J.O. 88 du 13 avril 2003       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet

Texte paru au JORF/LD page 06613

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Avis n° 2002-631 du 25 juillet 2002 sur le projet de décret relatif au financement du service universel des télécommunications


NOR : ARTE0200385V



L'Autorité de régulation des télécommunications,

Vu l'arrêt C-146/00 de la Cour de justice des Communautés européennes en date du 6 décembre 2001 ;

Vu la directive 98/10 /CE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 1998 concernant l'application de la fourniture d'un réseau ouvert (ONP) à la téléphonie vocale et l'établissement d'un service universel des télécommunications dans un environnement concurrentiel ;

Vu la communication Com (96) 608 de la Commission européenne en date du 27 novembre 1996 sur les critères d'évaluation pour les systèmes nationaux de calcul du coût et de financement du service universel dans les télécommunications, et les lignes directrices pour les Etats membres en ce qui concerne le fonctionnement de tels systèmes ;

Vu le code des postes et télécommunications, et notamment ses articles L. 35-3, R. 20-31 à R. 20-44, relatifs aux modalités de calcul du coût du service universel ;

Vu la lettre de la ministre déléguée à l'industrie en date du 1er juillet 2002 saisissant l'Autorité pour avis ;

Après en avoir délibéré le 25 juillet 2002,



INTRODUCTION



L'Autorité de régulation des télécommunications prend connaissance du projet de décret sur le financement du service universel dans les télécommunications. Il vise à mettre la France en conformité avec la directive européenne 98/10/CE du 26 février 1998, concernant l'application de la fourniture d'un réseau ouvert (ONP) à la téléphonie vocale et l'établissement d'un service universel des télécommunications dans un environnement concurrentiel. Le projet de décret profite de cette mise en conformité, que l'arrêt du 6 décembre 2001 de la Cour de justice des Communautés européennes a rendu urgente, pour supprimer des éléments devenus obsolètes, en particulier tout ce qui a trait à la rémunération additionnelle à l'interconnexion, avant une refonte, sans doute plus profonde, qui pourrait résulter de la consultation publique lancée sur le service universel. En tout état de cause, ce projet de décret s'inscrit juste avant la transposition de la directive 2002/22 /CE, dite « directive service universel » qui devra intervenir au plus tard le 25 juillet 2003.

Le projet de décret a pour but de prendre en compte l'ensemble des griefs de la Cour de justice des Communautés européennes et traite notamment de l'évaluation des avantages immatériels liés à la prestation de service universel. Par ailleurs, il propose de substituer à l'évaluation prévisionnelle une évaluation provisionnelle, réalisée sur la base de la dernière évaluation définitive connue. Enfin, il propose de supprimer le plafonnement de la réduction sociale tarifaire à la moitié du prix de l'abonnement.


1. La prise en compte des griefs

de la Cour de justice des Communautés européennes

1.1. Les avantages immatériels


L'Autorité note que les articles 1er, 3 et 6 du projet de décret modifiant respectivement les articles R. 20-31 et R. 20-33 du code des postes et télécommunications et introduisant l'article R. 20-37-1 imposent la prise en compte des avantages immatériels. Les dispositions sont conformes aux communications de la Commission (Com [96] 608), aux échanges entre l'Autorité et les services du ministère de l'industrie et à la lettre du ministre datée du 13 mars 2002. L'Autorité a utilisé la méthode décrite par le projet pour les évaluations prévisionnelles du coût du service universel pour l'année 2002 et définitive pour l'année 2000, telles qu'elles ont été proposées au ministre, respectivement dans les décisions no 2002-308 du 23 avril 2002 et no 2002-417 du 11 juin 2002.

L'Autorité est parfaitement consciente de la difficulté que soulève l'évaluation des avantages immatériels du fait même de leur nature. Le projet de décret donne certes une assise à la méthode d'évaluation, qui repose pour l'essentiel sur l'évaluation des avantages liés à l'image de marque. Mais il ne limite pas les avantages immatériels à ce seul avantage : les avantages liés à l'ubiquité, au cycle de vie et à l'accès aux données sont également pris en compte. L'Autorité a eu recours à une évaluation analytique pour réaliser ses calculs, comme l'ont déjà fait d'autres régulateurs européens comme l'Espagne ou le Royaume-Uni, même si celle-ci n'a pas débouché sur l'alimentation d'un fonds de service universel, ou comme l'Italie.


1.2. La Liste rouge


L'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes susvisé implique de prendre en compte les revenus correspondant au service Liste rouge dans le calcul de la péréquation géographique, ainsi que les coûts correspondants. L'Autorité note que l'article 3 du projet de décret modifiant l'article R. 20-33 du code des postes et télécommunications met la France en conformité avec les dispositions de cet arrêt.


1.3. Les autres griefs


L'arrêt de la cour qui impose la prise en compte des avantages immatériels et de la Liste rouge dans la composante de péréquation géographique a eu un impact à la baisse sur le coût net du service universel.

L'Autorité souligne qu'il convient aussi de répondre au grief de forme sur la non-publication de l'annexe, détaillant les contributions opérateur par opérateur. Par conséquent, l'Autorité considère qu'il est nécessaire de modifier en ce sens de l'article R. 20-40 du code, tel que proposé en annexe.

Les griefs supplémentaires de la Cour de justice des Communautés européennes visaient le modèle précédent du service universel, corrigé à partir des évaluations de l'année 2000.


2. Le système « provisionnel » qui remplace le prévisionnel

2.1. Les modifications proposées par le projet de décret


L'Autorité note que l'article 8 du projet de décret modifiant l'article R. 20-39 du code vise à substituer au calcul prévisionnel des contributions des opérateurs, un montant provisionnel. Ce calcul provisionnel s'effectuera sur la base du dernier montant définitif connu, de façon à éviter des décaissements trop importants pour les opérateurs nouveaux entrants, dont l'expérience a montré qu'ils font l'objet de remboursements importants deux ans plus tard, à due concurrence de leur part dans le financement du service universel.

L'Autorité est favorable au nouveau mode de calcul provisionnel, calqué sur l'impôt sur le revenu, qui consiste à reconduire le montant de la contribution constatée lors du dernier calcul définitif. Toutefois, l'Autorité considère que des modifications pourraient être apportées au dispositif.


2.2. Les modifications proposées par l'Autorité


Le dispositif proposé conduit à exonérer de contributions provisionnelles un opérateur dans ses deux premières années d'activité jusqu'au calcul du montant de la contribution définitive de sa première année d'activité, deux ans plus tard.

L'Autorité note que dans sa rédaction actuelle, le mécanisme de système provisionnel n'est guère incitatif pour un nouvel opérateur prestataire du service universel ; en effet, ce dernier ne bénéficierait des avantages de sa prestation que deux ans plus tard. C'est pourquoi l'Autorité recommande la modification de l'article R. 20-39, tel que proposé en annexe.

Par ailleurs, l'Autorité souhaite limiter le nombre de versements pour le provisionnel à deux au lieu de trois, le 20 avril et le 20 octobre. En terme de gestion, la réduction du nombre d'échéances lisse la charge afférant au service universel sur deux semestres, alors que, dans le système actuel, la charge de service universel était supportée aux deux tiers lors du premier semestre, au dernier tiers lors du deuxième semestre.

Enfin, l'Autorité souhaite l'introduction du versement d'un intérêt lors de la régularisation éventuelle entre le montant provisionnel et le montant définitif afin de compenser la trésorerie immobilisée des opérateurs débiteurs ; le taux utilisé sera l'Euribor (actuellement utilisé pour les intérêts de retard) entre les dates d'échéance du provisionnel et la date de régularisation. L'Autorité propose de caler le délai des versements aux opérateurs créditeurs à celle qui est actuellement en vigueur, soit dans les dix jours suivant l'échéance. Une modification en ce sens de l'article R. 20-42 du code est proposée en annexe.


3. Les modifications relatives aux tarifs « sociaux »


L'Autorité note que l'article du projet de décret modifiant l'article R. 20-34 du code instaure un dispositif qui vise à supprimer le plafonnement de la réduction sociale tarifaire à 50 % du tarif de l'abonnement en vigueur. L'Autorité considère que ce dispositif protège les ayants-droit et leur évite ainsi d'avoir à subir une hausse éventuelle du prix de l'abonnement mensuel, pour le cas où France Télécom ne prendrait pas le différentiel à sa charge.

L'Autorité note qu'une action est possible au regard de la loi afin d'améliorer les conditions d'accès pour les personnes souffrant d'un handicap. Elle estime que la compensation, via le fonds de service universel d'actions destinées à améliorer les conditions d'accès pour les personnes souffrant d'un handicap, pourrait avoir un effet incitatif. L'Autorité comprend que si ce point n'est pas abordé dans le présent projet de décret, c'est parce qu'il est pris en compte dans la consultation publique relative à l'évolution du droit français des communications électroniques actuellement en cours.



CONCLUSION



L'Autorité fait sienne la conclusion rendue par la CSSPPT dans son avis en date du 7 juin 2002 sur le projet de décret relatif au financement du service universel où celle-ci souligne que si elle rend un avis d'ensemble favorable elle « exprime néanmoins de fortes réticences à ce que l'on s'engage sans possibilité de retour dans la voie de calculs compliqués, faisant appel à une procédure particulièrement lourde et contestable ».

L'Autorité souligne, comme elle l'a déjà fait dans l'avis no 2001-475 en date du 18 mai 2001 relatif au rapport du Gouvernement au Parlement, que la clé de répartition du coût du service universel actuellement fonction du volume de trafic pourrait être remplacée par une clé proportionnelle au chiffre d'affaires, donnée claire et connue, inscrite dans la comptabilité des opérateurs, et plus équitable économiquement pour les fournisseurs d'accès.

Sous réserve des remarques énoncées ci-dessus et des modifications formulées en annexe, l'Autorité émet un avis favorable sur le projet de décret.

Le présent avis sera transmis à la ministre déléguée à l'industrie et sera publié au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 25 juillet 2002.



Le président,

J.-M. Hubert