J.O. 64 du 16 mars 2003
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Texte paru au JORF/LD page 04644
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Avis du 6 juin 2002 sur le décret relatif aux prescriptions techniques générales de conception et de fonctionnement auxquelles doivent satisfaire les installations en vue de leur raccordement aux réseaux publics de distribution
NOR : INDI0301080V
La Commission de régulation de l'électricité a été saisie, le 3 mai 2002, par le ministre délégué à l'industrie, aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation, d'un projet de décret relatif aux prescriptions techniques générales de conception et de fonctionnement auxquelles doivent satisfaire les installations en vue de leur raccordement aux réseaux publics de distribution, en application de l'article 31 de la loi no 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité.
Sur le rapport du directeur de l'accès aux réseaux électriques, la CRE a rendu l'avis suivant :
1. L'article 7.2 de la directive no 96/92/CE du 19 décembre 1996 prévoit la fixation par les Etats membres « des exigences techniques minimales de conception et de fonctionnement en matière de raccordement... ». Ces exigences doivent « assurer l'interopérabilité des réseaux, être objectives et non discriminatoires ». Pour être conformes aux orientations de cette directive, elles ne peuvent avoir pour objet ou pour effet de restreindre sans justification l'exercice des droits d'accès et d'utilisation ouverts aux clients éligibles, aux producteurs d'énergie électrique, aux réseaux de distribution ou aux détenteurs de lignes directes.
L'article 18 de la loi no 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité prévoit que seront fixées par décret « les prescriptions techniques générales de conception et de fonctionnement pour le raccordement au réseau public de distribution auxquelles doivent satisfaire les installations des producteurs et celles des consommateurs, les circuits d'interconnexion ainsi que les lignes directes... ». La finalité de ces prescriptions générales doit être d'assurer la sécurité et la sûreté du réseau ainsi que la qualité de son fonctionnement.
C'est donc à la lumière de l'obligation communautaire de liberté d'accès et de la stricte proportionnalité d'éventuelles restrictions de cette liberté aux finalités qui précèdent que la CRE doit analyser les dispositions contenues dans le projet qui lui est soumis pour observations en application de l'article 31 de la loi no 2000-108 du 10 février 2000.
2. Le projet de décret comporte 4 chapitres et 22 articles . Il est destiné à prescrire certaines dispositions constructives des installations à raccorder au réseau public de distribution de l'électricité dont le respect apparaît nécessaire afin d'assurer la sûreté de fonctionnement de ce réseau ainsi que la sécurité des personnes et des biens.
Le projet de décret d'application de l'article 18 de la loi no 2000-108 du 10 février 2000 préparé par l'administration est complété, à ce jour, par deux projets d'arrêtés relatifs au raccordement des installations de production d'énergie électrique, d'une part, et de consommation d'énergie électrique, d'autre part. D'autres textes non encore soumis à la CRE devraient logiquement intervenir pour les autres catégories d'utilisateurs afin de tenir compte de leurs spécificités.
A. - Remarques relatives au contenu
et à la cohérence des textes
3. Ce décret et les arrêtés d'application qui en découleront sont notamment destinés à remplacer en tout ou partie les arrêtés techniques des 14 avril 1995, 21 juillet 1997, 3 juin 1998 et 15 avril 1999 relatifs aux conditions techniques de raccordement au réseau public des installations de production autonome d'énergie électrique de puissance installée inférieure à 10 MW. Ils appellent, en premier lieu, les remarques générales suivantes :
3.1. Le présent projet de décret, dans son article 8, renvoie, pour la définition des critères et des seuils de qualité, à l'utilisation de la norme française et européenne NF EN 50-160. Cette norme ne traite pas de tous les réseaux électriques HTA, car elle n'est pas applicable aux réseaux électriques de tension supérieure à 35 kV, alors que la limite du domaine de tension HTA est fixée à 50 kV. Les dispositions relatives à la qualité de l'électricité sont imprécises et les conséquences de leur violation, notamment en terme de responsabilité des parties, n'apparaissent pas. La CRE souhaite donc que les engagements des gestionnaires des réseaux publics liés à la qualité de l'alimentation électrique, qui doivent être pris envers toutes les installations raccordées, soient également clairement définis par des paramètres techniques appropriés (nombre et durées des coupures, creux de tension, taux d'harmoniques...).
3.2. Le projet de décret comporte encore des imprécisions engendrant des incertitudes sur la réalité des exigences normatives concernant les caractéristiques constructives des ouvrages ou la contribution des installations de production au soutien du système électrique. Ces incertitudes peuvent faciliter des comportements discrétionnaires et discriminatoires de la part des gestionnaires de réseaux. La CRE souhaite donc que soient définis, à l'article 2, ce que sont un « régime permanent », un « régime perturbé » (art. 4 et 8), les « durées limitées » et les « situations dégradées », et précisées les notions de « conditions moins sévères » (art. 12) et de « services auxiliaires » (art. 19).
3.3. La CRE rappelle que, préalablement à leur mise sous tension, les installations alimentées sous une tension inférieure à 63 kV doivent être soumises au contrôle et à l'attestation de conformité aux prescriptions de sécurité imposées par les règlements et normes de sécurité en vigueur, conformément au décret no 72-1120 du 14 décembre 1972, modifié par le décret no 2001-222 du 6 mars 2001. Il y a donc lieu de veiller à ce que la définition contractuelle de ces contrôles par les conventions de raccordement et d'exploitation ou, à défaut, les contrats de fourniture mentionnés à l'article 18 du présent projet de décret ne soit pas contradictoire avec les dispositions réglementaires précitées, ce que l'état actuel du texte ne garantit pas.
La CRE estime également qu'afin d'assurer une meilleure sécurité juridique tant des gestionnaires de réseaux que des utilisateurs, il y a lieu de préciser la procédure de déconnexion d'une installation en fonction, notamment, des situations d'atteinte grave et immédiate à la sécurité et à la sûreté des réseaux publics de distribution mentionnées par les articles 21 et 38 de la loi no 2000-108 du 10 février 2000 non visés par le présent projet de décret.
4. Le présent projet de décret énonce les prescriptions techniques générales régissant le raccordement aux réseaux électriques publics de l'ensemble des utilisateurs, conformément à l'article 18 de la loi no 2000-108 du 10 février 2000, et renvoie à des arrêtés le soin de fixer les valeurs des paramètres et des seuils découlant des prescriptions techniques générales. Néanmoins, la CRE n'a pas eu connaissance de l'ensemble des textes visant à définir les prescriptions générales de conception et de fonctionnement pour le raccordement de tous les types d'utilisateurs aux réseaux publics de transport et de distribution.
4.1. La CRE rappelle la nécessité d'assurer la cohérence d'ensemble du dispositif réglementaire envisagé par l'administration. Cette cohérence n'est, à ce stade, pas encore assurée. Il est donc nécessaire d'articuler correctement, sans redondance ni lacune, les textes fixant les obligations des gestionnaires de réseaux, les textes relatifs aux raccordements et ceux relatifs aux conditions d'établissement des contrats prévus par l'article 23 de la loi no 2000-108 du 10 février 2000. Ce dispositif devra également se conformer aux principes d'interopérabilité, d'objectivité et de non-discrimination fixés par l'article 7.2 de la directive no 96/92/CE du 19 décembre 1996.
4.2. La CRE estime qu'il y a lieu de prévoir un arrêté d'application spécifique traitant des prescriptions techniques de conception et de fonctionnement du raccordement des installations de consommation intégrant des moyens de production (autoproduction) propres destinés à l'alimentation de charges internes. La réglementation devrait également préciser que, dans ces cas, le respect des obligations contenues dans le projet de décret s'apprécie à la « frontière » entre l'installation concernée et le réseau public de distribution HTA et BT, et non aux bornes d'une installation de production située à l'intérieur d'un réseau privé. Ce point « frontière » peut être défini comme étant le traditionnel « point de livraison (PdL) », qui correspond soit au point de soutirage pour une installation de consommation d'énergie, soit au point d'injection pour une installation de production d'énergie. En tout état de cause, le principe de la vérification du respect des obligations en un point « frontière » ne serait acceptable que sous réserve d'une définition techniquement adéquate de ce dernier.
B. - Remarques sur les conditions de mise en oeuvre
du projet par les gestionnaires
5. La mise en oeuvre de certaines dispositions par les gestionnaires des réseaux publics de distribution appelle les remarques suivantes :
5.1. Le projet de décret ne prévoit aucune obligation de transparence et de motivation des exigences du gestionnaire de réseau pour la fixation de certains paramètres (par exemple pour les installations non marginales par rapport au réseau), ce qui peut faciliter des comportements discriminatoires à l'encontre des projets de certains producteurs. La CRE estime qu'une procédure précisant les critères assurant la transparence et la motivation adéquate des décisions du gestionnaire de réseau doit être établie pour prévenir l'émergence d'éventuels différends relatifs au raccordement d'installations aux réseaux publics et faciliter le règlement de ceux que certaines parties jugeraient néanmoins de demander.
5.2. En de nombreux endroits du texte, par exemple aux articles 6, 7, 15, 17, 18 et 19, des modalités de décisions sont soumises au pouvoir confié aux gestionnaires des réseaux publics de distribution. La CRE estime nécessaire un contrôle strict de leurs décisions et du pouvoir discrétionnaire qu'ils pourraient exercer dans ce cadre et qui serait de nature à porter atteinte au principe d'accès régulé au réseau posé par la loi no 2000-108 du 10 février 2000. De même, le renvoi de la fixation d'un certain nombre de caractéristiques des raccordements à l'accord des parties ne doit pas conduire à des mécanismes d'accès négocié au réseau. Par surcroît, le fait de renvoyer trop largement à l'accord entre les parties fait abstraction de la situation structurellement asymétrique des gestionnaires de réseaux dans les négociations. Ainsi, le demandeur d'un raccordement est rarement en situation de faire valoir sa position et de négocier avec le gestionnaire de réseau en partenaire égal sur les points laissés ouverts par la réglementation projetée.
5.3. La CRE relève une contradiction entre les dispositions prévues à l'article 15, applicables aux installations de production raccordées aux réseaux publics de distribution non reliés à un grand réseau interconnecté, et celles prévues à l'article 20. En effet, la nature des services auxiliaires demandés aux installations de production et les capacités constructives nécessaires pour y participer sont précisées par le gestionnaire du réseau dans la convention de raccordement, alors que les dispositions constructives et organisationnelles propres à chaque type d'installation sont fixées par le ministre chargé de l'énergie. Même dans le contexte des zones non interconnectées, il n'est pas envisageable qu'un décret délègue aux gestionnaires de réseaux publics des compétences réglementaires en ces matières. Or la délégation aux gestionnaires de réseaux du choix de certains dimensionnements, et par conséquent des coûts de construction, revient à donner une valeur réglementaire à leurs règles internes de planification. La CRE souhaite que l'article 15 encadre plus spécifiquement le pouvoir délégué aux gestionnaires de réseaux et que les règles techniques actuellement utilisées par ces gestionnaires suivent le processus normal d'élaboration de la réglementation technique si elles doivent réellement prendre un caractère normatif.
Plus généralement, le texte répartirait plus clairement les responsabilités entre gestionnaires des réseaux et administrations en supprimant le titre du chapitre II, « dispositions constructives », qui ne décrit pas son contenu et, d'autre part, en précisant à l'article 20 que la compétence du ministre pour fixer par arrêté les dispositions constructives ne s'exerce que « sous réserve des dispositions qui précèdent » celles-ci, les encadrant déjà, de façon générale ou en prévoyant leur détermination par convention.
5.4. La CRE considère que l'institution d'une obligation de résultat détaillée par des projets d'arrêtés constitue un progrès pour la transparence et l'économie des conditions applicables aux installations raccordées aux réseaux publics de distribution par rapport aux obligations de moyens antérieures. Il faut toutefois faciliter la compréhension de cette nouvelle forme de réglementation par les utilisateurs des réseaux de distribution. A cet effet, la CRE estime souhaitable que soit rapidement réalisé par les gestionnaires de réseaux de distribution un texte de référence technique reprenant de façon ordonnée les dispositions contenues dans les textes réglementaires en vigueur, les règles techniques complémentaires appliquées par les gestionnaires de réseaux de distribution ou les commentaires encore pertinents des anciens arrêtés techniques. Un tel référentiel technique de nature essentiellement informative ne saurait en revanche se voir conférer de valeur normative propre.
6. En conclusion, au vu de l'ensemble des éléments qui précèdent, la CRE émet un avis favorable sur ce projet de décret relatif aux prescriptions techniques générales de conception et de fonctionnement auxquelles doivent satisfaire les installations en vue de leur raccordement aux réseaux publics de distribution, sous réserve que les remarques mentionnées au paragraphe 3 du présent avis soient prises en compte par l'administration et que les remarques mentionnées au paragraphe 5 soient prises en compte par les gestionnaires de réseaux de distribution, chacun pour ce qui les concerne.
Fait à Paris, le 6 juin 2002.
Le président,
J. Syrota