J.O. 152 du 3 juillet 2003       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet

Texte paru au JORF/LD page 11204

Ce document peut également être consulté sur le site officiel Legifrance


Observations du Gouvernement sur le recours dirigé contre la loi « urbanisme et habitat »


NOR : CSCL0306692X



Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés, d'un recours dirigé contre l'article 64 de la loi « urbanisme et habitat », adoptée le 5 juin 2003.

Ce recours appelle, de la part du Gouvernement, les observations suivantes :

A. - L'article 64 de la loi a pour objet de permettre, jusqu'au 31 décembre 2004, le retrait d'une commune d'une communauté d'agglomération pour adhérer à un autre établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. Ce retrait est autorisé par le représentant de l'Etat. Il n'est possible que dans certaines conditions : il ne doit pas créer d'enclave dans le périmètre de l'agglomération ; il ne peut concerner qu'une commune à laquelle le périmètre de la communauté d'agglomération a été étendu sans son accord ; il est subordonné à l'accord de l'organe délibérant de l'établissement de coopération intercommunale à fiscalité propre auquel la commune souhaite adhérer, sauf à ce que cet établissement soit créé concomitamment par le représentant de l'Etat dans le département.

A l'appui de leur recours, les députés font valoir que cet article , issu d'un amendement parlementaire, aurait été adopté en méconnaissance des articles 39 et 44 de la Constitution parce qu'il serait dépourvu de tout lien avec l'objet du projet de loi qui était soumis au Parlement. Ils soutiennent, en outre, que la disposition contestée serait contraire au principe d'égalité en ce qu'elle instituerait, au bénéfice de certaines communes seulement, une procédure spécifique de retrait d'une communauté d'agglomération.

B. - Cette argumentation ne pourra qu'être écartée.

1. Il résulte des dispositions combinées des articles 39, 44 et 45 de la Constitution que le droit d'amendement peut s'exercer à chaque stade de la procédure législative, sous réserve des dispositions particulières applicables après la réunion de la commission mixte paritaire.

La jurisprudence récente du Conseil constitutionnel a cessé d'impartir à l'exercice du droit d'amendement des limites tenant à l'ampleur intrinsèque des adjonctions ou modifications apportées au texte initial (voir la décision no 2001-445 DC du 19 juin 2001 et la décision no 2001-455 DC du 12 janvier 2002, revenant sur la décision no 86-225 DC du 23 janvier 1987).

Mais il demeure que les adjonctions et modifications apportées au texte en cours de discussion ne peuvent être dépourvues de tout lien avec l'objet du texte soumis au Parlement (voir notamment la décision no 2001-455 DC du 12 janvier 2002 et la décision no 2002-459 DC du 22 août 2002). Cette condition est appréciée libéralement par le Conseil constitutionnel, particulièrement quand la loi déférée a vocation à rassembler des dispositions d'ordre divers (voir, par exemple, la décision no 92-317 DC du 21 janvier 1993).

En l'espèce, la disposition critiquée de l'article 64 n'est pas dépourvue de tout lien avec d'autres dispositions de la loi déférée. Le projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction, qui avait été déposé par le Gouvernement sur le bureau de l'Assemblée nationale, comportait en effet, en son titre Ier, des dispositions relatives à l'aménagement et à l'urbanisme qui ne sont pas sans lien avec les questions d'intercommunalité.

L'article 1er de ce projet faisait notamment référence aux schémas de cohérence territoriale qui, selon l'article L. 122-4 du code de l'urbanisme, sont élaborés par un établissement public de coopération intercommunale ou un syndicat mixte. Le lien entre ces schémas et la coopération intercommunale est souligné par l'article L. 122-5 du même code, qui précise que « lorsque le périmètre de l'établissement public prévu à l'article L. 122-4 est étendu, dans les conditions définies par le code général des collectivités territoriales, à une ou plusieurs communes, ou à un ou plusieurs établissements publics de coopération intercommunale, la décision d'extension emporte extension du périmètre du schéma de cohérence territoriale » ; de même, il prévoit que « lorsqu'une commune se retire de l'établissement public compétent en matière de schéma de cohérence territoriale, la décision emporte réduction du périmètre de schéma de cohérence territoriale ».

En outre, les articles du titre Ier du projet de loi avaient pour objet de modifier diverses dispositions du code de l'urbanisme relatives aux compétences exercées par les communes en matière d'aménagement et d'urbanisme, notamment par la voie des plans locaux d'urbanisme. Or il faut relever qu'en vertu de l'article L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales, les communautés d'agglomération exercent obligatoirement des compétences en matière d'aménagement de l'espace communautaire. A ce titre, il leur revient d'élaborer les schémas directeurs et les schémas de secteur, de créer et de réaliser les zones d'aménagement concerté d'intérêt communautaire. Les communautés d'agglomération veillent aussi à l'organisation des transports urbains. Elles sont encore compétentes en matière d'équilibre social de l'habitat : programme local d'habitat, politiques du logement d'intérêt communautaire, actions et aides financières en faveur du logement social d'intérêt communautaire, réserves foncières pour la mise en oeuvre de la politique communautaire d'équilibre social de l'habitat, actions en faveur du logement des personnes défavorisées, amélioration du parc immobilier bâti d'intérêt communautaire. Ces compétences sont exercées par les communautés d'agglomération à titre obligatoire, de par la loi. Des dispositions relatives aux communautés d'agglomération ne sont ainsi pas sans lien avec les dispositions figurant dans le projet de loi déposé à l'Assemblée nationale relatives aux compétences d'aménagement et d'urbanisme des communes.

On peut enfin observer, de manière plus générale, que les questions relatives à l'urbanisme, à l'aménagement du territoire et à l'intercommunalité sont habituellement perçues comme étant particulièrement liées : elles font ainsi souvent l'objet, ces dernières années, d'un examen corrélatif par le Parlement. Il en a été ainsi des lois no 99-533 du 25 juin 1999 relative à l'aménagement et au développement durable du territoire, no 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale et no 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains ; le Gouvernement entend d'ailleurs procéder à une refonte cohérente et coordonnée de ces différents textes relatifs aux pays, à l'intercommunalité et à l'urbanisme.

Pour ces raisons, le Gouvernement considère que les dispositions de l'article 64 de la loi déférée, adoptées par le législateur, ne sont pas dépourvues de tout lien avec les dispositions figurant dans le projet qu'il avait déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale.

2. La critique tirée de la méconnaissance du principe d'égalité devra, de même, être écartée.

La disposition critiquée a pour objet de permettre au préfet d'autoriser une commune à se retirer d'une communauté d'agglomération dans l'hypothèse où le périmètre de cet établissement de coopération intercommunale a été étendu à la commune sans son accord. Il est vrai que cette procédure de retrait déroge, pour une période limitée, aux dispositions de l'article L. 5211-19 du code général des collectivités territoriales qui organisent les conditions dans lesquelles une commune peut se retirer d'un établissement public de coopération intercommunale, sauf s'il s'agit d'une communauté urbaine.

Mais le Gouvernement estime que les communes qui ont été intégrées, sans leur accord, dans une communauté d'agglomération déjà constituée sont dans une situation différente des autres communes. Cette différence de situation justifie le traitement particulier de retrait que le législateur a entendu autoriser sous de strictes conditions.

En premier lieu, il faut souligner que les communes qui ont été attraites contre leur gré dans une communauté d'agglomération ne sont pas dans la même situation que celles qui ont adhéré volontairement à une telle extension. Au regard du principe de libre administration des collectivités territoriales, on peut admettre sans peine que le législateur ait pu prévoir une procédure de retrait dérogatoire pour les seules communes qui auraient été intégrées dans une communauté d'agglomération contre leur volonté.

En second lieu, il apparaît également que la situation des communes intégrées lors de la création de la communauté d'agglomération n'est pas identique à celle des communes qui ont été intégrées par la voie d'une extension du périmètre de la communauté. En effet, le périmètre initial d'une communauté d'agglomération ne peut comporter d'enclave et doit regrouper un ensemble de plus de 50 000 habitants autour d'une commune-centre dont la population est supérieure à 15 000 habitants. L'inclusion contre leur gré de certaines communes lors de la création initiale de la communauté peut ainsi parfois se révéler indispensable à la mise en place du projet intercommunal : sans cela, la communauté d'agglomération serait susceptible de ne pas être créée ; l'absence de ces communes condamnerait le projet même de communauté d'agglomération.

En revanche, l'extension du périmètre d'une communauté d'agglomération déjà créée, prévue par l'article L. 5216-10 du code général des collectivités territoriales pendant une période limitée, n'affecte pas la pérennité de la communauté. Cette extension de périmètre peut être imposée aux communes en vue de permettre le développement de la communauté d'agglomération ; elle n'est pas destinée à préserver l'existence même de la communauté. Dans ces conditions, la situation des communes intégrées dès l'origine dans la communauté d'agglomération et dont la présence est nécessaire au maintien de la communauté n'est pas identique à celle des communes qui ont été intégrées ultérieurement dans cette communauté. Le législateur pouvait, dès lors, organiser une procédure dérogatoire de retrait qui n'est susceptible d'être ouverte, sur décision du préfet, qu'à l'égard des communes de la seconde catégorie.

Au demeurant, il faut souligner les considérations d'intérêt général qui s'attachent à la préservation de l'intercommunalité. Cet objectif serait compromis s'il était aménagé un mécanisme général de retrait des communautés d'agglomération pour toutes les communes qui ont été intégrées contre leur volonté. Un tel mécanisme pourrait en effet conduire à la dissolution des communautés d'agglomération qui ne rempliraient plus les conditions de taille et de continuité de périmètre exigées par la loi, ce qui marquerait un recul certain de l'intercommunalité. Au contraire, il faut observer que le mécanisme de retrait institué par l'article 64 de la loi déférée ne peut être mis en oeuvre qu'à la condition que la commune adhère à un autre établissement de coopération intercommunale à fiscalité propre : il ne se traduit donc pas par un recul de l'intercommunalité.

Enfin, on peut relever que l'article L. 5216-10 du code général des collectivités territoriales avait confié au représentant de l'Etat dans le département des pouvoirs d'extension forcée limités dans le temps : ceux-ci sont d'ailleurs éteints depuis le 12 juillet 2002. La mesure introduite par l'article 64 permet, de même, une dérogation provisoire aux modalités de retrait des communautés d'agglomération : elle n'est possible que jusqu'au 31 décembre 2004, afin de permettre au représentant de l'Etat, constatant des dysfonctionnements majeurs dans une communauté d'agglomération au périmètre étendu, de modifier en conséquence le périmètre de la communauté.


*

* *


En définitive, le Gouvernement considère que les critiques adressées par les auteurs du recours ne sont pas de nature à justifier la censure de l'article 64 de la loi déférée. C'est pourquoi il estime que le Conseil constitutionnel devra rejeter le recours dont il est saisi.