J.O. 59 du 11 mars 2003
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Texte paru au JORF/LD page 04232
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Décision n° 2002-3332 du 27 février 2003
NOR : CSCX0306402S
AN, MARTINIQUE (3e CIRCONSCRIPTION)
M. PIERRE JEAN SAMOT
Le Conseil constitutionnel,
Vu, enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 24 janvier 2003, la décision, en date du 13 janvier 2003, par laquelle la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques saisit le Conseil constitutionnel de la situation de M. Pierre Jean Samot, candidat élu à l'élection législative qui a eu lieu les 9 et 16 juin 2002 dans la 3e circonscription de la Martinique ;
Vu le mémoire en défense présenté par M. Samot, enregistré comme ci-dessus le 20 février 2003 ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu la Constitution, notamment son article 59 ;
Vu l'ordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code électoral ;
Vu la loi no 88-227 du 11 mars 1988 modifiée relative à la transparence financière de la vie politique ;
Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et sénateurs ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que l'unique grief, sur lequel la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a fondé sa décision de rejet du compte de campagne de M. Samot, a été notifié à ce candidat le 31 octobre 2002 ; que ce grief, qui se fonde sur l'existence d'un don d'une personne morale et se réfère à l'interdiction prévue par l'article L. 52-8 du code électoral, a été formulé en des termes dépourvus de toute ambiguïté ; que M. Samot ne s'est pas mépris d'ailleurs sur la portée de ce grief auquel il a répondu ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la Commission n'aurait pas respecté le caractère contradictoire de la procédure ; qu'à la supposer établie, la circonstance que ce caractère aurait été méconnu pour d'autres griefs est inopérante dès lors que ces griefs n'ont pas été retenus ;
2. Considérant, en second lieu, qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral : « Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués » ;
3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 52-15 du code électoral : « La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne » ; qu'en vertu du second alinéa de l'article LO 128 du même code, est inéligible pendant un an celui dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ; qu'il est énoncé à l'article LO 136-1 de ce code que la Commission précitée « saisit le Conseil constitutionnel du cas de tout candidat susceptible de se voir opposer les dispositions du deuxième alinéa de l'article LO 128. Le Conseil constitutionnel constate, le cas échéant, l'inégibilité et, s'il s'agit du candidat proclamé élu, il le déclare, par la même décision, démissionnaire d'office » ;
4. Considérant qu'eu égard à l'objet de la législation relative à la transparence financière de la vie politique et au financement des campagnes électorales et à la limitation des dépenses électorales, une personne morale de droit privé qui s'est assigné un but politique ne peut être regardée comme un « parti ou groupement politique » au sens de l'article L. 52-8 du code électoral que si elle relève des articles 8 et 9 de la loi du 11 mars 1988 susvisée, ou s'est soumise aux règles, fixées par les articles 11 à 11-7 de la même loi, qui imposent notamment aux partis et groupements politiques de ne recueillir des fonds que par l'intermédiaire d'un mandataire qui peut être soit une personne physique dont le nom est déclaré à la préfecture, soit une association de financement agréée par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ; que, dans le cas où une personne morale de droit privé, qui s'est assigné un but politique, a recours à une association de financement, celle-ci doit avoir été constituée à la date à laquelle cette personne morale participe au financement de la campagne ou consent un don à un candidat ; que cette constitution doit ressortir d'un document ayant date certaine ; que tel est le cas du récépissé attestant de la déclaration de cette association ; qu'en outre, l'association de financement doit avoir été agréée par la Commission au plus tard à la date à laquelle elle se prononce sur la régularité du compte de campagne qui a bénéficié du financement ou du don ou, dans l'hypothèse où elle ne statue pas dans le délai prescrit à l'article L. 52-15 du même code, au plus tard à la date d'expiration de ce délai ;
5. Considérant que l'association « Fédération d'action du Lamentin », connue également sous le nom de « Bâtir le Pays Martinique », qui s'est assigné un but politique, a été constituée le 9 janvier 2001 ; qu'il ressort des pièces du dossier que ce n'est que le 19 novembre 2002, à la suite d'une demande d'explication de la Commission, que cette association, qui ne relevait pas des dispositions des articles 8 et 9 de la loi du 11 mars 1988, a déclaré son association de financement à la préfecture du département de la Martinique ; qu'ainsi, à la date à laquelle la « Fédération d'action du Lamentin » a procédé au paiement d'une dépense électorale engagée par M. Samot pour la campagne des élections législatives ayant eu lieu les 9 et 16 juin 2002 dans la troisième circonscription de ce département, son association de financement n'avait pas été constituée ; que, par suite et pour ce seul motif, la « Fédération d'action du Lamentin » ne pouvait être regardée comme un « parti ou groupement politique » au sens de l'article L. 52-8 du code électoral ;
6. Considérant que M. Samot doit, dans ces conditions, être regardé comme ayant bénéficié de la part d'une personne morale d'un avantage prohibé par ledit article ; que, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à la nature de l'avantage en cause, aux conditions dans lesquelles il a été consenti ainsi qu'à son montant rapporté au total des dépenses du compte, même après déduction des frais d'expertise comptable, l'irrégularité commise par M. Samot justifie le rejet de son compte de campagne ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu, en application de l'article LO 136-1 du code électoral, de constater l'inéligibilité de M. Samot pour une durée d'un an à compter de la date de la présente décision et de le déclarer démissionnaire d'office,
Décide :
Article 1
M. Pierre Jean Samot est déclaré inéligible pour une durée d'un an à compter du 27 février 2003.Article 2
M. Pierre Jean Samot est déclaré démissionnaire d'office.Article 3
La présente décision sera notifiée au président de l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 27 février 2003, où siégeaient : MM. Yves Guéna, président, Michel Ameller, Jean-Claude Colliard, Olivier Dutheillet de Lamothe, Pierre Joxe, Pierre Mazeaud, Mmes Monique Pelletier, Dominique Schnapper et Simone Veil.
Le président,
Yves Guéna