J.O. 89 du 15 avril 2003       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet

Texte paru au JORF/LD page 06692

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Décision n° 2003-470 DC du 9 avril 2003


NOR : CSCX0306554S



Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 27 mars 2003, par le président de l'Assemblée nationale, conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article 61 de la Constitution, d'une résolution en date du 26 mars 2003 modifiant le règlement de l'Assemblée nationale ;

Le Conseil constitutionnel,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

Sur l'article 1er de la résolution :

1. Considérant que l'article 1er de la résolution soumise à l'examen du Conseil constitutionnel complète l'article 14 du règlement de l'Assemblée nationale pour autoriser le bureau à déterminer « les conditions dans lesquelles des personnalités peuvent être admises à s'adresser à l'Assemblée dans le cadre de ses séances » ; que cet article , qui est sans effet sur les règles de fixation de l'ordre du jour, ne méconnaît pas l'article 48 de la Constitution ; qu'il résulte des travaux parlementaires à l'issue desquels ont été adoptées ces dispositions que l'audition des personnalités ne peut être suivie d'un vote ; que, dans ces conditions, l'article 1er n'est contraire à aucune disposition constitutionnelle ;

Sur l'article 2 de la résolution :

2. Considérant que l'article 2 de la résolution se borne à une modification d'ordre rédactionnel de l'article 36 du règlement de l'Assemblée nationale en tirant les conséquences de la dénomination de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, issue de la résolution en date du 10 octobre 2002 ; qu'il n'est contraire à aucune règle de valeur constitutionnelle ;

Sur l'article 3 de la résolution :

3. Considérant que l'article 3 de la résolution modifie l'article 50 du règlement, d'une part, pour réserver la matinée du mercredi aux travaux des commissions, d'autre part, pour retarder de trente minutes l'heure du début de la séance du matin, l'heure de la fin de la séance de l'après-midi et l'heure du début de la séance du soir ; que ces dispositions ont été adoptées dans le respect des articles 28 et 48 de la Constitution et ne méconnaissent aucune autre règle de valeur constitutionnelle ;

Sur les articles 4 et 5 de la résolution :

4. Considérant que l'article 4 de la résolution inscrit à l'article 65 du règlement la possibilité pour la conférence des présidents de faire procéder au scrutin public dans les salles voisines de la salle des séances lorsque la Constitution exige une majorité qualifiée ou lorsque la responsabilité du Gouvernement est engagée ; que son article 5 complète l'article 66 pour prévoir qu'en ce cas, la durée du scrutin est fixée par la conférence des présidents ; qu'aucune de ces dispositions n'est contraire à la Constitution ;

Sur les articles 6, 7 et 8 (2° et 3°) de la résolution :

5. Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 48 de la Constitution : « Une séance par mois est réservée par priorité à l'ordre du jour fixé par chaque assemblée » ;

6. Considérant que le I de l'article 6 insère dans l'article 91 du règlement de l'Assemblée nationale un cinquième alinéa ainsi rédigé : « A l'encontre d'un texte discuté dans le cadre d'une séance tenue en application de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution, il ne peut être mis en discussion et aux voix qu'une seule exception d'irrecevabilité. L'adoption de cette proposition entraîne le rejet du texte à l'encontre duquel elle a été soulevée. Dans la discussion, peuvent seuls intervenir l'un des signataires pour une durée qui ne peut excéder quinze minutes sauf décision contraire de la conférence des présidents, le Gouvernement et le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond. Avant le vote, la parole est accordée, pour cinq minutes, à un orateur de chaque groupe » ; que le II de l'article 6 rend applicables à la motion de renvoi en commission les durées de discussion prévues par son I pour l'exception d'irrecevabilité ; que l'article 7 et les 2° et 3° de l'article 8 comportent des dispositions de coordination rédactionnelle relatives aux articles 104 et 128 du règlement de l'Assemblée nationale ;

7. Considérant que l'article 6 vise, d'une part, à interdire le dépôt d'une question préalable à l'encontre d'un texte discuté dans le cadre de la séance mensuelle réservée à un ordre du jour fixé par l'Assemblée nationale et, d'autre part, à limiter à quinze minutes le temps de parole accordé pour soutenir une motion de procédure dirigée contre un tel texte ;

8. Considérant qu'il est loisible à une assemblée parlementaire de définir, par les dispositions de son règlement, des modalités d'examen, de discussion et de vote des textes adaptées aux particularités de certaines procédures ;

9. Considérant, cependant, que les modalités pratiques retenues à cet effet doivent être conformes aux règles de valeur constitutionnelle de la procédure législative ; qu'en particulier il leur faut respecter tant les prérogatives conférées au Gouvernement dans le cadre de cette procédure que les droits des membres de l'assemblée concernée ;

10. Considérant, en premier lieu, que l'objet de l'exception d'irrecevabilité est, aux termes du quatrième alinéa de l'article 91 du règlement de l'Assemblée nationale, de faire reconnaître « que le texte proposé est contraire à une ou plusieurs dispositions constitutionnelles » ; qu'en se bornant à réduire de une heure trente à quinze minutes, sauf décision contraire de la conférence des présidents, la durée de l'intervention au soutien de cette motion de procédure, l'article 6 de la résolution a préservé la possibilité effective, pour les membres de l'Assemblée nationale, de contester la conformité à la Constitution des dispositions du texte ;

11. Considérant, en second lieu, que la question préalable a pour objet, conformément aux mêmes dispositions du règlement de l'Assemblée nationale, de « faire décider qu'il n'y a pas lieu à délibérer » ; que cette procédure ne trouve pas de fondement dans des dispositions de valeur constitutionnelle ; que d'autres procédures restent à la disposition des parlementaires pour s'opposer à l'ensemble du texte en discussion ;

12. Considérant que, dans ces conditions, le I de l'article 6 de la résolution ne porte atteinte à aucune règle de valeur constitutionnelle ; qu'il en est de même du II de l'article 6, de l'article 7 et des 2° et 3° de l'article 8 ;

Sur le 1° de l'article 8 de la résolution :

13. Considérant, d'une part, qu'en vertu de l'article 52 de la Constitution : « Le Président de la République négocie et ratifie les traités. - Il est informé de toute négociation tendant à la conclusion d'un accord international non soumis à ratification » ; que, d'autre part, la compétence pour négocier, conclure et approuver les accords internationaux non soumis à ratification appartient au pouvoir exécutif ;

14. Considérant qu'aux termes des deux premiers alinéas de son article 53 : « Les traités de paix, les traités de commerce, les traités ou accords relatifs à l'organisation internationale, ceux qui engagent les finances de l'Etat, ceux qui modifient des dispositions de nature législative, ceux qui sont relatifs à l'état des personnes, ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire, ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu'en vertu d'une loi. - Ils ne prennent effet qu'après avoir été ratifiés ou approuvés » ;

15. Considérant que le seul pouvoir reconnu au Parlement en matière de traités et d'accords internationaux par la Constitution est celui d'en autoriser ou d'en refuser la ratification ou l'approbation dans les cas mentionnés à l'article 53 ;

16. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 128 du règlement de l'Assemblée nationale, dans sa rédaction actuellement en vigueur : « Lorsque l'Assemblée est saisie d'un projet de loi autorisant la ratification d'un traité ou l'approbation d'un accord international non soumis à ratification, il n'est pas voté sur les articles contenus dans ces actes et il ne peut être présenté d'amendement » ;

17. Considérant que le 1° de l'article 8 de la résolution soumise à l'examen du Conseil constitutionnel supprime, à la fin de l'alinéa précité, les mots : « et il ne peut être présenté d'amendement » ;

18. Considérant que cette suppression comme l'absence, depuis l'origine, de toute référence aux amendements dans l'article 47 du règlement du Sénat, ne sauraient être interprétées comme accordant aux membres du Parlement compétence pour assortir de réserves, de conditions ou de déclarations interprétatives l'autorisation de ratifier un traité ou d'approuver un accord international non soumis à ratification ;

19. Considérant que le 1° de l'article 8 de la présente résolution n'est conforme à la Constitution que sous la stricte réserve d'interprétation figurant ci-dessus ;

Sur l'article 9 de la résolution :

20. Considérant que l'article 9 de la résolution insère dans le règlement de l'Assemblée nationale un article 140-1 relatif à la composition et à la désignation du bureau des commissions d'enquête ; que ses premier et troisième alinéas se bornent à maintenir les règles prévues pour ces commissions à l'article 39 ; que son deuxième alinéa est ainsi rédigé : « La fonction de président ou celle de rapporteur revient de plein droit à un membre du groupe auquel appartient le premier signataire de la proposition de résolution du vote de laquelle résulte la création de la commission d'enquête ou, en cas de pluralité de propositions, de la première déposée, sauf si ce groupe fait connaître au Président de l'Assemblée sa décision de ne revendiquer aucune des deux fonctions » ; qu'aucune de ces dispositions n'est contraire à la Constitution ;

Sur l'article 10 de la résolution :

21. Considérant que le I de l'article 10 de la résolution insère dans l'article 145 du règlement un troisième alinéa permettant à la conférence des présidents de créer des missions d'information sur proposition du président de l'Assemblée nationale ;

22. Considérant que cette disposition n'est contraire à aucun principe non plus qu'à aucune règle de valeur constitutionnelle dès lors que l'intervention d'une « mission d'information » revêt un caractère temporaire et se limite à un simple rôle d'information contribuant à permettre à l'Assemblée nationale d'exercer son contrôle sur la politique du Gouvernement dans les conditions prévues par la Constitution ;

23. Considérant que le II du même article complète l'article 145 du règlement par un alinéa ainsi rédigé : « Les rapports des missions d'information créées par la conférence des présidents peuvent donner lieu à un débat sans vote en séance publique » ;

24. Considérant que cet alinéa ne saurait faire obstacle aux prérogatives que le Gouvernement tient du premier alinéa de l'article 48 de la Constitution pour la fixation de l'ordre du jour prioritaire ; que, sous cette réserve, le II de l'article 10 de la résolution soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ne contrevient à aucune disposition de la Constitution,

Décide :


Article 1


Sous les réserves d'interprétation figurant aux considérants 18, 22 et 24, la résolution soumise à l'examen du Conseil constitutionnel est déclarée conforme à la Constitution.

Article 2


La présente décision sera notifiée au président de l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 9 avril 2003, où siégeaient : MM. Yves Guéna, président, Michel Ameller, Jean-Claude Colliard, Olivier Dutheillet de Lamothe, Pierre Joxe, Pierre Mazeaud, Mmes Monique Pelletier, Dominique Schnapper et Simone Veil.


Le président,

Yves Guéna