J.O. Numéro 128 du 4 Juin 2002       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet

Texte paru au JORF/LD page 10002

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Décision de la Commission de régulation de l'électricité (CRE) en date du 2 mai 2002 sur un différend qui oppose le gestionnaire du Réseau de transport d'électricité (RTE) et la Régie autonome des transports parisiens (RATP) relatif aux conditions de prise en compte de la multiplicité des points de livraison dans le dispositif contractuel d'accès au réseau électrique


NOR : CREX0205600S



La Commission de régulation de l'électricité,
Vu la demande de règlement d'un différend enregistrée sous le numéro 02-38-01, le 18 février 2002, présentée par le gestionnaire du Réseau de transport d'électricité (RTE), dont le siège social est situé immeuble Delalande, 34-40, rue Henri-Régnault, 92068 Paris-La Défense Cedex 48, représenté par son directeur, M. André Merlin, opposant le gestionnaire du Réseau de transport d'électricité (RTE) à la Régie autonome des transports parisiens (RATP) ;
Dans son contrat intégré du 5 février 1985 comportant à la fois la fourniture et le transport d'électricité, la RATP bénéficiait auprès d'EDF d'une mesure consistant à regrouper contractuellement ses différents points de livraison afin de bénéficier du foisonnement de ses besoins de puissance, et en permettant ainsi de souscrire une puissance globale pour l'ensemble de ses points de livraison.
A compter du 1er février 2000, la RATP a fait jouer son éligibilité, considérant que les dispositions d'effet direct de la directive no 196/92/CE s'appliquaient du fait de sa qualité d'exploitant de réseau de transport collectif urbain, et a signé, à ce titre, un dispositif contractuel de mise à disposition d'énergie électrique (MADE) sur le réseau public de transport avec RTE.
La RATP a demandé l'application d'une mesure de regroupement contractuel de ses différents points de livraison alimentant son réseau ferroviaire (métro parisien).
Cette demande n'a pas été acceptée par RTE lors de la signature du premier dispositif contractuel de mise à disposition d'énergie électrique sur le réseau public de transport qui s'appliquait à partir du 1er février 2000, pour une durée d'un an. Le nouveau projet de dispositif contractuel d'accès au réseau, dont la date d'entrée en application était fixée au 1er février 2001, maintenait ce refus.
La RATP a refusé de signer ce projet de nouveau dispositif contractuel d'accès au réseau.
Depuis le 1er février 2001, la RATP n'a donc plus de dispositif contractuel d'accès au réseau public de transport valide et signé. RTE émet néanmoins des factures selon les dispositions contractuelles précédentes (1er février 2000 - 31 janvier 2001), qui ne prévoyaient pas le regroupement. De son côté, la RATP refuse de payer les montants demandés et règle les sommes qu'elle estime devoir payer si le regroupement des points de livraison lui était accordé selon les modalités qui prévalaient avant le 1er février 2000.
RTE considère que, d'un point de vue technique, la structure d'alimentation des points de livraison de la RATP et leurs modalités d'exploitation n'induisent pas d'économies de réseau. RTE considère que, pour le réseau public de transport, les puissances appelées par la RATP ne foisonnent qu'au niveau de tension 400 kV et que le regroupement dont la RATP a pu bénéficier dans le cadre tarifaire intégré devait relever d'EDF-Producteur et non d'EDF-gestionnaire de réseau.
RTE considère que, d'un point de vue contractuel, il serait discriminatoire d'accorder le regroupement des points de livraison, en l'absence de fondement physique.
RTE considère que, d'un point de vue juridique, le cahier des charges type de la concession à EDF du réseau d'alimentation générale (RAG) en énergie électrique (approuvé par décret du 23 décembre 1994) implique un contrat d'accès par point de livraison et que la RATP ne peut pas bénéficier de l'application de l'article 18 de ce cahier des charges permettant de déroger à cette règle.
« Le concessionnaire est tenu de signer un contrat de fourniture par point de livraison. Des dérogations peuvent être accordées par le concessionnaire dans certaines circonstances, avec l'accord du ministre chargé de l'électricité, notamment pour les cas visés ci-après :
- si plusieurs points de livraison concourent à l'alimentation d'un service ou d'une entreprise de distribution desservant des zones territoriales contiguës, il pourra être signé un seul contrat pour l'ensemble des points de livraison ;
- dans le cas où, pour des raisons de continuité de la fourniture, une même installation est alimentée par plusieurs points de livraison, il est signé un seul contrat de fourniture avec le client pour l'ensemble des points de livraison concernés.
Dans tous les cas, les tarifs mentionnés à l'article 17 sont adaptés pour tenir compte des coûts supplémentaires supportés par le concessionnaire pour alimenter ce client en plusieurs points de livraison et, éventuellement, parce que les points de livraison sont à des niveaux de tension physique de raccordements différents, ainsi que des avantages particuliers d'exploitation obtenus notamment par des reports organisés de puissance d'un point de livraison à un autre. »
RTE considère que l'alimentation de la RATP par 12 liaisons et 7 points de livraison ne paraît pas justifiée par des raisons de continuité de fourniture, mais avant tout par des considérations géographiques afin de permettre l'alimentation d'installations électriques disséminées sur un territoire étendu, dans la mesure où 2 voire 3 liaisons suffisent pour garantir une sûreté d'alimentation. A ce titre, RTE considère que le réseau ferroviaire de la RATP ne constitue pas une seule et même installation dont l'alimentation se ferait par des points de livraison multiples à seule fin de garantir la continuité de fourniture.
RTE expose les différents échanges entre les deux sociétés depuis fin 2000, qui se sont soldés par un désaccord aboutissant à la saisine de la commission.
RTE demande à la CRE de se prononcer sur :
- l'applicabilité des regroupements des points de livraison de la RATP ;
- le caractère non discriminatoire des conditions contractuelles accordées à la RATP ;
- la conclusion des contrats ;
- les conditions financières du règlement de ce différend.

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Vu les observations en défense enregistrées le 20 mars 2002, présentées par la Régie autonome des transports parisiens (RATP), dont le siège social est situé 54, quai de la Rapée, 75012 Paris, représenté par le directeur du département des équipements et système du transport, M. André Pascal ;
La RATP considère que, d'un point de vue juridique, elle peut bénéficier de l'application de l'article 18 du cahier des charges du RAG et qu'aucun élément de droit communautaire ou français ne permet à RTE de découper les dispositifs contractuels existants par points de livraison. La RATP considère que c'est effectivement pour des raisons de continuité de la fourniture que le réseau urbain (métro de Paris) est alimenté par plusieurs points de livraison et que par conséquent elle peut bénéficier de l'application de cet article 18.
Sur le plan économique, la RATP s'appuie sur le rapport du groupe d'expertise économique présidé par M. Champsaur qui envisageait le regroupement et sur la consultation relative aux principes de tarification de l'utilisation des réseaux publics (mai 2000) dans lesquels la CRE proposait d'accepter le regroupement tarifaire des points de livraison.
Sur le plan physique, la RATP considère qu'étant donné l'impossibilité de déterminer à l'avance l'itinéraire de l'électricité, il convient de foisonner les puissances consommées et précise que l'entrelacement des différents points d'alimentation permet de lisser la charge au niveau des points de livraison. RTE considère que le foisonnement physique n'existe qu'en 400 kV. La RATP dénonce cet argument compte tenu de l'existence de la ceinture 225 kV parallèle à la ceinture 400 kV et demande l'application d'un regroupement en 225 kV.
Sur le plan de ses engagements, la RATP indique que la double source d'alimentation est imposée par l'article 3.6 de son cahier des charges, approuvé par décret no 75-740 du 4 juin 1975 :
« ... Toutes les parties souterraines sont pourvues d'au moins trois circuits issus de deux sources d'alimentation. Deux de ces circuits sont raccordés sur chacune des deux sources d'alimentation, le troisième est alimenté normalement par l'une des deux sources et permuté automatiquement sur l'autre source en cas de défaillance de la première. »
La RATP précise que son réseau interne fournit un service à RTE en lui permettant de délester un point de livraison à la demande de RTE.
La RATP fait part des accords passés mentionnés :
- dans son contrat de fourniture d'énergie du 26 décembre 1961 :
Article 3 : raccordement et points de livraison :
« Ces câbles et leurs cellules de départ seront établis à l'usage exclusif de la RATP, par les soins d'EDF, et feront partie de sa concession ; RATP remboursera à EDF le coût de premier établissement de ces ouvrages, taxes fiscales comprises, majoré de 7,5 % de frais généraux. »
Article 7 : puissances souscrites :
« La RATP aura la faculté de reporter d'un point de livraison sur un autre une fraction de la puissance souscrite... »
- dans une lettre du directeur général d'EDF du 26 décembre 1961 :
« Le tarif fixé d'un commun accord dans ce contrat tient compte du niveau important de la puissance maximale appelée par RATP. Il tient compte également du fait que les points de livraison 63 kV de RATP seront interconnectés par son réseau intérieur et qu'il en résultera une meilleure utilisation de l'ensemble des ouvrages des réseaux EDF et RATP, notamment en raison de la possibilité d'effectuer des reports de puissance d'un point de livraison sur un autre à la demande de l'une ou de l'autre des parties. »
La RATP précise que son réseau a été conçu pour assurer la sécurité d'alimentation et la recherche d'un optimum économique.
La RATP indique avoir des besoins proches des réseaux de transport « ferroviaire » ou des distributeurs dans la mesure où les nombreux points de livraisons sont nécessaires tout d'abord par la longueur des lignes à alimenter, mais aussi en termes de sécurité pour la disponibilité de l'alimentation en énergie.
La RATP se considère un « client en or » dans la mesure où sa pérennité, comparée à celle d'un industriel, permet d'amortir les investissements sur une période très longue.
La RATP considère qu'il n'est pas dans la mission de la CRE de rechercher les éventuelles responsabilités de l'échec de la négociation entre RTE et la RATP.
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Vu les observations en réplique du gestionnaire du Réseau de transport d'électricité (RTE) enregistrées le 5 avril 2002 ;
RTE précise que la RATP a choisi librement de signer de nouvelles dispositions contractuelles dans le nouveau cadre juridique fixé par la loi no 2000-108 du 10 février 2000, que ce n'était en aucun cas une obligation et que la RATP disposait de l'ensemble des éléments économiques et juridiques lui permettant de choisir entre le maintien de son contrat intégré et la conclusion de contrats de fourniture et de transport dissociés.
RTE considère que le différend n'est pas de nature économique mais porte sur l'applicabilité d'une mesure de regroupement aux points de livraison de la RATP et sur le règlement des sommes dues par la RATP selon les tarifs d'accès, non discriminatoires, au réseau public de transport.
RTE considère que la consultation de la CRE n'a pas de valeur juridique tant qu'elle n'est pas reprise dans une proposition formelle puis acceptée par le Gouvernement et que le rapport Champsaur parlait du regroupement pour les distributeurs uniquement en précisant que ce regroupement devrait être financé par EDF-Producteur et non par le gestionnaire du réseau de transport.
Afin de permettre les reports de charges, RTE indique avoir développé, exploité, entretenu et renouvelé du réseau électrique HTB en amont des différents points de livraison de la RATP. RTE souhaite être rémunéré en conséquence.
Concernant les reports de charge effectués à la demande de RTE, celui-ci précise qu'ils ne donneront pas lieu à facturation des dépassements de puissance.
RTE précise que tous les clients de RTE contribuent au développement du réseau de transport et que l'importance de la RATP ne lui confère aucun droit particulier. RTE indique que les investissements dans la région parisienne ne sont pas amortis et que, même s'ils l'étaient, le principe de la péréquation tarifaire fait qu'il n'en découlerait aucun droit particulier pour la RATP.
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Vu l'ensemble des dossiers remis par les deux parties ;
Vu la décision du 18 février 2002 du président de la Commission de régulation de l'électricité relative à la désignation d'un rapporteur pour l'instruction d'une demande de règlement de différend ;
Vu la loi no 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ;
Vu le décret du 23 décembre 1994 approuvant le cahier des charges type de la concession à Electricité de France du réseau d'alimentation générale en énergie électrique ;
Vu le décret no 2000-894 du 11 septembre 2000 relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l'électricité ;
Vu le décret no 2001-365 du 26 avril 2001 relatif aux tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité ;
Vu la décision du 15 février 2001 de la Commission de régulation de l'électricité relative au règlement intérieur de la commission ;
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Après avoir entendu, le 2 mai 2002, lors de l'audience publique devant la commission :
En présence :
- de M. Jean Syrota, président, et Mme Jacqueline Benassayag, MM. Raphaël Hadas-Lebel, Bruno Lechevin, François Morin, Jacques-André Troesch, commissaires ;
- de MM. Thierry Tuot, directeur général, Marc de Monsembernard, directeur juridique, et Martin Vancostenoble, rapporteur ;
- de MM. Olivier Lavoine, Jean-Michel Prost et Frédéric Roy, pour le gestionnaire du Réseau de transport d'électricité (RTE) ;
- de MM. André Pascal et Patrick Varral, pour la Régie autonome des transports parisiens (RATP) :
- le rapport de M. Martin Vancostenoble, rapporteur présentant les moyens et les conclusions des parties ;
- les observations de MM. Olivier Lavoine pour le gestionnaire du Réseau de transport d'électricité (RTE) ;
- les observations de MM. André Pascal et Patrick Varral pour la Régie autonome des transports parisiens (RATP),
la commission en ayant délibéré le 2 mai 2002, après que les parties, le rapporteur, le public et les agents de la CRE se furent retirés,



I. - Sur les faits :
Le différend oppose la Régie autonome des transports parisiens (RATP) et le gestionnaire du Réseau de transport d'électricité (RTE). Il porte sur la conclusion de dispositions contractuelles d'accès au réseau et plus particulièrement sur l'applicabilité et les conditions d'application de l'article 18 du cahier des charges du RAG, qui permet dans certains cas de regrouper plusieurs points de livraison pour souscrire une seule puissance.
Le contrat intégré d'accès au réseau et de fourniture d'électricité entre la RATP et EDF, en vigueur avant 2000, permettait à la RATP de foisonner les puissances disponibles à chaque point de livraison. La RATP demande à RTE l'incorporation de cette stipulation dans le cadre de ses nouvelles dispositions contractuelles de mise à disposition d'énergie électrique (MADE) sur le réseau public de transport au 1er février 2001, bien que celui signé pour la période du 1er février 2000 au 31 janvier 2001 ne l'ait pas stipulé. RTE refuse d'intégrer cette stipulation.


II. - Sur la réglementation applicable :
Sur la prise en compte du « rapport Champsaur » :
Ce rapport, étant dépourvu de portée juridique, ne peut servir de base légale pour régler le présent différend.


Sur la prise en compte de la consultation de la CRE sur les principes tarifaires :
Le texte de la CRE, cité par la RATP, était une consultation sur les principes tarifaires que la commission envisageait d'appliquer dans le cadre de la proposition tarifaire qu'il lui appartient d'adresser au Gouvernement conformément à la loi du 10 février 2000.
Tant que ces principes n'auront pas été acceptés par le Gouvernement et adoptés dans un décret tarifaire en application du décret no 2001-365 du 26 avril 2001 relatif aux tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité, ils sont dépourvus de toute valeur légale et ne peuvent donc être pris en considération pour la solution du différend.


Sur la prise en compte des contrats antérieurs :
La loi du 10 février 2000 impose une séparation entre la fourniture d'électricité, d'une part, et l'usage des réseaux, d'autre part, qui doivent faire l'objet de contrats distincts. La loi du 10 février 2000 prévoit, dans son article 49, la résiliation de plein droit des contrats en cours pour les clients demandant à conclure un dispositif contractuel d'accès au réseau. La RATP avait librement conclu un dispositif contractuel d'accès au réseau qui a entraîné, de plein droit, la résiliation du contrat antérieur. Dès lors, la RATP n'est plus fondée à se prévaloir des stipulations antérieures, ni à revendiquer un droit acquis au maintien de ces stipulations, dont l'éventuelle incorporation aux nouvelles dispositions contractuelles doit être appréciée au moment de leur conclusion et au regard du nouvel environnement juridique applicable.


Sur la prise en compte du cahier des charges de la RATP :
Le cahier des charges de la RATP lui impose des sujétions particulières en matière de sécurité, qui sont reflétées par la structure de son réseau et de son alimentation par RTE.
Ces circonstances de droit et de fait ne sont pas spécifiques à la RATP. Les conditions particulières d'alimentation à des fins de sécurisation, qu'elles soient demandées du propre chef des utilisateurs du réseau ou en application de contraintes légales, génèrent des surcoûts chez RTE. L'introduction de clauses spécifiques dans le dispositif contractuel d'accès au réseau ne saurait exonérer la RATP, comme tout utilisateur du réseau, de la charge de ces surcoûts. Cette exonération serait clairement discriminatoire et contraire tant au texte du cahier des charges du réseau d'alimentation générale (RAG), examiné ci-après, qu'au décret du 26 avril 2001 et au principe de non-discrimination dans l'accès aux réseaux posé par la loi du 10 février 2000.


Sur l'applicabilité de l'article 18 du cahier des charges type de la concession à Electricité de France conforme au cahier des charges type annexé au décret du 23 décembre 1994 :
L'article 18 du RAG dispose que « le concessionnaire est tenu de signer un contrat de fourniture par point de livraison. Des dérogations peuvent être accordées par le concessionnaire dans certaines circonstances, avec l'accord du ministre chargé de l'électricité, notamment pour les cas visés ci-après :
- si plusieurs points de livraison concourent à l'alimentation d'un service ou d'une entreprise de distribution desservant des zones territoriales contiguës, il pourra être signé un seul contrat pour l'ensemble des points de livraison ;
- dans le cas où, pour des raisons de continuité de la fourniture, une même installation est alimentée par plusieurs points de livraison, il est signé un seul contrat de fourniture avec le client pour l'ensemble des points de livraison concernés.
Dans tous les cas, les tarifs mentionnés à l'article 17 sont adaptés pour tenir compte des coûts supplémentaires supportés par le concessionnaire pour alimenter ce client en plusieurs points de livraison et, éventuellement, parce que les points de livraison sont à des niveaux de tension physique de raccordements différents, ainsi que des avantages particuliers d'exploitation obtenus notamment par des reports organisés de puissance d'un point de livraison à un autre. »
L'article 1er du décret du 26 avril 2001 relatif aux tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité dispose que « les tarifs hors taxes d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité sont fixés conformément aux dispositions qui suivent, nonobstant toute disposition contraire des cahiers des charges des concessions, des règlements de service des régies, des contrats et des protocoles ».
Ce décret ne comporte aucune disposition sur la multiplicité des points de livraison des utilisateurs du RAG autres que les gestionnaires de réseaux de distribution. Le décret fixant les tarifs d'utilisation des réseaux publics d'électricité en application du décret du 26 avril 2001, qui pourrait, le cas échéant, traiter de cette question, n'a pas été adopté par le Gouvernement à ce jour. Par conséquent, en l'attente de la publication de ce décret, l'article 18 du cahier des charges du RAG, qui ne contredit aucune des dispositions du décret du 26 avril 2001, continue à s'appliquer.


III. - Sur les principes techniques d'un regroupement en application de l'article 18 du cahier des charges du RAG et sur les surcoûts éventuels engendrés :
Sur les principes techniques du réseau interne de la RATP :
Le réseau électrique de la RATP est alimenté à partir de 7 points de livraison en haute tension (3 en 225 kV et 4 en 63 kV) au moyen de 12 liaisons de raccordement en HTB au réseau public de transport (voir annexe I).
Les sept points de livraison sont :
- pour le 63 kV : Denfert, Père Lachaise AB, Lamarck et Monttessuy ;
- pour le 225 kV : Père Lachaise C, Ney et René Coty.
Côté RATP, les douze extrémités des liaisons de raccordement sont les suivantes : Père Lachaise A, Père Lachaise B, Père Lachaise C, Lamarck A, Larmarck B, Ney A, Denfert A, Denfert B, René Coty A, René Coty B, Monttessuy A, Monttessuy B.


Sur l'application de l'article 18 du cahier des charges du RAG :
L'article 18 du RAG prévoit la faculté pour le gestionnaire du réseau de regrouper des points de livraison et apporte des précisions, de façon non limitative, dans deux cas :
- le premier tiret du premier alinéa de l'article 18 ne concerne que les distributeurs et n'est pas invoqué par les parties, auxquelles il n'est pas applicable ;
- le deuxième tiret concerne les installations qui, pour des raisons de continuité de la fourniture, doivent être alimentées par plusieurs points de livraison.
Il ne ressort pas des pièces du dossier que la multiplicité des points de livraison de la RATP au RAG résulterait d'exigence de sécurité et de continuité de fourniture. En effet, plusieurs postes de transformation de la RATP (Denfert, Lamarck, Père Lachaise AB, Monttessuy et René Coty) bénéficient d'une double alimentation sur le réseau de RTE, qui assure à ce titre la sécurité d'alimentation. Les deux seuls postes (Père Lachaise C et Ney) ne disposant que d'une seule liaison d'alimentation sont sécurisés par le réseau intérieur de la RATP, avec un bouclage interne, respectivement, sur les postes de Père Lachaise AB et Lamarck. La continuité et la sécurité de fourniture impliquent donc la multiplicité des liaisons, mais pas celle des points de livraison.
En conséquence, RTE n'est nullement tenu de procéder aux regroupements des différents points de livraison en application du deuxième tiret du premier alinéa de l'article 18 du RAG.
L'article 18 du RAG ouvre néanmoins la possibilité du regroupement des points de livraison dans d'autres cas, non explicitement indiqués, en précisant que, dans l'hypothèse d'un regroupement, les tarifs doivent être adaptés pour tenir compte notamment des coûts supplémentaires supportés par le concessionnaire pour alimenter le client en plusieurs points de livraison.
L'exercice de ce pouvoir discrétionnaire reconnu par l'article 18 au gestionnaire du réseau de transport n'est conditionné par aucune règle ou principe particulier, dès lors qu'il demeure conforme aux dispositions de la loi du 10 février 2000 et à ses textes d'application gouvernant l'accès au réseau.
La commission constate en premier lieu que le refus du regroupement ne viole aucun des principes gouvernant l'accès au réseau.
En second lieu, elle constate qu'aucun des motifs allégués par la RATP pour bénéficier du regroupement n'est de nature à rendre illégal le refus qui lui a été opposé.


Sur le service fourni par la RATP à RTE :
Le besoin de report entre deux points au sein d'un ensemble ne doit en principe être effectué que pour faire face à un incident sur le réseau et non en mode de fonctionnement normal. Les câbles d'alimentation reliant le réseau public de transport à ces points ayant été établis à l'usage exclusif de la RATP, ces liaisons sont dédiées à son usage et ne sont pas maillées avec le reste du réseau. En conséquence, les possibilités de report (sur le réseau RATP) en cas d'incident sur le réseau de RTE servent essentiellement et directement à garantir la sécurité d'alimentation de la RATP et non à sécuriser l'alimentation des autres utilisateurs et distributeurs à Paris. Le service rendu par la RATP a donc pour objet principal d'améliorer la qualité du service rendu par RTE à la RATP. Il permet à RTE de fournir une prestation à la RATP de meilleure qualité en termes de coupure par rapport à celle fournie aux utilisateurs traditionnels.
Le service rendu par la RATP à RTE bénéficiant avant tout à la RATP, il n'est donc pas légitime d'en tenir compte, d'autant plus que RTE s'engage, dans son projet de dispositif contractuel, à ne pas facturer les dépassements de puissance liés à des reports demandés ou occasionnés par lui.


Sur la qualité de « client en or » que s'attribue la RATP :
Le tarif d'accès au réseau électrique de transport doit couvrir l'ensemble des charges du gestionnaire du réseau public de transport. La pérennité ou les caractéristiques économiques d'un client n'ont donc pas d'impact sur les recettes de RTE puisque le tarif est établi pour couvrir les charges.
En tout état de cause, la pérennité d'un utilisateur ne peut être appréciée avec suffisamment d'objectivité pour pouvoir être prise en compte dans une application non discriminatoire de la tarification.
Dans les faits, la pertinence de ce critère serait d'ailleurs très contestable. La consommation électrique et la puissance appelée de la RATP ont un impact faible au niveau de la demande globale parisienne.
La puissance demandée par la RATP correspond à la puissance supplémentaire nécessaire pour faire face à quelques années de hausse de la consommation. Or, l'évolution moyenne de la consommation à Paris nécessite des renforcements réguliers des alimentations électriques. A ce titre, on peut signaler que l'alimentation électrique de l'Ouest parisien (en particulier le poste de Cergy) est actuellement proche de la saturation et que RTE a lancé un vaste programme de sécurisation et de renforcement de réseau pour faire face à la hausse de la consommation. Trois nouveaux postes sources destinés à la distribution d'électricité seront donc créés dans Paris : les postes Muette, Longchamp et Ternes. La non-pérennité de certains clients permettrait à RTE de reporter certains investissements et conduirait à court terme à améliorer les comptes de RTE.


Sur la discrimination contractuelle :
Le refus de regroupement des sept points de livraison de la RATP est, comme il a été dit ci-dessus, conforme au droit en vigueur. A ce titre, et notamment en l'absence d'éléments précis en sens contraire présentés par la RATP, la commission considère, sur la base des informations dont elle dispose à ce jour, que le dispositif contractuel proposé par RTE n'est pas discriminatoire.
En conséquence, la RATP doit, pour continuer à avoir accès au réseau, conclure avec RTE autant de contrats distincts que de points de livraison, soit sept.


IV. - Sur le règlement financier du différend :
La commission considère que les factures d'accès au réseau de la RATP doivent être régularisées sur la base d'un dispositif contractuel ne comportant pas le regroupement des points de livraison, cela à compter du 1er février 2001, les montants restant dus à la date de signature des contrats portant intérêt au taux légal depuis cette date,
Décide :


Art. 1er. - RTE est fondé à refuser le regroupement des sept points de livraison de la RATP ; ce refus n'est, en l'état, pas discriminatoire ; chaque point de livraison doit faire l'objet de contrats d'accès séparés.


Art. 2. - Les sept contrats proposés par RTE à la RATP ne comportant pas le regroupement des points de livraison prendront effet, après leur signature, au 1er février 2001, les factures pendantes étant régularisées sur leur base et les montants non versés à la date de signature portant intérêt au taux légal depuis le 1er février 2001.


Art. 3. - La présente décision sera notifiée à RTE et à la RATP et publiée au Journal officiel de la République française.


Fait à Paris, le 2 mai 2002.

Le président,
J. Syrota


A N N E X E I
SCHEMA D'ALIMENTATION ELECTRIQUE DE LA RATP
(Source RATP)

Vous pouvez consulter le cliché dans le JO
n° 128 du 04/06/2002 page 10002 à 10023

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