J.O. 299 du 24 décembre 2002
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Texte paru au JORF/LD page 21500
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Décision n° 2002-463 DC du 12 décembre 2002
NOR : CSCL0206170S
Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, le 3 décembre 2002 et par un mémoire complémentaire enregistré le 10 décembre 2002, de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, par M. Jean-Marc Ayrault, Mme Patricia Adam, M. Damien Alary, Mme Sylvie Andrieux-Bacquet, MM. Jean-Marie Aubron, Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Eric Besson, Jean-Louis Bianco, Jean-Pierre Blazy, Serge Blisko, Patrick Bloche, Jean-Claude Bois, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Pierre Bourguignon, Mme Danielle Bousquet, MM. François Brottes, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Mme Martine Carillon-Couvreur, MM. Laurent Cathala, Jean-Paul Chanteguet, Michel Charzat, Alain Claeys, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Mme Claude Darciaux, M. Michel Dasseux, Mme Martine David, MM. Marcel Dehoux, Michel Delebarre, Jean Delobel, Bernard Derosier, Michel Destot, Marc Dolez, François Dosé, René Dosière, Julien Dray, Tony Dreyfus, Pierre Ducout, Jean-Pierre Dufau, Jean-Louis Dumont, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Henri Emmanuelli, Claude Evin, Laurent Fabius, Albert Facon, Jacques Floch, Pierre Forgues, Michel Françaix, Jean Gaubert, Mmes Nathalie Gautier, Catherine Génisson, MM. Jean Glavany, Gaëtan Gorce, Alain Gouriou, Mmes Elisabeth Guigou, Paulette Guinchard-Kunstler, M. David Habib, Mme Danièle Hoffman-Rispal, MM. François Hollande, Jean-Louis Idiart, Mme Françoise Imbert, MM. Serge Janquin, Armand Jung, Jean-Pierre Kucheida, Mme Conchita Lacuey, MM. Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Marylise Lebranchu, MM. Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Jean-Yves Le Drian, Michel Lefait, Jean Le Garrec, Jean-Marie Le Guen, Patrick Lemasle, Bruno Le Roux, Jean-Claude Leroy, Michel Liebgott, Mme Martine Lignières-Cassou, MM. François Loncle, Victorin Lurel, Bernard Madrelle, Louis-Joseph Manscour, Philippe Martin, Christophe Masse, Didier Mathus, Kléber Mesquida, Jean Michel, Didier Migaud, Mme Hélène Mignon, MM. Arnaud Montebourg, Henri Nayrou, Alain Néri, Mme Marie-Renée Oget, MM. Michel Pajon, Christian Paul, Christophe Payet, Germinal Peiro, Jean-Claude Perez, Mmes Marie-Françoise Perol-Dumont, Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Jean-Jack Queyranne, Paul Quilès, Alain Rodet, Bernard Roman, René Rouquet, Patrick Roy, Mme Ségolène Royal, M. Michel Sainte-Marie, Mme Odile Saugues, MM. Henri Sicre, Dominique Strauss-Kahn, Pascal Terrasse, Philippe Tourtelier, Daniel Vaillant, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vergnier, Alain Vidalies, Jean-Claude Viollet, Philippe Vuilque et Guy Lengagne, députés ;
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Vu la loi organique no 96-646 du 22 juillet 1996 relative aux lois de financement de la sécurité sociale ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi no 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal ;
Vu les observations du Gouvernement, enregistrées les 7 et 10 décembre 2002 ;
Vu les observations en réplique présentées par les députés requérants, enregistrées le 11 décembre 2002 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que les auteurs de la saisine défèrent au Conseil constitutionnel la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 ; qu'ils contestent plus particulièrement, en tout ou partie, ses articles 2, 7, 13, 20, 21, 23, 31, 42, 43, 49, 50, 51, 56 et 59 ;
Sur la sincérité de la loi déférée :
En ce qui concerne la sincérité des prévisions de recettes figurant aux articles 20 et 21 :
2. Considérant qu'en application du I de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale, l'article 20 de la loi déférée établit, pour 2003, par catégorie, les prévisions de recettes de l'ensemble des régimes obligatoires de base et des organismes créés pour concourir à leur financement ; que l'article 21 fixe les prévisions révisées des mêmes recettes pour 2002 ;
3. Considérant que les auteurs de la saisine soutiennent que, « présentant des prévisions irréalistes », ces articles méconnaîtraient l'exigence de sincérité ; qu'en particulier, leurs prévisions reposeraient sur des hypothèses de croissance économique surestimées, faute de prendre en compte les évolutions constatées au cours des trois premiers trimestres de l'année 2002 ; qu'ils invoquent à cet égard la révision en baisse des recettes fiscales de l'Etat de l'année 2002 par le projet de loi de finances rectificative déposé au Parlement, ainsi que la diminution des mêmes recettes résultant d'un amendement à la loi de finances pour 2003 actuellement en cours de discussion ; qu'ils font en outre référence à l'engagement pris par le Gouvernement de déposer un projet de loi de financement rectificative « au cas où les prévisions de recettes et de dépenses effectuées dans le cadre de la commission des comptes de printemps montreraient un décalage significatif avec les objectifs fixés » ;
4. Considérant qu'il ressort des éléments soumis au Conseil constitutionnel, comme des travaux parlementaires relatifs aux lois de finances en cours de discussion au Parlement, que les ajustements de recettes fiscales ci-dessus mentionnés, au demeurant d'ampleur limitée, résultent d'évolutions propres à certains impôts d'Etat, sans que les hypothèses économiques générales fondant les prévisions soient remises en cause ni pour 2002 ni pour 2003 ; qu'il n'apparaît pas, au regard des informations disponibles à la date du dépôt du projet dont est issue la loi déférée, comme lors de son adoption, et compte tenu des aléas inhérents aux prévisions de recettes figurant aux articles 20 et 21, que ces prévisions soient entachées d'une erreur manifeste ;
5. Considérant que l'engagement pris par le Gouvernement de déposer au cours de l'année 2003, si nécessaire, un projet de loi de financement rectificative est conforme à l'exigence de sincérité et aux dispositions du II de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale ;
En ce qui concerne la sincérité des objectifs de dépenses d'assurance maladie fixés par les articles 49, 50 et 51 :
6. Considérant qu'en application du I de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale, l'article 49 fixe à 123,5 milliards d'euros, pour l'ensemble des régimes obligatoires de base, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie pour 2003 ; que l'article 51 révise cet objectif pour 2002 en le portant à 116,7 milliards d'euros ; que l'article 50 est relatif à l'objectif propre à la branche maladie, maternité, invalidité et décès, qu'il fixe à 136,35 milliards d'euros ;
7. Considérant qu'il est allégué que les objectifs ainsi déterminés pour les dépenses d'assurance maladie seraient manifestement sous-estimés ; qu'en particulier, l'objectif national pour 2003 mentionné à l'article 49 ne pourrait qu'être dépassé « au regard des causes structurelles de la croissance des dépenses de santé » ; que la loi déférée ne comporterait aucune mesure de maîtrise de ces dépenses justifiant l'infléchissement sensible de sa progression par rapport à l'objectif révisé pour 2002 ;
8. Considérant que les objectifs dont la sincérité est contestée ont été déterminés en tenant compte des dépenses réelles observées en 2001 et au début de l'année 2002 ; que, pour prévoir la progression de ces dépenses sur l'ensemble de l'année 2002 et en 2003, ont été pris en considération à la fois l'effet différé de mesures acquises, celui des dispositions de la présente loi, ainsi que l'incidence d'engagements déjà souscrits ; qu'il ne ressort pas des éléments soumis au Conseil constitutionnel que ces estimations seraient entachées d'erreur manifeste ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les griefs tirés du défaut de sincérité de la loi déférée doivent être rejetés ;
Sur l'article 13 :
10. Considérant que l'article 13 de la loi déférée insère dans le code de la sécurité sociale les articles L. 245-13 à L. 245-13-6 en vue d'instituer, au profit de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, une « cotisation sur les bières fortes » due à raison de la livraison aux consommateurs de bières d'une teneur en alcool supérieure à 8,5 degrés ; que le montant de cette cotisation est fixé à 200 euros par hectolitre ;
11. Considérant que les requérants reprochent à cette mesure de porter atteinte au principe d'égalité ;
12. Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
13. Considérant qu'il résulte des travaux préparatoires que la cotisation créée par la loi déférée tend, comme le précise expressément le nouvel article L. 245-13 du code de la sécurité sociale, à limiter la consommation des bières à haute teneur en alcool « en raison des risques que comporte l'usage immodéré de ces produits pour la santé », en particulier celle des jeunes ; qu'au regard de l'objectif de protection de la santé publique ainsi poursuivi, le législateur n'a pas méconnu le principe d'égalité ;
Sur l'article 43 :
14. Considérant que l'article 43 de la loi déférée a pour principal objet de modifier les conditions de remboursement des dépenses exposées par les assurés sociaux pour l'achat de médicaments figurant dans un « groupe générique » au sens des dispositions du 5° de l'article L. 5121-1 du code de la santé publique ;
15. Considérant que le I de l'article 43 modifie l'article L. 162-16 du code de la sécurité sociale en vue de limiter au prix de la spécialité générique la plus chère du même groupe la prise en charge de telles dépenses par l'assurance maladie, tant lorsqu'un médicament appartenant à ce groupe a été délivré à l'assuré conformément à une prescription libellée en dénomination commune que lorsque le pharmacien a remplacé la spécialité prescrite par une autre spécialité du même groupe dans le cadre du pouvoir de substitution qu'il tient de l'article L. 5125-23 du code de la santé publique ;
16. Considérant que les dispositions nouvelles du 3° du I de l'article 43 permettent que la base de remboursement des médicaments appartenant à un même groupe générique soit limitée à un « tarif forfaitaire de responsabilité » arrêté par les ministres de la santé et de la sécurité sociale après avis du comité économique des produits de santé institué par l'article L. 162-17-3 du code de la sécurité sociale ; que, selon les requérants, ces dispositions seraient contraires au principe d'égalité et méconnaîtraient les exigences constitutionnelles relatives à la santé ;
17. Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le législateur déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général dès lors que la différence de traitement qui en résulte est en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
18. Considérant que le tarif forfaitaire de responsabilité instauré par l'article 43 de la loi déférée a pour objet de limiter les dépenses de l'assurance maladie et concourt par suite à préserver l'équilibre financier de la sécurité sociale qui constitue un objectif de valeur constitutionnelle ;
19. Considérant que ce tarif conduira à rembourser de façon uniforme les patients atteints de la même affection auxquels est prescrit un médicament d'un groupe générique déterminé ; qu'ainsi, les dispositions en cause, qui n'ont pas directement pour effet de créer des différences entre assurés sociaux, ne sont pas contraires, par elles-mêmes, au principe d'égalité ;
20. Considérant, toutefois, qu'en laissant à la charge du patient la partie du prix du médicament délivré excédant le tarif forfaitaire de responsabilité, les dispositions critiquées conduiront à faire varier la fraction remboursée du prix d'un médicament selon le coût de celui qui aura effectivement été délivré au sein d'un groupe générique déterminé ; que, de ce fait, l'institution du tarif forfaitaire de responsabilité peut créer, de manière indirecte, des différences entre assurés sociaux selon que ceux-ci auront ou non été en mesure de se faire prescrire ou délivrer un médicament générique ;
21. Considérant qu'il appartiendra au pouvoir réglementaire de prévoir les modalités d'une information précise de l'ensemble des assurés sociaux quant aux principes généraux du nouveau système de remboursement des médicaments et quant à la possibilité de se faire prescrire ou délivrer un médicament dont le prix soit égal à la base de remboursement ou le plus voisin de celle-ci ; qu'il revient en outre aux autorités administratives compétentes d'accompagner la mise en oeuvre du nouveau système de remboursement par des actions de formation des professionnels de santé à l'usage des spécialités génériques, de contribuer à l'élaboration de « bonnes pratiques » en ce qui concerne la prescription de médicaments génériques par les médecins, ainsi que d'encourager l'exercice par les pharmaciens du pouvoir de substitution qu'ils détiennent en vertu de l'article L. 5125-23 du code de la santé publique ;
22. Considérant, enfin, qu'il appartiendra aux auteurs de l'arrêté prévu par le deuxième alinéa de l'article L. 162-16 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi déférée, de fixer le tarif forfaitaire de responsabilité de telle sorte que ne soient pas remises en cause les exigences du onzième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 aux termes duquel la nation « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé » ;
23. Considérant que, sous ces réserves, les dispositions de l'article 43 de la loi déférée ne sont pas contraires à la Constitution ;
Sur l'article 59 :
24. Considérant que l'article 59 a pour objet de porter de 30 % à 60 % la part des dépenses du Fonds de solidarité vieillesse prise en charge par la Caisse nationale des allocations familiales au titre des majorations de pension accordées en fonction du nombre d'enfants ;
25. Considérant que, dans leur mémoire complémentaire, les requérants soutiennent que cette disposition ne serait conforme ni à l'exigence d'une politique de solidarité envers les familles résultant des dixième et onzième alinéas du préambule de la Constitution de 1946, ni au principe de l'autonomie des branches découlant du 3° du I de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale ; qu'ils reprochent en outre à cet article de rompre l'égalité entre les familles au détriment de celles qui ont des enfants à charge et au bénéfice de celles qui en ont eu ;
26. Considérant qu'aux termes du dixième alinéa du Préambule de 1946 : « La nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » ; que, selon son onzième alinéa : « Elle garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence » ;
27. Considérant que l'existence de branches de la sécurité sociale est reconnue par l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale ; que, si l'autonomie financière des branches ne constitue pas, par elle-même, un principe de valeur constitutionnelle, le législateur ne saurait décider des transferts de ressources et de charges entre branches tels qu'ils compromettraient manifestement la réalisation de leurs objectifs et remettraient ainsi en cause tant l'existence des branches que les exigences constitutionnelles qui s'attachent à l'exercice de leurs missions ;
28. Considérant, d'une part, que les majorations de pension accordées en fonction du nombre d'enfants s'analysent comme un avantage familial différé qui vise à compenser, au moment de la retraite, les conséquences financières des charges de famille ; que le transfert de charges critiqué ne méconnaît donc pas, par lui-même, le principe d'autonomie de la branche famille ;
29. Considérant, d'autre part, qu'eu égard au montant du transfert de charges critiqué, qui ne représente qu'un faible pourcentage de l'ensemble des dépenses de la branche famille prévues au titre de l'objectif fixé par l'article 60, l'article 59 ne remet pas en cause les exigences constitutionnelles qui s'attachent, en vertu du préambule de la Constitution de 1946, à l'exercice des missions de cette branche et ne porte pas non plus atteinte à l'égalité entre familles selon qu'elles élèvent des enfants ou qu'elles l'ont fait dans le passé ;
30. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les griefs dirigés contre l'article 59 doivent être écartés ;
Sur la présence de certaines dispositions dans la loi déférée :
31. Considérant que les députés auteurs de la saisine font grief aux dispositions des articles 2, 7, 31, 42 et 56, ainsi que du II de l'article 23, d'être étrangères au domaine des lois de financement de la sécurité sociale ;
32. Considérant qu'aux termes du dix-neuvième alinéa de l'article 34 de la Constitution : « Les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique » ; que le premier alinéa de l'article 47-1 dispose : « Le Parlement vote les projets de loi de financement de la sécurité sociale dans les conditions prévues par une loi organique » ;
33. Considérant qu'aux termes du I de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi du 22 juillet 1996 susvisée, qui constitue la loi organique prévue par les articles 34 et 47-1 de la Constitution :
« Chaque année, la loi de financement de la sécurité sociale :
« 1° Approuve les orientations de la politique de santé et de sécurité sociale et les objectifs qui déterminent les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale ;
« 2° Prévoit, par catégorie, les recettes de l'ensemble des régimes obligatoires de base et des organismes créés pour concourir à leur financement ;
« 3° Fixe, par branche, les objectifs de dépenses de l'ensemble des régimes obligatoires de base comptant plus de vingt mille cotisants actifs ou retraités titulaires de droits propres ;
« 4° Fixe, pour l'ensemble des régimes obligatoires de base, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie ;
« 5° Fixe, pour chacun des régimes obligatoires de base visés au 3° ou des organismes ayant pour mission de concourir à leur financement qui peuvent légalement recourir à des ressources non permanentes, les limites dans lesquelles ses besoins de trésorerie peuvent être couverts par de telles ressources » ;
34. Considérant que le III du même article dispose en son premier alinéa : « Outre celles prévues au I, les lois de financement de la sécurité sociale ne peuvent comporter que des dispositions affectant directement l'équilibre financier des régimes obligatoires de base ou améliorant le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale » ;
En ce qui concerne l'article 2 :
35. Considérant que l'article 2 de la loi déférée complète l'ordonnance no 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires en créant une délégation parlementaire dénommée « Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé » ; qu'en vertu des termes mêmes de l'article contesté, cette nouvelle délégation a pour mission d'informer le Parlement des conséquences des choix de santé publique « afin de contribuer au suivi des lois de financement de la sécurité sociale » ; qu'ainsi, les dispositions de l'article 2 ne sont pas étrangères au domaine ouvert aux lois de financement de la sécurité sociale par le III de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale ;
En ce qui concerne les articles 7 et 31 :
36. Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la loi déférée : « Le Gouvernement transmet chaque année au Parlement, au plus tard le 15 octobre, un rapport analysant l'évolution, au regard des besoins de santé, des soins financés au titre de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie » ; qu'en vertu du premier alinéa de son article 31 : « Lorsqu'il agrée ou approuve les accords, conventions, annexes et avenants mentionnés aux articles L. 162-1-13, L. 162-14-1 et L. 162-14-2 du code de la sécurité sociale, le ministre chargé de la sécurité sociale adresse aux commissions compétentes du Parlement un rapport sur la cohérence de ces accords, conventions, annexes et avenants avec l'objectif prévu au 4° du I de l'article LO 111-3 dudit code » ;
37. Considérant, en premier lieu, que les rapports dont il s'agit ne doivent être ni annexés au projet de loi de financement de la sécurité sociale, ni nécessairement déposés en même temps que lui ; qu'ainsi, les articles 7 et 31 ne méconnaissent pas les prescriptions du premier alinéa de l'article 47-1 de la Constitution qui réservent à la loi organique le soin de déterminer les conditions dans lesquelles le Parlement vote la loi de financement de la sécurité sociale ;
38. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'objet même de ces rapports que les dispositions critiquées tendent à améliorer le contrôle par le Parlement de l'application des lois de financement de la sécurité sociale ; qu'elles trouvent dès lors leur place dans la loi déférée en vertu du III de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale ; qu'il n'en est pas de même, en revanche, du second alinéa de l'article 31 aux termes duquel : « Copie de ce rapport est adressée au conseil de surveillance de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés » ; que cet alinéa doit être déclaré contraire à la Constitution ;
En ce qui concerne l'article 23 :
39. Considérant que le I de l'article 23 de la loi déférée complète les missions du Fonds pour la modernisation des établissements de santé en le chargeant de financer des audits de la gestion et de l'organisation de l'ensemble des activités des établissements de santé ; qu'il prévoit que des recommandations de gestion hospitalière seront élaborées à partir des résultats des audits et diffusées auprès de ces établissements ; que, par ces dispositions, le législateur a entendu améliorer la gestion et l'organisation des hôpitaux ; que les effets attendus de ces audits seront de nature à influer de façon significative sur l'équilibre général de l'assurance maladie ; qu'ainsi, le I de l'article 23 n'est pas étranger au domaine des lois de financement de la sécurité sociale tel qu'il est fixé par le III de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale ;
40. Considérant qu'en excluant du droit à communication institué par la loi du 17 juillet 1978 susvisée les rapports d'audit mentionnés ci-dessus, le II de l'article 23 tend à assurer la confidentialité et, par suite, la sincérité et la qualité de ces rapports ; qu'il est donc inséparable du I ; qu'il s'ensuit que les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'il ne trouve pas sa place dans la loi déférée ;
En ce qui concerne l'article 42 :
41. Considérant que l'article 42 de la loi de financement a pour objet de reporter du 31 décembre 2003 au 31 décembre 2006 l'échéance avant laquelle doivent être conclues les « conventions tripartites » prévues à l'article L. 313-12 du code de l'action sociale et des familles et dont seulement un dixième environ a été signé à ce jour ; qu'il aura pour effet d'étaler sur trois années supplémentaires la progression des charges incombant à l'assurance maladie en raison de la médicalisation des établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes ; que, par son impact sur l'équilibre du financement de l'assurance maladie en 2003, il entre dans le champ de compétence de la loi de financement de la sécurité sociale ;
En ce qui concerne l'article 56 :
42. Considérant que l'article 56 comporte trois séries de dispositions relatives à la branche « accidents du travail et maladies professionnelles » du régime général de la sécurité sociale ; que chacune de ces trois séries de dispositions est séparable des deux autres ;
43. Considérant que les IV, V et VI de l'article 56 tendent à doter cette branche d'une « convention d'objectifs et de gestion » ; que, par leur objet et leurs effets attendus, ces dispositions sont de nature à affecter de façon significative l'équilibre financier du régime général ;
44. Considérant que le VII du même article institue, pour la branche, un conseil de surveillance dont le président et plusieurs membres sont des parlementaires en application de l'article L. 228-1 du code de la sécurité sociale ; qu'il concourt ainsi à améliorer le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale ;
45. Considérant, en revanche, que le II du même article prévoit que les membres de la commission des accidents du travail et maladies professionnelles, choisis jusqu'alors par les membres du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, seront désormais directement désignés par les organisations professionnelles et syndicales représentatives ; que ces dispositions, ainsi que celles du I et du III qui en sont indissociables, n'ont pour effet ni d'affecter directement l'équilibre financier du régime général, ni d'améliorer le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale ; que, par suite, elles ne peuvent figurer dans une telle loi et doivent être déclarées non conformes à la Constitution ;
En ce qui concerne les articles 28, 30 et 32 :
46. Considérant que l'article 28 de la loi déférée permet aux praticiens hospitaliers exerçant une activité libérale à l'hôpital de percevoir leurs honoraires « directement » et non plus seulement « par l'intermédiaire de l'administration de l'hôpital » ; que l'article 30 substitue, au chapitre II du titre VI du livre Ier du code de la sécurité sociale, l'appellation « contrats de pratique professionnelle » à celle de « contrats de bonne pratique » ; que l'article 32 change la dénomination du service du contrôle médical de l'assurance maladie et redéfinit ses missions sans en modifier la substance ;
47. Considérant qu'aucune de ces dispositions n'affecte de manière significative l'équilibre financier des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale ; qu'aucune d'entre elles n'améliore non plus le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale ; que, par suite, elles doivent être déclarées non conformes à la Constitution comme étrangères au domaine des lois de financement de la sécurité sociale ;
48. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune autre question de conformité à la Constitution,
Décide :
Article 1
Sont déclarés contraires à la Constitution les articles 28, 30 et 32 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, ainsi que le second alinéa de son article 31 et les I, II et III de son article 56.Article 2
L'article 43 de la même loi est déclaré conforme à la Constitution sous les réserves énoncées aux considérants 21 et 22.Article 3
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 12 décembre 2002, où siégeaient : MM. Yves Guéna, président, Michel Ameller, Jean-Claude Colliard, Olivier Dutheillet de Lamothe, Pierre Joxe, Pierre Mazeaud, Mmes Monique Pelletier, Dominique Schnapper et Simone Veil.
Le président,
Yves Guéna