaissance totale des obligations auxquelles les parties ont souscrit au titre de la convention d'interconnexion. France Télécom considère que les nouvelles observations en défense de Completel ne sauraient représenter une réponse aux contestations de ses factures par France Télécom, comme le soutient Completel.

France Télécom conclut donc aux mêmes demandes que dans ses précédents mémoires et sollicite en outre de l'Autorité qu'elle rejette les requêtes de Completel concernant les tarifs de 2003 et 2004.

Vu les réponses de France Télécom et de Completel au questionnaire du rapporteur enregistrées le 23 avril 2003 ;

Vu le courrier de la société France Télécom enregistré à l'Autorité le 25 avril 2003 concernant la réponse de Completel au questionnaire du rapporteur ;

Vu le courrier de la société Completel enregistré à l'Autorité le 25 avril 2003 en réponse au courrier de France Télécom précité ;

Vu les nouvelles observations présentées par la société Completel enregistrées le 30 avril 2003 ;

Completel demande que le principe de symétrie tarifaire sur lequel reposent les arbitrages précédents de l'Autorité lui soit appliqué par étapes dans le but de créer les conditions d'une concurrence équitable et efficace entre opérateurs.


I. - SUR LES TARIFS POUR LES ANNÉES 2001 ET 2002


Completel demande à l'Autorité la confirmation de ses tarifs à leurs niveaux, tels que proposés à France Télécom.

Completel indique que ces tarifs, fixés sur la base d'un prorata des tarifs CAA et PRO du catalogue d'interconnexion, en fonction du trafic effectif d'interconnexion sortant des clients entreprises de Completel, sont sensiblement inférieurs aux coûts de Completel.

Completel souhaite rappeler l'inapplicabilité d'une règle de symétrie tarifaire au prorata CAA/PRO, car elle :

- méconnaît le principe de liberté tarifaire des opérateurs ne figurant pas sur la liste établie en application de l'article L. 36-7 (7°) du CPT ;

- a pour conséquence de contraindre Completel à vendre à long terme à perte ;

- présente des inconvénients majeurs.

Completel considère que la mise en oeuvre de cette règle sur une période plus longue aurait pour conséquence de la contraindre à poursuivre la vente à perte de ses prestations et établirait une barrière à l'entrée du marché de détail de l'accès.


II. - SUR LES TARIFS POUR 2003 ET 2004


Completel demande à l'Autorité la fixation de tarifs pour 2003 et 2004 au niveau du montant de ses coûts tels qu'explicités dans sa réponse au questionnaire.

Sur la légitimité de la méthode :

Completel souligne que cette méthode de détermination de ses tarifs pour 2003 et 2004 est la seule :

- respectueuse du principe de liberté tarifaire des opérateurs ne figurant pas à l'article L. 36-7 (7°) du CPT ;

- permettant de garantir le développement de Completel dans des conditions compatibles avec son statut d'opérateur entrant, en lui évitant de vendre à perte ;

- compatible avec la part relative des différents marchés pertinents des activités de télécommunications détenue par Completel, qui demeure très résiduelle en comparaison avec celle de France Télécom.

Completel rappelle que cette méthode est conforme aux dispositions de l'article D. 99-10 du CPT.

Sur le respect des principes d'objectivité, de transparence et de non-discrimination :

Completel indique que pour les exercices concernés sa tarification est établie d'après ses coûts, dont les coûts de raccordement des clients, comme le fait France Télécom.

Sur la non-imposition de charges excessives :

Completel précise que cette méthode n'impose pas des charges excessives à France Télécom et que France Télécom n'a d'ailleurs pas apporté la preuve de ce qu'elle avance.

Elle rappelle qu'une comparaison directe des tarifs de terminaison d'appels entre le tarif de simple transit au PRO de France Télécom et le tarif de Completel n'est pas pertinente pour permettre une comparaison des coûts entre les deux opérateurs.

Cette méthode ne crée pas de subvention croisée vis-à-vis des marchés de détail du service de téléphonie et de l'accès :

Completel indique que, concernant le marché de détail des services de téléphonie, les revenus issus de la terminaison d'appels facturés à France Télécom et ceux produits par des abonnements facturés aux clients ne couvrent que les coûts associés à la terminaison d'appels et ne peuvent donc pas subventionner une autre activité.

Completel souligne qu'on ne peut soutenir que la vente de services d'accès (abonnements de lignes et de numéros) puisse bénéficier d'une subvention croisée issue de la vente de services de terminaison d'appel dans la mesure où le revenu issu des abonnements est significatif par rapport aux tarifs constatés sur le marché de l'accès et où le revenu des abonnements est affecté, à due proportion, à la couverture des coûts de terminaison d'appel.

Cette méthode ne peut autoriser la mise en oeuvre par France Télécom d'une politique de différenciation tarifaire.

Completel estime que la mise en oeuvre par France Télécom d'une différenciation tarifaire nuirait au respect des conditions d'objectivité, de transparence et de non-discrimination imposées par l'article D. 99-10 du code. Elle rappelle qu'elle est opposée à la mise en oeuvre d'un tel système.

Completel précise que si l'Autorité retenait cette hypothèse, il serait difficile pour Completel de convaincre un client potentiel de lui confier la gestion de ses numéros géographiques en lieu et place de France Télécom.

Cette différenciation des tarifs de détail serait en outre un facteur de confusion pour le grand public en rendant la tarification illisible pour l'appelant, qui ne pourrait l'anticiper et faire ses choix de façon claire et transparente.

Enfin, un tel système constituerait une rupture du principe d'égalité au regard du service public des télécommunications.


III. - POUR LES EXERCICES 2005, 2006 ET 2007


Completel prend l'engagement que ses tarifs baisseront d'année en année du fait de ses prévisions de baisse continue de ses coûts de terminaison d'appel.

Completel est disposée à accepter un plafond maximum pour ses futurs tarifs dont les valeurs annuelles pourraient être égales aux coûts minimaux de terminaison d'appel, tels qu'explicités dans ses graphes.


IV. - POUR LES EXERCICES 2008 ET AU-DELÀ


Completel précise qu'elle devrait atteindre un niveau de coût de terminaison d'appel proche du tarif d'interconnexion simple transit PRO. Completel aura alors atteint un niveau d'efficacité économique au moins égal à celui de France Télécom. Ainsi, le tarif de terminaison d'appel de Completel permettra de recouvrir l'ensemble de ses coûts, dont les coûts de raccordement.

La situation de Completel sera alors compatible avec le principe de la symétrie tarifaire du catalogue d'interconnexion de France Télécom.

C'est pourquoi, dans ces conditions et à ce moment seulement, l'Autorité pourra fixer son tarif de terminaison d'appel comme étant égal au tarif d'une terminaison en simple transit au PRO du catalogue d'interconnexion de France Télécom ;

Vu la lettre du chef du service juridique, en date du 20 mai 2003, convoquant les parties à une audience devant le collège le 27 mai 2003 ;

Vu les nouvelles observations présentées par la société France Télécom enregistrées le 21 mai 2003 ;

France Télécom a entendu réagir au modèle de coûts développé et communiqué par la société Completel dans le cadre de sa réponse au questionnaire. France Télécom considère que ce modèle de coûts est très contestable pour plusieurs raisons.

En premier lieu, France Télécom souhaite apporter des observations sur les résultats du modèle de coûts de Completel.

Elle souligne, à titre liminaire, que dans ce modèle, le coût par minute entrante de la prestation de terminaison d'appel sur son réseau correspond à la somme de trois composantes : une composante « Accès », une composante « Acheminement » et une composante « Autres ». Elle note le poids croissant de la composante « Accès » dans le coût de l'appel entrant qui finira par représenter 48 % du coût par minute de la prestation de terminaison d'appel sur le réseau de Completel à l'horizon mi-2004.

En second lieu, France Télécom conteste la modélisation des coûts fournie par Completel en lui appliquant le critère d'efficacité économique.

Dans cette hypothèse, il convient d'apprécier le niveau des coûts de production issu de l'application du modèle de Completel en référence au coût minimum de long terme que supporterait un opérateur efficace visant, sur la base d'un réseau dimensionné au mieux, construit et exploité en utilisant les meilleures technologies industriellement disponibles, à satisfaire la même demande que celle adressée à Completel à l'horizon visé, avec une qualité de service équivalente.

France Télécom souligne que la comparaison entre le modèle développé par Completel et le modèle CMILT bottom-up des coûts d'interconnexion en France est limitée aux seuls coûts de la composante « Acheminement », à l'exclusion des autres qui ne respectent pas le principe de la pertinence des coûts. Le modèle bottom-up ne prend pas en compte les coûts relevant du réseau d'accès pour valoriser des prestations d'acheminement et retient une assiette plus restreinte que la composante « Autres ».

France Télécom considère que cette comparaison démontre que le modèle de Completel dépend en fait très largement de données exogènes au modèle lui-même et qu'il est par conséquent difficile de porter un jugement sur la cohérence de ces données vis-à-vis du critère d'efficacité économique.

France Télécom précise que l'évaluation du ratio du nombre de minutes entrantes et sortantes annuelles par BPN voix dans le modèle de Completel suggère un surdimensionnement de son réseau.

Enfin, en ce qui concerne les coûts des actifs de production, la comparaison des hypothèses formulées par Completel avec celles retenues pour le modèle CMILT révèle une tendance globale à surestimer les coûts annuels unitaires.

En troisième lieu, France Télécom revient sur l'analyse du modèle de coûts de Completel au regard du critère de pertinence des coûts. Elle souligne que le principe d'une séparation des coûts entre ce qui relève des activités de détail et des activités d'interconnexion s'applique à tous les opérateurs dont les tarifs d'interconnexion sont réputés satisfaire au principe d'orientation vers les coûts, conformément à l'application du critère de pertinence des coûts.

Or, Completel revendique la conformité du niveau de rémunération dont elle demande l'application pour sa prestation de terminaison d'appel avec l'application du principe d'orientation vers les coûts. En application de ce principe, France Télécom considère que la prise en compte des coûts relevant du réseau d'accès et ceux liés aux ressources en numérotation et à la portabilité n'est pas pertinente.

En outre, Completel applique aux « coûts bruts » de la prestation de terminaison d'appel sur son réseau une rémunération supplémentaire, en sus du taux de rémunération du capital employé pour ses activités d'interconnexion et fixé par Completel à 14 % dans son modèle. Cette marge est non seulement injustifiée économiquement, mais elle est aussi purement artificielle.

France Télécom précise que Completel fixe le tarif de ses offres de détail selon les conditions du marché, de manière à prendre des parts de marché à France Télécom, puis fixe son tarif de terminaison d'appel afin de recouvrer l'intégralité de ses coûts.

Enfin, France Télécom note que Completel valorise des « coûts commerciaux, administratifs et généraux » sans préciser le contenu exact des activités concernées.

Pour conclure, en appliquant au modèle de Completel d'autres hypothèses répondant, mieux selon France Télécom, aux critères d'efficacité économique et de pertinence des coûts, cette dernière affirme aboutir à des niveaux de rémunération pour la prestation de terminaison d'appel sur le réseau de Completel sans commune mesure avec les prétentions financières de Completel.

Par ailleurs, France Télécom note que ces niveaux sont compatibles avec ceux issus de l'application du principe de réciprocité tarifaire. Par conséquent, la modélisation fournie par Completel conforte la légitimité de l'application du principe de réciprocité tarifaire et en ce qu'il ne crée pas de préjudice à Completel pour le recouvrement de ses coûts ;

Vu les nouvelles observations présentées par la société Completel enregistrées le 23 mai 2003 ;

Les sociétés Estel et Completel ont entendu déposer des observations communes pour répondre au dernier mémoire de France Télécom.

Ces sociétés soulignent que France Télécom n'a soumis aucun modèle économique au débat qui viendrait appuyer sa demande alors qu'elle a juridiquement la charge de la preuve en sa qualité de demandeur.

Elles indiquent que, contrairement aux démonstrations faites par France Télécom dans ses derniers écrits, elles ne sont pas soumises au principe d'orientation vers les coûts. Elles ont donc justifié leur tarif respectif par référence à leurs coûts constatés.

Elles contestent fortement le détournement abusif par France Télécom du modèle des coûts qu'elles ont transmis. Celle-ci n'a pas hésité à restreindre le périmètre des coûts pertinents et a appliqué ses propres coûts unitaires pour arriver à une conclusion fallacieuse en vertu de laquelle les réseaux métropolitains de Completel seraient plus efficaces que, d'une part, les réseaux équivalents (PRO) de France Télécom dès 2003 et, d'autre part, les réseaux locaux (CAA) de France Télécom dès 2004.

Sur le critère d'efficacité économique, Completel et Estel contestent les observations de France Télécom selon lesquelles il convient d'exclure les coûts d'accès ou ceux liés aux ressources de la numérotation ou de la portabilité. Elles rappellent que l'ensemble des coûts associés à la terminaison d'appel doit être pris en compte et que les coûts d'accès de France Télécom sont couverts par les revenus des abonnements et une quote-part du service universel et n'ont donc pas à être couverts par les revenus de terminaison d'appel. Enfin, elles soulignent que leur modèle de coûts respectif reflète les coûts constatés des réseaux effectivement mis en place. France Télécom prétend à tort que leurs réseaux sont surdimensionnés. En outre, elle n'apporte aucune preuve à ce sujet et, enfin, a dû commettre une erreur de calcul entre T 2 d'abonné et BPN d'interconnexion.

Sur les hypothèses relatives aux coûts des actifs de production, Completel et Estel précisent que les valeurs retenues pour ces coûts et pour les durées d'amortissement sont extraites de leur comptabilité, contrairement à celles retenues par France Télécom.

Enfin, sur la pertinence des coûts, elles soulignent qu'en vertu des dispositions du code des postes et télécommunications, seul l'opérateur historique est soumis au respect du principe d'orientation vers les coûts.

En ce qui concerne le périmètre à prendre en compte, l'approche de Completel et de Estel repose sur la prise en compte des coûts d'accès, de transmission, de commutation et les autres coûts. Elle est pleinement légitime si l'on considère que la prestation de terminaison d'appel couvre l'acheminement d'appels vers des clients de Completel ou Estel sur le périmètre qui va du BPN d'interconnexion avec France Télécom jusqu'au dernier équipement de transmission de Completel ou d'Estel sur les sites des clients. Il est par conséquent logique de prendre en compte l'ensemble des éléments de réseau.

En sus des éléments de réponse présents dans le questionnaire, Completel et Estel soulignent qu'elles ont défalqué la quote-part des revenus d'abonnement associés aux appels sortants. Elles contestent le raisonnement par analogie développé par France Télécom en ce qui concerne les coûts commerciaux et généraux.

Enfin, elles constatent que la seule hypothèse du modèle que France Télécom se garde de contester est celle du taux de rémunération de capital, puisqu'elles ont retenu un taux de 14 % particulièrement conservateur ;

Vu le courrier de la société France Télécom enregistré le 23 mai 2003 souhaitant que l'audience devant le collège ne soit pas publique ;

Vu le courrier de la société Completel enregistré le 23 mai 2003 souhaitant que l'audience devant le collège soit publique ;

Vu la demande subsidiaire présentée par la société Completel enregistrée le 26 mai 2003 ;

Dans un courrier adressé le 26 mai 2003, la société Completel a formulé une demande à titre subsidiaire. Elle sollicite ainsi de l'Autorité qu'elle :

- encadre dès l'année 2003 les tarifs de terminaison d'appel de Completel par des tarifs plafonds annuels ; et

- fixe des tarifs plafonds annuels qui pourraient prendre la forme de coefficients, multiples du tarif simple transit au PRO du catalogue d'interconnexion de France Télécom.

Ainsi, en utilisant comme référentiel de calcul un prorata des tarifs de CAA et PRO en fonction du trafic sortant effectif de Completel, celle-ci demande pour 2001 l'application du tarif de 1,3489 centime d'euro par minute et pour l'année 2002, 1,127 2 centime d'euro par minute.

Pour les années 2003 à 2007, elle demande que l'Autorité fixe un plafond, multiple du tarif simple transit au PRO du catalogue de France Télécom. Elle fixe ce coefficient multiplicateur à 2,74 en 2003, 2,41 en 2004, à 2,04 en 2005, à 1,69 en 2006 et à 1,34 en 2007.

Enfin, pour 2008, elle demande que le principe de réciprocité soit appliqué et que le tarif plafond soit celui du simple transit au PRO du catalogue de France Télécom.

Completel constate que ses demande combinent les avantages relatifs des solutions dégagées par les régulateurs belge, espagnol et hollandais. Enfin, elle reprend à son compte les arguments développés par l'OPTA dans un document de consultation rendu public le 13 janvier 2003 sur le sujet des terminaisons d'appel ;

Après avoir entendu le 27 mai 2003, lors de l'audience devant le collège :

- le rapport de M. Gweltas Quentrec, rapporteur présentant les conclusions et les moyens des parties ;

- les observations de M. Jean-Daniel Lallemand pour la société France Télécom ;

- les observations de M. Jérôme de Vitry, pour la société France Télécom et Me Lucien Rapp pour le Cabinet Weil, Gotshal & Manges ;

En présence de :

MM. Jean-Daniel Lallemand, Philippe Trimborn, Gabriel Lluch, Philippe Le Paih, Christian Gacon, pour la société France Télécom ;

Mes Lucien Rapp, Cabinet Weil, Gotshal & Manges, MM. Jérôme de Vitry, Jean-François Golhen, Eric Pradeau, Jean-Marc Puech, Guillaume Tastet, pour la société Completel, MM. Laurent Benzoni, François Chemin, experts ;

MM. Jean Marimbert, directeur général, Philippe Distler, François Lions, Gweltas Quentrec, Nicolas Deffieux, Eric Vève, Mmes Elisabeth Rolin, Aurélie Doutriaux, Christine Galliard, Cécile Gaubert, agents de l'Autorité ;

Sur la publicité de l'audience :

Aux termes de l'article 14 du règlement intérieur : « l'audience est publique, sauf demande conjointe de toutes les parties. Si cette demande n'est pas conjointe, le collège de l'Autorité en délibère ».

France Télécom, par un courrier enregistré le 23 mai 2003, a demandé que l'audience devant le collège ne soit pas publique ; Completel, par un courrier enregistré le 23 mai 2003, a demandé que l'audience devant le collège soit publique. Interrogé sur ce point par le président de l'Autorité à l'ouverture de l'audience du 27 mai 2003, France Télécom a précisé qu'elle ne souhaitait pas que certaines données chiffrées relevant, selon elle du secret des affaires, soient évoquées lors de l'échange oral contradictoire. Completel a réitéré son souhait quant au caractère public de l'audience. Le collège, après en avoir délibéré hors la présence du public, des parties, du rapporteur adjoint et des agents de l'Autorité, a décidé que l'audience ne serait pas publique.

Le collège en ayant délibéré le 5 juin 2003, hors la présence du rapporteur, du rapporteur adjoint et des agents de l'Autorité ;

Adopte la présente décision fondée sur les faits et moyens exposés ci-après :

Sur la recevabilité de la demande :

En vertu de l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications, « I. - En cas de refus d'interconnexion, d'échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l'exécution d'une convention d'interconnexion ou d'accès à un réseau de télécommunications, l'Autorité de régulation des télécommunications peut être saisie du différend par l'une ou l'autre des parties. »

Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que les sociétés France Télécom et Completel ont signé une convention d'interconnexion le 4 août 1999. Cette convention détermine notamment le tarif de terminaison des appels entrants de France Télécom dans le réseau de Completel jusqu'au 31 décembre 2000. Ainsi, aucun tarif relatif à la prestation de terminaison d'appel sur le réseau de Completel n'est prévu à compter du 1er janvier 2001.

D'autre part, les négociations commerciales tendant à la fixation d'un tarif à compter du 1er janvier 2001 ont commencé entre les parties par une lettre datée du 12 décembre 2000 de la société France Télécom, dans laquelle elle demandait que la « méthode de fixation des tarifs de terminaison d'appel s'inscrive dans la continuité du système actuel, celui-ci résultant d'un arbitrage rendu en 1999 par l'Autorité de régulation des télécommunications. Toutefois, il apparaît nécessaire qu'il soit amendé notamment en ce qui concerne la détermination du tarif applicable au trafic téléphonique afin de mieux prendre en compte la réalité des coûts supportés par les opérateurs pour le trafic sortant ».

Completel a répondu par un courrier en date du 20 décembre 2000 en soulignant qu'il lui « paraît économiquement fondamental d'introduire une modulation horaire et des charges d'établissement d'appel afin de prendre en compte la structure particulière de trafic de Completel, ainsi que d'introduire des frais d'abonnement de BPN. En conséquence, nous vous proposons une offre de simple transit au PRO sur chacune des zones de transit où Completel est présent ». France Télécom a opposé un refus à cette proposition en janvier 2001.

Les parties ont repris leurs négociations en 2002. Ainsi, France Télécom a réaffirmé, notamment dans ses courriers en date du 26 mars 2002 et du 8 avril 2002, sa position en estimant que celle-ci était confortée par la décision no 2001-1235 du règlement de différend de l'Autorité entre les sociétés UPC France - France Télécom.

Completel a pris « acte du refus par France Télécom de donner suite à la proposition de Completel formulée le 29 décembre 2000 » dans un courrier en date du 27 mai 2002. Elle a réitéré son refus de voir appliquer la méthode de France Télécom à plusieurs reprises, notamment dans une lettre du 19 juin 2002 où elle considère que « s'agissant d'une prestation rendue par Completel à France Télécom, il appartient à Completel, le fournisseur, et à elle seule de déterminer ses tarifs ».

France Télécom a, conformément à l'article 2.3 de la convention d'interconnexion, convoqué le Comité de pilotage le 2 octobre 2002 afin de trouver une solution au désaccord sur les tarifs de terminaison d'appel. Le compte rendu de ce comité conclut à la constatation par les deux parties de leur désaccord.

Il s'ensuit que ces échanges de correspondances ainsi que les différentes réunions entre les parties traduisent un désaccord, à compter du 1er janvier 2001, sur le tarif relatif à la prestation de terminaison d'appel sur le réseau de Completel au sens des dispositions précitées de l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications. La demande de France Télécom doit donc être regardée comme recevable.

Sur le régime de détermination du tarif de terminaison d'appel de Completel :

L'Autorité note en premier lieu que la société Completel n'a pas été désignée comme opérateur puissant au sens de l'article L. 36-7 (7°) du code des postes et télécommunications. Elle n'est donc pas soumise à l'obligation d'orienter ses tarifs d'interconnexion vers les coûts.

En second lieu, l'Autorité rappelle qu'en vertu de l'article D. 99-10 du code des postes et télécommunications « les conditions tarifaires des conventions d'interconnexion respectent les principes d'objectivité et de transparence. Elles ne doivent pas conduire à imposer indûment aux opérateurs utilisant l'interconnexion des charges excessives. Elles doivent pouvoir être justifiées sur demande de l'Autorité de régulation des télécommunications ».

Il résulte de ce qui précède que la société Completel, en tant qu'opérateur non puissant, est libre de déterminer les tarifs de ses prestations de terminaison d'appel sur son propre réseau pour autant que ces tarifs n'ont pas pour effet d'imposer des charges excessives à la société France Télécom.

L'Autorité constate que les parties ne sont pas parvenues à un accord concernant la définition des tarifs de terminaison d'appel de Completel pour la période postérieure au 1er janvier 2001 et qu'elles font aujourd'hui appel à l'Autorité pour déterminer les conditions de cette interconnexion qui leur est indispensable dans l'exercice de leurs activités respectives.

Dès lors, il incombe à l'Autorité, saisie sur le fondement des dispositions de l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications, de préciser « les conditions équitables, d'ordre technique et financier, dans lesquelles l'interconnexion ou l'accès spécial doivent être assurés » entre les parties.

A cet égard, l'Autorité estime qu'il est nécessaire de prendre en compte l'impact de la détermination de ce tarif d'interconnexion sur les conditions d'exercice de la concurrence entre les opérateurs sur le marché de détail de la boucle locale.

En effet, d'une façon générale, tout opérateur de boucle locale est de fait tenu d'acheter les prestations de terminaison d'appel des autres opérateurs de boucle locale pour assurer l'acheminement de bout en bout des appels issus de ses abonnés vers les abonnés raccordés par ses concurrents. Il en résulte que cet opérateur est peu incité à réduire son tarif de terminaison d'appel. Inversement, cet opérateur peut être incité à élever ce tarif à des niveaux disproportionnés de façon à désavantager ses concurrents sur le marché de détail en augmentant les charges que ces derniers supportent, et de lui permettre de subventionner la concurrence qu'il livre à ses concurrents par les profits qu'il tire de cette prestation d'interconnexion.

Ainsi, bien que les opérateurs concurrents de France Télécom ne soient pas puissants sur le marché de la boucle locale, ni tenus de ce fait d'orienter leurs tarifs d'interconnexion vers les coûts, il apparaît nécessaire d'éviter que de telles distorsions ne viennent fausser la concurrence sur le marché de la boucle locale.

Sur l'application par les parties de la méthode de réciprocité pour le calcul des tarifs de terminaison d'appel de Completel :

L'Autorité note que les parties avaient décidé d'appliquer la méthode de réciprocité dans la convention du 4 août 1999 pour définir les tarifs de terminaisons d'appel de Completel, et cela jusqu'au 31 décembre 2000.

Cette méthode, qui a été définie par l'Autorité pour les tarifs de terminaison d'appel de Cegetel Entreprises dans le litige qui a opposé cette société à France Télécom en 1999, consiste à fixer pour un opérateur de boucle locale concurrent de France Télécom un tarif de terminaison d'appel équivalent, ou « réciproque », à celui offert par France Télécom pour les prestations équivalentes de terminaison d'appel qu'elle lui fournit.

En pratique, cette méthode conduit à définir un tarif annuel unique et sans partie fixe ni modulation horaire pour la prestation de terminaison d'appel de l'opérateur tiers. Sa valeur est déterminée annuellement par les parties et calculée sur la base d'une pondération des tarifs des prestations de terminaison d'appel en intra-CA et en simple transit de France Télécom de l'année en cours, par des coefficients égaux aux pourcentages correspondant à l'utilisation qu'a fait l'opérateur tiers de chacune de ces prestations lors de l'année précédente.

L'Autorité considère que cette méthode, dont France Télécom demande aujourd'hui la reconduction vis-à-vis de Completel, présente un certain nombre d'avantages en vue d'assurer des conditions d'interconnexion équitables entre France Télécom et un opérateur tiers de boucle locale.

En effet, cette méthode prémunit contre les risques de distorsion de concurrence évoqués ci-dessus selon des modalités qui conduisent à la fixation de tarifs d'interconnexion cohérents avec la structure de coûts de réseau d'un opérateur tiers souhaitant demeurer durablement compétitif face à France Télécom sur le marché de détail. En effet, les prestations de télécommunications fournies par un opérateur aux clients finaux pour l'acheminement des appels sortants, et celles qu'il fournit par ailleurs pour les appels entrants au titre de la terminaison d'appel, induisent des coûts comparables du fait de l'utilisation des mêmes éléments au sein de son réseau. De ce fait, un opérateur ayant pour objectif de proposer des tarifs de détail inférieurs à ceux de France Télécom aura tendance à développer des coûts inférieurs à ceux de France Télécom, et donc, également, des coûts de terminaison d'appel inférieurs à ceux de France Télécom. A cet égard, la méthode de réciprocité, en fixant pour l'opérateur tiers des tarifs de terminaison d'appel égaux aux tarifs des prestations équivalentes et orientées vers les coûts de France Télécom, permet d'assurer une juste rémunération des prestations de terminaison d'appel d'un opérateur au moins aussi efficace sur le plan des coûts de réseau que France Télécom. Inversement, cette méthode a pour effet d'inciter les opérateurs tiers à atteindre un niveau d'efficacité économique au moins égal à celui de France Télécom. Cette incitation est d'ailleurs d'autant plus forte que les marges engendrées par ses activités d'interconnexion, résultant d'une meilleure efficacité économique que France Télécom, lui sont entièrement conservées puisque cet opérateur n'est pas tenu d'orienter ses tarifs d'interconnexion vers ses coûts.

Par ailleurs, cette méthode présente l'avantage d'être simple et praticable, puisque le calcul annuel des tarifs peut être réalisé directement par les parties sur la base des tarifs de l'offre publique d'interconnexion de France Télécom ainsi que des données constatées par chacune d'elles relatives aux volumes de trafic sortant de l'opérateur tiers et acheminés vers France Télécom au cours de l'exercice passé.

Toutefois, malgré les mérites de cette méthode de tarification de l'interconnexion, l'Autorité estime nécessaire de tenir compte de certains arguments avancés par Completel tendant à faire valoir l'existence d'une situation asymétrique transitoire entre Completel et France Télécom quant au niveau de développement respectif de ces deux sociétés sur le marché de la boucle locale.

Completel a en particulier fait valoir le fait que les objectifs concurrentiels et économiques poursuivis par cette méthode ne tenaient pas compte de la position prééminente que France Télécom occupe encore sur le marché de la boucle locale, ni du fait que Completel ne détient encore à ce jour qu'une part évaluée à environ 0,24 % de ce marché.

Cette situation se traduit, selon Completel, par le fait qu'elle dispose d'une liberté très limitée pour fixer ses tarifs de terminaison d'appel puisque, d'une part, son activité sur le marché de détail nécessite qu'elle soit en mesure d'offrir à ses clients la possibilité d'être appelés par les clients de France Télécom et, d'autre part, que seule la société France Télécom peut actuellement lui acheter sa prestation de terminaison d'appel.

La situation concurrentielle respective des parties sur le marché de la boucle locale a également, selon Completel, pour effet de placer ces deux sociétés dans des situations structurellement asymétriques sur le plan de l'efficacité économique car Completel n'est pas en mesure actuellement de bénéficier, notamment, d'un volume d'activité suffisant pour amortir ses coûts et atteindre des niveaux de coûts comparables à ceux de France Télécom.

Cette situation se traduirait, selon Completel, par l'existence de coûts transitoirement supérieurs à ceux de France Télécom qui, s'ils n'étaient pas pris en compte dans ses tarifs de terminaison d'appel, auraient pour effet de lui ôter toute possibilité de développer son activité dans le cadre d'une concurrence loyale et durable vis-à-vis de France Télécom.

L'Autorité s'est donc attachée à examiner dans le cadre du présent règlement de différend les éléments fournis par Completel visant à évaluer ces coûts transitoirement supérieurs.

Sur la méthode proposée par Completel d'un tarif égal au coût induit par la fourniture de sa prestation de terminaison d'appel :

La société Completel a présenté dans le cadre du règlement de différend un modèle de coûts représentant l'économie des infrastructures de télécommunications qu'elle a déployées.

Cette modélisation appelle des remarques d'ordre général et des remarques d'ordre plus technique.


A. - Considérations générales sur le modèle

a) Transmission du modèle


L'Autorité observe que lors des précédents règlements de différends portant sur la terminaison d'appel, elle n'avait pas pu avoir accès aux éléments de coûts dont se prévalaient les parties. Dans le cadre du présent litige, la situation est différente, la société Completel ayant étayé ses demandes par la présentation d'un modèle propre.

La transmission d'un tel modèle soulève toutefois quelques difficultés d'ordre méthodologique.

En premier lieu, s'agissant de la terminaison d'appel, l'Autorité note que la société Completel met en avant la liberté dont elle dispose de fixer les règles de recouvrement de ses coûts. La société Completel demande en outre à l'Autorité de ne pas apporter de modifications au modèle qu'elle présente, sans que ces modifications ne soient validées par elle.

En second lieu, face à un modèle possédant de nombreuses clés d'allocation, et reposant sur des valorisations contestées par la partie adverse, il apparaît difficile d'établir des niveaux de tarifs sur la base de ces éléments, même après corrections éventuelles.

Ainsi, l'Autorité n'est pas en mesure, dans le cadre d'une telle procédure de règlement de différend et compte tenu de la date à laquelle les éléments du modèle ont été communiqués, de procéder aux travaux d'approfondissement contradictoire sur la pertinence et la crédibilité des hypothèses et des méthodologies retenues par cette dernière.

A ce sujet, il convient de rappeler que des travaux comparables conduits avec France Télécom ont fait l'objet, premièrement d'un audit, et deuxièmement de la comparaison d'un modèle public développé avec les autres acteurs du secteur avec le modèle de coûts présenté par France Télécom.


b) Méthodologie retenue


La méthodologie retenue pour la modélisation des coûts n'est pas définie précisément et semble à mi-chemin entre deux méthodes, aux fondements et aux objectifs pourtant bien distincts.

A ce sujet, il convient de rappeler les deux méthodes qui s'offraient à la société Completel pour modéliser ses coûts : une méthode fondée sur des coûts historiques ou comptables, et une méthode fondée sur des coûts plus économiques comme les coûts moyens incrémentaux de long terme (CMILT).

La méthode comptable requiert de la société Completel qu'elle dispose d'un système de contrôle de gestion très fin lui permettant de déterminer le coût d'une minute de terminaison d'appel, tenant compte de la valeur comptable des équipements traversés. Cette méthode présente l'avantage de pouvoir être auditée, et permet de déterminer le tarif qui déclenche une perte ou un revenu pour la société Completel.

La méthode économique a des objectifs différents. Elle permet de déterminer le coût que supporterait un opérateur efficace, pour rendre le même service, et réalisant des investissements adéquats dans son réseau (renouvellement des équipements à l'infini notamment). Cette méthode ne permet pas ainsi de rendre compte des coûts effectivement supportés par un opérateur particulier à une date particulière.

Le modèle présenté par la société Completel est à mi-chemin entre ces deux approches, et présente les caractéristiques suivantes :

- les équipements sont valorisés à neuf, et sont amortis/dépréciés selon une formule économique caractéristique des coûts de remplacement, ce qui est cohérent dans une approche de CMILT, mais ne peut traduire des coûts « encourus » qui dépendent notamment de la politique d'investissement de l'opérateur ;

- les valorisations à neuf des équipements ne semblent pas cohérentes :

- Completel affirme que certaines références sont issues de sa comptabilité, mais il faut préciser que ce choix n'est cohérent, ni dans une logique de CMILT, ni dans une logique comptable complète. Dans le premier cas, cette référence ne permet pas de s'assurer que le prix d'achat correspond à la meilleure technologie disponible (condition nécessaire pour calculer des CMILT) ; en outre, il n'est pas précisé si le coût d'achat constaté dans le système de comptabilité est bien pris pour l'année de calcul du coût (nécessaire cohérence temporelle) ou non. Dans le cas d'une logique purement comptable, des coûts comptables doivent rendre compte de l'amortissement et de la dépréciation des actifs, ainsi que des opportunités d'acquisition ou de construction d'infrastructures, ce que ne fait pas le modèle présenté ;

- les autres valeurs sont issues de benchmarks, et sont en particulier issues du modèle CMILT bottom-up réalisé en septembre 2001 dans le cadre du sous-comité économique du comité de l'interconnexion. Cette référence est pertinente dans un modèle CMILT, à condition d'être assortie de taux de progrès technique ; par conséquent, la référence correcte pour fin 2002 devrait prendre en compte une actualisation du prix d'investissement en fonction du taux de progrès technique ;

- la prise en compte d'une optimisation incomplète de l'architecture de réseau utilisée par Completel n'est quant à elle pas une difficulté, et traduit le recours à une approche CMILT qui cherche à conserver le nombre de noeuds du réseau (approche dite scorched node), plutôt qu'une approche d'optimisation complète (approche dite scorched earth).

Ainsi, la modélisation présentée ne permet, ni de conclure à la réalité de coûts encourus selon une méthode comptable, ni de donner le coût de long terme efficace associé à la fourniture du service.

Au-delà de ces réserves générales, l'Autorité s'est attachée à analyser le modèle au regard des informations transmises pour identifier les points discutables et la sensibilité des résultats.


c) Allocation des coûts


Le périmètre des coûts pertinents pour le calcul de la terminaison d'appel est un point de discussion majeur.

A cet égard, Completel inclut dans ce périmètre une partie des coûts de raccordement et d'accès de son réseau.

Ce choix a donc pour effet de faire rémunérer par les opérateurs concurrents de Completel achetant sa prestation de terminaison d'appel, une partie des coûts de raccordement et d'accès des abonnés de ce dernier.

Cette pratique est interdite à France Télécom au titre de sa puissance sur le marché du service téléphonique fixe, conformément à l'article D. 99-18 du code des postes et télécommunications, les coûts de raccordement et d'accès devant être recouvrés par les revenus tirés des abonnés (et plus particulièrement des frais d'accès au service et ceux liés à l'abonnement). Aussi, bien que Completel ne soit pas désignée comme puissante sur ce marché, l'Autorité a cherché à évaluer la sensibilité du résultat donné par le modèle présenté par Completel à la prise en compte de ces éléments.

Le modèle s'est montré très sensible à ces éléments, les coûts de terminaison d'appel modélisés pouvant atteindre des niveaux inférieurs au tarif obtenu selon la méthode de la réciprocité.


B. - Présentation technique du modèle

développé par Completel


Le réseau Completel peut être représenté schématiquement comme suit :



Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

n° 172 du 27/07/2003 page 12776 à 12793



Dans son ensemble, le réseau Completel représente une longueur de 1 080 km. Il est présent sur 8 zones géographiques, où sont déployés ses MAN. La longueur de ces MAN varie de 150 à 300 km. Les caractéristiques du réseau sont celles qui sont modélisées à fin 2002.

Il présente trois fonctions :


a) Partie raccordement


Types de sites raccordés :

Le réseau de Completel permet de raccorder [...] sites, pour lesquels les informations suivantes sont disponibles :

- [...] % des sites sont raccordés en mode PDH ;

- [...] % des sites sont raccordés en SDH.

Ces sites utilisent :

- pour [...] % d'entre eux, des services voix (service téléphonique) de Completel ;

- pour [...] % d'entre eux, des services data ;

- pour [...] % d'entre eux, des services Internet.

Eléments de réseau nécessaires au raccordement :

Pour raccorder un client à la boucle optique métropolitaine de Completel, une fibre doit être tirée entre le site client et la boucle.

Ce raccordement fait en moyenne [...], et des câbles de [...] sont posés.

Les équipements, placés chez le client et nécessaires au raccordement, sont :

- dans le cas d'un raccordement en PDH : un mux/demux ;

- dans le cas d'un raccordement en SDH : un ADM1.


b) Partie MAN (boucle métropolitaine optique)


Il existe 8 MAN dans le réseau de Completel, leur longueur est comprise selon les cas entre 150 et 300 kilomètres. Dans les tranchées de ces MAN passent des fibres supportant de la transmission en mode SDH et en mode Ethernet.

Dans l'ensemble du réseau de boucles métropolitaines de Completel, [...] fibres sont posées ([...] par MAN). L'utilisation de ces fibres est la suivante :


Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

n° 172 du 27/07/2003 page 12776 à 12793



Les coûts provoqués par un client qui utilise cette ressource de boucle métropolitaine sont les suivants :

- 2 cartes SDH pour injection du trafic sur la boucle (une côté raccordement, une côté commutation). Ces cartes sont dédiées au client ;

- coûts des tranchées et de la fibre optique, qui sont mutualisés entre tous les usagers de la boucle ;

- coûts des équipements de transmission ADM STM1, 4 et 16, qui sont mutualisés entre tous les usagers de la boucle.


c) Partie commutation


Le réseau modélisé possède 8 commutateurs (un par boucle métropolitaine). Un commutateur est composé d'une partie fixe et d'une partie variable.

Partie fixe :

Les commutateurs voient transiter [...] milliard de minutes par an, qui se répartissent [...] millions de minutes sortantes, [...] millions de minutes de trafic entrant provenant de FT, et [...] millions de minutes autres (collecte notamment).

Partie variable :

Pour ce qui concerne les cartes côté abonné, Completel dédie les ports de ses commutateurs à ses clients. Ainsi, [...] port par site voix est installé, soit [...] ports abonnés sur l'ensemble des commutateurs. Le trafic correspondant est de [...] millions de minutes par an (entrant France Télécom + trafic sortant).

Le nombre de ports dédiés au trafic entrant FT est de [...]. Le trafic correspondant est de [...] millions de minutes.


C. - Corrections techniques apportées au modèle


La modélisation présentée peut être contestée sur plusieurs points.


a) Coûts commerciaux et marge


La modélisation de Completel fait apparaître plusieurs postes de coûts qui n'apparaissent pas pertinents au regard du principe de causalité dans le cadre de la fixation d'une terminaison d'appel.

Ainsi, parmi les coûts des services généraux et administratifs, dits SG&A, Completel a retenu des coûts commerciaux, dont ni la nature ni le montant ne sont précisés, en plus des coûts communs, qui eux sont pertinents. Il est dès lors difficile d'isoler ces coûts et de retirer les coûts commerciaux de la modélisation.

L'Autorité a considéré qu'elle ne pouvait écarter les coûts SG&A, alors même qu'une partie de ces coûts devait en principe être retirée du périmètre modélisé.

Par ailleurs, Completel applique à la terminaison d'appel qu'elle calcule des taux de marge de l'ordre de 15 à 17 %, qui n'apparaissent pas justifiés. Le taux de rémunération du capital est suffisant pour couvrir les risques liés à cette activité d'interconnexion, et Completel ne peut prétendre proposer un tarif orienté vers les coûts en intégrant dans le calcul une marge.

Cette marge supplémentaire appliquée par Completel n'a donc pas été prise en compte.


b) Paramètres d'entrée du modèle


Les prix d'investissement :

Les valeurs utilisées dans la modélisation ont été confrontées avec celles qui ont servi de référence pour l'établissement du modèle public d'interconnexion en septembre 2001. Les références de prix sont celles de ce modèle, il n'a pas été appliqué de taux de progrès technique sur les équipements, ce qui aurait conduit à des niveaux inférieurs. Ces modifications ne sont ainsi qu'une mise en cohérence des références de coûts, mais n'ont pas été revus à la baisse pour tenir compte du progrès technique entre 2001 et fin 2002, date de référence de la modélisation.

Sont concernés :

- les ADM STM 16 : la valeur de [...] kEUR utilisée par Completel pourrait être remplacée par la valeur de 38 kEUR ;

- les ADM STM 4 : la valeur de [...] kEUR utilisée par Completel pourrait être remplacée par la valeur de 31 kEUR ;

- la partie variable d'un commutateur : la valeur de [...] kEUR utilisée par Completel pourrait être remplacée par la valeur de 2,2 kEUR ;

- le coût linéaire du génie civil en conduite en zone urbaine utilisé pour le raccordement pourrait être valorisé à [...] EUR/m au lieu de [...] EUR/m. Cette valeur de [...] EUR/m est celle utilisée pour des éléments comparables dans le modèle public d'interconnexion et est par ailleurs déjà utilisée par Completel dans son modèle pour ce qui concerne le génie civil en conduite en zone urbaine, utilisé pour les boucles métropolitaines.

Le taux de rémunération du capital :

Le taux de rémunération du capital utilisé par Completel est de 14 %. Les réponses de Completel au questionnaire du rapporteur précisent que cette valeur correspond au taux d'intérêt appliqué en 2000 à Completel pour ses opérations de financement sur le marché obligataire.

La décision no 2002-919 de l'Autorité de régulation des télécommunications, en date du 15 octobre 2002, fixe le taux de rémunération du capital employé pour évaluer les tarifs d'interconnexion pour l'année 2003. Cette décision précise la méthodologie retenue et validée par des experts universitaires, en particulier pour ce qui concerne le calcul de taux de rémunération du capital différenciés par activités.

Il a ainsi été établi que le risque associé aux différentes activités de télécommunications devait être différencié.

La décision no 2002-919 met en avant un taux de rémunération du capital moyen (toutes activités confondues) de l'ordre de 16 %, taux supérieur à celui proposé par Completel dans sa modélisation.

L'Autorité note que la valeur de 13 % spécifique aux activités d'interconnexion est une référence cohérente pour le calcul des tarifs de terminaison d'appel de Completel, étant précisé que l'impact de cette modification sur le résultat est mineur.

La durée d'amortissement ne peut pas être comptable :

Completel utilise dans sa modélisation deux référentiels différents. D'une part, elle utilise des durées d'amortissement comptables pour ses équipements et infrastructures, d'autre part, elle recourt à une méthode d'amortissement économique, fondée sur la notion de coûts de remplacement.

Dans la mesure où la société Completel développe dans ses écritures que la modélisation qu'elle a effectuée est conforme à la décision no 2002-1027 de l'ART, et par souci de cohérence entre méthode d'amortissement et durée d'amortissement, l'Autorité a considéré qu'il convenait de retenir les durées de vie économique des équipements modélisés et non leurs durées de vie comptable. Les références retenues sont celles proposées au secteur dans le cadre de la modélisation CMILT bottom-up des coûts d'interconnexion en septembre 2001.

Les éléments concernés sont :

- la durée de vie du génie civil en conduite, portée de 20 à 30 ans ;

- la durée de vie des bâtiments, portée de 20 à 30 ans ;

- la durée de vie des équipements de commutation, portée de 8 à 12 ans ;

- la durée de vie des équipements de transmission, portée de 8 à 10 ans.


Clés d'allocation des coûts


Concernant la prise en compte des coûts d'accès :

Comme cela a été précisé, le périmètre des coûts retenus pour le calcul de tarifs d'interconnexion ne fait pas l'objet de règles de pertinence pour les opérateurs non puissants. L'Autorité a toutefois cherché à simuler quelle est la sensibilité du modèle à la prise en compte ou non des coûts relevant de l'accès, qui sont, pour les opérateurs puissants, écartés de l'assiette des coûts pertinents d'interconnexion.

Dans le cas du réseau de Completel, il apparaît difficile de raisonner par analogie stricte avec le réseau de France Télécom au vu des différences technologiques. Si le raccordement de l'abonné à la boucle métropolitaine s'apparente assez naturellement aux équipements de réseaux qui sont exclus du périmètre des coûts d'interconnexion dans le cas de France Télécom, la question peut se poser pour le MAN. Dans ce dernier cas, l'existence de ports de commutation dédiés à chaque abonné tend à montrer qu'un client dispose de capacités à 2 Mb/s dédiées reliant son site au commutateur. Ainsi, selon les qualifications retenues, il est possible de retenir ou non les coûts du MAN dans l'accès.

Dans l'hypothèse où les coûts de raccordement et du MAN sont pris en compte dans les tarifs de terminaison d'appel, il convient toutefois d'examiner comment ces coûts sont alloués au service considéré.

Concernant le raccordement :

Une seule clé est appliquée par Completel qui permet de séparer les coûts alloués au service de téléphonie de ceux imputés aux autres services. Pour ce faire, Completel utilise une clé basée sur le chiffre d'affaires réalisé à hauteur de [...] % sur le marché voix.

D'autres clés d'allocation auraient pu être utilisées par Completel :

En premier lieu, la clé voix/non voix pourrait ne pas se reposer sur le chiffre d'affaires, mais plutôt sur une bande passante réservée, conformément au choix qu'a fait Completel pour l'allocation des coûts voix/non voix du MAN.

En second lieu, il conviendrait de ne pas considérer tous les coûts de raccordement, mais bien ceux des clients sur le marché de détail. Une clé détail/non détail est par ailleurs utilisée par Completel pour l'allocation des coûts de génie civil du MAN. Pour ce qui concerne le raccordement, la proportion de sites détail/non détail est une clé pertinente. Cette proportion atteint [...] %.

Ces modifications conduiraient à allouer [...] % des coûts de raccordement à la téléphonie au lieu de [...] %.

Concernant le MAN :

Les clés successivement appliquées aux éléments qui le composent sont variées.

Les cartes d'interface SDH (une côté client, une côté commutateur), dont le coût est induit par le nombre de clients raccordés, sont allouées à [...] % à la téléphonie. Ce choix n'est pas cohérent avec le nombre de sites détail/non détail et il convient d'utiliser une clé d'un niveau de [...] %, traduisant la proportion de sites de détail.

Dans la modélisation de Completel, les ADM sont entièrement alloués à l'activité SDH de détail, ce qui est cohérent avec les hypothèses de dimensionnement du modèle. Seule la clé voix/non voix leur est appliquée ([...] % des coûts sont écartés), ce qui n'appelle pas de commentaire particulier.

Concernant les fibres optiques et le génie civil, il convient de noter certaines incohérences. Les clés d'allocation ne s'appliquent dans le modèle qu'au génie civil, au lieu de s'appliquer aux deux, ainsi que cela est précisé dans les écritures de Completel. Les clés utilisées sont la proportion de fibres SDH/non SDH ([...] %), la clé détail/non détail (calculée comme la proportion du nombre de sites, mais qui pourrait être remplacée par une allocation au nombre de fibres, plus pertinente pour les coûts du MAN) et enfin, la clé voix/non voix, qui est correcte.


D. - Conclusion


Les niveaux de coûts qui résultent du modèle apparaissent sensibles aux corrections que l'Autorité a développées et très sensibles aux règles d'allocations de coûts. Ces niveaux s'inscrivent ainsi dans une fourchette très large, pouvant être décrite dans le tableau suivant :


Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

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L'examen du modèle fait ressortir les conclusions suivantes :

- la méthode choisie par Completel se fonde sur une approche économique ne permettant pas d'identifier un coût encouru pour l'opérateur ;

- le modèle présente certaines incohérences ;

- le modèle apparaît sensible aux corrections qui peuvent être apportées et est très sensible aux règles d'allocations.

En conséquence, l'Autorité considère que la méthode proposée par Completel, à savoir la fixation d'un tarif égal aux coûts tels que résultant de la modélisation qu'elle fournit dans ses écritures, doit être écartée.

Néanmoins, l'Autorité estime que la modélisation fournie par Completel conforte les considérations qu'elle a précédemment développées quant à l'existence d'effets d'apprentissage induisant des coûts transitoirement supérieurs.

En conséquence, l'Autorité considère qu'il est équitable de définir, comme le demandent les parties, une méthode de tarification permettant d'asseoir la fixation contractuelle de tarifs de terminaison d'appel sur un horizon de quelques années, et l'Autorité estime qu'elle doit tenir compte des effets de nature transitoire évoqués ci-dessus.

Sur l'approche retenue par l'Autorité pour fixer les tarifs de terminaison d'appel de Completel pour la période postérieure à 2003 :

Compte tenu des éléments précédents, l'Autorité s'est attachée à définir une méthode qui tienne compte de coûts transitoirement supérieurs auxquels Completel est soumise par rapport à France Télécom, tout en tenant compte de la nécessité pour Completel, qui confirme d'ailleurs cet objectif dans ses écritures, d'effectuer un rapprochement de sa propre structure de coûts vers celle de France Télécom.

A cette fin, l'Autorité a recherché une méthode respectant notamment les critères suivants :

- la méthode doit refléter le retard auquel Completel est soumise vis-à-vis de France Télécom en ce qui concerne les possibilités de bénéficier d'économies comparables dans la structure de ses coûts de réseau ;

- cette méthode doit également conduire à rapprocher le tarif de terminaison d'appel de Completel vers les coûts des prestations équivalentes fournies par France Télécom ;

- le tarif résultant de ce calcul ne doit pas conduire à faire peser des charges excessives sur France Télécom ;

- enfin, compte tenu de l'impossibilité dans laquelle les parties sont placées d'utiliser des éléments d'évaluation économique sur les coûts effectivement subis par Completel pour fournir sa prestation de terminaison d'appel, la méthode doit permettre aux parties de calculer un tarif applicable à partir de données objectives et accessibles par chacune des parties.

Dans ce contexte, l'Autorité estime qu'il est équitable de retenir une approche fondée sur l'application de tarifs réciproques retardés, c'est-à-dire de définir des tarifs équivalents à ceux que France Télécom offrait antérieurement pour des prestations équivalentes à celles fournies par Completel lorsque France Télécom était soumise à des coûts supérieurs.

Par ailleurs, compte tenu des éléments fournis par Completel relatifs à l'évaluation des perspectives d'un rapprochement de la structure de ses coûts vers ceux de France Télécom dans un délai de cinq ans expirant à la fin de l'année 2007, l'Autorité a retenu au cas d'espèce la formule d'une application retardée à cinq années des tarifs d'interconnexion de France Télécom.

Enfin, l'Autorité a tenu compte de la proposition exprimée par Completel de limiter les effets d'une méthode transitoire fixée par l'Autorité à un simple plafonnement des tarifs de terminaison d'appel offerts par Completel à France Télécom.

Cette approche conduit donc à définir, pour la période courant du 1er janvier 2003 jusqu'au 31 décembre 2007, le tarif de l'interconnexion pour la terminaison des appels téléphoniques à destination des abonnés de Completel comme étant au plus égal à la pondération des tarifs de terminaison en simple transit et en intra-CA de France Télécom de l'année N-5, N étant l'année en cours, par des coefficients égaux aux pourcentages correspondant à l'utilisation que Completel fait de ces services pour le trafic sortant de son réseau vers celui de France Télécom pour joindre les abonnés de zones de transit où Completel est interconnectée.

A compter du 1er janvier 2008, en revanche, les tarifs de terminaison d'appel de Completel devront être au plus égaux aux tarifs réciproques de France Télécom de l'année en cours.

Sur la méthodologie de calcul des tarifs réciproques aux tarifs du catalogue de France Télécom :

Le calcul d'un tarif réciproque unique sans partie fixe ni modulation horaire à partir des tarifs d'interconnexion de France Télécom nécessite que soient précisés :

- le calcul des tarifs moyens de chacune des prestations d'intra-CA et de simple transit du catalogue d'interconnexion de France Télécom de l'année choisie, ceux-ci résultant d'une pondération de chacun des items tarifaires composant chacune des prestations de terminaison en intra-CA de simple transit de France Télécom, à savoir le taux de remplissage en nombre de minutes par an qui représente la partie fixe de l'interconnexion (les « BPN »), ainsi que la durée moyenne des appels et la répartition des appels selon les différentes plages horaires des offres tarifaires de France Télécom ;

- le calcul de la pondération des volumes relatifs envoyé par Completel aux niveaux intra-CA et simple transit de France Télécom ;

- la période de référence devant être retenue par les parties pour la comptabilisation des volumes de trafic correspondants.

L'Autorité considère qu'il convient de retenir, pour la détermination de ces paramètres, une méthode reposant sur la prise en compte de données objectives et accessibles par chacune des deux parties.

L'Autorité note à cet égard que la méthode proposée par Completel à France Télécom, qui consiste à approcher la valeur de ces paramètres sur la base d'une déclaration unilatérale de Completel des paramètres résultant du trafic qui serait issu de ses abonnés entreprises, ne repose pas sur une approche objective susceptible d'être confrontée aux données auxquelles France Télécom peut accéder par ailleurs.

Aussi, l'Autorité estime qu'il est équitable de fixer, pour le calcul de ces paramètres, les règles suivantes :

- pour le calcul du prix moyen de ces prestations sur une année donnée, le panier moyen de l'interconnexion tel que fixé chaque année par les décisions d'approbation du catalogue d'interconnexion de cette même année. Le tableau suivant rappelle les niveaux respectifs de ces tarifs moyens au cours des cinq dernières années :


Vous pouvez consulter le tableau dans le JO

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- pour la pondération intra-CA/simple transit, l'ensemble du trafic envoyé par Completel à France Télécom sur chacune de ses prestations d'intra-CA et de simple transit ;

L'Autorité souligne que ces règles de calcul sont les mêmes que celles qui ont été appliquées précédemment au titre des conditions tarifaires inscrites dans la convention entre les parties.

S'agissant enfin de la question de la période de référence à retenir pour la comptabilisation des niveaux de trafic, l'Autorité estime, comme l'indique France Télécom, que la répartition effective des appels entre intra-CA et simple transit de l'année en cours serait mieux approchée en se fondant sur la répartition entre ces deux services du trafic constaté sur les trois derniers mois de l'année précédente et non sur le trafic constaté au cours de l'ensemble de l'année passée. L'Autorité considère donc qu'il y a lieu de retenir cette proposition.

Sur les tarifs fixés par l'Autorité pour les années 2001 et 2002 :

S'agissant des tarifs de terminaison d'appel de Completel pour les années 2001 et 2002, l'Autorité constate que le désaccord entre les parties est limité à la méthodologie de calcul qu'il convient de retenir pour la fixation de tarifs réciproques à ceux de France Télécom de l'année en cours.

Au vu des éléments qui précèdent, et des éléments fournis par les parties sur les volumes de trafic constatés de l'utilisation faite par Completel des services d'intra-CA et de simple transit de France Télécom lors des trois derniers mois des années 2000 et 2001, l'Autorité fixe le niveau de ces tarifs à, respectivement, 1,198 cEUR/min pour 2001 et 0,868 cEUR/min pour 2002, ces tarifs étant étendus sans partie fixe ni modulation horaire,

Décide :


Article 1


Pour les années 2001 et 2002, le tarif de la prestation de terminaison d'appel fournie par Completel à France Télécom pour l'acheminement des appels à destination des abonnés dans la zone de transit où les parties sont interconnectées est égal, respectivement, à 1,198 cEUR/min et 0,868 cEUR/min, sans partie fixe ni modulation horaire.

Article 2


Pour la période courant à compter du 1er janvier 2003 et jusqu'au 31 décembre 2007, le tarif de la prestation de terminaison d'appel fournie par Completel à France Télécom pour l'acheminement des appels à destination des abonnés situés dans la zone de transit où les parties sont interconnectées de l'année en vigueur est au plus égal à la pondération des tarifs des prestations de terminaison en intra-CA et en simple transit de France Télécom de la cinquième année précédant l'année en vigueur, par des coefficients égaux aux pourcentages correspondant à l'utilisation que Completel a faite de ces prestations au cours des trois derniers mois de l'année précédant l'année en vigueur.

Article 3


Le calcul de la pondération prévue à l'article 2 est réalisé en tenant compte de l'ensemble du trafic sortant de Completel vers France Télécom constaté par les parties ainsi que des tarifs moyens des prestations de terminaison en intra-CA et en simple transit de France Télécom, tels que définis par la décision d'approbation du catalogue d'interconnexion de l'année concernée.

Article 4


Pour la période courant à compter du 1er janvier 2008, le tarif de la prestation de terminaison d'appel fournie par Completel à France Télécom pour l'acheminement des appels à destination des abonnés dans la zone de transit où les parties sont interconnectées de l'année en vigueur est au plus égal à la pondération des tarifs des prestations de terminaison en intra-CA et en simple transit de France Télécom de l'année en vigueur, par des coefficients égaux aux pourcentages correspondant à l'utilisation que Completel a faite de ces prestations au cours des trois derniers mois de l'année précédant l'année en vigueur.

Article 5


Les parties devront mettre leur convention d'interconnexion en conformité avec les dispositions prévues par les articles 1, 2, 3 et 4 de la présente décision dans un délai de quatre semaines à compter de sa notification.

Article 6


Le surplus des conclusions présentées par les sociétés France Télécom et Completel est rejeté.

Article 7


Le chef du service juridique ou son adjoint est chargé de notifier aux sociétés Completel et France Télécom la présente décision qui sera rendue publique sous réserve des secrets protégés par la loi.


Fait à Paris, le 5 juin 2003.


Le président,

P. Champsaur


[...] Passages relevant des secrets protégés par la loi.