Le Conseil constitutionnel,
Vu 1o la requête, enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 15 mai 2002, par laquelle M. Stéphane Hauchemaille, demeurant à Meulan (Yvelines), demande l'annulation :
- du décret no 2002-825 du 3 mai 2002 portant convocation des collèges électoraux en Polynésie française pour l'élection des députés à l'Assemblée nationale et fixant le déroulement des opérations électorales ;
- du décret no 2002-888 du 8 mai 2002 portant convocation des collèges électoraux pour l'élection des députés à l'Assemblée nationale et fixant le déroulement des opérations électorales ;
Vu 2o la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés comme ci-dessus le 17 mai 2002, par lesquels l'association Déclic, dont le siège est à Basse-Terre (Guadeloupe), demande l'annulation du décret no 2002-888 du 8 mai 2002 portant convocation des collèges électoraux pour l'élection des députés à l'Assemblée nationale et fixant le déroulement des opérations électorales ;
Vu 3o la requête, enregistrée comme ci-dessus le 21 mai 2002, par laquelle M. Stéphane Hauchemaille demande l'annulation de la décision du Conseil supérieur de l'audiovisuel no 2002-265 du 14 mai 2002 relative aux conditions de production, de programmation et de diffusion des émissions relatives à la campagne officielle en vue des élections législatives des 9 et 16 juin 2002 ;
Vu les observations présentées par le Gouvernement, enregistrées comme ci-dessus le 21 mai 2002 ;
Vu la Constitution, notamment ses articles 8, 38, 50 et 59 ;
Vu le code électoral ;
Vu l'ordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre VI du titre II ;
Vu la loi no 99-899 du 25 octobre 1999 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer ;
Vu l'ordonnance no 2000-350 du 19 avril 2000 portant actualisation et adaptation du droit électoral applicable outre-mer ;
Vu les décrets du 6 mai 2002 relatif à la cessation des fonctions du Gouvernement et portant nomination du Premier ministre ;
Vu le décret du 7 mai 2002 relatif à la composition du Gouvernement ;
Vu les actes attaqués ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre divers actes relatifs à l'élection des députés à l'Assemblée nationale ; qu'il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule décision ;
Sur la compétence du Conseil constitutionnel :
2. Considérant qu'en vertu de la mission de contrôle de la régularité des élections des députés et des sénateurs qui lui est conférée par l'article 59 de la Constitution, le Conseil constitutionnel peut exceptionnellement statuer sur les requêtes mettant en cause des élections à venir, dans les cas où l'irrecevabilité qui serait opposée à ces requêtes risquerait de compromettre gravement l'efficacité de son contrôle de l'élection des députés et des sénateurs, vicierait le déroulement général des opérations électorales ou porterait atteinte au fonctionnement normal des pouvoirs publics ;
3. Considérant que les conditions qui permettent exceptionnellement au Conseil constitutionnel de statuer avant la proclamation des résultats des élections sont réunies, eu égard à leur nature, en ce qui concerne les décrets susvisés des 3 et 8 mai 2002 portant convocation des collèges électoraux pour le renouvellement général de l'Assemblée nationale ; qu'en revanche, elles ne le sont pas en ce qui concerne la décision susvisée du Conseil supérieur de l'audiovisuel du 14 mai 2002 qui se borne à fixer les conditions de production, de programmation et de diffusion des émissions relatives à la campagne officielle en vue des élections législatives ;
Sur la requête présentée par M. Hauchemaille :
4. Considérant que le requérant soutient, à titre principal, que le décret susvisé du 3 mai 2002 manquerait de base légale dès lors que, faute d'avoir été ratifiée par le Parlement, l'ordonnance sur le fondement de laquelle il est intervenu serait frappée de caducité ; qu'il prétend que le décret susvisé du 8 mai 2002 aurait été pris par une autorité incompétente, dès lors que le Premier ministre nommé le 6 mai 2002, signataire de ce décret, aurait été désigné sans que les conditions mises par l'article 50 de la Constitution à la démission du Gouvernement précédent aient été remplies ; qu'à titre subsidiaire, il reproche aux articles 5 de ces deux décrets d'être entachés d'incompétence en tant qu'ils disposent que le scrutin ne pourra être clos après 20 heures ;
5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 38 de la Constitution : « Le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi. - Les ordonnances (...) entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification n'est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d'habilitation » ; qu'en l'espèce, un projet de loi de ratification de l'ordonnance susvisée du 19 avril 2000 a été déposé devant le Parlement le 19 juillet 2000, c'est-à-dire dans le délai imparti par la loi d'habilitation susvisée du 25 octobre 1999 ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que l'article L. 397 inséré dans le code électoral par ladite ordonnance serait devenu caduc est dépourvu de fondement ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 8 de la Constitution : « Le Président de la République nomme le Premier ministre. Il met fin à ses fonctions sur la présentation par celui-ci de la démission du Gouvernement » ; qu'aux termes de l'article 50 de la Constitution : « Lorsque l'Assemblée nationale adopte une motion de censure ou lorsqu'elle désapprouve le programme ou une déclaration de politique générale du Gouvernement, le Premier ministre doit remettre au Président de la République la démission du Gouvernement » ; que ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet d'interdire au Président de la République, en dehors des cas prévus à l'article 50 de la Constitution, de mettre fin aux fonctions du Premier ministre sur présentation par celui-ci de la démission du Gouvernement ; que la nomination des membres du Gouvernement, intervenue en l'espèce avant la signature du décret contesté, est d'effet immédiat ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence des signataires de l'acte attaqué ne peut qu'être écarté ;
7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 172 du code électoral : « Les électeurs sont convoqués par décret » ; que l'article R. 41 du code électoral dispose : « Le scrutin est ouvert à 8 heures et clos le même jour à 18 heures. - Toutefois, pour faciliter aux électeurs l'exercice de leur droit de vote, les préfets pourront prendre des arrêtés à l'effet d'avancer l'heure d'ouverture du scrutin dans certaines communes ou de retarder son heure de clôture dans l'ensemble d'une même circonscription électorale » ; qu'aux termes de l'article 5 du décret de convocation du 8 mai 2002 : « Le scrutin ne durera qu'un jour. Il sera ouvert à 8 heures et clos à 18 heures, sous réserve de l'application des articles R. 41, R. 176-4 et R. 208 du code électoral. - En aucun cas, le scrutin ne pourra être clos après 20 heures » ; que l'article 5 du décret de convocation du 3 mai 2002 comporte des dispositions semblables pour la Polynésie française ;
8. Considérant qu'en énonçant que le scrutin ne pourra être clos après 20 heures, les décrets de convocation susvisés des 3 et 8 mai 2002 n'ont fait qu'encadrer, comme ils pouvaient le faire, l'exercice par les préfets des compétences qu'ils tiennent de l'article R. 41 du code électoral ;
Sur la requête présentée par l'association Déclic :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête :
9. Considérant que l'association Déclic reproche au décret du 8 mai 2002 de porter atteinte au principe d'égalité des électeurs devant le suffrage en ne prévoyant pas des horaires d'ouverture des bureaux de vote des départements d'outre-mer tels que les résultats de métropole ne puissent être connus des électeurs de ces départements avant la clôture des opérations de vote locales ;
10. Considérant que la situation résultant du décalage horaire et critiquée par l'association requérante, si regrettables qu'en soient les inconvénients, ne porte atteinte ni à la sincérité de l'élection, ni à l'égalité devant le suffrage ; que, d'ailleurs, l'article R. 41 du code électoral habilite le préfet à avancer l'heure d'ouverture des bureaux de vote dans certaines communes, de façon que le plus grand nombre possible d'électeurs participe à l'élection avant d'avoir pu prendre connaissance des résultats métropolitains ; que, dès lors, la requête de l'association Déclic ne peut qu'être rejetée,
Décide :
Art. 1er. - Les requêtes susvisées de M. Stéphane Hauchemaille et de l'association Déclic sont rejetées.
Art. 2. - La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 22 mai 2002, où siégeaient : MM. Yves Guéna, président, Michel Ameller, Jean-Claude Colliard, Olivier Dutheillet de Lamothe, Pierre Mazeaud, Mmes Monique Pelletier et Dominique Schnapper.